L’agenda 21 de Nuremberg et l’initiative “mobilité intelligente”

8 novembre 2007

Résumé

L’agenda 21 de la Ville de Nuremberg fonctionne depuis une dizaine d’années sans que le processus ne se soit essoufflé. Une des raisons principales en est l’engagement constant de la Ville qui encourage les citoyens à exprimer leurs propres idées et accompagne leur réalisation autant que possible. Malgré des moyens financiers limités, l’Office de l’Agenda 21 local n’a jamais faibli à soutenir les bénévoles, à faire connaître leurs projets et à lier des contacts avec des sponsors potentiels. La stratégie de communication de l’office a été particulièrement originale et efficace dans le difficile domaine des transports. Le projet ingénieux “mobile de façon intelligente” réussit à inciter un nombre croissant de citoyens à préférer le vélo à la voiture individuelle.


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La nouvelle classification de cet article est :

3.2-Agendas 21 locaux et pratiques territoriales de développement durable

Auteur·e

Ranson, Ina

Ina Ranson, professeur de lettres et philologue de formation, journaliste, participe aux travaux de la
Fondation Léopold Mayer pour le Progrès de l’homme et à ceux de l’Alliance pour un monde responsable
et solidaire. Franco-Allemande, elle a mené plusieurs enquêtes en Allemagne et dans les pays scandinaves
sur le thème de l’approche territoriale du développement durable. Elle est l’auteure de nombreux
articles ou dossiers sur ce thème.


La ville de Nuremberg compte environ 500 000 habitants et elle continue de croître. Les villages et les villes des zones périphériques comptent également 800 000 habitants. Les problèmes de trafic et de pollution constituent un défi permanent auxquels la Ville tente de faire face depuis de nombreuses années en investissant dans un système de transports en commun de proximité de qualité.
La Société des transports en commun de Nuremberg (VAG Nürnberg) relie la ville aux communes des alentours par train de banlieue, par bus ou par tram. Mais un pourcentage bien trop élevé des habitants et beaucoup de “pendulaires” préfèrent encore la voiture individuelle. Comment les en dissuader ? Des démarches lancées dans le cadre de l’agenda 21 local ont prouvé une certaine efficacité.

 Les caractéristiques de l ’Agenda 21 de Nuremberg

La décision de développer un Agenda 21 local à Nuremberg a été prise en mai 1995 par le conseil municipal, après la signature de la Charte d’Aalborg. La première démarche a été l’élaboration d’un rapport sur l’état de l’environnement de la ville, traitant entre autres des relations entre l’économie et l’environnement, de l’énergie, du climat, des transports, de la qualité de l’air et de la planification écologique. Il proposait déjà un certain nombre d’objectifs et de mesures.
Pour les responsables politiques, l’introduction d’un Agenda 21 offrait avant tout de nouvelles possibilités pour mieux impliquer les citoyens et les prestataires de service dans les projets de planification urbaine. Pour susciter, coordonner et accompagner cette participation, la Ville nomma un Chargé de mission et installa le “bureau de l’Agenda 21 local” à la mairie, dans les services de l’environnement. En 1997, une première invitation fut adressée à une soixantaine de personnes appartenant aux milieux de l’administration, de la politique, de l’économie ainsi qu’aux différentes associations. Peu de temps après, en mars 97, une nouvelle manifestation s’adressa à un public plus large. Elle était destinée à marquer le lancement de l’Agenda 21 local, à diffuser largement l’information et à recueillir des idées de projets. Cette réunion permit de formuler déjà de nombreuses idées de projet et de définir les centres de gravité de l’AG 21 à Nuremberg. Au cours de cette manifestation, on créa quatre tables rondes pour les thèmes “énergie et climat”, “environnement et économie”, “éducation à l’environnement et communication”, “aménagement urbain écologique”. Plus tard, de nouvelles tables rondes se sont ajoutées : “durabilité sociale” et “les enfants et les jeunes”.
Les tables rondes réunissent les représentants des groupes de projets. C’est dans ces groupes que se fait le travail concret. Il s’agit d’abord de développer les propositions. Ce travail est aidé par un expert désigné pour la table ronde, un responsable administratif. Mais ce dernier n’empiète pas sur la prise de décisions. Il doit s’en tenir à un rôle de conseiller. Le groupe s’efforce aussi de trouver des financements.
L’office de l’Agenda 21 local qui dispose d’un budget limité, aide les groupes à professionnaliser la présentation des projets et à lier des contacts avec des sponsors potentiels. Il assure la médiatisation des actions, il appuie le travail de motivation des habitants.

