Rennes, Ville Vivrière ?

Une prospective proposée par les étudiants d’Agrocampus Ouest

12 novembre 2015

Résumé

Prospective proposée par les étudiants de l’option « Agriculture Durable et Développement Territorial »

Cet article présente la synthèse de travaux d’étudiants menés durant trois ans à Agrocampus Ouest cherchant à estimer le potentiel d’autonomie alimentaire de Rennes Métropole à partir des ressources alimentaires du territoire. D’abord exploratoires et à vocation pédagogique, ces travaux ont pris une tournure plus formelle au fil du temps à travers l’intérêt manifestés par des partenaires nstitutionnels à l’échelle de diverses métropoles ou à l’échelle de service de prospective à l’échelon national.
Les données présentées se divisent en trois volets. Le premier volet compare les surfaces agricoles qui seraient nécessaires pour nourrir Rennes Métropole à partir de deux scénarii : un scénario tendanciel, et un scénario d’autonomie reposant sur un régime alimentaire moins carné, des productions agricoles biologiques, une mobilisation d’une part des trames vertes urbaines en complément des actuelles surfaces agricoles, et une réduction du gâchis alimentaire. Le second volet aborde des question socio-économiques et logistiques : pour répondre à la question de l’impact de ces deux scénarii sur le nombre d’emplois territoriaux dédiés aux filières alimentaires, les étudiants ont proposé des réflexions et des éléments de modélisation sur les industries agro-alimentaires du territoire et sur la logistique et la localisation des commerces alimentaires. Le troisième volet présente les résultats de petites enquêtes sociologiques qui permettent d’évaluer le positionnement de la population rennaise à l’égard de telles scénarios, et de mieux caractériser ses préférences et stratégies alimentaires.

Cet article est repris de la Revue POUR, n° 224-2015, Agricultures urbaines, en application d’un accord de partenariat entre la Revue POUR et l’Encyclopédie du développement durable.

12 novembre 2015

Auteur·e

Darrot Catherine

Ingénieure agronome et maître de conférences en
sociologie rurale à Agrocampus Ouest à Rennes.
Elle y est actuellement responsable de l’unité pédagogique « Sciences Humaines et Territoire ». Elle mène ses recherches dans le cadre de l’Unité Mixte de recherches « Espaces et Société » (UMR CNRS 6590 ESO).
Elle a participé depuis 2008 à plusieurs projets de recherche mobilisant la notion de « Systèmes Alimentaires Territorialisés »


Entre 2010 et 2013 à Agrocampus Ouest site de Rennes, trois promotions successives d’étudiants de l’option de spécialisation « Agriculture Durable et Développement Territorial » ont cumulé des données dressant une vision prospective du potentiel d’autonomie alimentaire de Rennes Métropole.

Ces étudiants conduisent un exercice nommé « projet d’ingénieur », bref mais intense travail d’expertise collective qui les mène, avant leur stage de fin d’études, au seuil de la professionnalisation. La question soumise aux étudiants était la suivante : « jusqu’à quelle distance faudrait-il aller chercher autour de la ville si l’on voulait un jour nourrir tous les habitants de Rennes Métropole à partir des seules ressources alimentaires du territoire local ?  »

En partenariat avec la FRCIVAM Bretagne, plusieurs enseignants-chercheurs de cette équipe se penchaient déjà depuis près d’une décennie sur le phénomène des circuits alimentaires (re)localisés émergent au cours des années 2000. Et Pascal Verdier, notre interlocuteur à Rennes Métropole de nous encourager à réfléchir aux hypothèses agricoles et alimentaires propres à la perspective de la ville post-carbone. A l’inverse, lors des débats et conférences auxquels nous participions, plusieurs objections étaient soulevées de manière récurrente : « Ces circuits courts alimentaires sont-ils capables de fournir les gros volumes nécessaires à l’alimentation d’une population nationale aujourd’hui surtout urbaine » ? « Evoluer vers ce modèle alimentaire tuerait-il les emplois agro-alimentaires bretons » ? « Ces produits issus de l’agriculture locale, qui en veut finalement ? Une poignée de bobos nantis ? ».

Ces trois remarques récurrentes ont été appréhendées comme des questions-obstacles à une telle réflexion. Elles ont fondé la perspective du projet d’ingénieur. Que pouvaient donc nous enseigner les chiffres et les données de terrain sur ces trois questions ?

