Economie écologique et équitable : 3 - la territorialisation de l’économie, une étape indispensable.

18 mars 2013

Résumé

Les territoires sont les plus proches des citoyens et donc les plus aptes à permettre une élaboration démocratique du « futur que nous voulons ». Ils peuvent mener les expérimentations qui permettront de découvrir les voies de transition vers une économie écologique et équitable et de bâtir les ripostes aux risques environnementaux et sociaux. L’économie écologique et équitable est à l’écoute de son territoire. Elle connait ses ressources, naturelles et énergétiques, elle connait les hommes et les femmes qui le composent. Les secteurs énergétiques et agricoles, les services de proximité, sont de bons exemples de l’avantage évident que l’on peut tirer de l’ancrage local des activités.

Cet article est extrait du rapport de l’Association 4D, Pour une économie écologique et équitable, coordonnée et rédigée par Ana Hours et Catherine Lapierre, co-rédigée par Pierre Grison, Michel Mousel et Vaia Tuuhia. Cette publication a été commandée par la CFDT dans le cadre de l’Agence d’Objectifs de l’IRES.

Auteur·e·s

Hours Ana

est chargée de mission à l’Association 4D, anime l’Encyclopédie du développement durable et est chargée d’études.


Lapierre Catherine

Ingénieur de l’école centrale des arts et manufactures, économiste, est membre du secrétariat d’édition de l’encyclopédie du développement durable.


 A. La reterritorialisation nécessaire


1. Pourquoi une reterritorialisation ?

Rappelons la transition vers une économie écologique implique des contraintes fortes. Face aux risques liés aux changements climatiques, il est indispensable de limiter les émissions de gaz à effet de serre, et en particulier celui de CO2, dans l’atmosphère. Pour limiter le réchauffement climatique nous devons impérativement diviser par 4 nos émissions. Nous devons également préserver la biodiversité, richesse irremplaçable pour les générations futures. L’évolution souhaitée devra également répondre aux aspirations du plus grand nombre en donnant à chacun les moyens de son propre développement. La contrainte d’un cadre démocratique est également à prendre en compte, tant pour l’organisation politique que pour celle des entreprises. Elle suppose une diminution du niveau des inégalités.

La triple crise (sociale, économique, écologique) que nous traversons, sur fond de mondialisation et de concurrence exacerbée, conduit à un questionnement de nos modes de production. Certes, la mondialisation de la production organisée par quelques firmes géantes multinationales a permis une expansion du PIB mondial et le décollage des pays dits émergents avec une hausse du niveau de vie moyen de populations confinées auparavant dans la pauvreté. Mais la mondialisation montre ses limites : non seulement ce développement se fait au détriment de l’environnement et de la santé globale de notre planète, mais, mettant en concurrence les travailleurs de la planète, il s’accompagne de destructions d’emplois, d’une précarisation et d’une paupérisation d’une partie de la population, d’aggravation des conditions de travail, en particulier dans les anciens pays dits « développés ». Cette globalisation avec l’éloignement des centres de décision ressenti par les salariés et par les consommateurs accentue les risques et l’absence de maîtrise par les citoyens de leurs conditions de vie. Dès lors il n’est pas étonnant que les partisans du développement durable, qu’ils soient dirigeants politiques, dirigeants d’entreprise ou simples citoyens, recherchent de nouvelles voies pour un développement plus harmonieux. Parmi les pistes proposées, celle de la territorialisation de l’activité économique figure en bonne place. C’est cette voie que nous proposons d’étudier dans cet article.

L’économie territoriale est jusqu’ici façonnée par les filières mondialisées, et réglée par la concurrence entre territoires et l’hyperspécialisation en fonction des dotations de facteurs. Cela engendre une fragilité de tissus économiques mono-activités, un épuisement des ressources naturelles, des inégalités croissantes avec une polarisation entre zones de richesses et zones de pauvreté, des migrations contraintes des populations, ... Une économie écologique et équitable, au contraire, recherche un développement territorial le plus harmonieux possible, utilisant au mieux les ressources locales au service du bien-être des populations.
Le territoire est le lieu où s’organisent les identités, les relations sociales, culturelles, économiques et politiques. C’est donc le premier lieu où peuvent s’affirmer des choix, des arbitrages entre plusieurs voies possibles. Pour que la mutation soit effective, il faut des organisations territoriales efficaces, capables de reprendre la main sur les conditions de vie des populations et de faire face aux besoins (écosystèmes dégradés, métropoles surpeuplées, territoires fragilisés, populations déplacées, zones de non-droit, zones rurales délaissées…).

Les territoires sont les plus proches des citoyens et donc les plus aptes à permettre une élaboration démocratique du « futur que nous voulons ». Les territoires connaissent les besoins des citoyens. Ils sont les plus aptes à mener les expérimentations qui permettront de découvrir les voies de transition vers une économie écologique et équitable et de bâtir les ripostes aux risques environnementaux et sociaux. L’économie écologique territorialisée n’implique pas le retour à l’autarcie mais une articulation harmonieuse entre les diverses échelles, du local au global. L’objectif des territoires est de reconquérir la maîtrise de leur développement économique et social en liaison avec les échelons nationaux et internationaux.

2. Une économie qui connait son territoire

Connaitre les flux pour optimiser l’usage des ressources

Connaitre son territoire, c’est connaitre les flux économiques, matériels, culturels, énergétiques, qui traversent le territoire et sont échangés avec l’extérieur. Comme le constate Pierre Calame (Essai sur l’oeconomie, 2009) «  le territoire, c’est-à-dire la ville et le réseau de villes, le bassin d’emploi ou d’habitat, est appelé à jouer un rôle croissant dans un système mondialisé. C’est à ce niveau que peuvent s’organiser les cohérences économiques, sociales et environnementales de la société de la connaissance. Une véritable oeconomie territoriale implique que chaque territoire soit en mesure d’organiser ses échanges internes pour tirer au maximum parti de ses atouts, et, pour cela, de connaître et maîtriser ses échanges avec l’extérieur. (..)Compte tenu du caractère abstrait, déterritorialisé de notre économie, un territoire ignore tout ou presque de son propre métabolisme. Une grande ville moderne connaît infiniment moins bien son fonctionnement réel, les flux d’échanges internes et les flux d’échanges avec l’extérieur, l’énergie et les ressources naturelles consommées, l’état même de ses capitaux matériels, immatériels, humains et naturels que ne le connaissait le moindre village traditionnel chinois d’il y a 2000 ans. Tout simplement parce que, pour ce village, la connaissance de son métabolisme était la condition de la survie. Aujourd’hui, nos grandes institutions publiques et nos grandes entreprises n’éprouvent aucun besoin de produire ces informations.  » C’est par la connaissance de ces flux que l’on parviendra à anticiper les besoins et maîtriser la consommation de ressources naturelles ou d’énergie, à réduire la pollution, à créer les conditions d’un mieux vivre ensemble. Une connaissance du capital naturel, technique et humain présent sur le territoire est en outre indispensable à cette transition vers une économie écologique.

Connaitre ses ressources naturelles

C’est la partie souvent la mieux connue du territoire : inventaire géologique, agricole, hydraulique, énergétique, biodiversité, etc. mais elle devra être complétée par un aspect dynamique (Comment évoluent ces ressources ?) et par un inventaire des déchets produits lors de l’utilisation de ces ressources, ces déchets pouvant alors être soit de nouvelles ressources, soit des polluants à traiter.

Il sera alors possible de mettre en face de l’usage de ces ressources, soit une comparaison avec d’autres territoires, soit un catalogue de bonnes pratiques. C’est ce que propose la DATAR à différents échelles territoriales (région, département, mais également à des niveaux plus fins tels que les bassins de vie, les aires urbaines, les zones d’emploi, les unités urbaines) en analysant différents indicateurs par exemple :

Pour la gestion de l’eau :

Pour les déchets :

Pour l’agriculture :

Connaitre les hommes et les femmes du territoire, anticiper les mutations

La transition vers une économie écologique doit s’appuyer sur une connaissance fine des compétences et des ressources humaines dont dispose les territoires, tant en termes de capital individuel, qu’en termes d’organisation sociale. Cela implique d’accompagner l’évolution des métiers. Il s’agit d’anticiper les restructurations industrielles et leurs impacts sur l’emploi, d’adapter les compétences au regard des évolutions du contexte et de sécuriser les parcours individuels. La gestion territoriale des emplois et des compétences (GTEC) peut en être l’instrument privilégié. Dans une perspective d’anticipation, d’aide à la décision, la GTEC doit être intégrée dans une démarche prospective élargie afin de fédérer l’ensemble des acteurs autour d’un projet commun (cf.B1 ci-dessous).

La prospective territoriale est une étape importante de la transition vers une économie écologique territorialisée. Elle vise à anticiper, à des horizons plus ou moins éloignés, les évolutions désirables ou non désirables [1]. S’engager dans une démarche prospective, c’est dépasser le prolongement de données statistiques existant sur un territoire pour construire de façon partenariale un projet de territoire. L’exemple de l’initiative alsacienne de Transvers’Al , GTEC lancée fin 2008 est révélatrice de la plus-value qu’apporte l’échange d’informations entre acteurs du territoire. Cette expérience est notamment décrite par Christophe Everaere et Catherine Glee (IAE Université Lyon 3) dans une communication intitulée Observatoire de l’évolution des emplois et des compétences de la ville de Lyon : une contribution à une GRH Territoriale durable ? [2] :

«  Un important travail d’échanges d’information (sur les diagnostics des entreprises ou des secteurs) et de coordination (« qui fait quoi ») a été réalisé et permis par une connaissance préalable des acteurs du territoire. Des outils informatiques ont appuyé ce travail de partage et de mise en commun d’informations (site Internet : www.transversal-sudalsace.fr ; espace numérique de travail, documents en ligne). Partage d’informations, principe de confiance mutuelle et de réciprocité : le Forthac (OPCA du textile) a fourni beaucoup d’informations sur la situation économique et sociale du secteur. Lesquelles informations ont été croisées avec les OPCA des autres branches du territoire afin de détecter des flux d’emplois complémentaires (des besoins ici, des excédents là) et des natures de compétences compatibles. Mutualisation des services et meilleure connaissance de la contribution des autres acteurs du territoire : chaque acteur (dont Pôle Emploi) peut continuer son travail, en ayant une meilleure connaissance des apports des autres structures et proposer ainsi aux entreprises une offre plus globale de services possibles en intégrant, par exemple, un guide des formations professionnelles disponibles sur le territoire, et en pouvant indiquer à leurs interlocuteurs « qui » peut les aider en fonction de la nature de leurs problèmes : la CCI, leur branche professionnelle, leur OPCA, la Directte, la Région pour des appuis au conseil ou au diagnostic, etc. Les différents partenaires, dont les partenaires sociaux, disposent ainsi d’une somme d’informations importantes, mises à jour régulièrement, sur les mouvements d’emploi, l’offre de formation, les métiers sources (emplois appelés à être supprimés) et les métiers cibles (emplois appelés à devoir être pourvus).  »

On voit ici qu’une économie à l’écoute de son territoire et de ses acteurs est une économie qui se prépare aux mutations futures.

