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n°225 - novembre 2015
Cop 21 - Synthèse pour décideurs -
Mots clés associés : gouvernance mondiale, mondialisation | climat et énergie
Résumé

L’Encyclopédie du développement durable reproduit ici une la partie introductive de la Note de décryptage des enjeux de la Conférence des parties de Paris à l’issue des réunions préparatoires jusqu’à mi-novembre 2015.
Cette note, rédigée à la demande de la Francophonie sous la direction de Pierre Radanne, Président de 4D, est disponible en quatre langues et a pour objectif de faciliter la compréhension des négociations de la COP 21.

Nous publions ci-après les premières pages d’introduction de cette synthèse.

Pour consulter l’intégralité de la Note de décryptage : cliquer
ici

28 novembre 2015

Auteurs
Radanne Pierre

Expert dans les domaines de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, ancien Président de l’ADEME, consultant auprès d’institutions françaises et étrangères, il est l’auteur de plusieurs ouvrages sur ces thèmes.
Il est Président de 4D.

Texte

Le 4ème cycle de négociation climat qui s’ouvre sera décisif


La conférence climat de Paris comprend 4 processus simultanés

Ces processus seront assez indépendants dans le fonctionnement de ces deux semaines de conférence à Paris, mais ils doivent converger. Ce seront les Contributions et la mobilisation des financements qui alimenteront la volonté des pays pour aller à l’accord. Ce seront les positions des acteurs, la crédibilité de leurs actions, la mobilisation populaire et l’action des citoyens et leurs échos dans les médias qui pousseront à l’Accord. Et enfin, c’est la qualité de l’Accord à conclure
qui permettra qu’au lendemain de la conférence, la politique mondiale de lutte contre le changement climatique se déploie, se concrétise et ouvre une nouvelle voie de développement, cette fois en commun pour les pays du nord comme du sud.

Mais les engagements des pays développés ont été très inégaux.

Les engagements pris par les pays développés pour la période 2013-
2020 ont été très insuffisants pour endiguer le changement climatique.
Surtout certains pays se sont désengagés du Protocole de Kyoto pour
contourner ses obligations juridiques. Il s’agit du Japon, de la Russie, de
la Nouvelle Zélande, tandis que le Canada est purement et simplement
sorti du Protocole de Kyoto et a rejoint en cela les États-Unis. L’horizon
de 2020 se rapprochant déjà, s’engage un 4ème cycle de négociation.
Celui-ci doit donc aussi remonter les efforts des pays d’ici 2020, en plus
de conclure un Accord couvrant la période 2020-2030.

Ce nouveau cycle est marqué par des avancées majeures

La période qui a suivi la conférence de Copenhague a été marquée
par des avancées décisives :

Un changement complet de méthode de négociation

Les difficultés rencontrées dans les années 2000 et l’élargissement de la mise en mouvement à tous les pays ont impliqué des changements de méthode, en mobilisant d’entrée les chefs d’État et de Gouvernement. Ce fut initié par le Sommet organisé par Mr. Ban Ki Moon de septembre à New York 2014, puis des rencontres lors de l’Assemblée générale des Nations Unies de septembre 2015 et cela s’est ensuite continué par une intense activité diplomatique. On est donc passé d’une approche “ de haut en bas ”, avec une “ distribution ” d’objectifs entre pays développés à une approche de “ bas en haut ” intégrant tous les pays et toutes les catégories d’acteurs. Ce n’est pas seulement un progrès diplomatique, c’est surtout une avancée décisive pour la mise en oeuvre des actions concrètes sur le terrain et dans les secteurs économiques.
Le calendrier de préparation de la conférence a été très serré :

30 ans après la compréhension scientifique des impacts du changement climatique, la négociation entre dans le dur. Si l’on ne parvient pas à des engagements suffisants de la part des pays, la dégradation du climat va vite devenir irrattrapable. Or, les relations internationales se sont fortement dégradées ces dernières années, d’ailleurs en partie dues aux baisses de rendements agricoles par baisse des
précipitations dans les pays tropicaux. À cela s’est ajoutée une crise économique et financière a réduit les marges de manoeuvre des pays. Il faut donc réussir une négociation à 195 pays rapidement dans un contexte politique et économique difficile.

Réussir cette nouvelle séquence de négociation implique de progresser
sur 4 fronts :

Progresser sur les deux derniers points est essentiel pour remonter le niveau de la négociation internationale. On est au pied du mur, car on ne peut pas reporter l’échéance. En effet, pendant que les pays tergiversent, le climat se dégrade… irrémédiablement, avec toutes les souffrances induites.

Le processus des Contributions nationales

C’est d’elles que la vraie avancée par rapport aux négociations antérieures
est venue :

Il leur a fallu aussi prendre conscience que finalement la seule voie de
développement restant ouverte était celle de “ sauter ” l’étape d’une
utilisation massive des combustibles fossiles. Cela les a conduit à entrer
dans un monde inconnu, celui inexploré d’un nouveau de développement,
mais avec une condition stricte de réduction des inégalités,
qui contraste avec le cheminement actuel du monde.