 Ces circuits courts alimentaires sont-ils capables de fournir les gros volumes nécessaires à l’alimentation d’une population urbaine ?


La logique de travail fut d’abord géographique : si chaque grande ville relocalisait son alimentation, elle se trouverait de fait baignée dans une sorte de halo agricole et alimentaire chargé de nourrir les habitants de son bassin de population. Quel est donc la taille de ce halo pour Rennes Métrople, et rejoindrait-il potentiellement celui des bassins urbains les plus proches (Vitré, Redon, Saint Malo, Fougères par exemple) ? La métropole rennaise repose dans ce domaine sur le modèle d’urbanisme de la « Ville archipel [1] », que l’on doit à l’élu et urbaniste rennais Jean-Yves Chapuis, qui laisse la part belle aux terres agricoles péri-urbaines : cette situation invite particulièrement à examiner le potentiel alimentaire de ce territoire, en particulier dans une perspective de relocalisation d’ailleurs évoquée parmi les objectifs du Programme Local pour l’Agriculture (PLA) dont la métropole s’est dotée en 2008 [2].

Dès la première demi-journée de travail collectif, les réflexions fusèrent :
« Mais cela dépend de ce que les gens mangent ! Le modèle alimentaire est-il le même, ou évolue-t-il avec la relocalisation ? Les gens mangent-ils bio ? Sont-il végétariens ? Et la production, est-elle aussi adaptée à ces nouvelles conditions ? »
Ayant pris à bras le corps les enjeux méthodologiques soulevés par leurs intéressantes remarques, les étudiants ont fait leur la suite de la démarche, qui leur appartient entièrement.

Deux scénarios ont été comparés. Le scénario tendanciel d’une part a été exploré comme point de référence centré sur la situation actuelle : dans ce cadre, ni le modèle productif ni le modèle alimentaire ne sont modifiés, seule la destinée commerciale des produits évolue puisqu’ils sont consommés localement. D’autre part, un scénario optimisant le potentiel alimentaire dans une perspective relocalisée, baptisé « scénario d’autonomie » a été élaboré par les étudiants : agriculture biologique (un choix de leur part) et produits de saison, un modèle productif remodelé pour le calquer sur les besoins alimentaires locaux, une mise en culture accrue des trames vertes urbaines (jardins et parcs privés et publics, forêts, toits plats, bords de rivières, etc.), une réduction de la part de calories animales de 15 à 10 % dans l’alimentation, et du gâchis alimentaire de 30 à 20 %, des productions animales plus adaptées au contexte péri-urbain et urbain et plus à même de valoriser les espaces interstitiels ou les zones humides, et les sous-produits végétaux de l’alimentation humaine.

Sept étapes ont été définies pour établir quelles surfaces sont nécessaires pour nourrir les habitants de l’agglomération rennaise dans l’un et l’autre de ces scénarios :

  1. Estimer la population en 2030 (année de projection de cette prospective) d’après la croissance démographique
  2. . Estimer les besoins caloriques de cette population et, avec l’aide d’une nutritionniste, la répartir dans les grandes familles d’aliments, à partir des besoins caloriques moyens des diverses catégories de population selon leur sexe et leur âge
  3. Composer en calories une ration alimentaire annuelle variée (et différente dans chaque scénario), conforme à ces besoins, et correspondant aux hypothèses respectives de chaque scénario
  4. Transcrire ces besoins caloriques en masse à produire pour chaque aliment concerné, végétaux comme animaux. Les rations animales ont également été recomposées et détaillées dans le scénario d’autonomie pour ne mobiliser que des ressources locales (pas de soja !)
  5. Transposer ces masses à produire en surfaces nécessaires d’après les rendements de référence régionaux, y compris les surfaces nécessaires à la production des rations animales
  6. Estimer les surfaces réellement disponibles dans Rennes Métropole, dans l’un et l’autre scénario
  7. Comparer ces deux dernières données : surfaces nécessaires et surfaces disponibles.

