La forêt en quête d’un usage durable

9 novembre 2012

Résumé

Cet article précise les limites qui caractérisent la forêt en tant que milieu naturel, et les controverses, existantes ou potentielles qui la concernent.

Il est tiré du rapport «  Etat des lieux des controverses sur les ressources naturelles », Fanny Déléris, Pierre Radanne, Jean-Luc Redaud, Jacques Varet, juin 2012, Association 4D.

La prise de conscience de la finitude de la planète et de ses ressources amène à s’interroger sur les contraintes en termes de rareté des ressources et de capacités d’absorption de l’environnement. Face à une démographie ascendante dans les décennies à venir et un modèle de développement énergivore, consommateur de ressources et polluant, la question des limites est déterminante pour le développement socio-économique d’aujourd’hui et de demain. Ce dossier, composé de 7 articles, s’appuie sur un rapport publié par l’Association 4D en juin 2012 (« Etat des lieux des controverses sur les ressources naturelles »). Il approfondit la notion de limite, par le biais d’une approche différenciée de la rareté, en fonction de 6 catégories de ressources : biodiversité, ressources minérales, énergétiques, ressources naturelles et alimentaires, et enfin les milieux physiques (ici traitée par le biais de la forêt). Les pressions et limites ne se posent pas de la même façon et sont présentées au travers de 6 articles, en termes de stock disponible, d’accès (avec les enjeux géostratégiques que la localisation de certaines ressources peut poser), de coût d’exploitation et de qualité afin d’anticiper les enjeux économiques liés à l’utilisation de la ressource et enfin par rapport à leur potentiel de recyclage et d’optimisation.
Dans un 7eme article sont posés les enjeux pour la France, dans la perspective de l’optimisation de la gestion des ressources naturelles.


En précisant les limites posées par les milieux physiques et les ressources naturelles, il s’agit de délimiter les marges de manœuvre, ainsi que les contradictions potentielles dans le cadre de l’élaboration des chemins de la transition vers une économie écologique.

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Auteur·e·s

Chéron Marie

est chargée de mission à l’association 4D et chargée d’étude sur la Transition vers une économie écologique.


Déléris Fanny

a été chargée de mission Territoire et développement durable à l’association 4D et chargée d’étude sur la Transition vers une économie écologique.


 Introduction


La forêt, traitée ici en tant que milieu naturel, se distingue par à la fois la richesse de ses ressources (biodiversité, bois-énergie), ses fonctions environnementales socioculturelles et économiques et sa fragilité. Les controverses concernant sa gestion recoupent les conflits d’usage qui la traversent et sont étroitement liées au modèle de développement. Au niveau international, la mondialisation des échanges et l’augmentation des besoins en ressources forestières et financières alimentent la déforestation. Un désastre écologique qui appelle à une régulation internationale.
En métropole la politique de préservation des forêts a permis de voir le couvert forestier augmenter au fil du 20e siècle. Ce qui n’est pas sans poser aujourd’hui la question de son usage, économique et social.



Les fonctions de la forêt

La régulation des écosystèmes :

La forêt contribue au cycle de l’eau, à la régulation du climat, à la protection des sols, au stockage de carbone… et abrite aujourd’hui 80% de la biodiversité terrestre.

Les fonctions économiques :

La forêt constitue à la fois une source d’énergie essentielle pour les populations locales (bois de feu) et une source de subsistance (sous‐produits issus du couvert forestier : miel, cire, plantes médicinales, viandes, gibier, peaux).

Les fonctions sociales de la forêt :

La forêt a des fonctions sociales très importantes. Elles sont à la fois une source d’identité et un lieu de vie pour de nombreuses populations locales. A l’exemple des Pygmées, peuples de la forêt, dont la survie est menacée par la destruction de leur habitat.

Quelques chiffres afin d’illustrer ces propos :

La valeur culturelle et spirituelle de la forêt.

350 millions de personnes vivent dans les forêts (FAO).
1,2 milliards d’habitants dépendant des systèmes agro‐forestiers (BM) ;
Plus de deux milliards d’habitants tirent de la forêt leur moyen d’existence (PNUD)



 1. Au niveau international : un taux de déforestation alarmant


La ceinture vitale formée par l’Amazonie [1] , le Bassin du Congo et le complexe forestier ombrophile d’Asie du Sud‐Ouest couvre 15% de la surface de la planète et renferme 35% du carbone de la biosphère terrestre. Ces forêts abritent 90% de biodiversité et nourrissent 90%

des 1,2 milliards de personnes vivant dans l’extrême pauvreté.

La déforestation s’est amplifiée dans les années 1980, et s’est encore accéléré dans les années 1990. Le comité des forêts de la FAO, dans son rapport sur l’Etat des forêts en 2007, estime que la situation en Afrique est particulièrement préoccupante puisqu’elle concentre à elle seule la moitié de la déforestation mondiale. Trois millions d’hectares de forêts tropicales ont ainsi été rayés de la carte entre 1990 et 2005 (l’équivalent chaque jour de la surface de Paris). Entre 2000 et 2005, sur l’ensemble de la planète, la perte nette de forêts s’établit à 7,3 millions d’hectares par an, soit 20.000 hectares par jour.
Les causes de la déforestation sont multiples : urbanisation et développement d’infrastructures (routières notamment), extension des terres cultivées, cultures sur brûlis, exploitation du bois d’œuvre, monocultures forestières intensives et extensives (huiles de palme…) collecte de bois de feu. A la source, la croissance démographique et la concurrence pour l’accès aux terres, alors que la régulation institutionnelle en ce domaine fait défaut.

