Résumé
Växjö, ville suédoise qu’en France on qualifierait de “moyenne”, veut s’affranchir des combustibles fossiles. Cet objectif s’applique à l’ensemble du territoire communal, ce qui implique que tous les habitants, entreprises, ONG et collectivités publiques doivent y contribuer. Les résultats sont déjà probants : les émissions de CO2 par habitant ont baissé de 32 % entre 1993 (adoption d’un Agenda 21) et 2007. L’objectif de la municipalité, à terme, est d’arriver à une situation de zéro émission de carbone.
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La nouvelle classification de cet article est :
• 3.2- Agendas 21 locaux et pratiques territoriales de développement durable
• 5.3- Changement climatique
Auteur·e
Responsable de projets à Energie-Cités - www.energie-cites.eu, l’association des municipalités européennes pour une politique énergétique locale durable.
Située au sud de la Suède dans une région très boisée, la commune de Växjö est constellée de lacs, notamment la ville centre Mais ces lacs ont beaucoup souffert d’eutrophisation et de pollution au cours du 20e siècle au point d’atteindre une véritable situation de crise au début des années 70. Un programme de remise en état fut alors lancé pour les faire revivre. La qualité de l’eau s’est depuis nettement améliorée et les habitants apprécient aujourd’hui de pouvoir pêcher, voire même se baigner, dans le lac le plus proche de la ville. Les lacs ayant retrouvé leur santé,ils sont désormais intégrés au plan d’urbanisme de la ville et constituent un atout de premier plan pour son développement.
Cette mobilisation et sa réussite ont fortement influencé et marqué les élus de Växjö pour l’avenir. Peu après, dans les années 80, les premiers pas en matière énergétique ont commencé, pour garantir l’approvisionnement énergétique, par le recours à la biomasse. Suite aux chocs pétroliers des années 70, la compagnie énergétique municipale, Växjö Energy Ltd (VEAB), a souhaité réduire sa vulnérabilité et sa dépendance vis-à-vis de tels événements extérieurs en cherchant des solutions alternatives au pétrole, solutions qui garantissent un approvisionnement sûr et des prix plus stables. La biomasse s’est rapidement imposée. En effet, l’industrie forestière peut fournir à VEAB quantités de copeaux et sciures de bois dont elle n’a pas usage. Ces matériaux offrent également l’avantage d’être moins chers que le pétrole. C’est ainsi qu’en 1980, Växjö fut la première ville suédoise à utiliser la biomasse pour produire du chauffage urbain, même si, à l’époque, une grande partie de l’énergie utilisée provenait encore du pétrole.
Cette décision a eu des effets secondaires positifs :protection de l’environnement (même si presque personne ne parlait de changement climatique à l’époque),création d’emplois, et donc plus de recettes fiscales pour la municipalité. Et, suite à l’introduction d’une taxe nationale sur le CO2 au début des années 1990, la biomasse s’est avérée une très bonne solution d’un point de vue financier. Les habitants raccordés au réseau de chauffage urbain ont ainsi pu bénéficier d’une énergie moins chère.
Comme une île |
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“L’endroit où les routes rejoignent les lacs” en est tellement entouré qu’ils lui donnent une allure insulaire ; et quand il y a moins d’eau,ce sont les forêts qui enclavent Växjö. Ce chef-lieu du comté de Kronoberg, compte 80 000 habitants (55 000 dans la ville centre), une université et environ 8 000 entreprises (services, le commerce et l’éducation constituent les principaux secteurs d’activité).Les nombreuses forêts environnantes constituent un élément essentiel de la politique énergieclimat de la ville et sa principale source de bioénergie. |
En 1995, la Ville de Växjö commença à travailler avec la plus grande ONG environnementale de Suède, la Société Suédoise pour la Protection de la Nature (Swedish Society for Nature Conservation - SSNC). Växjö voulait en effet lancer de nombreux projets environnementaux mais souhaitait vérifier le bien-fondé de ses actions. La coopération devait durer trois ans au départ. De nombreux séminaires et formations furent organisés dans le cadre de cette coopération, source d’un fructueux dialogue entre la SSNC, le personnel municipal et les élus. De nombreuses tables rondes, où ONG, entreprises et citoyens pouvaient participer et faire part de leurs idées, furent également organisées et constituèrent le véritable point de départ du travail sur l’agenda local 21.