Si les surfaces en forêts et en parcs et jardins publics sont assez bien connues dans chaque commune de la métropole, il n’en va pas de même pour les jardins privés et les surfaces en toits plats. Celles-ci ont été estimées en recoupant des enquêtes et observations de terrain et des images satellites. Les étudiants ont décidé que, dans le scénario d’autonomie, seule une proportion raisonnable de ces diverses surfaces pouvait être consacrée à l’agriculture : 30 % des forêts (fruitiers et châtaigniers), 40 % des surfaces en jardins publics et privés, 46 % des surfaces en espaces verts urbains, 60 % des toits plats. En outre, seules certaines productions ont été localisées dans ces surfaces : pas de céréales sur les toits !

Ces surfaces additionnelles envisagées dans le scénario d’autonomie représentent environ 2400 ha, sur un total de 35 000 ha de surface agricole utile. Cela peut sembler dérisoire, mais les étudiants, non sans humour, ont souligné que ces 2400 ha urbains propices au maraîchage seraient à même de procurer 5 fois la production de pommes de terre consommée par les rennais ; ou autant de légumes diversifiés…

Peut-on, donc, nourrir la métropole rennaise à partir des ressources locales ? Non dans tous les cas : le scénario tendanciel montre que la métropole sensu stricto et ses surfaces agricoles permettent, selon les choix productifs et alimentaires actuels, de couvrir 19 % des besoins alimentaires des habitants. En outre les productions sont très déséquilibrées : l’Ille-et-Vilaine est une région d’élevage, et, dans ces conditions, 100 à 180 % des besoins en produits animaux de la population sont couverts par les productions locales (la métropole est exportatrice), contre 3 % à 40 % des besoins en produits végétaux. Pour sa part, le scénario tendanciel, défini de manière à ajuster exactement ces diverses productions à la demande, ne permet de couvrir que 39 % des besoins alimentaires de la métropole rennaise à partir de ses propres surfaces agricoles.

Il faut donc aller chercher au-delà des limites de l’agglomération pour nourrir ses habitants. Dans le scénario tendanciel, « l’auréole productive » nécessaire mesure 28 km de diamètre compte-tenu des conditions alimentaires, productives et d’urbanisme locales ; autre mode de calcul, il faut aller chercher à 15 km au-delà des limites de la métropole même pour nourrir ses habitants. Toujours dans cette même perspective, si 0,30 ha sont nécessaires en moyenne pour nourrir un habitant dans le scénario tendanciel, dans le scénario d’autonomie, il suffit de 0,18 ha. L’auréole productive mesure alors 22 km de diamètre, ou 8 km seulement au-delà des limites de la métropole. Ces chiffres sont très en-deçà des surfaces imaginées intuitivement avant d’amorcer ces calculs détaillés : dans les conditions agronomiques propres au bassin rennais, il n’est pas nécessaire de mobiliser de gigantesques espaces de campagne pour nourrir le bassin de population de 2030, même dans le scénario tendanciel (et a fortiori dans le scénario d’autonomie). Ce résultat ouvre une méditation de divers ordres : il n’y a pas de concurrence dans ces conditions entre les villes bretonnes, suffisamment espacées les unes des autres pour garantir très largement leurs besoins alimentaires à partir des ressources locales tout en bénéficiant en outre d’espaces interstitiels substantiels dont les usages peuvent être variés.

Surface nécessaire à l’approvisionnement des habitants des Rennes Métropole en 2020 dans le scénario tendanciel

Surface nécessaire à l’approvisionnement des habitants des Rennes Métropole en 2020 dans le scénario d’autonomie

 « Evoluer vers ce modèle alimentaire tuerait-il les emplois agro-alimentaires bretons » ?


La perte nette éventuelle en termes d’emplois dans le domaine agro-alimentaire à l’échelle du territoire est une crainte fréquemment évoquée lorsque l’on envisage des scénarios de re-territorialisation de la production alimentaire. Comment approcher l’impact de ce changement de schéma productif et alimentaire sur le nombre d’emplois du territoire ?

Confrontés aux nombreuses questions méthodologiques soulevées par cette démarche, les étudiants ont élaboré une méthode de calcul résumée dans ce tableau.

Nombre d’emplois générés par chaque scénario dans le territoire d’autonomie alimentaire autour de Rennes




Production
Nombre d’UTA (Unités de travail agricole)






Transformation






Commercialisation






Total


Scénario tendanciel
Décompte réel (chefs d’exploitations + aides familiaux + salariés)


4 422 emplois
Nombre d’emplois
réels dans la zone



848 emplois
Nombre d’emplois réels dans la zone, restreints pour les grandes surfaces aux activités alimentaires .

