Valoriser des ressources naturelles exceptionnelles : un défi de Développement Durable pour l’Ile de La Réunion

4 juillet 2012

Résumé

La Réunion dispose de ressources naturelles exceptionnelles qui sont un atout pour un développement durable générateur d’activités et d’emplois, de plus d’autonomie vis-à-vis de l’extérieur et qui mette en valeur les forces du territoire. Qu’il s’agisse de s’appuyer sur les savoirs locaux, riches d’un métissage culturel singulier, de développer les énergies renouvelables, un tourisme responsable, une agriculture vivrière bio, toutes ces activités reposent sur la connaissance et la préservation d’une biodiversité unique. La conservation de cette biodiversité, forte d’une grande variété d’espèces endémiques, liée à l’insularité et à la diversité des milieux et habitat naturels, constitue de toutes les façons une responsabilité vis-à-vis des biens communs de l’humanité.

Cette fiche a été co-rédigée par Liliane Duport et Sarah Née (Association 4D), grâce aux contributions des partenaires régionaux : DEAL, Ministère de l’Agriculture (DAAF), Parc National de La Réunion, ONF

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Auteur·e·s


Duport Liliane

Diplômée de chimie analytique et d’économie rurale (EHSS) elle a travaillé au ministère de l’agriculture, puis au ministère de l’environnement sur les questions relatives à l’eau et à la gestion des rivières. Elle a coordonné l’élaboration du Cadre de référence pour les projets territoriaux de développement durable et Agendas 21 locaux.
A 4D, elle a participé au projet « Archipel des régions » qui présente, par région, les avancées du développement durable et les grands défis qui se posent aux territoires. Elle est membre du secrétariat d’édition de l’Encyclopédie du développement durable


  L’insularité, une situation spécifique de développement durable

Insularité et territoire : un espace contraint

La Réunion est une île de 2 500 km2 située au sud-ouest de l’océan Indien, à la hauteur du tropique du Capricorne, à 9200 km de la France métropolitaine et à 1410 km de Mayotte, le plus proche des départements français. Elle constitue, avec les îles Maurice et Rodrigues, l’archipel des Mascareignes Les paysages et reliefs typiques de cette île volcanique ont été façonnés par l’érosion, l’une des plus fortes constatées dans le monde.

L’île est caractérisée par une grande diversité de terrains accidentés et d’escarpements, de gorges et de bassins boisés qui, ensemble, créent un paysage spectaculaire. La diversité des habitats, de la faune et la flore font de la Réunion un haut-lieu de conservation de la biodiversité terrestre.

L’île est exposée au risque volcanique, en raison d’une activité éruptive régulière du Piton de la Fournaise, ainsi qu’à des aléas cycloniques et des dépressions tropicales. Durant certaines périodes, les perturbations cycloniques sont à l’origine de crues torrentielles et mouvements de terrain de grande ampleur.

S’il reste difficile d’établir une relation entre réchauffement climatique et activité cyclonique, il existe une probabilité d’augmentation des cyclones intenses et des précipitations associées ainsi qu’une estimation de l’élévation du niveau de la mer entre 20 à 60 centimètres [1].

Une occupation du territoire inégale

La topographie de l’île influence directement la répartition de la population et l’aménagement du territoire. Ainsi l’habitat et les activités se concentre nt sur 1000 km2, sur les zones littorales, 80 % de la population y réside (soit une densité démographique réelle de près de 800 habitants/km2). « Les Hauts », difficiles d’accès, comptabilisent moins de 20% de la population.

En raison d’un territoire restreint et dans un contexte d’accroissement démographique croissant, l’attribution des espaces dévolus à l’habitat, à l’agriculture, aux espaces naturels et aux zones industrielles constitue un enjeu déterminant d’aménagement du territoire D’ici 2020, le nombre de ménages supplémentaires est estimé à 80 000, ce qui préfigure la construction de 6000 logements chaque année.