Au cours de cette coopération, la SSNC a souhaité faire de Växjö un exemple unique et remarquable.
À cette date, en 1996, soit un an avant l’élaboration du protocole de Kyoto, le débat sur le climat commençait à s’intensifier sur la scène internationale. Au niveau local, Växjö disposait déjà, on l’a vu, d’une solide expérience en matière d’utilisation de la biomasse pour la production de chaleur et d’électricité. L’université de Växjö était également connue pour ses recherches dans le domaine de la biomasse, et quelques entreprises travaillaient activement dans les secteurs de la bioénergie et de l’industrie forestière. Växjö avait donc toutes les cartes en main pour obtenir des résultats, à condition que l’ensemble des acteurs concernés travaillent de concert.
Un séminaire fut organisé, où des experts furent invités à s’exprimer sur l’importance de réduire les émissions de CO2, tandis que des entreprises et d’autres acteurs vinrent donner leur point de vue sur une ville sans combustible fossile. Très vite, une décision politique fut prise à l’unanimité en vue de faire de Växjö une ville sans combustible fossile (cette décision s’appliquant à l’administration municipale et à l’ensemble du territoire communal) et de réduire de 50 %, par rapport à 1993,les émissions de CO2 par habitant d’ici à 2010. Aucun délai ne fut donné pour faire de Växjö une ville sans combustible fossile, mais un objectif régional du comté de Kronoberg fixait à 2050 la suppression des combustibles fossiles à l’échelle du comté, ce qui impliquait donc que Växjö mette en œuvre sa vision d’ici là. En 2006,l’objectif de baisse des émissions de CO2 fut revu à la hausse à l’occasion de l’adoption du nouveau Programme Environnement, pour atteindre une réduction de 70 % par habitant, (par rapport à 1993 où déjà le recours à la biomasse avait porté ses fruits), d’ici à 2025.
Lorsque la décision de 1996 fut prise, personne ne savait s’il serait possible d’atteindre l’objectif fixé pour 2010, ni le type d’action qu’il convenait de mettre en place pour y arriver. Or en 1997, le gouvernement suédois annonça que 600 millions d’euros seraient alloués pour aider aux investissements locaux pour la protection de l’environnement à travers les Programmes d’Investissement Local, destinés à améliorer l’environnement. Ce dispositif contribua à favoriser le rapprochement des acteurs locaux autour de débats thématiques afin de savoir quel type de projet intégrer au PIL de Växjö et quelles actions mener dans le cadre de l’Agenda 21 Local. Par la suite, nombre de projets liés au climat mis en place à Växjö ont été cofinancés par le gouvernement suédois ou par la Commission européenne.
La stratégie de Växjö associe des actions destinées à agir sur les comportements, des mesures d’amélioration de l’efficacité énergétique, ainsi que l’utilisation des énergies renouvelables dans le secteur des transports et pour la production de chauffage et d’électricité.
Il est très difficile de convaincre les habitants de changer de comportement si cela implique des sacrifices financiers ou une modification de leur style de vie. Ainsi, s’il est souvent financièrement rentable d’adopter les biocarburants ou de prendre des mesures pour améliorer l’efficacité énergétique
— voire même plus pratique pour ce qui est du chauffage urbain – il est plus difficile de laisser sa voiture au garage pour se mettre au vélo. Il faut donc que l’abandon des combustibles fossiles soit perçu comme un facteur qui facilite la vie au travers, par exemple, d’un chauffage urbain moins cher et plus pratique, d’un réseau de transports publics bien pensé, ou encore de l’existence de pistes cyclables et piétons adaptées. L’idée n’est pas, en effet, de punir ceux qui ne participent pas aux objectifs fixés, mais d’encourager ceux qui y contribuent.