6 581 emplois



11851

Emplois


Scénario d’autonomie
(Surface/production X temps de travail moyens/ha par production)/Nb d’h annuelles par UTH




6 812 emplois
(Tonnes de chaque produit à
transformer)
/(Tonnes transformées/salarié
/an dans une entreprise « type » pour ce produit)

1 167 emplois
Nombre d’emplois actuels de vente en circuits courts + (Nombre d’emploi par type de systèmes de vente X nombre de chaque système de vente prévus par le scénario dans ce bassin de populations)


5 002 emplois

12981

Emplois

Il a fallu effectuer un choix concernant le périmètre sur lequel faire porter ce bilan chiffré. L’ensemble des calculs a par conséquent été réalisé, arbitrairement, à l’échelle du territoire d’autonomie du second scénario (scénario d’autonomie)

Pour le scénario d’autonomie dans le domaine de la transformation, les étudiants ont appliqué un % arbitraire de transformation pour chaque catégorie de produits. Pour estimer les emplois dans le domaine de la commercialisation, les étudiants se sont appuyés sur des schémas de distribution conçus de manière différenciée pour chaque catégorie de bassin de vie : Rennes-centre, péri-urbain dense, zone rurale intermédiaire, zone rurale de faible densité. Dans chacun de ces bassins, un schéma d’offre commerciale alimentaire a été défini, basée sur les circuits courts, et adapté à la densité de population et de production alimentaire. Pour chaque bassin-type ont été recensées les unités de distribution existantes à partir des données de l’INSEE. Les étudiants ont ensuite fait le choix de bâtir un schéma d’offre commerciale autour de lieux de vente à proximité immédiate du consommateur, et proposant seulement les produits locaux. Cela a nécessité de compléter les lieux de vente actuels par d’autres commerces afin de satisfaire la demande. 4 modèles de distribution ont ainsi été élaborés.

Plus d’emplois en commercialisation (aval de la filière) dans le scénario tendanciel, plus d’emplois en production (amont de la filière) dans le scénario d’autonomie : aux incertitudes de calcul près, les deux scénarios présentent approximativement le même nombre d’emplois, quoique leur répartition au long de la filière et les compétences nécessaire diffèrent fortement.

Différentes catégories d’emploi ont été enquêtées par les étudiants : agriculteurs, commerce de semences, entreprise commercialisant de l’alimentation animale, coopérative laitière, abattoir, . Ces entretiens ont montré que es emplois locaux de la filière alimentaire sont plus ou moins adaptables à une évolution vers le scénario d’autonomie. Quelle serait la capacité de chacune de ces structures à surmonter la crise énergétique et économique qui fonde l’hypothèse de « Rennes Ville Vivrière » et à poursuivre ses activités ? Parmi les structures les plus résilientes (structure et savoir-faire adaptés au scénario d’autonomie) comptent par exemple deux élevages en agriculture biologique (chèvre et lait de vache), une SCOP de boulangers bio, une boucherie. Une porcherie conventionnelle et GAEC ou une entreprise de phytosanitaires comptent parmi les moins résilientes (faible capacité d’adaptation de la structure au nouveau scénario, nécessité d’acquérir aussi de nouveaux savoir-faire)

Indépendamment de la possibilité de s’adapter – avec plus ou moins de facilité – au scénario de relocalisation des production et des filières d’aval alimentaires, les différents corps de métiers concernés peuvent souhaiter, ou pas, une telle évolution, et y avoir peut-être déjà réfléchi. Les leviers de transition exprimés par ces professionnels et qui rendent attractifs les emplois développés dans le scénario d’autonomie sont l’épanouissement au travail, basé sur la recherche de sens et de cohérence, les qualités humaines, la possibilité d’exprimer sa volonté et ses compétences, la recherche de transparence et d’humanité, de qualité, d’identité, à travers l’activité professionnelle.