Une cohésion sociale forte mais fragilisée

La population réunionnaise s’est constituée au cours des trois derniers siècles. Elle est caractérisée par la diversité des ses habitants aux origines plurielles africaines, indiennes, malgaches, européennes et chinoises, enrichie par les interactions entre les diverses traditions originelles [2] ; par la jeunesse de sa population, 35% de la population a moins de vingt ans ; par une grande solidarité intergénérationnelle, un mode de vie partagé et par une forte croissance démographique.

Ces dernières cinquante années, l’île est passée d’une société pré-industrielle à une société post-industrielle et le paysage réunionnais historiquement structuré autour du monde agricole, s’est transformé très rapidement en un monde de services dans lequel l’espace urbain s’est profondément modifié. En 10 ans, la population a augmenté de plus de 110 000 habitants, mais moins de la moitié de la population en âge de travailler occupe effectivement un emploi. 50% de la population réunionnaise se trouve en situation de pauvreté. Afin de réduire les inégalités sociales et les écarts de développement entre les territoires, 38 quartiers en difficulté ont été intégrés dans des programmes de politique de la ville de « contrats urbains de cohésion sociale » (CUCS). 240 000 personnes, soit un tiers de la population réunionnaise réside dans ces quartiers prioritaires.

Le décalage entre une croissance économique à la hausse et un faible taux d’emploi

La croissance économique de la Réunion a été importante ces dix dernières années, avec un accroissement du PIB de 3,9 % contre 1,4 % en France, entre 1999 et 2009. Les données INSEE 2010-2011 révèlent aussi une hausse de l’emploi dans les activités de services (+ 8,5 %) notamment dans le secteur de l’enseignement, de la santé humaine et action sociale (+ 6,8 %) et dans les activités scientifiques et techniques, les services administratifs et de soutien (+ 6 %). Les associations ont beaucoup embauché sous la forme de contrats aidés.

L’industrie agroalimentaire représente le premier secteur industriel de l’île avec 69% des produits exportés et 51 % du chiffre d’affaires global. Elle génère 40 % de valeur ajoutée, emploie 37 % de la main d’œuvre et regroupe 23 % des entreprises du secteur industriel [3] . Le tourisme qui se tourne maintenant vers l’écotourisme, participe au développement de l’économie locale en permettant la création de services et d’emplois (recherche, gestion, police, formation, plans et programmes d’action).Pourtant, le taux d’activité est faible, tout particulièrement celui des jeunes, des femmes et des seniors. En 2011, l’île comptabilisait un taux de chômage de 60 % pour les actifs de 15-24 ans et le taux d’emploi des 15-64 ans s’élevait à 43 %
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Encadré 1 : QUELQUES CHIFFRES CLES

Le territoire réunionnais accueille une population de 828 054 habitants (au 01/01/2010), soit 1,3 % de la population nationale.

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La densité de population (2010) est de 326,3 hab./km2 (114 hab./km2 pour la France métropolitaine)

La projection de population au 01/01/2030 est estimée à 1 026 000 habitants

La population active au 31/12/2008 était chiffrée en milliers à 246,9 et le nombre d’allocataires RMI au 31/12/2010 était évalué à 73,3 milliers

Le taux de chômage au deuxième semestre 2011 était de 29,5 % (9,1 % en France métropolitaine).

En 2006 , son PIB représentait 12,5 milliards d’euros , soit 0,7 % du PIB de la France métropolitaine.

Au 31/12/2008, le secteur d’activités était réparti selon 13,4% pour la part du commerce ; 8,6% pour le secteur de la construction et 8,2% pour les activités scientifiques et techniques, services administratifs et soutien. [4]


En 2007 , la valeur ajoutée par secteur d’activité se chiffrait à 1,7 % pour l’agriculture, la sylviculture et la pêche ; à 2,2 % pour les Industries Agricoles et Alimentaires (IAA) ; à 4,8 % pour les autres industries et à 82,2 % pour les services.