Même si à Nuremberg, l’Agenda 21 local a été décidé par la Collectivité, son succès a tenu dès le départ à l’engagement volontaire de personnes très motivées. Aujourd’hui, plus de 450 personnes provenant de groupes sociaux divers - des associations, de l’économie, de la politique et de l’administration - travaillent de façon bénévole à plus de 40 projets.
Il s’est avéré que dans chacune des tables rondes, les questions concernant les transports occupent une place importante.

 Les mesures “dures” ne sont pas suffisantes

L’Agenda 21 et le concept de la durabilité ont joué un rôle important dans la préparation du Plan d’Occupation des Sols (Flächennutzungsplan, FNP), préparation qui a duré plus longtemps que prévu, en partie à cause du processus de participation. En voici ses grandes lignes :

  • favoriser le rapprochement des lieux de vie, de l’habitat et du travail (modèle de la ville des “courtes distances”) ;
  • rendre plus attractive l’utilisation des transports en commun, à Nuremberg même et dans les environs ;
  • mettre à la disposition des entrepreneurs et des habitants de nouveaux terrains situés aussi près que possible des lignes de transports en commun existantes ou futures ;
  • faciliter la circulation pour les cyclistes et les piétons.

Un travail particulièrement efficace a été réalisé dans les groupes qui ont développé des projets de préservation d’espaces verts, de corridors verts et d’aménagement de pistes cyclables. Le groupe de travail “marketing de l’économie durable” qui s’engage pour “une économie des “courtes distances” a également eu beaucoup de succès. Il offre des conseils gratuits aux consommateurs et s’efforce de faire connaître le label “original régional” mis en valeur aujourd’hui même dans des supermarchés.

En réponse à la demande des acteurs de l’Agenda 21 local, la Ville a complété les “mesures dures” par :

  • une offre améliorée de transports en commun ;
  • une restriction des parkings ;
  • l’interdiction de rouler à plus de 30km/h ;
  • la création d’infrastructures agréables pour tous les transports doux.

Ces efforts risquent cependant de rester sans succès significatif si les habitants ne sont pas prêts à changer leurs habitudes.

 “Nürnberg – intelligent mobil” :

une politique de communication inventive et originale

Que faire pour créer un climat favorable aux alternatives ? Comment changer l’image du piéton et du cycliste ?
La politique de communication développée dans le cadre de l’Agenda 21 local a inventé des stratégies originales et efficaces avec le projet “Nürnberg – Intelligent Mobil” Lancée en avril 2000, par le service de l’environnement, en coopération avec le département municipal pour le développement économique, l’office d’urbanisme et la société de transport en commun (VAG Nürnberg), son objectif est d’inciter les citoyens à changer leur comportement, en leur montrant que les alternatives à la voiture individuelle sont souvent plus rapides, plus commodes et surtout plus gaies. Il s’agit de le prouver concrètement, sans relâche et surtout de façon amusante. A Nuremberg, on a compris que les actions de communication doivent s’inscrire dans le long terme. Elles sont devenues un élément essentiel du plan d’assainissement de l’air de la ville.
Voici quelques exemples de la stratégie de sensibilisation du projet “intelligent mobil” présentés ci-après.

“Mutants pour un an”

En 2000, le projet “Mutants pour un an” lança une invitation à des volontaires prêts à s’engager par contrat à renoncer à leur voiture pendant un an. Il n’était pas difficile de trouver des candidats, d’autant plus qu’ils devaient recevoir un vélo, des vêtements de pluie, un abonnement pour les transports en commun, quelques bons de taxis et d’autopartage. Entre mars 2001 et mars 2002, 20 personnes, représentatives de différents milieux sociaux et de situations familiales diverses, démontraient qu’ils avaient fait un bon choix. Les résultats et les discussions autour de leurs expériences étaient diffusés dans les médias et suscitaient un intérêt considérable.