Mais la meilleure énergie étant celle que l’on ne consomme pas, agir sur l’efficacité énergétique revêt une importance capitale. Plusieurs études ont montré qu’il était possible de réduire la consommation d’énergie de 20 %. Le gisement d’économies d’énergie, et donc d’économies financières, est considérable dans les entreprises et les administrations publiques, mais également chez les particuliers. Dans le cadre du projet européen SESAC [1], les projets de démonstration de Växjö consistent en la construction de logements à forte performance énergétique, notamment pour le logement social, l’installation de compteurs individuels, l’augmentation de la production de biogaz, l’installation de panneaux photovoltaïques sur une école et la production de froid par absorption. La dissémination d’expériences, l’amélioration des politiques de gestion de l’énergie, le suivi des consommations et les visites techniques sont également des éléments important de ce projet.
Les produits de l’exploitation forestière sont utilisés pour produire de la chaleur ainsi qu’une grande partie de l’électricité utilisée. Quant à l’énergie solaire, son potentiel pour la production de chaleur et d’électricité n’est pas encore pleinement exploité. Pour ce qui est du chauffage, le fuel domestique et l’électricité ont été remplacés par le chauffage urbain en ville et dans les petites localités urbaines. À la campagne, les chaudières à bois et à granulés ont remplacé les chaudières à mazout. Environ un quart de l’électricité consommée sur le territoire de la municipalité est produit sur ce même territoire. Le solde est importé de l’extérieur, mais en améliorant encore l’efficacité énergétique, Växjö peut espérer devenir de plus en plus autonome pour ce qui est de la production d’électricité.
Le secteur des transports est responsable de 80 % des émissions de CO2 émises à Växjö. Afin d’améliorer l’efficacité énergétique des déplacements la ville espère remplacer les carburants fossiles par des biocarburants.
Au commencement était un Agenda 21 local… |
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Il y a quarante ans, le principal sujet de préoccupation était l’eau. Nous avons alors essayé de protéger nos sources d’eau, de dépolluer nos lacs, et tout déversement de produits nocifs est désormais interdit, à l’exception des amendements utilisés en agriculture et dans le domaine forestier. Nous avons interdit la mise en décharge des produits acidifiants, et de toutes substances dangereuses en général, et récupérons l’eau de pluie par infiltration. L’eau des lacs du Comté est aujourd’hui propre et sans danger pour la santé, et il est possible de s’y baigner et de manger les poissons qui y sont pêchés. |
En 1995 a commencé notre collaboration avec l’ONG suédoise Society for Nature Conservation, qui a abouti à la publication d’un programme pour le développement durable dans le cadre d’un Agenda 21 local. [2] (…). Nous nous sommes en effet intéressés à l’industrie, aux transports, à l’énergie, à l’information, à l’éducation, à la recherche, au gaspillage, à l’eau et au traitement des eaux usées, à l’agriculture et à l’urbanisme, domaines qui ont constitué nos axes d’action prioritaires. Nous avons également décidé de faire un travail de sensibilisation aux niveaux local, national et international et avons intégré de nombreux réseaux internationaux dans le domaine de l’environnement. |
En 1996, la municipalité de Växjö a décidé (…) de ne plus utiliser à terme les combustibles fossiles, ceux-ci ne devant représenter en 2010 que 50 % de notre consommation. Fort heureusement,nous ne nous sommes pas demandé si cette décision était réaliste ou non. Il faut en effet une bonne dose d’optimisme pour inventer une vision de l’avenir…” |
Bo Frank, maire de Växjö [3]
Actions concernant l’utilisation des énergies renouvelables
pour la production de chaleurs et de froid
Le secteur qui a obtenu les meilleurs résultats jusqu’à présent est celui du chauffage. En 2007, 91 % de l’énergie utilisée pour le chauffage était produite à partir de sources renouvelables, essentiellement la biomasse.
La compagnie énergétique municipale VEAB, approvisionne la ville en chauffage urbain depuis le début des années 1970. Le nombre de raccordements au réseau a régulièrement augmenté depuis, et aujourd’hui, presque toute la ville est alimentée en chaleur par le réseau de chauffage urbain. Dans le même temps, l’utilisation du fuel pour faire fonctionner le réseau a quasiment été éliminée.
La principale centrale de Växjö produit de la chaleur et de l’électricité par cogénération, tandis que les centrales périphériques, de plus petite capacité, ne produisent que de la chaleur.