Les attentes pour la conférence de Paris

Cette 21ème Conférence des Parties de la Convention Cadre des Nations-Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) de Paris, de décembre 2015, couvrant la période 2020-2030, sera décisive.
Elle doit créer un cadre global avec un Accord faisant consensus. Il faudra renforcer la confiance, ébranlée depuis la conférence de Copenhague de 2009, et avancer sur les questions d’équité et de solidarité, afin que tous les pays puissent progresser vers un nouveau modèle de développement. La recherche d’équité nécessite de s’inscrire dans le principe de différenciation, un des piliers de la Convention de Rio
de 1992. C’est aussi la condition d’un niveau élevé d’ambition des objectifs climatiques.
Une des questions est de savoir comment la France peut y contribuer à sa réussite alors qu’elle vient d’être frappée par des attentats le vendredi 13 novembre à Paris. Si ce pays rencontre des difficultés graves d’acceptation du nouvel ordre économique du monde, il tire de sa, si douloureuse histoire, des lumières : il n’y a pas d’autre chemin que la mise en mouvement de chacun, c’est non seulement
à travers des processus démocratiques, mais en effectuant un grand travail pédagogique et de soutien à chacun que l’on progressera sur ce nouveau chemin de développement. C’est-à-dire aider à ce qu’une mère, un père puissent dire à leur jeune enfant, ce que deviendra sa vie, puisqu’il traversera tout ce siècle.
Il s’agira, à la Conférence de Paris d’éviter l’enlisement d’une négociation qui se complexifie et donc qui devient de plus en plus opaque au-delà des négociateurs. Avec le risque de voir le soutien de l’opinion publique s’affaiblir alors que des choix décisifs doivent être faits.

D’où un double constat fait depuis l’entrée dans ce nouveau cycle de
négociation :

Ce qui est en question, n’est pas seulement la signature d’un accord
entre États, c’est la mise en mouvement de toute l’humanité, États,
entreprises, collectivités territoriales, sociétés civiles jusqu’à chaque
citoyen. Une mise en mouvement, ensemble, pour tous. Cette prise de
conscience de la nécessité d’agir à différents niveaux est désormais
actée : le défi climatique ne pourra être résolu sans la compréhension
par les populations des enjeux, sans l’implication du plus grand
nombre, sans l’émergence d’initiatives à tous les échelons et par tous
les acteurs.

Ce qui ne peut être décidé directement à Paris faute
d’unanimité de la part de tous les pays

La Charte fondatrice des Nations Unies n’ouvre pas la perspective de prises de décisions, pourtant essentielles, dès lors qu’il n’y a pas unanimité entre les États car les Nations Unies n’ont pas de pouvoir économique, fiscal et de sanction par-dessus les États qui sont souverains ? Cela concerne :

Ces questions peuvent néanmoins avancer pays par pays sur la base de décisions nationales, de groupements de pays ou de grandes entreprises à caractère transnational, mais en prenant le risque de se placer en situation défavorable par rapport à des concurrents qui ne prendraient pas de tels engagements.
Pourtant, des décisions de cette nature deviennent de plus en plus
indispensables au plan mondial. Il faudra le faire,ce qui impliquera
une renforcement en profondeur des Nations Unies. En effet l’intérêt
général de l’humanité toute entière doit primer sur les intérêts nationaux
immédiats.

Le point difficile du cadre juridique de l’accord

Et plus important encore, est la grande difficulté d’avancer vers un accord juridiquement contraignant. Mais en la matière, il y a un immense quiproquo. La clause du Protocole de Kyoto qui tentait de l’instaurer n’a pas fonctionné, parce que les pays ayant dérapé sur leur trajectoire d’émissions entre 1990 et 2012 se sont précipités dans le sas ouvert par les États-Unis pour prendre leurs engagements pour la période 2013-2020 en dehors de tout cadre d’obligation de respect de leur parole.

En outre, il faut que les pays ratifient l’amendement de Doha au Protocole
de Kyoto.
Cet échec lors de la dernière décennie fait clairement la preuve qu’en l’absence d’un cadre juridique fiable, les pays n’auront de pas de confiance dans le sérieux de l’implication les uns des autres. Avec le temps et pour assurer à la fois l’ambition des objectifs l’équité entre les pays, il faudra bien convenir d’un processus assorti de sanctions économiques envers des pays qui ne tiennent pas leurs engagements
et refusent de rattraper leur retard. Mais cela demande un renforcement des pouvoirs des Nations Unies.