40 % de la surface du territoire est dédiée à un parc naturel de 100 000 hectares .

La surface agricole utile du département représente 45 313 hectares et 226 hectares des surfaces sont certifiées bio, ce qui représente 0,7 % de la SAU .

Une réserve marine couvre une superficie de 7200 hectares


La part des énergies renouvelables dans le schéma énergétique est de 12,5 % (2011, source Observatoire de l’énergie de la Réunion) soit une répartition en ktep (kilotonnes d’équivalent pétrole), pour la bagasse : 100,1 ; pour l’énergie hydraulique : 46,6 ; pour l’énergie solaire thermique : 15,7 et pour le photovoltaïque, éolien et biogaz : 9,9

Carte du territoire DEAL

  Tirer partie des ressources naturelles de l’Ile, un atout pour le développement durable de la Réunion

Préserver un patrimoine naturel exceptionne

Une biodiversité remarquable

La zone Madagascar-Mascareignes a été identifiée comme l’un des 25 « hot spots » de la biodiversité au plan mondial. La « biodiversité », contraction de « diversité biologique », rend compte de la diversité du vivant, de la nature selon trois niveaux ; celle des milieux naturels ; celle des espèces et enfin, celle qui existe au sein des espèces. En matière de biodiversité, l’île de la Réunion se caractérise par son isolement géographique et une extrême diversité des milieux et habitat naturels, ce qui a participé à la préservation et au développement de centaines d’espèces endémiques uniques au monde. 130 types de milieux naturels sont identifiés et le taux d’occupation par la forêt primaire est encore remarquable. D’importants massifs de végétation indigène (c’est-à-dire celle qui était présente naturellement sur l’île avant la colonisation humaine) subsistent : forêts, landes et pelouses d’altitude, occupant encore 30 % de la surface de l’îe [5] . De nombreuses espèces endémiques sont en danger de disparition et plusieurs espèces uniques telles que les tortues marines, geckos (lézards), oiseaux et papillons sont menacées.

La biodiversité marine de l’archipel des Mascareignes est classée parmi les 10 « hot spots » mondiaux [6]. Les récifs coralliens localisés, à l’ouest de l’île constituent une ceinture discontinue d’une longueur totale de 25 km, soit 8 % du périmètre de l’île. Ils occupent une superficie équivalente à 7,5 km². Les récifs coralliens sont les milieux marins réunionnais qui présentent la plus grande diversité biologique.

La volonté de préservation du patrimoine naturel exceptionnel de l’île a donné lieu à la création en 2007 d’un Parc National couvrant la partie centrale de l’île sur plus 100 000 hectares de forêt publique, soit 40% du territoire. 95% de ce domaine géré relève du statut départemento-domanial ou départemental. La création de ce Parc national fut la reconnaissance du travail accompli par le Conseil Général et les forestiers de l’ONF (Office National des Forêts) en termes de préservation et de conservation depuis des décennies.

Une réserve naturelle marine s’étend sur 7200 hectares et vise à protéger les ressources halieutiques et le récif corallien.

La lutte contre les espèces invasives

De par son insularité et l’endémisme élevé de sa flore et de sa faune, l’île de La Réunion est particulièrement vulnérable aux invasions biologiques et aux espèces invasives.