Bien qu’à l’origine le réseau de chauffage urbain ait été conçu pour alimenter des bâtiments avec de forts besoins en chaleur, comme des immeubles de bureaux, d’habitation, des écoles ou des industries, la ville s’est aperçue que des maisons individuelles pouvaient facilement y être raccordées. De nombreux particuliers ont demandé le raccordement de leur logement, même lorsque celui-ci était équipé d’un chauffage électrique demandant des coûts de conversion plus élevés. Cela est valable également pour les maisons individuelles en milieu rural, qui, grâce aux fonds du gouvernement dans le cadre de son programme LIP [4], ont pu être équipées de chaudières à bois, à granulés de bois ou de panneaux solaires en remplacement de leur chaudière à fuel.
La biomasse permet également de réduire la consommation d’électricité liée à l’utilisation croissante des systèmes d’air conditionné. La production de froid est rendue possible par absorption à partir d’un réseau de chauffage urbain. Une installation pilote existe déjà sur le site de l’unité de cogénération, et il est prévu d’installer des unités de refroidissement encore plus importantes en d’autres points de la ville.
Bien que le réseau de chauffage de urbain ait fortement diminué sa consommation de fuel, il n’est reste pas moins que cette consommation représente encore un quart du fuel consommé sur la municipalité de Växjö. Quant à l’unité de cogénération, elle utilise 5 % de tourbe, une source d’énergie qui contribue à l’effet de serre. Mais l’élévation des prix du pétrole et les taxes sur le CO2 ont incité à trouver des substituts au fuel, une tendance qui devrait continuer à jouer en faveur des énergies renouvelables.
Actions en faveur de la production d’électricité d’origine
renouvelable
L’électricité produite localement (27 % de la consommation) provient essentiellement de l’unité de cogénération et est produite à partir de biomasse et de tourbe. VEAB a été la première entreprise à produire de l’électricité à partir de la biomasse en 1983 et il est prévu de convertir une autre centrale de chauffage urbain à la cogénération. Environ 1 % de l’électricité produite localement est d’origine hydraulique, éolienne et solaire.
Actions pour améliorer l’efficacité énergétique
Environ 20 % de l’électricité utilisée par l’administration municipale sert à l’éclairage public. À Växjö, les anciennes ampoules ont été systématiquement remplacées par des ampoules plus performantes et plus respectueuses de l’environnement, avec à la clé une baisse de 50 % de la consommation.
Par ailleurs, des compteurs individuels raccordés à un écran ont remplacé les compteurs collectifs dans les appartements et logements étudiants, afin de permettre aux habitants de suivre leurs consommations. Cette mesure engendre à elle seule une baisse d’environ 20 % de la consommation. On constate en effet un écart de 34 % entre les consommations de ces appartements et celles de logements similaires construits en Suède.
Mais les occupants d’une maison ou d’un appartement ne peuvent pas toujours contrôler toute l’énergie consommée par le bâtiment. Certaines mesures doivent être mises en place dès la phase de construction. C’est pourquoi des consommations maximales au m2 ont été imposées. Les constructeurs doivent par conséquent soigneusement réfléchir à l’isolation, à la ventilation, etc. Cette démarche peut entraîner des coûts de construction et des loyers plus élevés, mais qui sont compensés par de plus faibles factures d’énergie pour les occupants.
Immeubles en bois à Växjö
Source : SESAC
De nombreux bâtiments économes en énergie ont été construits à Växjö dans le cadre du projet européen SESAC. Au titre de ce projet, les bâtiments doivent justifier d’une consommation énergétique de 30 à 40 % inférieure à la législation nationale en la matière. Dans le quartier de Välle Broar, par exemple, les logements ne présentent pas seulement une très haute performance énergétique,ils sont aussi construits en bois, stockant ainsi du carbone. Ce quartier compte d’ailleurs les quatre bâtiments en bois les plus hauts d’Europe. En 2008, l’organisme municipal de logements sociaux Hyresbostäder lança la construction des premiers logements “passifs” de Växjö.
Actions en faveur des carburants verts
dans les transports
A Växjö, 4 % des carburants utilisés dans le secteur des transports sont issus de sources renouvelables. La première station distribuant de l’éthanol à Växjö date de 1999. Une société locale avait en effet converti un véhicule pour fonctionner à l’éthanol et avait besoin d’un point de distribution. Le nombre de véhicules et de stations utilisant de l’éthanol stagnèrent pendant quelques années, puis les quantités d’éthanol vendues doublèrent tous les ans à partir de 2002.En 2007, on pouvait trouver de l’éthanol dans 11 points de vente, uniquement répartis en milieu urbain.