Connaître les ressources économiques et techniques du territoire

La connaissance fine des activités économiques et des technologies présentes sur le territoire, des liens qu’elles ont développé à l’intérieur du territoire (clusters) ou non, des relations qu’elles entretiennent en amont et en aval de leur filière à l’intérieur ou à l’extérieur du territoire, permet d’établir un diagnostic précis des atouts et des faiblesses du territoire et de développer une stratégie de développement durable capable d’orienter les investissements à réaliser sur le territoire. Par exemple l’âge des équipements installés permet de repérer les opportunités à les renouveler avec des technologies plus performantes au regard de l’économie de ressources et du respect de l’environnement. La modernisation des installations industrielles signifie un engagement pour l’avenir qui pourra être consolidé par la mise en place des éléments d’une économie circulaire. L’implication des échelons syndicaux territoriaux peut grandement faciliter cette réflexion. Les relations établies par une filière avec des centres de recherche implantés dans le territoire sont un gage de développement et d’innovation. La géographie des principaux flux d’échange avec d’autres territoires induits par la sous-traitance, l’approvisionnement, les livraisons,…, des principales activités économiques du territoire est utile pour visualiser les flux entrants et sortants, les émissions de CO2 des transports afférents, et élaborer un diagnostic à partager avec les territoires concernés.

Des indicateurs pour se situer par rapport à des enjeux globaux

L’inventaire décrit ci-dessus permet de situer le territoire par rapport à des enjeux planétaires globaux. Pour cela le passage par des indicateurs territoriaux est indispensable. De nombreux travaux, menés par des acteurs multiples (DATAR, collectivités territoriales, Conseil économiques, sociaux et environnementaux régionaux, Associations des régions de France [3] …), sont en cours pour définir des batteries d’indicateurs de développement durable rendant mieux compte des réalités territoriales. La constitution de ces indicateurs territorialisés peut répondre à plusieurs logiques, celles de guider les politiques publiques en amont, de les évaluer en aval, d’informer et de sensibiliser les populations, mais également de comparer les territoires.

Des indicateurs synthétiques régionalisés
.

« Tous les référentiels n’ont pas recours aux indicateurs synthétiques, qui sont souvent jugés trop imprécis ou réducteurs. Mais bien utilisés, ceux-ci possèdent toutefois une certaine pertinence et un atout majeur : leur vertu pédagogique. Ils constituent en effet de précieux outils pour communiquer sur le développement durable. Cinq principaux indicateurs synthétiques peuvent être mobilisés par les régions françaises. Le premier d’entre eux est le PIB, qui reste indispensable pour mesurer les évolutions conjoncturelles de l’économie nationale. Seul le référentiel de la Stratégie Nationale de Développement Durable (SNDD) y fait référence, alors que le PIB reste pertinent au niveau régional, à condition d’être manié avec précaution : moins précis, il nécessite d’être croisé avec d’autres indicateurs. Au niveau infrarégional, il perd toute pertinence.

L’Empreinte Ecologique mesure l’ensemble des surfaces biologiquement productives nécessaires pour répondre aux besoins humains. A titre d’exemple, la capacité écologique du Nord – Pas de Calais est de 0,7 hectares globaux tandis que son empreinte écologique est de 5,4 hectares. Cet indicateur se distingue par son aspect pédagogique : il met clairement en lumière la distorsion existante entre les ressources naturelles – limitées – et l’usage que nous en faisons. Il constitue toutefois une « boîte noire », dont la construction reste obscure. C’est même une marque déposée par les chercheurs anglais qui l’ont inventé, dont l’usage est payant. L’Association des Régions de France (ARF) collabore avec des chercheurs afin d’offrir aux régions l’opportunité de calculer elles-mêmes leur empreinte écologique. Pour cela, il est nécessaire de déconstruire l’indicateur afin de comprendre son armature, avant de le bâtir à nouveau à partir de données librement accessibles. Une fois ce travail accompli, l’empreinte écologique tombera de fait dans le domaine public.

L’IDH est historiquement le premier indicateur alternatif au PIB (il a été créé par le PNUD en 1990). Il prend en compte la valeur de la production, la santé et l’éducation mais ne se prête guère à une territorialisation. C’est pour cette raison que le chercheur Aurélien Boutaud a créé l’IDH-2, dont la construction repose sur l’agrégation de trois indicateurs : l’espérance de vie à la naissance, le revenu fiscal médian des ménages par unité de consommation et le pourcentage de la population adulte diplômée. Mesuré chaque année depuis 1999 à l’échelle des régions françaises, l’IDH autorise également un suivi dans le temps. Il supporte également des déclinaisons infrarégionales au prix de quelques adaptations mineures. En Nord – Pas de Calais, il a même été calculé à l’échelle communale. Pour toutes ces raisons, l’IDH-2 a été sélectionné pour figurer dans le référentiel de l’ARF.

L’Indicateur de Santé Sociale des Régions Françaises a été créé en 2009 par plusieurs chercheurs (en particulier Florence Jany-Catrice) à partir d’une démarche participative. Indicateur composite, il intègre huit grandes dimensions du développement humain : revenu, travail et emploi, éducation, santé, logement, justice, lien social et lien interindividuel. Si l’on compare les situations régionales à l’aune de l’ISS, l’Ile de France perd 16 places par rapport à son classement en termes de PIB et PACA ne se situe qu’au 19ème rang. A l’inverse, le Limousin possède un faible PIB, mais il est crédité d’un excellent ISS. Cet indicateur fait partie des trois indicateurs synthétiques sélectionnés par l’ARF. Il a toutefois cessé d’être actualisé, les données nécessaires au renseignement des variables « lien social » et « lien interindividuel » faisant défaut depuis l’arrêt des Enquêtes permanentes des conditions de vie de l’INSEE en 2004. »

Source : Les indicateurs territorialisés de développement durable, Encyclopédie du développement durable, Rapport du groupe de travail de l’Assemblée des CESER (Conseil économique social et environnemental régional), présidé par Alain Even président de CESER de France et du CESER de Bretagne.

https://www.observatoire-des-territ...

Au côté des indicateurs de contexte, bien souvent synthétiques, comme l’empreinte écologique, l’indice régional de santé sociale, il existe des batteries d’indicateurs fonctionnant comme de véritables tableaux de bord du développement durable sur le territoire, associant des indicateurs de contexte et de suivi. Ceux-ci sont particulièrement pertinents dans une perspective d’observation fine du territoire. L’Observatoire des territoires [4] (DATAR) a ainsi construit 54 indicateurs visant à mesurer la poursuite des 9 défis de la Stratégie Nationale de Développement Durable :

  • Consommation et production durables
  • Société de la connaissance (éducation et formation, recherche et développement)
  • Gouvernance
  • Changement climatique et énergies
  • Transport et mobilités durables
  • Santé publique, prévention et gestion des risques
  • Démographie, immigration, inclusion sociale
  • Défis internationaux en matière de développement durable et de pauvreté dans le monde
  • Exemples d’indicateurs pour le défi « Consommation et production durables »
  • Privilégier des procédés de production et des comportements de consommation responsables

3. Quelques exemples de l’avantage local :

Voici quelques exemples de l’intérêt d’une initiative de cohérence territoriale pour le respect des exigences environnementales et sociales.

Les potentialités d’une économie agricole territorialisée

Une agriculture territorialisée est une agriculture diversifiée. Elle produit la majorité des denrées alimentaires consommées localement, c’est-à-dire à la fois :

  • Des produits animaux (lait et viande), ce qui nécessite l’implantation de prairies pérennes — dont des légumineuses comme la luzerne pour éviter les importations de soja — qui amélioreront la structure du sol et sa teneur en matière organique. Le stockage du carbone dans le sol contribue à la réduction des GES ;
  • La présence de productions animales sur le territoire permet la production d’engrais organiques. Ces derniers peuvent être utilisés pour la fertilisation des productions végétales telles quel les céréales et le maïs, mais également les cultures légumières. Cette utilisation de matière organique d’origine locale améliore à son tour la teneur en humus du sol et limite l’utilisation d’engrais chimiques. La fabrication et le transport de ces derniers épuise des ressources non renouvelables (phosphore et potasse), nécessite l’utilisation de produits pétroliers et est à l’origine d’importantes émissions de GES (engrais azotés sous forme de nitrate d’ammonium).

La coexistence, dans un même secteur géographique, de cultures diversifiées, est favorable au développement de la biodiversité, notamment des auxiliaires des cultures dont la présence est susceptible de limiter l’utilisation de pesticides.

Enfin, produire localement, c’est se donner les moyens de limiter les transports. La trop grande spécialisation des régions céréalières conduit par exemple à exporter du blé du Bassin parisien (par exemple au Moyen Orient), tandis que la spécialisation de la Bretagne en production porcine nécessite d’importantes importations de soja du Brésil ou d’Argentine.

Une agriculture territorialisée c’est également de l’emploi local non délocalisable. L’abandon de la spécialisation des régions et le retour vers des systèmes complexes de polyculture élevage entraînera une moindre spécialisation des exploitations. La conduite de ces systèmes, plus complexe, nécessitera davantage de main d’œuvre. Les parcelles seront nécessairement de dimension plus réduite.

Par ailleurs, une meilleure répartition des productions entre les bassins de vie nécessite la création d’outils de transformation agroalimentaire dont la dimension sera plus réduite que celle des outils attachés à des régions spécialisées. Par définition, si l’agriculture est territorialisée, les entreprises agricoles et agroalimentaires resteront attachées au bassin de vie dont la population consommera les produits. L’agriculture territoriale favorise ainsi les circuits courts mais aussi les coopérations entre territoires comme moyen de renforcer et de prolonger les actions locales, d’approfondir la stratégie du territoire sur le long terme.