Pourtant cette difficulté persiste avec la position de John Kerry exprimée dans le Financial Times du 12 novembre qui est sans équivoque pour la conférence de Paris : “ Il n’y aura pas d’objectifs de réduction des émissions juridiquement contraignants, comme cela avait été le cas à Kyoto ”. Ce refus d’accords internationaux juridiquement contraignant est une constance de la diplomatie américaine depuis plus d’un demi siècle. A l’inverse, la plupart des pays exigent un tel cadre, car c’est une condition pour augmenter l’ambition des objectifs.
Cela a été aussi réaffirmé par le Président Hollande.
On semble s’acheminer vers une sorte de moyen terme, c’est-à-dire
un accord non assorti de sanctions, donc non contraignant, mais comportant
un renforcement des règles de transparence, de comptabilisation
des objectifs des pays, de mesure, de rapportage et de vérification
des actions ainsi que des financements octroyés et reçus. Le
tout intégré dans un processus resserré de révision à la hausse tous
les 5 ans des objectifs des contributions avec refus de rétrogradation.
La première de ces révisions devrait intervenir en 2018/2019. Cette
révision tous les 5 ans permet de ternir compte pragmatiquement des
évolutions des économies des pays et des technologies.

Les avancées majeures à réaliser à Paris

Le calendrier suivant a été fixépour le fonctionnement de la CdP :

Concrètement quatre décisions majeures sont à prendre à Paris :

La mobilisation essentielle de capacités financières afin de concrétiser la réalisation des Contributions des pays en développement

Le danger est que les pays tergiversent et que le tour de table financier pour atteindre les 100 milliards de $ par an ne se termine qu’en fin de négociation à Paris, engendrant un durcissement des positions qui devienne indépassable. Au stade actuel, le tour de table porterait sur 85 milliards de $ pour 2020, en ajoutant les contributions en don des États, les prêts concessionnels et les financements privés liés. Et il est très difficile de pointer la caractère additionnel ou non de ces
financements, mais ce montant n’inclut pas les investissements bancaires et industriels non épaulés par des financements publics. Il est essentiel que, sans attendre 2020, un processus prévisible de montée en puissance des soutiens financiers soit décidé. Une part de l’ordre d’un tiers doit être consacrée à l’adaptation, incluant une répartition à parité dans le Fonds Vert car beaucoup d’actions d’adaptation requièrent des contributions en don. Il faudra aussi qu’il soit clair que la mobilisation s’amplifiera au-delà de 2020.

Trois points sont particulièrement soulignés dans le texte de négociation
comme à trancher :

La mobilisation de tous les acteurs

Le succès de la conférence de Paris doit être appréhendé au-delà de
l’adoption du texte l’Accord, en intégrant un pas décisif de mise en
mouvement dans l’action à la fois des États, mais aussi de toutes les
catégories d’acteurs.
À travers la plateforme NAZCA d’enregistrement des actions des acteurs
non-étatiques mise en place aussitôt la conférence de Lima et le Plan d’Action Paris-Lima qui aggrège les actions des acteurs économiques, il s’agit de hausser sans attendre les objectifs exprimés avant 2020 et de concrétiser la réalisation des Contributions pour la période 2020-2030. Une absence d’amélioration des engagements à court terme affaiblirait inévitablement les prises d’engagements à
long terme notamment de la part des pays émergents et des pays en
développement.

Une avancée décisive à faire dans l’implication de tous
les citoyens

Au-delà du processus de la conférence de Paris, si l’on inclut les conférences
suivantes et le succès des ratifications parlementaires, la réussite va se jouer aussi sur l’adhésion des opinions publiques, leur soutien aux forces politiques engagées dans la réussite de la lutte contre le changement climatique, et aussi plus profondément dans l’implication de chacun dans son comportement personnel. Une étape qui n’est réellement réalisée à présent de façon satisfaisante dans aucun
pays. Puisse donc la conférence de Paris réaliser une avancée décisive en la matière dans tous les pays sous l’impulsion des organisations de la société civile, des élus et des médias.

La difficile appréciation du résultat de la Conférence de Paris

Le résultat de la conférence de Paris sera à apprécier avec une vision
dynamique, car la séquence de négociation va se prolonger jusqu’en
2018.

Une absence totale d’accord à Paris sera très difficile à remonter ensuite.
La conférence suivante aura lieu en novembre 2016 quelques
jours seulement après l’élection présidentielle américaine, avec donc,
selon les règles américaines, un nouveau président élu qui n’entrera
en fonction que fin janvier.

Un succès de la conférence de Paris ouvrirait la voie :

Notes

[1Toutefois les pays développés ne soupçonnaient tout de même pas,
il y a un siècle et demi que l’utilisation de combustibles fossiles allait bouleverser le
climat !

Sur Internet

Site 4D : www.association4d.org

Toute reproduction ou citation devra mentionner 4D - l'encyclopédie du développement durable.
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Directeur de la publication : Jean-Pierre Piéchaud