Malgré l’unité de production installée à la station d’épuration, ce n’est qu’en 2007 que le biogaz commença à être utilisé dans les transports. L’intérêt pour le biogaz est particulièrement élevé à Växjö,mais le gisement disponible ne permet de faire fonctionner qu’environ 80 véhicules. Cependant, la collecte de déchets ménagers organiques pourrait remédier à ce problème, en tout cas suffisamment pour alimenter les bus de la ville et d’autres véhicules.
Depuis la fin des années 1990, la Ville de Växjö a participé à de nombreux projets en collaboration avec l’Université de Växjö, Volvo et d’autres acteurs, afin de développer des biocarburants de 2e génération. L’idée est d’utiliser de la biomasse dans une unité de gazéification et d’en retirer un gaz pouvant servir à produire du DME [5], du méthane, du FT-diesel [6], voire même de l’hydrogène. Mais la décision de construire, ou non, une unité de gazéification à Växjö n’a pas encore été prise, loin s’en faut, et il reste encore à déterminer le lieu et la date d’une éventuelle construction, ainsi que le type de carburant qui y serait produit.
Actions visant à réduire l’impact des transports sur le climat
Växjö compte plus de 150 km de pistes cyclables, ce qui facilite grandement l’usage du vélo. Il est question de construire des autoroutes-vélo qui relieraient les zones résidentielles au centre ville sans jamais croiser les autres voies de circulation...
Le taux de fréquentation des transports publics (bus) est élevé, mais le nombre de passagers peut encore être amélioré. Au cours des prochaines années, les actions visant à rendre plus attractifs les transports publics auront la priorité. Selon l’agence nationale de la statistique, 46 % des ménages de Växjö n’ont pas de voiture, ce qui souligne encore l’importance d’améliorer l’offre de transports publics, ainsi que les équipements cyclistes.
La Ville de Växjö a souhaité optimiser le transport de marchandises vers le centre ville en construisant une plateforme où les camions des sociétés de transport viennent décharger les marchandises à destination du centre ville, marchandises qui y sont ensuite acheminées par d’autres véhicules. Il est prévu de construire un système similaire pour les marchandises destinées à l’administration municipale. Des entreprises de transport de Växjö ont également commencé à utiliser des systèmes de localisation par satellite afin d’améliorer leur performance. Grâce à ce système, une entreprise de taxi a ainsi pu réduire de 20 % sa consommation de carburant.
En ce qui concerne les déplacements motorisés, la Ville de Växjö essaie d’inciter les habitants et les entreprises locales à utiliser des véhicules moins polluants. Depuis 2002, ces véhicules peuvent ainsi bénéficier d’un stationnement gratuit, une mesure qui a rapidement connu un vif succès. Pour accélérer encore le processus, la Ville de Växjö offre une subvention à toute personne pour l’achat d’un véhicule plus écologique. En 2004, Växjö enregistrait la plus forte vente de Ford Focus par habitant en Suède roulant à l’éthanol et le record des ventes de Toyota Prius hybride en Europe ! Fin 2007,près de 2,5 % du parc de voitures particulières de Växjö était composé de véhicules écologiques, pour la plupart roulant à l’éthanol. Cette subvention est désormais disponible sous forme d’une subvention nationale.
Aux deux tiers du parcours par rapport à l’objectif 2010, qui était de baisser les émissions de CO2 par habitant de 50 % par rapport à 1993.Mais il est maintenant aussi programmé de les avoir réduites de 70 % d’ici à 2025.C’est un défi pour la ville que de savoir rebondir sur sa réussite antérieure, d’autant plus que les secteurs concernés et les ressources à mobiliser n’offriront plus les mêmes réserves d’action.