L’expérience du CEDAPA, une illustration de la priorité à donner à la productivité des ressources par rapport à la productivité du travail sans que le revenu soit amputé.

Le Centre d’études pour un développement agricole plus autonome (CEDAPA) est une association d’éleveurs créée en 1982 par André Pochon. Le CEDAPA est à l’origine de ce qu’on appelle l’agriculture écologiquement intensive qui concilie l’économie, l’environnement et le social.

La méthode du CEDAPA consiste à nourrir les animaux le plus longtemps possible au pâturage, moins coûteux à produire que le maïs. A l’herbe est associé du trèfle, légumineuse qui capte l’azote de l’air et le transforme en élément nutritif pour la prairie. Il n’est pas nécessaire alors d’apporter de l’engrais chimique, les déjections épandues par les animaux au pâturage suffisent [5].

« L’objectif du CEDAPA à sa création était de montrer qu’avec l’agronomie retrouvée, la prairie comme base de l’alimentation des ruminants, la production de fumier et de compost (parce que les animaux sont logés sur litière), en comparaison avec l’agriculture conventionnelle, l’agriculture durable produit autant en dépensant moins. D’où une forte valeur ajoutée : jusqu’à 60 % contre 30 % pour l’agriculture conventionnelle. L’expérience du CEDAPA a fait des émules et a débouché sur le réseau Agriculture durable – le RAD – qui coordonne 30 associations sur l’Ouest de la France et sur le réseau « Impact » au plan national. » [6].
Ceci permet d’assurer un revenu décent aux éleveurs du CEDAPA.

Moyenne de 10 fermes
de référence des Côtes d’Armor
Ferme de Saint Bihy
(agriculture durable)
Produit brut par kg de vif (bovins) 2,23 € 2,67 €
Coût de production par kg de vif (bovins) 0,99 € 1,34 €
Revenu par kg de vif (bovins) 0,24 € 1,33 €

Une étude de l’INRA sur un échantillon d’élevages bovins dans cinq régions de France a corroboré les affirmations du RAD. En règle générale les revenus (nets des amortissements) des éleveurs extensifs (élevage à l’herbe) sont sensiblement supérieurs à ceux des élevages intensifs.



Les potentialités d’une production d’énergie décentralisée

Le premier impératif d’une politique durable de l’énergie, c’est-à-dire d’une politique soucieuse d’efficacité énergétique, est de se poser la question « quels sont mes besoins ? » avant d’essayer de résoudre le problème du « comment produire cette énergie »

Tout le monde connait le problème du chauffage d’un logement : le besoin est d’avoir une température dite « confortable ». Celle-ci peut être obtenue soit par un logement peu isolé et une consommation forte d’énergie, soit par un logement bien isolé et une consommation faible d’énergie. A l’évidence, cette seconde solution sera plus durable puisqu’elle consomme moins de ressources, et permettra d’être beaucoup moins sensible au prix de l’énergie et donc d’éviter ou d’amoindrir le problème de la précarité énergétique. Mais pour se développer cette solution exigera le développement de métiers spécialisés dans l’isolation des logements, alors que si la première option était choisie, il suffirait d’avoir des ouvriers peu qualifiés, mais il faudrait mettre la priorité sur la production d’énergie. Cet exemple montre bien que se poser la question en termes de besoin peut conduire à une politique radicalement différente. Cette démarche doit être reprise dans les différents domaines consommateurs d’énergie : transport, industrie, agriculture, etc., et pour chacun de ces domaines on se trouvera devant un choix : faut-il développer de nouveaux métiers ou produire plus d’énergie ?

Le choix du développement de l’énergie nucléaire en France, s’est fait en choisissant l’option « mettons à disposition de tous une énergie peu chère », qui relève donc de l’option « faible efficacité énergétique ». L’objectif n’est pas ici de critiquer ce choix qui avait ses propres raisons à l’époque, mais de constater que le nucléaire n’a pu s’imposer que « du haut » de l’appareil d’Etat et nécessite une forte concentration industrielle et une politique sécuritaire. Un ensemble de contraintes qui se prête mal à cette demande de démocratie. Les risques divers liés à cette filière tout au long de son déploiement, de la mine aux déchets, sont tellement importants que l’innovation locale est interdite et l’organisation des sites et des transferts doit se faire sur un modèle quasi militaire. Le problème des déchets radioactifs ne peut pas non plus se traiter de manière démocratique : il est impératif de trouver un lieu de stockage même si toutes les régions refusent. De plus, le nucléaire a besoin pour être rentable d’une consommation importante et continue, et ne favorise donc pas là non plus un comportement vertueux d’économie d’énergie qui lui-même est source d’innovation.

A l’inverse, une politique écologique de l’énergie, commencera par évaluer les besoins, cherchera à les minimiser, puis à les satisfaire en utilisant prioritairement les ressources de son territoire, puis en utilisant l’énergie venue d’ailleurs.

En reprenant l’exemple du logement, cela veut dire que la politique menée consistera d’abord à faire un diagnostic thermique de l’ensemble du parc de logement, puis de veiller avec la chambre de commerce de l’artisanat au développement des compétences requises et enfin de faire se rencontrer les propriétaires du logement, les artisans compétents, les experts, et les financeurs afin d’assurer le déploiement de cette politique. Ce n’est qu’après cela que se posera la question du choix de l’énergie.
Chacun des domaines consommateurs d’énergie fera l’objet d’une démarche similaire : évaluation des besoins et moyens de les satisfaire, et c’est ce bilan qui fournira les données nécessaire au choix des sources d’énergie. Ainsi un territoire avec présence d’un industriel électro-intensif pourra avoir un choix différent d’un territoire à plus faible consommation.

Les énergies renouvelables ont un double avantage : elles se positionnent très favorablement dans la lutte contre l’effet de serre et la réduction des rejets de gaz carbonique dans l’atmosphère, et elles se prêtent bien à un traitement démocratique. Leur production est par nature décentralisée permettant de gérer de façon intelligente les ressources locales existantes (solaires, hydrauliques,..) ou à créer (méthanisation de déchets, biocombustibles..) et de créer des emplois sur le territoire. Chaque territoire peut choisir son niveau de dépendance ou d’indépendance, l’énergie qu’il souhaite développer en fonction des ressources locales, les modalités de recherche d’économies d’énergie, les modes de propriété des moyens de production voire d’exploitation. Cela favorise donc des expériences très différentes et par là même les innovations et les développements d’entreprises et d’emplois locaux. Cette production locale d’énergie donne tout son sens aux « smart grids » ou réseaux intelligents, qui permettent d’être tantôt producteur tantôt consommateur, et devraient permettre une diminution des pertes dans les réseaux et une optimisation de la consommation.
Cependant, ces énergies ont presque toutes un caractère intermittent (en particulier solaire et éolien) et au moins pour le demi-siècle à venir, elles ne pourront assurer seules la continuité de fourniture d’électricité, sans recourir à un combustible intermédiaire pour assurer cette continuité de production. La connexion à un réseau assurant une continuité de fourniture reste donc indispensable. On comprend alors pourquoi la définition même d’une politique énergétique doit faire l’objet d’un débat démocratique au niveau national et européen, mais qu’au-delà de cette définition globale, la mise en œuvre locale doit elle aussi être l’objet d’un débat. En ce sens, l’école des énergies renouvelables est une école de démocratie, dans un monde d’échanges.

Services de proximité, économie de fonctionnalité

Une économie de service de proximité est une économie par essence territorialisée, non délocalisable. C’est également une économie peu émettrice de GES, même s’il faut se garder de toutes considérations caricaturales sur la propension des activités de services à être décarbonées [7] . Le développement d’une économie dite du quaternaire (Debonneuil) est une réponse apportée à l’augmentation de la contrainte sur les ressources. C’est un déplacement de l’acte d’achat qui ne se porte plus sur un bien avec ce que cela suppose de matérialité mais sur un nouveau service « incorporant des biens, la mise à disposition temporaire de biens, de personnes, ou de combinaisons de biens et de personnes ». Dans son rapport Economie quaternaire, une croissance durable à construire, (2010), Michèle Debonneuil explore les potentialités ouvertes par la mise en place d’une infrastructure numérique qui porterait le développement de nombreux services de proximité et la création d’emplois. Cette théorie élargit la perspective ouverte par l’économie de la fonctionnalité en ouvrant la question de l’usage de biens à celle de services.

La conversion de certaines entreprises au modèle économique de la fonctionnalité permet de concilier compétitivité et avantage environnemental, tirés par une rentabilité non pas tributaire d’économies d’échelles liée au volume des ventes mais de l’optimisation de l’usage du bien [8]. Les emplois créés par ce modèle économique sont pour une bonne part territorialisés puisque l’accompagnement serviciel (relation client et développement de la demande, de la maintenance, du recyclage) implique une proximité avec le client. Là aussi un accompagnement social est nécessaire pour permettre une transition professionnelle des salariés, la nature même des métiers étant bouleversée par ce passage à une économie davantage basée sur le service.

La Fondation Concorde (2011) propose dans un rapport sur l’émergence de l’économie de la fonctionnalité en France « un portrait-robot d’un secteur économique prêt à passer à l’économie de la fonctionnalité :

  • Savoir-faire sur vente des services associés au bien vendu
  • Produits / services facilement qualifiés et mesurés
  • Coûts d’exploitation significatifs par rapport au coût d’investissements
  • Taille critique d’un marché, pour pouvoir financer les investissements nécessaires
  • Produits ou services vendus ne se situant pas au cœur du métier des clients »

 B. Une économie partenariale au service de la territorialisation


Les premiers touchés par le prélèvement des ressources naturelles, par le coût social et humain de la précarité énergétique, par les pollutions des sols ou de l’air, ou par la vulnérabilité croissante du tissu social sont bien les niveaux territoriaux. Ils sont incontestablement à la fois le lieu de formation des solidarités, les premiers à accompagner les problématiques sociales et d’emploi, les victimes des dégradations et pollutions. Ils doivent à ce titre se préparer à infléchir leurs politiques pour préparer leur transition. Cette transition économique écologique qu’implique le développement durable, devra se traduire par deux grandes attentions :

  • La reprise, par les territoires, de la maîtrise des conditions de leur développement
  • La capacité, pour les territoires, à résister aux chocs extérieurs, c’est-à-dire d’augmenter leur résilience.

