Lettre n°21 ---- Hiver 2023 - 24

19 janvier 2024

La déforestation, un problème planétaire et un enjeu mondial


Avec les océans, la forêt fait partie des principaux sujets qui se situent autant au cœur de la problématique du développement durable. 1,8 milliard de personnes dépendent directement des forêts pour leur subsistance, 300 millions de personnes vivent dans les forêts, parmi lesquels 60 millions de peuples autochtones aux droits mal reconnus. La planète entière dépend de l’existence des forêts.

Les fonctions environnementales des forêts englobent celles du « puits de carbone », de réservoir de biodiversité, avec un rôle important dans le cycle de l’eau. Après les océans, les forêts constituent le deuxième puits de carbone de la planète. En matière de biodiversité, elles abritent les 2/3 d’espèces animales et végétales recensées. Quant au rôle dans le cycle de l’eau, elles protègent la qualité et la rétention de l’eau dans les sols et contribuent à les reconstituer.
Au-delà du spectacle des « mégafeux » qui ont tristement frappé l’imagination en 2023, la forêt est aussi un rempart contre les risques - d’avalanches ou de glissements de terrain. Support de croyances pas toujours anciennes, elle est source d’inspirations artistiques. Elle sert de cadre aujourd’hui à de nombreuses activités récréatives.
La forêt constitue une ressource économique mal appréciée nécessaire à l’organisation d’une filière bois. L’exploitation forestière qui en découle doit pouvoir se conformer à toutes ces approches industrielles (filière bois, énergie), sociales, culturelles et environnementales.
La COP 6 de La Haye, en 2000 a donné lieu de vives discussions autour de possibles crédits carbone de « déforestation évitée », visant à protéger des forêts de la déforestation qui représente entre 10 et 13 % des émissions annuelles anthropiques de CO2. Émerge alors un nouveau marché, celui de la compensation carbone (cf. article d’Alain Karsenty ci-dessous) où l’on trouve nombre d’entreprises ambitionnant de devenir « neutre en carbone » pour améliorer leur image. Les crédits carbone de « déforestation évitée » , notamment, font l’objet de fortes contestations quant à leur résultat en termes d’émissions de gaz à effet de serre évitées. La COP 28 qui vient de se tenir à Dubaï s’est malheureusement traduite par un échec des discussions entre les Etats sur les conditions de l’application de l’article 6 qui traite des processus de compensation carbone.

Comme l’indique l’article de Marc Gillet, la démographie représente une grande menace pour les forêts, particulièrement dans les pays situés dans la zone des forêts tropicales. Selon la FAO, plus de 90% de la déforestation se situe dans les forêts tropicales. Le taux de déforestation le plus élevé se situe en Afrique, suivi par l’Amérique du Sud et l’Asie. Les causes en sont diverses, mais l’agriculture et l’élevage sont à 90 %, selon la FAO, à l’origine de cette déforestation. En cause, la production de soja, multipliée par 4 en 40 ans, en relation l’élevage intensif et l’augmentation de la consommation de viande et aussi avec la culture de cacao, du caoutchouc ou encore du café ou du sisal.
En 1992, la Conférence de Rio adoptait la « Déclaration de principes », premier consensus mondial sur « la gestion, la conservation et l’exploitation écologiquement viable de tous les types de forêts ». L’Agenda 21 (Action 21), dans son chapitre 11, identifiait la lutte contre le déboisement comme une des principales actions à conduire.
Trente ans après, 420 millions d’hectares ont été déforestés. Même si la perte nette de superficie forestière a diminué depuis les années 1990 et que 18 % de la superficie forestière mondiale se trouvent désormais dans des aires protégées, la déforestation continue, avec ses graves conséquences. Comme de nombreux pays développés, la surconsommation conduit la France à l’importation de bois tropical, dont une proportion croissante est d’origine illégale, participant ainsi à la déforestation dans les pays d’Amérique du Sud et d’Afrique.