Pourtant, la communauté internationale dans son ensemble s’accorde à reconnaître l’importance majeure des forêts, comme actrices de la préservation de la biodiversité et des écosystèmes, de la lutte contre le changement climatique et de la survie de populations entières. La préservation de la forêt est une des conditions essentielles pour un développement durable.

Selon le WWF, en 2012, « 250 000 hectares de forêts tropicales disparaissent chaque semaine ». On estime à 27 000 le nombre d’espèces animales et végétales perdues chaque année à cause de la déforestation.



 2. Impacts environnementaux et sociaux : la double peine


Les forêts constituent des puits de carbone (elles stockent environ 40 % de la quantité de carbone de la

biomasse sur terre). La déforestation et la culture sur brûlis provoquent l’émission de gaz à effet de serre, et notamment de CO2 : la capacité d’absorption du CO2 par le couvert forestier diminue et le carbone qu’ils stockaient est relâché dans l’atmosphère.
En 2004, les émissions dues à la déforestation représentaient environ 17% des émissions de gaz à effet de serre, et presque 28% des émissions globales de CO2, ce qui fait de la déforestation la troisième source d’émissions, après la production d’énergie et l’industrie, et avant le transport.

A mesure que la déforestation progresse, c’est la vie et le bien‐être de l’ensemble de la communauté qui sont affectés. Un affaiblissement que l’on peut qualifier de social et de culturel. Avec moins de combustibles disponibles, on observe un accroissement des flux de migration, notamment vers les zones urbaines.


 3. La métropole en quête d’une gestion durable des forêts


La gestion des forêts est règlementée depuis le XVIIe siècle (Colbert) en France. Actuellement le code forestier donne les principes règlementaires de la gestion forestière. Ceux‐ci se déclinent nationalement et localement par un certain nombre de textes propres aux forêts publiques domaniales (appartenant à l’État), aux autres forêts publiques (appartenant à diverses collectivités) et aux forêts privées qui représentent près des 3/4 de la surface forestière française.
En métropole, le taux de boisement a fortement augmenté depuis le 19e siècle en raison des efforts de reboisement ainsi que de la réduction de l’emprise agricole. Les forêts publiques, de l’Etat (10 %) ou des collectivités territoriales (16 %) sont gérées par l’Office national des forêts (ONF).

Taux de boisement par département pour le cumul des campagnes d’inventaire 2006 à 2010.






Chiffres repères sur la forêt en France * :

  • 13 % de la surface boisée de l’Union européenne
  • 16,3 millions d’hectares en métropole (29,7 % du territoire) ** dont 10,6 millions d’hectares de forêts privées et 4,7 millions d’hectares de forêts publiques
  • 7,7 millions d’hectares de forêts tropicales dans les 4 départements d’outre-mer, dont 98 % dans la seule Guyane.
  • Elle abrite 72 % des espèces de la flore française, mais aussi 73 espèces de mammifères, et 120 espèces d’oiseaux.
  • Les 2/3 de la forêt sont composés de feuillus, c’est à dire des arbres produisant des feuilles bien développées, par opposition aux conifères ou résineux dont la forme des feuilles est réduite à des aiguilles.
  • 15 % des forêts bénéficient du statut d’aires protégées.


    Economie :
  • Les entreprises de la transformation du bois emploient 300 000 personnes. Si l’on ajoute les artisans et les entreprises du bâtiment, la filière forêt-bois regroupe plus de 450 000 personnes. La France est le premier producteur européen de chêne, de hêtre et de peuplier.



Sources :

* Ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.

** Inventaire forestier national.


La plus grande partie de la forêt française a pour vocation de produire du bois d’œuvre de qualité dans le cadre d’une gestion durable, soucieuse de la conservation de la diversité biologique et du maintien des potentialités des sols, en évitant toute action irréversible. La filière forêt‐bois regroupe ainsi plus de 450 000 personnes, aux métiers très différents, mais complémentaires.
En 2007, le prix moyen brut des forêts était estimé à 5 540 euros/ha ; le volume sur pied, pour les productions seules, se montait à 2,4 milliards de m3 et la récolte totale de bois s’élevait à près de 60 millions de m3, dont 37 % non commercialisés et 44 % de bois certifiés provenant de forêts gérées durablement.

Développer la production du bois pour la construction et la production d’énergie tout en préservant l’environnement et la biodiversité et en soutenant la lutte contre le changement climatique, tels sont les principaux enjeux de la gestion de la forêt sur le territoire français.

Notes

(pour revenir au texte, cliquer sur le numéro de la note)

[1Cf. l’Encyclopédie du développement durable, «  Développement durable en Amazonie brésilienne », 11 mai 2006, par Ruellan, Alain, http://encyclopedie-dd.org/encyclop...

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 Bibliographie

 Situation des forêts dans le monde, FAO, Rome, 2011


 State of Europe’s Forest, Status & Trends in Sustainable Forest Management in Europe Forest Europe, november 2011, ONU, UNECE, FAO :http://www.foresteurope.org/

 Indicateurs de gestion durable des forêts françaises métropolitaines, Institut national des forêts, 2010. http://www.ifn.fr/spip/?rubrique80

 Le dessous des cartes, Histoires de forêts, octobre 2012.

 Lire dans l’encyclopédie

* Alain Ruellan : « Développement durable en Amazonie brésilienne », 11 mai 2006, par Ruellan, Alain, http://encyclopedie-dd.org/encyclop...

 Lire sur Internet

 Forest Europe : http://www.foresteurope.org/docs/So...


 Inventaire forestier francais : http://www.ifn.fr/spip/?rubrique80

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