1. Pour une stratégie co-construite avec tous les acteurs ?

Pour transformer progressivement l’économie territoriale en une économie durable et résiliente, la contribution de tous les acteurs doit être mobilisée afin qu’ils agissent de façon convergente. Ce sont ces forces conjuguées qui permettront de vaincre l’inertie des habitudes installées qui ont conduit à l’éparpillement, à la fragilité de l’économie non durable actuelle. Une élaboration commune permettra de dessiner progressivement une vision prospective durable pour l’économie territoriale.

Ce processus de co-construction concerne au premier chef les différents niveaux de gouvernance du territoire. Conseil régional, conseils généraux, métropoles, pays, communautés de communes, toutes ces instances sont amenées à collaborer au projet de territoire durable, chacune en fonction de ses compétences et particularités. Des processus de dialogue et d’élaboration collective sont à mettre en place, probablement sous l’égide de la région, leader naturel.

Le travail avec les organisations syndicales territoriales, les fédérations professionnelles, les principaux employeurs des territoires, les chambres de commerce, les associations citoyennes et de consommateurs, permettra de dresser le diagnostic et d’élaborer progressivement des pistes de transformation. Les Conseils économiques sociaux et environnementaux régionaux (CESER), instances existantes de dialogue et d’élaboration commune, pourraient être utiles à une projection de moyen/long terme de cette économie territoriale.

Ce travail avec les représentants des différentes forces économiques sera utilement accompagné de larges consultations de la population afin de l’associer à ces démarches.

Des échanges entre les régions sur les méthodes utilisées, les expérimentations engagées et les résultats atteints seront particulièrement riches d’enseignement.

Entreprises et territoire : d’une logique de localisation à une logique d’ancrage

Deux acteurs majeurs du développement territorial se dégagent : d’une part les entreprises et d’autre part les institutions du territoire.

Le rôle de l’entreprise est la création de valeur c’est-à-dire de fournir à la société des objets, des services, nécessaires à son développement. Pour ce faire l’entreprise rassemble des hommes, des moyens, se situe dans un réseau de flux (matière, énergie, services) pour créer une organisation de production répondant à certaines règles communes aux acteurs, en particulier celles du marché qui définit les modalités des transactions.

Le rôle du territoire est de déterminer avec ses populations les conditions nécessaires au développement de son bien-être, et de mettre en œuvre les actions permettant sa réalisation. Pour cela il devra en particulier favoriser l’émergence ou l’implantation d’entreprises qui fourniront les biens et services nécessaires à la réalisation de ce bien-être. Travaillant sur le long terme, il veillera à ce que l’exploitation des richesses locales se fasse en préservant le capital de ces mêmes ressources.

Avant la crise, le territoire voyait l’arrivée d’une entreprise avant tout comme une manne fiscale et une source d’emplois. Pour l’entreprise, son arrivée était souvent dictée par une attractivité du territoire s’exprimant par des facilités de transport, des services annexes, un coût d’installation faible, voire des primes alléchantes. Ce sont donc des sujets dépendants fortement de l’investissement public, et l’entreprise venait en tant qu’utilisatrice de ces services ou opportunités financières et pouvait repartir à la moindre difficulté ou si une offre plus intéressante lui était faite ailleurs. Cette situation conduit sur le long terme à un gâchis économique et un climat social rempli de désespérance.

Dans une optique de développement durable, entreprises et territoires doivent passer d’une relation client fournisseur à un réel partenariat, passer de la localisation à la territorialisation.

Territoires et entreprises ne peuvent se passer l’un de l’autre et ils doivent construire des relations durables. Trois difficultés principales se présentent :

  • Une entreprise est un organisme qui nait, se développe et meurt. Chaque étape nécessite des conditions différentes que le territoire devra lui fournir. Chacune des étapes devra être anticipée pour éviter des effets de crise indésirables.
  • Le territoire peut vouloir opérer des changements sociétaux importants qui imposeront de nouvelles règles, parfois en rupture ou en contradiction avec les règles actuelles. Ces changements prendront du temps. Il doit donc permettre aux entreprises de fonctionner avec les règles anciennes tout en mettant en place des modes de pensée, des gestes, qui seront les bases de l’organisation socio-économique future. Il doit donc expérimenter, faire place à l’innovation permettant l’éclosion de ce changement.
  • L’entreprise, comme le territoire, a besoin de relations, d’échanges avec l’extérieur. La territorialisation ne doit pas être un repli sur soi, mais bien un développement local qui ouvre sur l’extérieur. Un point important résidera dans la définition de l’équilibre entre ce qui est produit sur place et ce qui vient de l’extérieur


Les différents acteurs : leur contribution à la territorialisation de l’économie, les bénéfices qu’ils en retirent

Les acteurs économiques apportent à cette élaboration d’une projection d’une économie territorialisée durable toutes leurs connaissances des réalités de terrain, des contraintes auxquelles ils font face, des transformations envisageables, des conditions à réunir pour les mettre en œuvre. Les différentes catégories d’activités économiques présentes sur le territoire trouvent toutes un bénéfice à participer à cet exercice. Le secteur de l’économie résidentielle, intrinsèquement lié au territoire, trouvera une motivation à inventer des solutions plus efficientes au regard de des objectifs du développement durable en partenariat avec d’autres secteurs d’activité voisins. Les activités emblématiques, présentes de longue date sur le territoire, auront l’occasion de projeter les mutations nécessaires à leur développement dans un cadre durable. Les activités dont le centre de décision est extérieur au territoire pourront argumenter vis-à-vis de celui-ci sur les atouts du territoire. Les secteurs de la recherche, les bureaux d’études et centres d’expertise trouvent une occasion d’affiner leurs méthodes, de transmettre et d’expérimenter de nouvelles solutions. Les établissements d’enseignement supérieur ont l’occasion de préciser les compétences qui seront recherchées à l’avenir.

Les instances syndicales territoriales, en raison de leur vision transversale des activités économiques, ont un rôle privilégié à tenir. Quelles sont les complémentarités à exploiter, quelles sont les chaînons, les qualifications manquantes, comment mieux répartir l’offre de travail sur le territoire, la rapprocher des lieux de vie, … ? Le dialogue avec les représentants des différents secteurs économiques leur permet de dépasser le cadre étroit et souvent conflictuel d’une entreprise particulière.

Les associations citoyennes et de consommateurs ont un rôle éminent de remontée des besoins et alertes de la population, mais aussi d’éducation à des comportements plus durables. Elles porteront ces aspirations auprès des acteurs économiques.

2. Le rôle des collectivités territoriales dans l’animation de cette co-construction

Impulser un nouveau cadre de développement

En tant qu’instances démocratiquement élues, les autorités politiques se doivent de rendre plus explicites les souhaits d’un nouveau développement exprimés par les citoyens. C’est à partir de ce travail que pourra être construit le nouveau paradigme et donc les principales règles à respecter par l’ensemble des acteurs. Cela peut être simple sur certains sujets sur lesquels la réflexion est mature et les objectifs clairs : par exemple la contrainte carbone ou le respect des normes de pollution. Cela est plus complexe lorsqu’il s’agit de mettre en œuvre de nouvelles pratiques via la recherche de consensus, il pourra alors être nécessaire de recourir à des expérimentations pour dégager de nouvelles pratiques. Dans les deux cas l’institution politique se doit d’être exemplaire à la fois par son comportement mais aussi dans ses rapports avec les autres acteurs. Par exemple en ce qui concerne la contrainte carbone il ne serait pas compréhensible que l’institution ne cherche pas à minimiser ses émissions de CO2 pour ses propres usages (chauffage des locaux, transport de services,…) De même il serait illusoire de demander aux entreprises un réel travail sur le tri de leurs déchets si n’est pas mise en place une véritable politique de valorisation de ces déchets. Autre exemple : la recherche du consensus ne doit pas seulement être menée lors de la phase de décision d’un projet, mais devra aussi être introduite dans les relations commerciales, ce dernier cas nécessitant d’expérimenter différentes approches pour mieux tenir compte de l’intérêt général.

L’ensemble de ces règles et de ces pratiques peut-être regroupées soit sous forme de charte à destination des entreprises, de stratégie RSO (responsabilité sociale des organisations) ou mieux encore, constituer l’ossature de projets tels que l’Agenda 21, ou le plan climat énergie territorial (PCET). Il est en tout cas indispensable d’avoir l’adhésion de la population à cette nouvelle dynamique pour réussir à la fois la territorialisation des entreprises et la mutation vers un développement durable. Il faut donc encore insister sur la nécessité d’organiser des rencontres fréquentes entre population, institutions et entreprises pour que cette dynamique puisse s’enclencher.

Activer une dynamique créatrice de nouveaux réseaux

Pour augmenter la part de la valeur ajoutée régionale, il est nécessaire que les entreprises s’intègrent dans des réseaux favorisant l’innovation technique ou organisationnelle, la définition de nouveaux produits ou services, …. C’est bien au territoire qu’il revient de veiller à ce que de tels réseaux se développent soit en les impulsant directement soit en favorisant leur création par les acteurs économiques eux-mêmes. Quelques exemples de réseaux ainsi créés :

  • Réseaux autour de l’innovation technique avec des centres universitaires, centres techniques, et de développement de plates-formes d’essais permettant de tester facilement de nouveaux produits
  • Réseaux de valorisation de ressources ou produits locaux
  • Réseaux d’entreprises pour répondre de manière groupée à de gros appels d’offres

Ces réseaux peuvent regrouper soit des acteurs du même domaine d’activité, soit au contraire des acteurs de domaines différents qui recherchent une complémentarité.


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Exemple de réseau favorisant l’innovation : Les PRIDES, outil pour les entreprises en Région PACA

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Ces Pôles Régionaux d’Innovation et de Développement Economique Solidaire rassemblent des entreprises d’un même secteur d’activité en les incitant à coopérer. Pièce maîtresse du Schéma Régional de Développement Economique approuvé en Assemblée Plénière le 12 juin dernier après une concertation approfondie avec les acteurs économiques, les PRIDES s’adressent avant tout aux entreprises et aux associations d’entreprises. Un bel exemple de démocratie participative.

Pôle car il s’agit de rassembler des entreprises intervenant dans un même secteur d’activité et de les inciter à coopérer entre elles pour devenir plus fortes et plus résistantes, la mutualisation des ressources constituant un avantage collectif décisif (quand la coopération est plus efficace que la compétition !)