Grâce aux actions décrites ci-dessus et à d’autres nombreuses autres initiatives, la baisse enregistrée en 2007 était de 32 %. Il faut cependant rappeler que ces 32 % doivent beaucoup aux mesures déjà prises bien avant 1993 : à cette date, les émissions de CO2 étaient déjà relativement basses. En 2007, elles atteignaient 3 131 kg par habitant, contre 4 630 kg en 1993. Ce qui veut dire que déjà en 1993, Växjö émettait moins d’émissions par habitant que la moyenne en Suède aujourd’hui. Mais l’écart s’est plutôt accentué dans les années 1990, et les évolutions sont parallèles depuis lors, du fait de la politique active de la Suède pour la réduction des émissions, qui la place dans le peloton de tête des pays industrialisés. Le graphique ci-dessous montre que, dans le même temps les PIB local et national par habitant évalués par les services statistiques suédois sont sensiblement au même niveau et ont connu la même croissance.
Graphique n° 1 – Emissions de CO2 et PIB par habitant,Växjö
et Suède entière (Source : services statistiques suédois)
En regardant de plus près ces émissions, on s’aperçoit que 80% sont issues du secteur des transports,11 % du chauffage et 9 % de l’électricité.
Le résultat le plus spectaculaire a été obtenu par la diminution des émissions dues au chauffage qui ont baissé de 80 % par rapport à 1993. Celles qui proviennent de la production d’électricité ont diminué plus que la moyenne (- 38 %), mais la part de l’électricité produite avec des sources non renouvelables demeure importante (voir aussi graphique 3) . Les transports en revanche demeurent un sujet sensible. Par rapport à 1993, les émissions de CO2 du secteur, par habitant, ont augmenté de 10 %. Elles ont en fait enregistré un pic en 2001 et sont en baisse depuis ce qui s’explique par l’accroissement de l’utilisation des biocarburants, mélangés à l’essence et au diesel, aux véhicules écologiques et peut-être aussi, à un changement dans les comportements. Dans le même temps, le trafic a, quant à lui, augmenté bien au-delà de 10 %.Cela va rendre nécessaire une action d’autant plus vigoureuse que, dans les autres secteurs, des gains supplémentaires risquent d’être plus difficiles à obtenir – ce que montrent d’ailleurs les courbes au cours des dernières années. Ceci est cependant la contrepartie du fait que ce ne sont pas les transports qui jusqu’à présent ont le plus mobilisé les responsables et la population. C’est donc, a fortiori, désormais sur ce secteur que va se jouer la réussite de l’expérience de Växjö.
Graphique n° 2 - Emissions de CO2 par secteur et habitant,Växjö
(Source : Stratégie climatique, Commune de Växjö)
On voit que le couple “chauffage / biomasse ” domine le nouveau bilan énergétique et les gains importants en réduction des émissions de CO2 de Växjö. Le graphique n° 3 montre que c’est également lui qui détermine le partage par moitié atteint dans ce bilan entre énergies renouvelables (R) – à gauche, en nuances de vert,51 % –,en les non renouvelables (non R) à droite, en nuances de rouge. Bien entendu, la disponibilité de la ressource forestière joue un rôle important, mais l’avance de Växjö dans l’usage de la biomasse (35 %) comparé à la moyenne suédoise déjà considérable (27 %) permet aussi de mesurer l’effort spécifique de la première.
Graphique n° 3 : Consommation d’énergie par source,Växjö, 2005
(Source :“Fossil fuel free Växjö”, commune de Växjö)
Dans la mesure où, désormais, la question des transports va être primordiale dans la nouvelle période d’action qui s’ouvre, ce n’est pas une simple prolongation linéaire de ce modèle qui va permettre d’y faire face. Ainsi, ce qui a été possible en matière de développement des modes urbains doux ne suffira sans doute pas aux problèmes de trafics interurbain ou de circulation de transit – dans une ville qui est un carrefour de fret. On peut s’attendre aussi à ce qu’une course de vitesse entre l’incorporation de plus
de carburants d’origine végétale dans l’essence et le diesel d’une part, et l’augmentation du trafic d’autre part, soit à l’origine de tensions dans la réalisation des objectifs pour 2025.
Il est dès lors utile de discerner dans les épisodes précédents de l’action de décarbonisation de la ville les atouts dont elle a bénéficié ou dont elle a su se doter, et de s’interroger sur leur efficacité pour l’avenir, en allant des plus circonstanciels aux plus sociétaux.