La lutte contre les espèces invasives a été désignée par l’UNESCO comme prioritaire, afin de pouvoir maintenir le classement des « Cirques, Pitons et Remparts de la Réunion » au rang de Patrimoine mondial. Jacinthe d’eau, longose, choca, tulipier du Gabon, laitue d’eau, liane papillon ou encore vigne marronne sont des plantes exotiques envahissantes dans l’île de la Réunion. Introduites par l’homme (volontairement ou fortuitement), leur propagation menace les écosystèmes, les habitats ou les espèces indigènes, avec des conséquences écologiques et/ou économiques et/ou sanitaires négatives. Sur les 2 000 espèces exotiques répertoriées, plus de 150 sont déclarées comme invasives. Dès le début des années 80 de nombreuses actions pour lutter contre ce fléau ont été instaurées. La politique forestière conduite par l’ONF, en partenariat avec le Conseil Général, vise notamment à répondre aux besoins écologiques de lutte contre les espèces exotiques envahissantes, la restauration des écosystèmes naturels et la prévention des incendies. En mai 2010, les différents acteurs locaux (DIREN, le Parc National de la Réunion, le Conseil Régional, ONF…) ont lancé la « Stratégie de lutte contre les espèces invasives à la Réunion ».

Suite à des travaux de recherche et des études écologiques, biologiques et génétiques [7] , la mouche bleue ( Tenthrède Cibdela Janthina ), originaire de Sumatra en Indonésie dont la larve est friande de vigne maronne, a été introduite dans les espaces naturels réunionnais comme moyen de lutte naturelle contre cette peste végétale. Le comportement « nectarivore » des mouches bleues aurait une incidence sur la baisse de production de miel et la destruction de la vigne marronne priverait les abeilles de cette plante mellifère recherchée. Une étude a montré cependant que la présence de la mouche bleue « n’a pas d’effet significatif sur la production de miel de faux poivrier ».

Par ailleurs, le goyavier ( Psidium cattleianum ) ou goyave-fraise, proche de la vraie goyave, introduite sur l’île en 1818 s’est naturalisé sur des centaines d’hectares dans l’est de l’île où il colonise les formations végétales indigènes. Pourtant, son utilisation est aujourd’hui valorisée sur le territoire réunionnais et érigée au rang de « spécificité locale ».

De nombreux agriculteurs locaux tirent profit de certaines plantes invasives et leur limitation implique une concertation pour ne pas priver arbitrairement les agriculteurs de l’accès à ces ressources.

Les savoirs locaux et l’usage des plantes médicinales à la Réunion
Les connaissances relatives à la flore réunionnaise ont été amenées par les migrants depuis leur patrie d’origine. L’utilisation thérapeutique des plantes s’est transmise de manière orale et empirique au sein des familles réunionnaises, en fonction des croyances, parfois intégrées à des rituels ou cultes religieux. Avant la départementalisation, l’isolement géographique de l’île, la précarité à laquelle devaient faire face les habitants, le faible nombre d’infrastructures sanitaires et de médecins ont contribué au développement de moyens thérapeutiques issus des plantes médicinales. Aujourd’hui, la médecine traditionnelle réunionnaise s’appuie largement sur les préparations à base de plantes, appelées « zerbaj » en créole réunionnais. Elles sont principalement consommées sous formes de tisanes (infusions, décoctions) ou parfois administrées selon d’autres modes de préparation tels que les onguents, cataplasmes, sirops, bains ou préparations spécifiques à un type de végétal donné. Dans un contexte mondial de menace de déforestation et de retour vers les produits issus de la nature, où la plante est, parfois à tort, réputée non nocive, sans effets secondaires et préservant l’harmonie et l’équilibre du corps, il existe aujourd’hui à un regain d’intérêt pour la promotion des savoirs et thérapies traditionnels. Ainsi, à la Réunion, la flore, qu’elle soit exotique, indigène ou endémique et les usages qui y sont associés, sont reconnus comme faisant partie intégrante du patrimoine végétal et culturel de l’île [8].

L’association Aplamedom Réunion participe depuis 1999 à la reconnaissance par validation scientifique des usages traditionnels des Plantes Aromatiques et Médicinales (PAM). Elle mène des actions de valorisation et développement des ressources végétales locales et accompagne la création d’une filière PAM locale, intégrée dans la zone Océan Indien .