Régional car il s’agit, bien sûr, de constituer, au sein de l’Europe et face à la mondialisation, des « forces de frappe économique » cohérentes et structurées au niveau de la région sur des filières porteuses.

Innovation car il faut valoriser dans la production, par la mise en marché, les résultats de la créativité des chercheurs (nouveaux produits ou services). Il y a, dans ce passage de l’invention à l’innovation, de nouveaux marchés à conquérir pour nos entreprises, une source de création de richesses et d’emplois durables. Au-delà de la composante technologique, c’est une approche globale de l’innovation qui doit être envisagée tant sur l’organisation, que la création de produits, la gestion des ressources humaines, la formation…

Développement économique car, au-delà de la Recherche, il s’agit de renforcer nos entreprises, d’actionner les leviers de leur croissance interne et de leur compétitivité de sorte qu’elles produisent mieux et trouvent davantage de débouchés pour vendre leur produits et services nouveaux.

Solidaire car c’est en étant solidaires que les PME pourront trouver de nouvelles capacités de développement, face à la concurrence mondiale. Par ailleurs, les entreprises aidées par les financements publics doivent être exemplaires en matière de développement durable et prendre en compte leur responsabilité sociale et environnementale.

Une politique d’accueil responsable
L’accueil des entreprises peut se faire de manière individuelle mais plus généralement au moyen de la création de zones d’activités dont certaines peuvent avoir une vocation spécialisée permettant l’apport de services spécifiques. On distingue en général :

  • les pépinières et pôle techniques à vocation d’accueil des entreprises en développement dans des secteurs innovants ou services nouveaux
  • les éco-pôles accueillant le des activités souvent en forte croissance dans le domaine de l’amélioration de l’environnement
  • les éco-parcs qui imposent le respect de normes environnementales de haut niveau
  • les zones d’activité généralistes qui se contentent souvent du respect d’une charte

Quelle que soit la formule choisie, une démarche de territorialisation exige une animation particulière de ces zones d’accueil. D’abord il devrait être proposé un certain nombre de services facilitant les pratiques du développement durable,la figure ci-contre en indique quelques exemples.
De plus la réussite de la mise en place d’une politique dynamique de développement durable dans ces zones, repose essentiellement sur l’animation qui en est faite, basée d’une part sur l’apport d’information sur les thèmes liés à cette politique, sur leur traduction dans la politique locale et d’autre part sur l’organisation d’un dialogue inter-entreprises pour trouver les réponses optimisées, pouvant aller jusqu’à la construction d’éléments d’une économie circulaire.

Fig 6- Exemples de services à mettre en place dans les zones d’activités (ARENE)

Introduire les chainons manquants

Au-delà de la création de réseaux, le territoire doit conduire une réflexion avec l’ensemble des acteurs sur l’absence de tel ou tel service voire même de secteur qu’il serait opportun de développer par exemple veiller à ce que les entreprises travaillant pour l’environnement ne soient pas simplement dans le domaine du curatif en bout de chaîne (traitement des pollutions, traitement des déchets non valorisables) mais couvrent aussi le domaine préventif. A titre d’exemple, en Ile de France, l’ARENE a examiné l’état du tissu industriel dans cette région pour les dix familles de ce domaine (voir ci-dessous).

Il ressort de cet examen, une évaluation de ses forces et faiblesses par rapport aux autres régions européennes, qui sert de base pour susciter de nouvelles créations et essayer de couvrir l’ensemble du domaine. Il y a là un double avantage : d’une part c’est un secteur reconnu en fort développement et donc créateur d’emplois et d’autre part cela permet aux autres entreprises de la région de pouvoir bénéficier de ces services leur donnant ainsi plus de chance de se différencier et/ou d’être plus compétitives. De manière plus précise les pistes de progrès retenues pour ce domaine sont [9] :

  • Améliorer le niveau de standardisation des offres.
  • Augmenter le nombre et la taille des entreprises actives sur différents créneaux.
  • Construire des synergies territoriales avec les acteurs publics et des réseaux inter-entreprises.
  • Renforcer les liens avec les laboratoires de recherche.
  • Impliquer davantage les grands groupes dans les processus d’innovation et dans les offres commerciales.
  • Engager beaucoup plus les acteurs franciliens dans les programmes européens de R&D et dans des échanges avec les acteurs européens les plus en pointe.
  • Mobiliser davantage au sein de l’offre francilienne des technologies ayant fait leur preuve en Europe.

1. Le rôle territorial de l’entreprise

La territorialisation ou comment créer de la plus-value localement et constituer des filières robustes

Comment l’entreprise peut-elle passer de la localisation c’est-à-dire la simple utilisation des ressources locales présentes à un certain moment sur le territoire, à une véritable territorialisation c’est-à-dire s’impliquer aussi dans un processus de dynamisation des aptitudes locales pour créer de nouvelles ressources, et mettre en place des relations qui lui permettent des gains au niveau de ses processus ou de ses produits ? Cette démarche ira de pair avec une transformation du tissu local. Ce passage de la localisation à la territorialisation a été analysé par Anne-Laure Saives [10]qui la résume dans la figure suivante :

fig : 1- De la stratègie de « localisation » à la stratégie de « territorialisation »


La démarche est celle d’une analyse des processus de l’entreprise afin de voir ce qui peut être modifié pour profiter des ressources et aptitudes locales existantes ou en devenir et dans ce dernier cas préciser comment participer à leur développement. Il s’agira alors de construire un (ou des) réseau(x) de proximité en développant des coopérations, marchandes ou non, avec les autres acteurs (entreprises, établissements financiers, centres de recherche, centres techniques ou encore organismes de formation), en cherchant à bénéficier de quasi-rentes relationnelles dans un espace de proximité géographique.

La proximité devant être entendue, selon Anne-Laure Saives, avec « une envergure multidimensionnelle fondée sur l’idée que la proximité géographique n’implique une dynamique industrielle localisée qu’à partir du moment où elle s’accompagne de proximités industrielles, organisationnelles et culturelles (voire temporelles). La proximité industrielle intrinsèque à l’espace, peut être définie en termes de similitude industrielle (recours à des capacités technologiques semblables) et/ou de complémentarité industrielle (complémentarité technologique horizontale) ; la proximité organisationnelle résulte des modes de coordination soit intra-firme (organisation intégrée) soit inter-firme (réseaux de coopération), soit de marché ; la proximité culturelle, contribue à cette « atmosphère industrielle » évoquée par Marshall, mais correspond aussi aux grands réseaux supra-territoriaux comme les réseaux professionnels, et fonde des représentations qui facilitent l’émergence de rationalités collectives ; la proximité temporelle enfin est question de synchronicité dans les offres de compétences et de produits susceptibles de rentrer dans des relations d’interactivité. »

Fig 2-Exemple d’analyse des processus dans l’entreprise


Cette analyse des processus doit être réalisée non seulement sous l’angle des coûts, mais également en termes d’impact environnemental, en particulier vis-à-vis de l’énergie et de la contrainte carbone en prenant en compte leur évolution dans les années à venir. Complétée par une recherche d’éco-conception pour chacun des produits, elle doit permettre à l’entreprise de construire sa stratégie territoriale pour en tirer des avantages concurrentiels et passer durablement de la localisation à la territorialisation.

L’entreprise devra donc passer progressivement de la simple utilisation des ressources locales à une intégration dans les réseaux locaux, puis à une dynamisation de ces réseaux et/ou à la création de nouveaux réseaux intégrant non seulement les entreprises locales mais aussi les centres de recherche ou d’autres institutions. L’entreprise devra également s’intégrer dans les actions collectives telles que le plan climat-énergie territorial ou Agenda 21 en se fixant pour elle-même des objectifs apportant une contribution significative à cette action. Notons que ce sont ces capacités dynamiques des entreprises qui agissent comme moteur du système et de la compétitivité à base territoriale, comme le confirme les exemples qui seront analysés plus loin.

La constitution et l’objectif des réseaux de proximité, peut se résumer dans la figure suivante indiquant le degré de territorialisation de l’entreprise.

Fig 3- Schéma d’intégration de la localisation à la territorialisation


Ce schéma d’intégration est un peu similaire à celui des districts industriels italiens qui ont longtemps bien résisté à la mondialisation. Il rejoint également l’objectif de la mise en place de systèmes productifs locaux en 2002 définis par la DATAR comme des « réseaux d’interdépendances constituées d’unités productives ayant des activités similaires ou complémentaires qui se divisent le travail » puis plus récemment des pôles de compétitivité. Le territoire est alors pensé comme un « espace sur lequel des acteurs ont construit un projet et qui dispose d’atouts spécifiques qui, v valorisés, doivent lui permettre d’être compétitif » (Pecqueur ). [11]


L’activité de l’entreprise ayant alors une forte composante de sa plus-value attachée au territoire, celle-ci devient plus difficilement délocalisable. Le développement local doit ainsi évoluer vers un tissu économique territorial plus dense et diversifié. La reconquête de filières plus complètes de production pour accroître la création de valeur dans le territoire est à l’ordre du jour.

Création d’une filière de production de biomasse végétale, le projet Lorver

La région Lorraine compte de nombreuses surfaces abandonnées, autrefois occupées par des industries. Ces zones représentent un potentiel économique valorisable sous-estimé. Impulsé par le cluster Ecopôle Lorraine (créé en 2008 à l’initiative de la Région), le projet LORVER consiste à créer une filière de production de biomasse végétale à partir de sites et de matériaux délaissés, permettant ainsi la requalification durable de friches industrielles. Cette démarche s’inscrit dans le respect des principes de développement durable.

La biomasse générée conduira :

  • à la production d’énergie renouvelable (chaleur et électricité) par pyrolyse
  • à la production de charbon (biochar) destiné à diverses applications environnementales à partir du procédé de pyrolyse
  • à l’élaboration de produits dérivés tels que des matériaux fibreux et à l’extraction d’éléments d’intérêt économique (métaux, éléments nutritifs, etc.)



Pour développer cette filière en Lorraine, LORVER s’est constitué en un consortium composé de 4 entreprises et 9 laboratoires avec des compétences sur le développement de techniques innovantes de dépollution sur site et de réhabilitation de sites dégradés, la culture et valorisation de chanvre industriel, la revalorisation des terrains délaissés et leur adaptation pour assurer une production végétale économiquement rentable… En termes de retombées économiques, ce programme génère directement la création de 15 nouveaux emplois. On estime l’embauche supplémentaire de 30 à 45 personnes d’ici 5 ans. LORVER est soutenu financièrement par le Conseil régional de Lorraine et le FEDER.