À la fin de l’année, une enquête auprès des participants au projet montrait qu’environ un tiers continuait à renoncer à la voiture ; la moitié ne l’utilisait plus que de temps en temps ; une seule personne était revenue à ses vieilles habitudes.

Et des députés exemplaires !

A Nuremberg, 46 % des trajets effectués en voiture mesurent moins de 5 km. Pourquoi ne pas prendre plutôt le vélo ? C’est souvent plus amusant et meilleur pour la santé ! En 2005, ce fut le tour de députés d’en convaincre les citoyens. Entre le 4 et le 31 juillet, ils devaient noter tous les jours le nombre de km qu’ils faisaient en vélo, dans le cadre de leur travail et de leurs loisirs. Le lendemain, les organisateurs du projet recueillaient les informations et les publiaient dans la presse et sur Internet, agrémentées de petites histoires. Un sponsor avait promis 50 cents pour chaque km effectué. A la fin du mois, les députés cyclistes avaient réuni une belle somme qu’ils destinèrent à un projet de mobilité écologique, bien mis en valeur par les médias.
Cette action a eu tellement de succès qu’elle a été relancée deux fois, motivant d’autres sponsors pour de nouveaux projets, entraînant d’autres députés et, au cours de l’été 2007, les députés de la ville de Dresde sont entrés en compétition avec leurs collègues de Nuremberg, ce qui a encore augmenté l’intérêt du projet et, espère-t-on, motivé des citoyens à suivre ces bons exemples.

De nombreuses autres actions s’enchaînaient. Conçues de façon à intéresser les médias, elles atteignent une grande partie de la population :

“Banquiers à vélo”

Du 1er juillet au 4 septembre 2002, le département de l’environnement de la Ville organisa le projet “bankers on bike” (banquiers à vélo). Y participaient les établissements les plus en vue (Commerzbank, Deutsche Bank, Dresdner Bank, Hypo-Vereinsbank, Sparkasse Nürnberg, UmweltBank). Représentants typiques d’employés convenablement habillés, les participants pouvaient démontrer que le vélo constitue pour eux aussi une bonne alternative à la voiture. Les habitants de Nuremberg suivaient l’action par Internet. Pendant 66 jours, les banques concurrentes essayaient de motiver le plus grand nombre possible de leurs collaborateurs. Tous les jours, un décompte des participants et le pourcentage du personnel étaient publiés. Le résultat fut flatteur pour la UmweltBank (banque d’environnement) qui fût déclarée gagnante. Toutes les banques ont souligné que l’action a apporté beaucoup de plaisir et ressoudé les équipes. La fin de l’action fut couronnée par une fête pour les participants. Un nombre non négligeable d’employés a ensuite continué l’expérience.

Exposition sur la mobilité

En mars/avril 2003, les habitants de Nuremberg pouvaient visiter une intéressante exposition sur la mobilité dans la Mairie de leur ville.

Musique et mobilité

En juillet 2003, le département de l’environnement invita les Nurembergeois à une action “musique et mobilité” Elle mit la notion de la mobilité au centre de manifestations artistiques : des concerts (par exemple “une brise – action futile pour 111 cyclistes de Maurice Kagel), des poèmes, des histoires...L’objectif était aussi de faire réfléchir le public sur son propre comportement dans le domaine de la mobilité.

Cycliste du mois

L’action “cycliste du mois”, entre avril et septembre 2004, était en grande partie sponsorisée par une entreprise fabriquant des vélos : à certains endroits de Nuremberg, des journalistes photographiaient des cyclistes et leur demandaient s’ils acceptaient un entretien. Un grand nombre remplissaient les conditions requises pour la qualification recherchée : ils habitaient à Nuremberg, ils faisaient au moins 2 km pour aller à leur lieu de travail, ils y allaient en vélo au moins une fois par semaine. Le gagnant du mois était présenté dans le quotidien de Nuremberg et recevait un bon d’achat de 150 €. Six personnes ont ainsi démontré pour beaucoup de lecteurs que le vélo constitue une alternative à la voiture pour toutes les professions, indépendamment de l’âge.
Les conseils ou tuyaux transmis étaient aussi différents que les personnes interviewées : depuis le médecin soulignant les mérites du vélo pour la santé, jusqu’à la dame très élégante, bien équipée pour affronter toutes sortes de mauvais temps. L’action, médiatisée avec succès, a permis par ailleurs de recueillir des informations pour les statistiques et de donner des idées aux responsables de planification.