En 2021 lors de la COP 26 sur le climat, plus de 100 dirigeants mondiaux représentant 85 % des forêts de la planète se sont engagés à interrompre puis à inverser la déforestation et la dégradation des terres. En 2023, les cinq « Gardiens de la Forêt » (Canada, Gabon, Mongolie, Papouasie-Nouvelle-Guinée et Brésil), pays les plus touchés par la déforestation, ont défendu la forêt, en particulier la forêt primaire à la COP 28.
En France, malgré les incendies et « l’artificialisation » des sols, la superficie des forêts s’accroît, au point que la France fait partie des pays les plus reboisés. Pourtant, la capacité des forêts à stocker le carbone a été divisée par 2 en dix ans en raison des sécheresses et des maladies - les forêts, trop souvent gérées comme des cultures intensives, sont devenues plus vulnérables aux aléas -. Plusieurs rapports récents estiment que l’effet puits de carbone a été largement surestimé ce qui pourrait remettre en cause l’objectif de neutralité carbone affiché par plusieurs pays dont La France à l’horizon 2050.

A lire : les derniers articles mis en ligne
Daniel Guinard  : Le devenir des forêts françaises face au changement climatique

  • L’article traite du devenir des forêts françaises face au changement climatique en abordant, après un bref historique, les impacts de ces changements en s’interrogeant sur la nature des essences à privilégier ou changer, sur leur sylviculture, sur les actions à mener pour limiter les incendies de forêt et leurs impacts, et donne des éléments sur les conséquences de cette situation sur le rôle de la forêt puits de carbone. Il termine par un aperçu rapide sur la forêt mondiale et sur la déforestation.
    Voir cet article ...

Marc Gillet : La contribution de la démographie au réchauffement climatique

  • La corrélation entre les évolutions de la population et les émissions de CO2 d’origine « fossile » permettent de penser que dans de nombreux pays la démographie est un des facteurs qui contribue le plus à ces émissions .
    Les politiques susceptibles d’agir sur la démographie n’ont jamais fait l’objet d’évaluations par le Giec, alors qu’elles seraient susceptibles de contribuer substantiellement à l’atténuation du réchauffement climatique. C’est le cas notamment de pays en développement dont les émissions associées à la déforestation sont corrélées à la croissance de la population.

    Voir cet article ...

Alain Karsenty  : Histoire des crédits carbone : vie et mort d’une fausse bonne idée ?

  • Quotas et crédits carbone sont souvent confondus, alors que les deux instruments découlent de principes différents : logique de rationnement pour les premiers, droits à émettre pour les seconds. Alors que le durcissement du régime des quotas conduit à une hausse du prix de l’émission de carbone, la production de crédits carbone tend à faire baisser ce prix. Alain Karsenty s’interroge sur l’intégrité des crédits carbone , notamment pour les crédits forestiers. Qu’est ce qui assure par exemple qu’une prétendue protection corresponde à une forêt véritablement menacée ? Il estime plus encore que la compensation est une échappatoire à l’exigence de la protection de la planète. De ce point de vue, ne sont acceptables que les preuves positives de contributions à l’amélioration de l’environnement sans possibilité de compensation.
    Voir cet article ...

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Lire aussi dans l’encyclopédie :
Alain Ruellan : Développement durable en Amazonie brésilienne, mai 2006.
L’occupation actuelle de l’Amazonie brésilienne est destructrice des ressources et des fonctions des écosystèmes forestiers.
Deux stratégies alternatives complémentaires sont possibles :

  • l’occupation, dispersée et diversifiée, des écosystèmes forestiers par des populations vivant, principalement, des ressources renouvelables valorisées de ces écosystèmes ;
  • la mise en place de conditions sociales, économiques, politiques et techniques, qui permettent aux populations de vivre bien en milieu forestier et en milieu urbain amazoniens.

Note du secrétariat d’édition  : Depuis la parution de cet article, le Brésil a connu des changements politiques qui n’ont malheureusement pas suivi les conclusions figurant dans cet article qui restent cependant valables. En 2023, lors de la COP 28 le nouveau président du Brésil, Lula a promis de prendre lors de la COP 30 qui se tiendra au Brésil en 2025, un engagement de zéro déforestation

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