Source : Hours. A, Fernandez. E (avril 2012) L’enjeu d’une ré industrialisation écologique, le développement durable en Lorraine, Encyclopédie du développement durable

http://encyclopedie-dd.org/IMG/pdf/...

Territorialisation de la gestion des ressources humaines et management responsable

Une gestion territoriale de l’emploi et des compétences et plus généralement une territorialisation de la gestion des ressources humaines est un facteur clé de la construction de véritables écosystèmes industriels pérennes. La mutualisation de la gestion de l’emploi à l’échelle du territoire est un facteur déterminant pour la réussite de la transition puisqu’elle permet de contribuer à la vitalité du territoire, d’élargir et fluidifier le marché interne de l’emploi, de s’appuyer sur le territoire pour activer les compétences localement.

L’étude Territorialisation de la GRH : de nouvelles démarches d’entreprise et une nouvelle GRH ?, Défélix, Dégruel, Le Boulaire, Retour (2011), rapporte plusieurs stratégies d’entreprises et de territoires engagés dans cette voie. Elle fait référence par exemple au programme « Implication Territoriale dans l’Economie Locale » de Danone, qui s’inscrit dans une démarche de RSE visant à « venir en appui au développement local territorial ; proposer des parcours qualifiants aux personnes en difficulté ; initier ou soutenir la création de structures et/ou la mise en œuvre d’opérations visant au développement économique et/ou à l’insertion ; mieux répondre aux besoins de main d’œuvre qualifiée  ». Le programme s’organise autour d’un diagnostic du territoire qui est d’abord déployé puis de l’engagement d’une démarche de RSE visant à ouvrir les salariés à leur environnement. Les managers sont par ailleurs évalués en fonction des actions entreprises avec d’autres acteurs du territoire.

La sécurisation des parcours professionnels et la fluidité dans la gestion des compétences peuvent s’appuyer sur différents dispositifs comme les groupements d’employeurs (GE) ou le prêt de personnel. Les GE regroupent plusieurs entreprises dans une association permettant de recruter ensemble des salariés et de les mettre à disposition de ses membres, selon leurs besoins. En ce qu’ils permettent une pérennisation des emplois les GE permettent d’ancrer la main d’œuvre sur un territoire. Par ailleurs, les prêts de personnel dont l’intérêt a été relancé récemment par la crise et la loi expérimentale relative aux pôles de compétitivité permettent de faciliter la circulation des connaissances au sein d’un même écosytème industriel. Ainsi le pôle de compétitivité grenoblois Minalogic dédié aux nouvelles technologies et aux logiciels embarqués a mis en place dès avril 2009 le prêt de personnel entre organismes de recherche, établissements d’enseignement supérieur et entreprises. Il s’agit de « favoriser la mise en place de partenariats public-privé, privé-public, public-public et privé-privé. [12] » Ceci permet de « préserver les compétences clés » du réseau.

Au-delà d’une gestion rigoureuse et d’une démarche qualité aujourd’hui indispensable, mobiliser l’ensemble du personnel sur les objectifs de réussite d’un développement durable respectueux des hommes et de l’environnement, et ancré sur le territoire, est une clé indispensable au succès de cette mutation. On pourrait résumer cette démarche avec la formule simplifiée de la mise en place de la responsabilité sociale des entreprises (RSE) dans l’entreprise. Citons à ce sujet Yann Roland, délégué du Medef de Loire-Atlantique et PDG d’une grosse PME de ce département : «  Aujourd’hui, des entreprises s’engagent dans la RSE c’est-à-dire rendre compatible la performance économique avec le respect de l’environnement et une éthique sociale et sociétale. C’est le passage d’un management basé sur le respect du droit au management basé sur l’éthique.[…] Ce que j’aimerais, c’est convaincre mes collègues chefs d’entreprise que la politique RSE n’est ni un frein ou un coût mais c’est grâce à la créativité, à la culture de l’innovation et surtout au fait de faire participer l’ensemble du personnel, on rentre dans une spirale vertueuse qui est vraiment créatrice d’énergie et de valeur. Je voudrais aussi qu’un jour on puisse dire, en Loire Atlantique ou dans les Pays de Loire, les entreprises sont plus responsables qu’ailleurs pour que cela donne envie et que cela participe à l’attractivité de notre territoire. »

L’objectif n’est pas ici de rentrer dans le détail de la RSE qui aujourd’hui se décline dans la norme ISO 26 000. On se contentera de dire que c’est le respect du rôle du personnel, son implication dans les choix et orientations stratégiques de l’entreprise, joint à l’implication de l’entreprise dans le développement local qui créeront les conditions d’une innovation ou d’une différentiation indispensables à la construction d’un avantage concurrentiel. Le volet formation du salarié joue à cet égard un rôle important.

 C. Les leviers pour construire des territoires résilients


Loin d’avoir trouvé la solution, nombre de territoires et d’acteurs engagent cette réflexion pour trouver de nouveaux leviers de développement, tant d’un point de vue emploi, qu’activités, maîtrise du foncier, redéfinition des finances locales. L’enjeu, à travers cela, est l’évolution vers une économie locale intégrée, pensée de manière globale et en articulation avec les autres niveaux territoriaux. Il s’agit tout à la fois de bâtir les résistances aux risques environnementaux et sociaux et de construire un modèle de développement désirable localement. Il s’agit alors d’innover, soit au niveau des entreprises, soit au niveau de l’organisation des territoires.

1. Un avenir ouvert sur l’innovation organisationnelle des entreprises, l’exemple de l’économie sociale et solidaire

Sans avoir la prétention de devenir la norme de base des entreprises, la gouvernance spécifique des organisations de l’ESS, en ce qu’elle ouvre ces structures à une pluralité de parties prenantes et en ce qu’elle porte un nouvel équilibre entre travail salarié – dans un cadre marchand ou non marchand –, activité bénévole et travail domestique est un véritable ferment pour une économie écologique territorialisée.

Une gouvernance ouverte

Il est malaisé de qualifier de manière univoque la gouvernance des organisations de l’ESS, qui regroupent des organisations de statuts différents (association, Scop, SCIC, mutuelle…). Elle est par nature très diverse. Comme nous nous situons dans l’exploration de l’ancrage territorial des structures de l’ESS l’analyse sera recentrée sur la prise en compte élargie des parties prenantes (que l’on peut rapprocher d’une approche RSE).

Une gouvernance ouverte suppose une prise en compte des parties prenantes externes. C’est une condition d’un exercice démocratique de l’activité qui prenne effectivement en compte les besoins des usagers / clients. Ainsi les clients, usagers, sociétaires sont plus souvent inclus dans les règles des organisations. C’est le cas des mutuelles par exemple où les clients sont sociétaires. C’est aussi le cas par exemple dans les coopératives de second niveau, celles dont les sociétaires sont des professionnels (entreprises agricoles, artisans, commerçants…) et qui, souvent, ont un rôle d’achat en gros au bénéfice des sociétaires. On est là dans un cas de figure où le client est tout à la fois partenaire et sociétaire. Au-delà de l’aspect démocratique on voit bien l’intérêt d’une telle approche intégrée pour une économie écologique. La structuration de filières économiques durables ne se fera pas sans que les entreprises nouent entre elles des relations partenariales serrées. Pour exemple certaines coopératives construisant des filières de distribution de produits, comme des organisations de commerce équitable, prennent également en compte leurs fournisseurs.

Le statut des SCIC pousse au bout cette logique puisque les parties prenantes sont inclues dans le processus décisionnel. L’innovation en matière de gouvernance réside dans la possible intégration de partenaires publics, de collectivités territoriales en particulier au sein d’un collège de sociétaires. On retrouve là, pris en compte dans l’exercice même de la gouvernance, l’ancrage territorial des organisations de l’ESS.

 D- Les SCIC, un statut d’entreprise au service du développement durable du territoire


Le multisociétariat est au cœur du statut des SCIC. C’est ce qui fait l’originalité de ces coopératives qui peuvent associer au capital, à sa gestion, au développement de son activité toutes les parties prenantes : salariés et bénéficiaires (2 catégories d’associés obligatoire), mais aussi collectivités territoriales et bénévoles.

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La SCIC Auvergne Bio Distribution

« Depuis 2002, l’association Auvergne Biologique organisait des repas 100 % bio dans les établissements scolaires de la région Auvergne. Entre 2002 et 2005, les moyens utilisés, en terme de logistique et d’approvisionnement ont permis progressivement d’assurer de 10 000 à 35 000 repas par an. Ces repas constituaient de bons points de départ pour sensibiliser enfants et adolescents à un nouvel équilibre alimentaire et aux enjeux environnementaux et sociaux actuels.

En 2005, Auvergne Biologique estime que son statut et son organisation ne permettent pas le développement de la restauration collective. Une étude de faisabilité conclut au développement de cette activité via une Société Coopérative d’Intérêt Collectif.

Auvergne Bio Distribution est créée le 1er juillet 2007 avec 40 associés : 1 salarié, 12 transformateurs, 21 producteurs, 10 collectivités de la Région Auvergne, répartis en 4 collèges : producteurs (20%), collectivités locales (30%), transformateurs (40%), salariés (10%).

Ses objectifs sont de réunir la production bio de la région pour la diriger vers la restauration collective, d’approvisionner tous les établissements scolaires de la région, de structurer la production en amont et d’essaimer vers d’autres régions.

En 2009, elle assure la livraison des denrées pour 460 500 repas servis dans 144 établissements scolaires ou de restauration pour adultes (le double de 2008), 70% des produits étant issus de la Région Auvergne (130 500 repas complets bio et 330 000 repas avec un ou plusieurs ingrédients bio).

Le bilan 2009 montre des impacts positifs pour les acteurs y étant impliqués (processus participatif et projet partagé, structuration de la filière, développement de nouveaux marchés pour les producteurs, installation de nouveaux producteurs et transformateurs, sensibilisation et formation auprès des professionnels et convives) et sur le territoire (développement de la production, développement des territoires, impact écologique du transport réduit, impact positif sur l’emploi local). »

Source : Quels débouchés pour la production bio française ? Les enjeux de la structuration des filières biologiques, FNAB, janvier 2011

http://www.fnab.org/images/files/Se...