- 1. Les facilités de financement. Växjö a réussi à obtenir des fonds, que ce soit de l’État Suédois ou de l’Union Européenne, pour financer une grande partie de ses actions. Il convient de rappeler que Växjö n’aurait probablement pas bénéficié d’un tel soutien national et international si elle s’était montrée moins engagée politiquement et si elle n’avait pu compter sur le soutien d’autres organismes. La pérennisation de ces soutiens est probablement liée à la capacité de la ville à continuer son chemin dans une action en quelque sorte pilote, où les avantages naturels (comme la foresterie) compteront moins que l’inventivité et la créativité.
- 2. La coopération. Le programme visant à faire Växjö une ville sans combustible fossile a été élaboré après concertation avec les ONG et les entreprises locales l’université et la population. En 2007, une commission locale sur le climat était créée afin d’identifier les actions qui devaient être menées pour atteindre les objectifs fixés. Cette commission était composée d’élus, de représentants de l’administration municipale, de l’Université de Växjö, de l’entreprise Växjö Energy Ltd, de l’agence de l’énergie pour le Sud Est de la Suède et de trois autres entreprises. La commission climat en vint à la conclusion qu’atteindre les objectifs fixés pour 2010 serait difficile, mais réalisable. Elle identifia également de nombreuses actions à mener, et par la même, les acteurs à qui ces tâches incombaient. À cela s’ajoute l’échange d’idées et d’expériences avec d’autres villes, par exemple au sein du réseau suédois pour le climat Klimatkommunerna ou de réseaux internationaux tels qu’Energie-Cités, ICLEI ou l’Union des Villes Baltiques. Tous ces apprentissages de l’action coopérative devraient pouvoir être mis à profit dans l’avenir.
- 3. La culture de la réussite des politiques environnementales. Depuis la fin des années 90, même si l’on a rencontré des difficultés ou, sur la fin, un peu d’essoufflement, l’enchaînement des « success stories » a crédibilisé la nécessité de l’audace dans les visions des politiques environnementales. Il y a là une attitude bien ancrée dans le public, amplifiée par les distinctions accordées à leurs dirigeants, qui devrait se révéler favorable au traitement des questions à venir plus épineuses que par le passé.
- 4. Un large consensus politique. Dans l’ordre de causes de la réussite généralement citées, la première est l’engagement et l’unité politique dont bénéficie Växjö. Tous les partis politiques ou courants d’idées s’accordent sur l’importance à donner aux problèmes environnementaux, et notamment ceux touchant au changement climatique, et arrivent à se mettre d’accord sur des objectifs clairs pour le long terme, ce qui facilite grandement leur mise en application par le personnel municipal. Contrairement à d’autres villes, les politiques environnementales ne sont pas remises en cause à chaque élection. Il est permis de s’interroger sur le point de avoir si, à terme, cette sorte de préservation des sujets écologiques hors du champ politique est nécessairement favorable aux premières. Mais il est en tout cas douteux qu’il puisse durablement échapper à un débat plus global sur les voies et moyens des politiques de décarbonisation ; la nature des choix qui vont certainement devoir être pratiqués dans le domaine des transports n’évitera probablement pas, et tout naturellement, les controverses d’intérêts et de sens.
Sylvie Lacassagne
Cet article reprend partiellement des éléments rédigés par le coordonnateur du projet à la municipalité de Växjö, Henriik Johansson.
Notes
(pour revenir au texte, cliquer sur le numéro de la note)[1] Sustainable Energy Systems in Advanced Cities, projet européen visant une innovation accélérée pour les villes, dans les énergies renouvelables, l’efficacité énergétique, les co-générations, ainsi que le bâtiment écologique. Ce projet est intégré au programme “Concerto” consacré aux quartiers efficaces en énergie. Dans SESAC, Vâxjö est associé à Grenoble et Delft. Energie Cités en est partenaire
[2] Växjö eut alors également recours au système d’aide à la décision environnementale “écoBudget”développé par ICLEI.
[3] Energie Cités/Imagine, séminaire des 23-24/11/2006
[4] Local Investment Program, branche suédoise du programme européen de soutien aux technologies environnementales (ETAP)
[5] Dimethyl Ether
[6] Fischer- Tropsch Diesel