Le patrimoine naturel : des ressources potentielles pour l’activité dans l’Ile

La démarche d’écotourisme « Villages Créoles »

A la fois produit touristique, projet d’aménagement de villages et appui au tissu économique et associatif la démarche « Villages Créoles » a été initiée dans 15 villages situés sur 12 des 24 communes de l’île. Elle s’insère dans une démarche écotouristique définie officiellement par la Société Internationale de l’Ecotourisme en 1992 comme « une forme de voyage responsable dans les espaces naturels qui contribue à la protection de l’environnement et au bien être des populations locales ». Les activités de découverte du patrimoine culturel et naturel de l’île dans un contexte de tourisme de nature et de loisirs participent au développement d’une cohésion sociale favorisant les rencontres entre les générations, les cultures, les groupes sociaux et la mixité entre les gens des « Hauts » et les gens des « Bas ». Les Guides PEI (Patrimoine, Environnement, Identité), présents dans les « Hauts » de l’île sont devenus des acteurs incontournables du développement touristique local et incarnent le relai entre « terroir et tourisme ».

Un fort potentiel d’énergies renouvelables

L’île dispose d’un fort potentiel de développement dans le secteur des énergies renouvelables, permettant d’envisager une autonomie énergétique locale à l’horizon 2030 (projet Grenelle de l’environnement de la Réunion : Réussir l’innovation- GERRI). L’objectif d’autonomie énergétique de l’île implique une valorisation des procédés de récupération de l’énergie issue de la biomasse, du solaire thermique, photovoltaïque, éolien et hydraulique, ainsi que la mise en place de procédés innovants dans le domaine de l’énergie marine.

L’exploitation de l’énergie géothermique, énergie décarbonée et renouvelable, provenant de la chaleur contenue dans la croûte terrestre et dans les couches superficielles de la terre, peut contribuer à l’autonomisation de l’île en matière de production énergétique. Les régions volcaniques telles que la Réunion ont un potentiel géothermique intéressant en raison de la présence de magma qui peut fournir une source de chaleur importante à proximité de la surface. Un programme d’exploration géothermique a été lancé sur l’île en 1977 et deux forages profonds ont été effectués entre 1978 et 1986, dans le secteur nord du Grand-Brûlé et dans le Cirque de Salazie. Ces projets n’ont pas abouti malgré des indices thermiques intéressants dans les cirques en raison de problèmes environnementaux. Les nouveaux programmes d’exploration en cours, la réalisation de travaux de forage et l’installation d’une centrale de production géothermique devront impérativement prendre en compte les exigences de préservation des sites naturels et des zones protégées au titre du Parc National et du Patrimoine mondial de l’UNESCO.

Autre source d’énergie, la valorisation énergétique des résidus fibreux issus du broyage de la canne à sucre, appelés bagasse, permet de produire par cogénération 1/10ème de la production d’électricité sur le territoire. La bagasse, brûlée en chaudière fournit de la vapeur et de l’électricité. Depuis 1992, les centrales thermiques mixtes bagasse-charbon traitent l’intégralité de la bagasse produite par les deux sucreries réunionnaises [9] (Bois-Rouge et Le Gol).

En matière de consommation énergétique, les bâtiments à énergie positive constituent, à la Réunion, des modèles en matière de conception tropicale, d’optimisation de la consommation électrique et d’intégration architecturale des énergies renouvelables. Rappelons qu’un bâtiment à énergie positive produit plus d’énergie qu’il n’en consomme.


La canne à sucre : une production au cœur de l’activité réunionnaise

Depuis la fin du XVIIIème siècle, les filières canne-sucre et rhum jouent un rôle prépondérant dans l’activité économique de l’île. Culture d’exportation, la canne à sucre constitue la principale source d’emplois de l’agriculture réunionnaise. La culture de la canne participe d’une économie circulaire qui produit à la fois une denrée alimentaire, de l’énergie ainsi que d’autres co-produits issus du process sucrier et de la chimie verte. Cet élément structurant du paysage réunionnais offre également un potentiel important de surfaces pour valoriser des effluents d’élevage.