2. Un avenir ouvert sur l’innovation organisationnelle des territoires, l’exemple des monnaies locales pour dynamiser l’activité économique locale
Les monnaies locales sont un bon exemple des possibilités de dynamisation de l’économie locale que doit permettre la transition vers une économie écologique ancrée sur son territoire. Les monnaies locales assignent la consommation à des biens et services produits localement et de ce fait génèrent un surplus d’activité, c’est l’effet multiplicateur local (Fare, 2012). « Par exemple Torrés (2003) a comparé, à Fortaleza au Brésil, les effets d’une injection en monnaie nationale et en monnaie sociale (palmas) : l’effet multiplicateur local de celle-ci est 25 % plus fort que celui du real, soit une augmentation du pouvoir d’achat local de 25 %. Ensuite, les personnes interrogées dans cette étude déclarent avoir modifié leur consommation en substituant des biens produits localement aux produits achetés à l’extérieur. Après l’introduction des palmas, la part des commerces locaux dans les dépenses globales réalisées à Fortaleza a grimpé de 16 % à 56 %. Cette réorientation de la consommation a été rendu possible par une offre locale plus diversifiée et l’implication des commerces locaux dans le dispositif : 89% des personnes interrogées déclarent que tout ce qui peut être acheté localement en real l’est aussi en palmas. » [13]

Le rôle des collectivités territoriales dans la diffusion des monnaies locales est important dans la recherche de la combinaison de ces deux critères : innovation sociale et efficience environnementale. En effet rien ne garantit a priori qu’un produit local sera vertueux sur les plans environnementaux et sociaux. Afin de s’engager sur une voie de durabilité forte, et à la suite des travaux de Patrick Viveret, sont apparus en France depuis 2007 une nouvelle génération de monnaies sociales, le SOL. Il combine une monnaie de fidélisation (des points gagnés par achats), appelée « SOL éco » ; une monnaie rétribuant des actions bénévoles (inspirée des SEL), qualifiée de SOL temps ; enfin le « SOL affecté » utilisé par collectivités locales pour flécher la consommation ou valoriser des comportements dits responsables [14]. La monnaie locale devient dès lors un véritable outil de politique publique et d’orientation de l’économie.

3. Investir par et pour le local

Investissement financier favorisant l’innovation, le développement durable et le long terme

L’examen du comportement des entreprises lors de cette période de crise montre que celles qui résistent bien, et qui redémarrent facilement ne sont pas celles que les actionnaires ont mis sous pression pour « améliorer leur performance », par exemple en licenciant, mais au contraire celles dont tout ou partie de leur capital est stable, c’est-à-dire qui privilégient le long terme. Que cela soit le groupe BOSCH, dont le capital est détenu par une fondation, le groupe ACOME avec un statut coopératif de SCOP, ou une grosse PME comme BEL’M, qui a rapatrié la majorité son capital au sein des dirigeants et salariés, elles ont toutes mis en œuvre des stratégies d’attente qui préservaient les moyens humains et l’outil industriel, leur permettant de redémarrer plus facilement. Ce sont également 3 exemples de sociétés « territorialisées » même si elles sont toutes sur le commerce international et même implantées à l’étranger pour certaines. La stabilité du capital est donc importante pour favoriser une stabilité des entreprises et donc avoir une économie plus résiliente. Le territoire se doit donc d’être moteur dans ce domaine pour pouvoir proposer une telle alternative aux entreprises locales, c’est-à-dire qu’une part de leur capital puisse être détenue localement. Cela peut être sous une forme d’un fond d’investissement local détenu par les habitants ou d’autres instances locales. Ces fonds ont un double rôle : stabiliser les entreprises, comme cela vient d’être indiqué et faciliter l’accès au crédit, en particulier pour l’innovation. La plupart des Régions dispose de tels fonds aujourd’hui.

L’enjeu de la mobilisation des finances locales

Renouveler les modalités de finances locales est un levier essentiel pour financer la mutation du système productif local et faire face à la raréfaction des investissements, qu’ils soient de nature privée ou publique. Il s’agit de stimuler les expérimentations et les projets permettant d’impliquer les acteurs du territoire et les habitants dans les projets locaux. Les deux exemples ci –dessous illustrent deux aspects importants de ce renouvellement des modalités des finances locales : la mobilisation de l’épargne locale et l’implication partenariale pour le financement de projets de développement local.

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L’épargne solidaire, au service des entreprises, l’exemple d’IES

Initiatives pour une économie solidaire (IES) est une société à capital risque, invitant à la souscription des citoyens et personnes morales pour créer et soutenir « une économie au service de l’homme ». C’est un instrument de collecte d’épargne et d’accompagnement de projets. La société a collecté plus d’1 millions euros, avec 700 personnes contributrices (3/4 de petits contributeurs-1000€ maximum, ¼ de gros), 50 entreprises soutenues, 50 bénévoles. La totalité de l’épargne collectée permet de financer des entreprises choisies sur des critères solidaires :

  • Entreprises qui ont un accès difficile aux financements traditionnels
  • Entreprises dont la finalité et le fonctionnement sont éthiques et solidaires. La souscription d’actions ouvre le bénéfice d’une réduction d’impôt sur le revenu ou sur l’ISF. La totalité du montant de l’action est affectée au financement des entreprises.



L’argent récolté a permis à 30 sociétés de prendre leur envol dans les domaines du commerce équitable, des services à la personne et services marchands, de l’énergie… et de créer 200 emplois. IES finance également des coopératives d’activités, de type pépinière.

Créer en 1998 en société anonymes c’est désormais une SCIC. Ce changement de statut a permis de faire rentrer des collectivités locales et des comités d’entreprises au capital.

Pour en savoir plus : http://www.ies.coop/ .


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Conjuguer les financements pour un développement local, le projet industriel et territorial du Mené

Geotexia est une unité de méthanisation initiée par 37 éleveurs regroupés dans une coopérative de matériel agricole (Cuma). Cette unité de traitement est alimentée par 35000 tonnes de lisiers agricole et 40000 tonnes issues des industries agroalimentaires locales pour la production de biogaz. Afin de mettre en place ce projet ambitieux (le premier de cette ampleur en France) ils se sont appuyés sur un ensemble de financeurs pour engager les 14 millions d’investissement nécessaires à la réalisation de l’usine.

Géotexia Mené est une société anonyme. Les capitaux propres (10 % des investissements) sont détenus à 32 % par le groupe Idex, 34 % par la cuma, 34 % par la Caisse des dépôts et consignations.

La cuma Mené Energie (32 éleveurs), épaulée par Aile (Association d’Initiatives Locales pour l’Energie et l’Environnement) et l’Ademe, a su convaincre des industries agroalimentaires de traiter ensemble leurs effluents (lisiers, déchets et coproduits). Idex Environnement assure l’exploitation de l’usine. Localement, l’association Mir a accompagné la réflexion en organisant une réunion d’explication grand public. Les élus de la communauté de communes du Mené soutiennent le projet depuis le départ. Aujourd’hui leur soutien est également financier. L’Ademe, l’Agence de l’eau et le Feder subventionnent le projet à hauteur de 29 % des investissements. Le reste est financé par l’emprunt (Crédit agricole, Crédit Mutuel de Bretagne, OSEO et le Crédit Coopératif). Le Conseil Régional de Bretagne et le Conseil Général des Côtes d’Armor apportent une garantie bancaire à hauteur de 1 M€ chacune. La communauté de communes du Mené a acheté le terrain sur lequel est implantée l’usine (13 ha).

Au-delà de la patiente et très fructueuse co-construction sur laquelle repose ce projet il faut souligner le levier formidable qu’a constitué la mobilisation des finances locales. En particulier les agriculteurs ont eu la bonne intuition en demandant aux collectivités locales de cautionner leurs projets sur l’encours bancaire. Cela a permis aux banques de s’engager de façon plus sereine.

Pour en savoir plus :https://www.idec-agro.com/realisati...

2. Orienter les instruments existants

De nombreux outils existent déjà pour orienter les initiatives vers cette nouvelle économie écologique et territoriale, que cela soit les Agendas 21, les PCET du côté des territoires ou les différentes facettes de la RSE du côté des entreprises. Mais ces initiatives restent encore trop dispersées. Elles doivent être coordonnées et amplifiées.

Les pratiques territoriales de développement durable au service de la mutation des modes de production et de consommation

Le développement économique est encore traité de façon assez marginale par les agendas 21 locaux compte tenu de l’ampleur des enjeux, même si on constate une montée en puissance tout particulièrement pour les collectivités dont c’est une compétence prioritaire (conseils régionaux et intercommunalités). L’analyse menée par ETD [15] en 2010 sur les agendas 21 reconnus par le ministère du développement durable pointe notamment une faible mobilisation des entreprises et des acteurs économiques, tout particulièrement dans la phase de mise en œuvre des agendas 21. Par ailleurs on constate une faible transversalité des stratégies, les agendas 21 restant bien souvent sur des approches sectorielles ne permettant pas la mise en œuvre d’une stratégie de développement économique réellement intégrée. Le tableau ci-dessous tiré du Cahier Economie et développement durable [16] fait le point sur les actions présentes dans les agendas 21 :


Néanmoins on constate désormais une appropriation croissante par les collectivités de ce thème de l’économie verte et solidaire. Certaines comme le Conseil régional Poitou -Charentes l’affichent comme un axe prioritaire. D’autres via leur agenda 21 ou leur plan climat énergie territorial (PCET) s’essaient à la mutation en profondeur de leur système économique local. C’est par exemple le cas de l’agenda 21 de la vallée de la chimie [17] qui sur une partie du territoire du Grand Lyon avec de très forts enjeux économiques s’est attaqué aux questions d’évolution du tissu industriel, de nouvelle gestion des risques, d’emplois… C’est également le cas de l’agenda 21 de la communauté d’agglomération de Plaine commune qui a véritablement cherché à associer le secteur économique à son élaboration.