De façon assez contre-intuitive, les structures ayant montré lors des entretiens les plus fortes capacités de projection dans le scénario d’autonomie et la plus forte capacité de changement ne sont pas forcément les plus adaptées d’emblée matériellement : aux côtés des élevages ou artisans bio, on trouve par exemple dans cette catégorie un élevage conventionnel. Certains gestionnaires de structure se projettent facilement dans ce scénario et sont philosophiquement favorables au scénario d’autonomie, tout en soulignant le fait que leur structure n’y est pas adaptable : ainsi d’une entreprise d’alimentation animale bio très dépendante des transports routiers, donc peu en phase avec ce scénario post-carbone.

 « Ces produits issus de l’agriculture locale, qui en veut finalement ? Une poignée de bobos nantis ? »


« Rennes Ville Vivrière » repose en partie sur une hypothèse de mise en culture alimentaire d’une proportion accrue des trames vertes urbaines. Mais qu’en disent les habitants ? Les trames vertes, en particulier les parcs, sont massivement fréquentées par les habitants qui les voient comme des lieux de détente et de promenade. Cela n’empêche pas l’enthousiasme d’une très large majorité de personnes (84 % des réponses) à l’idée d’y voir apparaître des espaces productifs. Mieux, près de 50 % des 150 personnes interrogées lors d’une enquête de rue se disent elles-mêmes intéressées pour participer à la production dans ces espaces. Ces éléments viennent corroborer l’existence d’une réelle envie de jardiner exprimée par une très large population, bien au-delà du stéréotype du bobo.

Un scénario d’anticipation présentant une crise énergétique et économique a été lu à des clients de lieux d’achats alimentaires très variés dans Rennes Métropole. Leurs réactions sont contrastées quant à leur stratégie. Un premier ensemble de points de vues se résume à « Je limiterais la viande pour préserver la qualité et la quantité de mes aliments » (attitude dominante des clients interrogés dans les magasins de producteurs fermiers). Une autre catégorie de points de vue observée est : « J’achèterais des produits moins chers, je travaillerais plus, je gaspillerais moins  » (attitude dominante des clients interrogés dans les super et hyper-marchés). En revanche, les positions de tous ces publics sont remarquablement homogènes quant à l’ordre de priorité des modes de recherche de l’alimentation qui seraient mis en œuvre. Quel que soit le public interrogé, la hiérarchie suivante des stratégies en cas de crise est apparue : d’abord cultiver son jardin ! Les rennais chercheraient à accéder à un lopin pour accroître leur propre autonomie alimentaire ; ensuite se rapprocher d’un producteur, pour obtenir des aliments grâce à des achats directement à la source ; enfin seulement réduire les consommations non-alimentaire pour concentrer les dépenses sur la nourriture.

La plupart des personnes déclarent consommer régulièrement des produits locaux. Pourtant, l’achat local reste minoritaire en termes de volume : manque d’intérêt et autres habitudes de consommation sont d’abord invoqués par les personnes interrogées. 66% des individus fréquentent d’abord les grandes surfaces pour leurs achats alimentaires, puis le marché de quartier pour les achats secondaires. Les marges de progression pour une consommation locale sont donc importantes. On peut faire l’hypothèse qu’une offre accrue, plus facile d’accès en termes de lieux et d’horaires d’achats, plus facile à reconnaître et identifier génèrerait une évolution des habitudes d’achat. En effet, outre des prix abordables et la commodité d’achat, une part importante des personnes interrogées dit rechercher des produits plus frais, plus sains, et davantage de contact avec les producteurs : des attentes que les circuits courts peuvent satisfaire.

 Pour conclure

Ces travaux montrent la faisabilité agronomique d’un scénario d’autonomie pour une métropole comme Rennes : et même, la surface de l’auréole productive nécessaire pour nourrir ce bassin de population est bien plus faible que celle que l’on imaginerait spontanément. Quelques sondages improvisés auprès du public lors de conférences présentant cette étude montrent qu’intuitivement, on penserait à un cercle productif de 120, 150 km de diamètre ou même beaucoup plus parfois, selon les personnes. Si la surface nécessaire est en réalité beaucoup plus faible quels que soit les scénarios, c’est en particulier grâce au beau potentiel agronomique du bassin rennais (bonnes terres, climat doux) et à l’existence de la ceinture verte péri-urbaine qui rapproche les productions agricoles de la ville. Pour autant, un scénario d’autonomie n’est pas complètement à portée de main : il nécessiterait en effet de refonder habitudes et filières productives et alimentaires : il y a loin du scénario à la réalté. Cependant, les enquêtes montrent une « faim de terre » des habitants, une forte envie de reconnexion avec les agriculteurs et les produits locaux et avec la terre locale elle-même, dès maintenant mais encore plus en cas de crise économique (liée éventuellement à une crise énergétique post-carbone). Il serait dans ces conditions dommage d’attendre une telle échéance pour amorcer un virage dont la perspective semble attirer les habitants, tant pour le bénéfice paysager et convivial que pour leur alimentation.