Marché aux puces de la mobilité

En juillet 2004, un “marché aux puces de la mobilité” (Mobilitätsflohmarkt), réservé aux véhicules qui roulent sans moteur, attirait beaucoup de monde. Presque tous les articles, depuis les rollers jusqu’aux vélos sophistiqués, changeaient de propriétaires.

Semaine de la mobilité

Au cours de la semaine de la mobilité, en septembre 2004, différentes entreprises, associations et la VAG (la société des transports en commun locaux) ont organisé des actions mobiles informatives et ludiques pour six maisons de retraite de la ville. Les personnes intéressées ont eu l’occasion d’essayer des vélos spéciaux, adaptés à certains problèmes de santé ou/et équipés de moteurs électriques (avec accumulateurs rechargés à l’énergie solaire) et de connaître les offres de la VAG.
En 2005, les organisateurs associaient des élèves à cette manifestation. Ceux-ci se mettaient au service des personnes âgées, se chargeant par exemples de certaines courses, bien sûr en vélo ou en voiture “solaire”. La VAG invitait les seniors à une excursion, pour leur montrer comment les transports en commun étaient agréables et faciles à utiliser.

Un rallye pour les écoliers

De nombreuses autres actions s’adressent aux jeunes. Par exemple en mai 2005, la ville, aidée par les participants de “l’année écologique volontaire” organisa un rallye pour les élèves de différents établissements scolaires. Ils devaient partir au même moment, de la place de la mairie, pour visiter, par les transports en commun, dix endroits à Nuremberg où ils s’exposaient à des tests concernant leur compétence dans les questions de mobilité et des meilleurs trajets. Les vainqueurs reçurent des prix et furent reçus par le maire. L’objectif de ce projet était de montrer les atouts des transports en commun et de faire passer, avant l’âge du permis, le message qu’on peut très bien s’amuser sans voiture.

Les fonctionnaires à vélo

A noter que les membres de l’administration municipale participent depuis des années à l’action “Au travail à vélo !”, action lancée par l’assurance locale de maladie (AOK) en coopération avec “Intelligent Mobil” La Ville de Nuremberg subventionne d’ailleurs les abonnements aux transports en commun de ses employés, ses ouvriers et ses fonctionnaires.
On pourrait citer encore d’autres projets de sensibilisation et d’information ciblée conduits dans différents quartiers tels que des “tours de ville” et des “tours des environs”, à vélo, proposées à tous les âges. Les nouvelles idées ne manquent pas.

 L’efficacité de l’Agenda 21 dans le domaine des transports

En résumé, on peut dire que l’Agenda 21 de Nuremberg présente un bon exemple de processus n’ayant pas perdu de sa dynamique. Dans le domaine des transports, l’Agenda 21 a apporté de nettes améliorations, surtout pour les piétons et les cyclistes et le projet “intelligent mobil”, bien relayé par les médias, continue avec un succès certain, d’inciter les habitants à favoriser les transports doux. Même si les indicateurs chiffrés sont encore peu nombreux, on constate que la part des déplacements en vélo augmente régulièrement (de 9 % à 10 % en un an), que celle des transports en commun a atteint 23 % en 2006 et que le trafic automobile est aujourd’hui inférieur à ce qu’il était en 1999.
Les responsables du projet ne relâchent pas leurs efforts car la réduction du trafic motorisé dans la Ville reste une préoccupation constante.

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 Bibliographie

Pour en savoir plus

 Une documentation détaillée du processus de l’Agenda 21 local de Nuremberg est disponible au Centre documentaire
de 4D.

 Lire dans l’encyclopédie

* Charlotte Renard, Les agendas 21 locaux et les projets territoriaux de développement durable en France. (N°73) Novembre 2008.

* Pierre Calame, Le territoire, brique de base de la gouvernance (N°55) Novembre 2007.

* Ina Ranson, L’agenda 21 de Munich (N°53) Novembre 2007.

* Jean-Pierre Piéchaud, Ville et développement durable (N°11) Juin 2006.

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