Menacée par l’urbanisation, la superficie consacrée à la canne à sucre correspond à environ 60% de la surface agricole utilisée. 3 800 exploitations produisent au total environ deux millions de tonnes de cannes traitées dans 2 usines – Bois-Rouge dans le Nord-Est et Le Gol dans le Sud- qui alimentent deux centrales thermiques, trois distilleries pour la fabrication de rhum ainsi qu’un terminal pour l’exportation du sucre réunionnais.

Seul centre européen de recherche sur la canne à sucre, eRcane est en relation avec les différents centres internationaux et bénéficie d’une expertise mondialement reconnue. La Réunion constitue en effet un terrain expérimental très favorable aux programmes de recherche scientifique, en raison de la diversité des sols, de la topographie et de la multitude de micro-climats présents.

Des mesures agroenvironnementales, créées en 2008 et relancées en 2012, visant à encourager les agriculteurs à adopter des pratiques agricoles plus respectueuses de l’environnement, ont permis la signature de plus de 1000 contrats en 5 ans . Elles incluent la mesure cannière agroenvironnementale avec la substitution d’un désherbage chimique par un désherbage manuel et la mesure épaillage avec la protection des sols contre l’érosion par la paille de canne [10].

Développement de pratiques agricoles respectueuses de l’environnement

L’agriculture biologique, encore modeste, est en expansion face à une demande croissante, notamment de produits maraîchers. La production varie en fonction des zones de l’île et des conditions climatiques, ainsi à titre d’exemple, la Plaine des Palmistes, dans « les Hauts », ne compte aucun agriculteur Bio en production maraîchère malgré des conditions favorables à du maraîchage de zones tempérées. Dans la zone Est, le maraîchage Bio est quasi inexistant alors que les zones Sud et Ouest rassemblent la majorité des producteurs maraîchers Bio. Le faible volume de fruits et légumes Bio disponibles sur le marché local incite les producteurs à écouler leur production à travers des systèmes de vente directe (paniers, marchés forains, manifestations agricoles…) afin de conserver leur valeur ajoutée [11].

En complémentarité avec l’agriculture biologique, l’agroécologie est aussi en plein essor. Elle consiste à valoriser les savoir-faire locaux et le patrimoine naturel de l’île en encourageant le développement de modes de production et de consommation de produits sains et respectueux de l’environnement.

L’engagement des pêcheurs et des aquaculteurs pour la préservation des ressources halieutiques

Du fait de leur présence constante dans les eaux côtières et les eaux du large, les pêcheurs et aquaculteurs jouent un rôle prépondérant dans la protection et la gestion des ressources marines et la surveillance de la qualité de l’environnement. Les pêcheurs professionnels sont impliqués dans l’atténuation de la pression de pêche sur les fonds côtiers, et soutiennent la délimitation des zones protégées par la Réserve Naturelle Marine ainsi que les aménagements côtiers tels que les récifs artificiels et les DCP (Dispositifs de Concentration de Poissons) côtiers ancrés, qui permettent de diminuer la pression de pêche sur les zones naturelles récifales. Afin de dynamiser, valoriser et promouvoir l’attractivité du secteur de la pêche, plusieurs mesures sont proposées [12] telles que la mise en place de dénominations commerciales locales en langue créole reconnues par les acteurs de la filière et les consommateurs ; l’encouragement de la formation professionnelle avec une adaptation au contexte socio-culturel réunionnais et la revalorisation des revenus des producteurs. A l’échelle du bassin océanique, les pêcheurs professionnels réunionnais soutiennent les démarches de gestion durable des ressources. Pour la Grande Pêche australe par exemple, afin de protéger les ressources halieutiques d’une possible surexploitation pouvant mettre en cause leur existence, des quotas sont fixés chaque année par l’Administration des TAAF (Terres Australes et Antarctique Françaises). Des dispositifs de lutte contre la pêche illicite sont mis en place depuis quelques années, ainsi le système de surveillance satellite Radarsat a constitué une réelle avancée. Au niveau des pêches tropicales dans le Sud-Ouest de l’océan Indien, un Plan Régional de Surveillance des Pêches a été prolongé jusqu’en 2014. Il fait suite à la convention cadre signée en janvier 2007 aux Seychelles entre la COI (Commission de l’Océan Indien) et la Direction Générale de la Pêche de la Commission Européenne. Mais les pêcheurs réunionnais souhaitent aller plus loin, et participer plus activement à la gestion durable des ressources, via la création d’un Conseil Consultatif Régional des pêches du Sud-Ouest de l’océan Indien, qui regrouperait l’ensemble des parties prenantes (pêcheurs, gestionnaires, scientifiques, ONG…) pour une gestion concertée et soutenable de l’ensemble des ressources halieutiques de cette partie du monde.