Un groupe de travail « Entreprises et Agenda 21, relevons le défi du 21e siècle » a été créé. 4 ateliers ont été organisés entre février et mars 2011 autour des thèmes suivants :

  • La construction des bâtiments face aux défis des ressources naturelles, du climat, de l’emploi et de la formation
  • La valorisation des déchets face au défi des ressources naturelles
  • La responsabilité sociale et territoriale des entreprises pour l’amélioration du bien-être des salariés et un meilleur ancrage territorial
  • La recherche d’un modèle de développement alternatif basé sur les circuits courts, l’économie sociale et solidaire, et des nouveaux rapports entre TPE et grandes sociétés

L’objectif de ces ateliers était d’explorer les principaux axes d’une stratégie de développement économique plus écologique et solidaire et de formuler des pistes pouvant déboucher, le cas échéant, sur des propositions d’actions. Ces temps de travail ont permis à la fois de partager les acquis, les ressources et les bonnes pratiques qui existent sur le territoire, de soulever les freins et de proposer plus d’une quarantaine de propositions et pistes d’actions. Plus de 130 personnes ont contribué aux travaux :

  • 35 entreprises du territoire petites et grandes de secteurs divers
  • Une douzaine d’associations de l’insertion et de l’économie sociale et solidaires
  • Les réseaux existants sur le territoire de Plaine Commune : La Miel, le Réseau d’Entreprises Eco-industrielles, le Club des DRH de la charte Entreprise-Territoire, le Club des dirigeants
  • L’Etat (DRIEE), Pôle emploi
  • Le réseau des GRETA, la Chambre des métiers, le SITOM, la Fédération française du bâtiment…
  • Plaine Commune à travers différentes directions (Développement économique, Emploi et insertion, Habitat, Ecologie urbaine), les villes, la Maison de l’emploi.

Par exemple un atelier sur l’ancrage territorial de la RSE [18]a abouti aux conclusions suivantes :

La responsabilité sociale et territoriale des entreprises pour l’amélioration du bien-être des salariés et un meilleur ancrage territorial

La problématique :

Avec le déclin de la vieille industrie, la tertiarisation croissante et l’émergence de nouvelles filières comme la création audiovisuelle, le profil économique de Plaine Commune est en mutation. Pourtant, le développement du territoire de ces dernières années n’a pas pleinement profité aux populations locales.

Comment favoriser l’accès à l’emploi local des habitants du territoire et par quels dispositifs d’accompagnement, quelles passerelles, quelles filières de formation ? Comment, au sein des entreprises déjà implantées sur le territoire, sensibiliser au développement durable et développer les pratiques responsables ?

Comment associer les salariés à des dispositifs existants qui favorisent l’ancrage territorial (le parrainage par exemple) ? Comment développer les relations du salarié avec son lieu de travail (services, habitants…) ? Comment encourager les initiatives des salariés ?

Comment enfin, développer une approche durable des ressources humaines : lutter contre les discriminations, faire progresser la parité, faire toute leur place aux seniors et aux personnes handicapées ?

Ancrage territorial : Il s’agit de faciliter l’ancrage territorial des entreprises, des salariés et des habitants à travers par exemple :

  • L’intensification des liens entre les entreprises du territoire : Grandes entreprises / TPE / réseaux d’insertion, structures de l’ESS.
  • L’intensification des échanges entre entreprise/territoire, salarié/habitant.
  • Une politique d’habitat qui facilite l’intégration locale des salariés.
  • Un parrainage des créateurs d’entreprises par des chefs d’entreprises ou salariés du territoire.
  • Des actions de découverte du territoire pour les salariés (avec l’Office de Tourisme par exemple).
  • Un accompagnement des jeunes diplômés dans la recherche d’un emploi sur le territoire.
  • Le soutien des associations locales intervenant sur l’emploi, la proximité avec les habitants…
  • Un encouragement des salariés à sortir de leur bâtiment en proposant des services (crèches et des conciergeries…) hors du bâtiment.



Le renforcement de partenariats inter-entreprises pour soutenir et faciliter l’activité des petites entreprises sur le territoire : faire en sorte de regrouper les petites entreprises de sous-traitance du territoire afin qu’elles soient en capacité de répondre aux marchés des grands groupes.

La portée à connaissance et la mise en réseau des initiatives  : Nombre d’initiatives existent sur le territoire de Plaine Commune, que ce soit des démarches RSE portées par les entreprises, les actions menées par des associations ou des dispositifs portés par les institutions. Il s’agira donc de mieux et davantage diffuser l’information sur les actions et les dispositifs existants.

Management environnemental et aménagement plus responsable :

  • Mutualiser et dupliquer les bonnes pratiques.
  • Mettre en réseau plusieurs immeubles pour développer des démarches environnementales sur les déchets, la gestion de l’eau sur site, le développement des énergies renouvelables…
  • Inciter et accompagner le tri sélectif dans les entreprises.
  • Encourager la responsabilité des entreprises sur leur et autour de leur bâtiments : aménagement aux abords des entreprises, réflexion sur le stationnement et la place de la voiture, éco-conception des bâtiments…



Responsabilisation individuelle et collective autour des enjeux du développement durable et de la politique RSE conduite en interne :

  • Susciter une démarche individuelle qui peut s’inscrire dans une stratégie de l’entreprise.
  • Impliquer les collaborateurs dans les actions de la Charte Entreprise-Territoire. Pour ce faire, les participants proposent d’ajouter un indicateur de suivi : le nombre de collaborateurs associés ou impliqués par action.
  • Former, sensibiliser les salariés et chefs d’entreprises aux enjeux du développement durable et de la RSE.



Amélioration du bien- être du salarié :

  • La communauté d’agglomération doit être attentive aux questions liées à la sécurité, au transport, à l’environnement de l’entreprise, aux commerces et services de proximité.
  • Faire le lien entre bien-être des salariés et recrutement local : modifier la charte entreprise-territoire en ajoutant un indicateur sur le bien-être des salariés (le temps de trajet par exemple).
  • Mutualiser les services proposés par les entreprises.
  • Présenter régulièrement les possibilités de logement sur le territoire aux salariés (notamment les programmes de logements).


RSE et ancrage territorial

Du côté des entreprises la RSE est également encore assez marginale. Pourtant elle est aujourd’hui reconnue au niveau mondial par la norme ISO 26000 qui réaffirme que l’accroissement du bien-être devrait être le véritable objectif de l’économie : « La contribution d’une organisation au développement aide à promouvoir des niveaux plus élevés de bien-être au sein de la communauté. Le développement correspond à l’amélioration de la qualité de vie d’une population. Cela comporte l’intensification et la diversification des activités économiques qui répondront mieux aux besoins de la société. Une répartition équilibrée des produits de la croissance économique est également nécessaire pour éradiquer la pauvreté et les inégalités, concrétiser les droits socio-économiques des personnes et être bénéfique pour la société dans son ensemble. »

Cette même norme confirme la nécessité d’un ancrage territorial : « L’ancrage territorial est le travail de proximité proactif d’une organisation vis-à-vis de la communauté. Il s’agit d’une approche visant à résoudre les problèmes, à favoriser les partenariats avec des organisations et des parties prenantes locales et à être un bon citoyen de la communauté en matière d’organisation. Les organisations apportent leur contribution à leurs communautés en étant membres d’institutions civiles et en les appuyant ainsi qu’en s’impliquant dans des réseaux de groupes et d’individus constituant la société civile. »

Au niveau européen, le discours est à peu près le même : « En Europe, une conception commune de ce que recouvre la notion de RSE s’est développée à partir de la définition de la Commission selon laquelle la RSE est « l’intégration volontaire, par les entreprises, de préoccupations sociales et environnementales à leurs activités commerciales et leurs relations avec leurs parties prenantes ». Mais le constat est quand même plus nuancé quant à l’application de ces orientations « Pourtant, l’adoption, la mise en œuvre et l’intégration stratégique de la RSE par les entreprises européennes pourraient encore être améliorées. Les salariés, leurs représentants et les syndicats devraient jouer un rôle plus actif dans l’élaboration et l’application de ces pratiques. Les acteurs externes, et notamment les ONG, les consommateurs et les investisseurs, devraient intervenir davantage pour encourager et récompenser le comportement responsable des entreprises. À tous les niveaux, les pouvoirs publics devraient renforcer la cohérence de leurs politiques en faveur du développement durable, de la croissance économique et de la création d’emploi. »

On assiste cependant à des initiatives individuelles d’entreprise qui se sont lancées résolument dans l’application de cette norme ou qui recherchent des labels équivalents comme le label « Lucie » ou l’audit sociétal mis en place par VIGEO.

L’enjeu est donc maintenant de faire converger ces initiatives territoriales et entrepreneuriales et de réellement construire cette nouvelle économie écologique et solidaire.

Notes

(pour revenir au texte, cliquer sur le numéro de la note)

[1Dictionnaire de la Géographie et de l’espace des sociétés, Belin

[2Communication présentée à Conférence sur le développement durable – Université Montesquieu - Bordeaux 4, Bordeaux les 15 & 16 septembre 2011 – Développement durable, Territoires et localisation des entreprises : vers une attractivité durable ? http://hal.archives-ouvertes.fr/docs.pdf

[3Marlier G., 2012, De nouveaux indicateurs régionaux pour un nouveau modèle de développement durable, Encyclopédie du développement durable,
http://encyclopedie-dd.org/encyclop...

[6Pochon. A (2011) Pour une agriculture efficace, sur les plans économique social et environnemental avec des produits de qualité, Encyclopédie du développement durable
http://encyclopedie-dd.org/encyclop...

[7ibid

[8Vaileanu Paun (2010), Vers une territorialisation de la valeur des entreprises : les apports d’une économie de la fonctionnalité, in Travail, Capital et Savoir dans la mondialisation

[9Extrait rapport ARENE 2009

[10Saives A-L., 2001, De la localisation à la territorialisation : la compétitivité à base territoriale des firmes agroalimentaires en Pays de la Loire
http://www.strategie-aims.com/event...

[11Anticiper et concerter les mutations : rapport sur l’obligation triennale de négocier le dispositif de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, Paris, Ministère de l’Economie, des Finances et de l’Emploi - La
Documentation française. Voir notamment le chapitre intitulé « Au-delà de l’obligation triennale, la GPEC dans les PME, les branches et les territoires », p. 139-172.

[12Territorialisation de la GRH : de nouvelles démarches d’entreprise et une nouvelle GRH ?, Défélix, Dégruel, Le Boulaire, Retour (2011)

[13Les monnaies sociales, outils de développement soutenable, Marie Fare, février 2012
https://www.veblen-institute.org/

[14ibid

[15Agenda 21 et compétences, Les notes d’ETD, mars 2010,
http://www.projetdeterritoire.com/i...

[16Economie et développement durable, repères pour une stratégie territoriale, mai 2010, Cahier de l’Observatoire national des agendas 21 locaux et pratiques territoriales de développement durable,
https://www.observatoire-des-territ...

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* Publication intégrale du rapport :
http://www.cfdt.fr/jcms/prod_128646...

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