Catherine Darrot


Nous souhaitons rappeler ici les noms des étudiants (aujourd’hui devenus ingénieurs agronomes) qui se sont impliqués dans l’élaboration de « Rennes Ville Vivrière » entre 2010 et 2013 :

  • Année universitaire 2010-2011 :
    • Vincent ARCUSA, Claire BESSON, Cyril BIGOT, Valentine BOSSU,
      Maylis JOANICOT, Marion MAZODIER, Matthieu PERNIS, Cyrielle RAULT, Julia
      SCHINDLER, Agathe VASSY, Uwe GREWER, Emmanuel Joseph MENSAH, Joseph
      Frumancio MWANZA, Adriana Patricia SANTOS ORDOÑEZ, Samuel TUMWESIGYE et
      Matheus Alves ZANELLA.
  • Année universitaire 2011–2012 :
    • Marion CHRETIEN, Mathilde COUTURIER, Tiphaine DAUDIN, Elise
      DECLERCK, Julie DECOUZON, Manuel DELAFOULHOUZE, Jason Scott ENTSMINGER,
      Diane GIORGIS, Lucas HENNER, Appoline KOMBOU WANDJI, Lauren LALLEMAND,
      Magalie LEJAILLE, Aurélien LERAY, Eflamm LINTANF, Clarisse NUNEZ, Omar
      PRIETO SANTAMARTA, Guendulain Roxana Celeste RIVES, Maëlle SUREAU, Rivellie
      Aimée TSCHUISSEU TCHEPNKEP et Mario SCHMID.
  • Année universitaire 2012 – 2013 :
    • Marine BAZIN, Enora CALVEZ, Mari LE COZ, Harmonie LHOZE,
      Maïwenn LOFFET, Lucie NOUBEL, Maud OBERLIN, Justine PONCET, Aurélie
      RICHARD, Amélie THOURET, Mathilde VAULEON.

Notes

(pour revenir au texte, cliquer sur le numéro de la note)

[1Voir le recueil d’entretiens entre Jean-Yves Chapuis, élu rennais et urbaniste, et le sociologue Jean Viard : Rennes, la ville archipel, Sylvain Allemand, L’Aube, 2013, 176 p

[2Consultable en ligne : http://www.paysderennes.fr/Le-Progr...

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 Bibliographie

* Nahmias Paula & Le Caro Yvon, Pour une définition de l’agriculture urbaine : réciprocité fonctionnelle et diversité des formes spatiales. Environnement urbain / Urban Environment, 2012, 6, pp.a1-a16
* Darrot, C., Diaz, M., Darrot, C., Circuits courts alimentaires, lorsque producteurs et consommateurs se reconnectent, Place Publique Edition Rennes et Saint Malo n°32, Novembre-Décembre 2014, pp.27 :30
* Aubry C., Pourias J., 2013. L’agriculture urbaine fait déjà partie du métabolisme urbain. *Le Démeter 2013, Economie et Stratégies agricoles*, Club Demeter Editeur, 135 -15
* Collectif, *Afterres2050, quelle utilisation des terres en 2050 en France ?* SOLAGRO (Ed.), 70 p. Disponible en ligne : http://www.solagro.org/site/393.html
* Darrot, C., Diaz,M., Tsakallou, E., Zagata, L., , The missing actor” : Alternative Agri-Food Networks facing resistances of key regime actor", in Sutherland et al. (Dir.), Transition pathways towards sustainability
in European agriculture
, CABI (Ed.), 2014
* Renting, H. (Dir.), « Special Issue : Civic food networks », * International Journal of Sociology of Agriculture and Food* 2012 Vol. 19 No. 3

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