Conclusion : Réussir à associer local et global en conciliant identité culturelle, préservation des ressources, économie verte territorialisée et ouverture vers l’extérieur constitue certainement l’enjeu fondamental qui se pose à la Réunion en matière de développement durable. Qu’il s’agisse de pratiques responsables, de protection ou d’innovations, La Réunion peut et doit compter sur la richesse et la diversité de son patrimoine naturel et de ses ressources humaines. D’ailleurs, une expérimentation concernant les métiers « verts » est en cours sur le territoire réunionnais depuis juin 2010. Elle intègre les « éco-activités » de protection de l’environnement (pollution de l’air, gestion des déchets, assainissement), la gestion des ressources naturelles (gestion durable de l’eau, récupération, énergies renouvelables) et activités transversales, incluant les services généraux publics, le domaine de la recherche et du développement ainsi que l’ingénierie.


[ L’Archipel des régions souhaite faire la preuve que le développement durable s’ancre localement, qu’il se construit sur les territoires et renouvelle leurs perspectives d’avenir. Région après région, chaque portrait rend compte du cheminement du territoire régional vers un développement durable au travers de l’exploration d’un enjeu particulier. A l’horizon des 20 ans du Sommet de la Terre de Rio, l’association 4D donne la parole à des acteurs régionaux, afin d’éclairer les réponses singulières et novatrices apportées par les territoires aux défis du XXIème siècle.


Les auteurs remercient pour leur aide précieuse :

  • Sébastien Mariotti, Grégory Vigna et Jean-François Nédélec, Alain Gaignet (DEAL)
  • Aurélie Bravin, Agnès Lasnes et Christophe Castanier (DAAF)
  • Sebastien Le Goff (Chambre d’agriculture)
  • Laurence Pourchez (anthropologue)
  • Aurore Bury (Syndicat du sucre)
  • Alain Fontaine, Hervé Houin (ONF)
  • Jean-François Bénard et Céline Hoarau (Parc National)
  • Christian Léger (SREPEN)
  • Pierre-Gildas Fleury (Ifremer)
  • David Guyomard (CRPM)

Avec l’appui de la Caisse des dépôts

Notes

(pour revenir au texte, cliquer sur le numéro de la note)

[1Source : Météo France 2008, étude prospective à l’horizon 2100

[2Laurence Pourchez, 2005

[3Source : Agence de Développement de la Réunion

[4Sources : ouvrage « Collection Insee Références », 2010 et sites Insee.

[5Source : UICN (Union Internationale pour la Conservation de la Nature)

[6Roberts et al. 20

[7Etudes CIRAD (Centre de coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement)

[8Laurence Pourchez, 2011

[9Source : site Tereos

[10Direction de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Forêt de la Réunion (DAAF) : Mesures agro- environnementales

[11Source : Chambre d’Agriculture de la Réunion, rapport filière agriculture « bio », 2010

[12Comité Régional des Pêches Maritimes et des Elevages Marins de la Réunion

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