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n°28 - mars 2007
Les débats publics de la Commission nationale du débat public (CNDP) sont-ils favorables au développement durable ?
Mots clés associés : démocratie, mouvements citoyens | aménagement du territoire | débat public | enquête publique | principe de précaution
Résumé

Si la loi du 27 février 1995, qui a créé la CNDP et l’a chargée d’organiser des débats publics d’une nature spécifique, invoque le développement durable, les Débats Publics sont avant tout considérés comme des instruments de développement de la démocratie participative.
Toutefois, les problématiques de développement durable sont parfois évoquées dans les dossiers des maîtres d’ouvrage et elles le sont très largement dans tous les débats, par des intervenants, “popularisant” ainsi ce concept et conduisant à une certaine “imprégnation” de la société française.


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La nouvelle classification de cet article est :

2.3- Citoyenneté et gouvernance, du local au global

Auteurs
Mathieu Jean-Luc

Conseiller-Maître Honoraire à la Cour des comptes, est membre de la Commission Nationale du Débat Public. À ce titre, il a présidé le débat de la CNDP “Le Havre Port 2000” et le débat “Centrale électronucléaire EPR, tête de série, à Flamanville”. Il est l’auteur de nombreux ouvrages dont “La défense de l’environnement en France” , “La protection internationale de l’environnement” et “L’Union Européenne” (Que Sais-je, 2008).

Texte

Le concept de développement durable a été porté avec force par la Conférence de Rio,en 1992. A partir de cette date, le droit international a joué un rôle incitatif majeur pour conduire les gouvernements à mettre en oeuvre des processus de débat public.

 Les origines des débats publics et de la CNDP

Dans les années 1980, la société ne pouvait que constater la dramatique insuffisance, en termes de participation de la population,des consultations informelles précédant certains projets d’équipement et des enquêtes publiques, malgré la réforme du 12 juillet 1983.

Ce sont des difficultés consécutives à des opérations d’aménagement lancées sans une suffisante concertation qui sont à l’origine des premiers textes prévoyant des débats publics. Le 15 décembre 1992, la circulaire du ministre de l’équipement relative à la conduite des grands projets nationaux d’infrastructures, la circulaire “Bianco”, a prévu une procédure de concertation menée par une commission indépendante, désignée par un préfet. Le 14 janvier suivant, une “circulaire Billardon” a transposé la mécanique aux projets de postes électriques à haute tension. Quelques débats ont été menés dans le cadre de ces textes.

Mais, un pas important a été franchi par la loi du 27 février 1995 “relative au renforcement de la protection de l’environnement”, qui tint enfin compte de deux directives de l’Union européenne : celle du 25 juin 1985 “concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement” et celle du 7 juin 1990 “relative à la liberté d’accès à l’information en matière d’environnement”. Cette loi affirme le principe de participation des citoyens,en ajoutant au Code de l’environnement un article dont voici l’essentiel :

“Les espaces, ressources et milieux naturels, les sites et paysages, les espèces animales et végétales, la diversité et les équilibres biologiques auxquels ils participent font partie du patrimoine commun de la nation.

Leur protection, leur mise en valeur, leur restauration, leur remise en état et leur gestion sont d’intérêt général et concourent à l’objectif de développement durable qui vise à satisfaire les besoins des générations présentes sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs. Elles s’inspirent, dans le cadre des lois qui en définissent la portée,des principes suivants :

C’est le premier et le seul texte relatif à la participation des citoyens à des débats concernant l’environnement qui évoque le développement durable. Le Titre 1er de la loi, intitulé :“Dispositions relatives à la participation du public et des associations en matière d’environnement” comporte un Chapitre 1er : “De la consultation du public et des associations en amont des décisions d’aménagement”.

C’est lui qui dispose :

 La Convention internationale d’Aarhus

Le 25 juillet 1998 a été signée,à Aarhus,une “Convention sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement”, par 39 Etats,membres de l’ONU, et par l’Union européenne. Ce texte constitue une avancée majeure en faveur d’une participation accrue des citoyens aux processus de décision touchant l’environnement, à condition, évidemment, que ses dispositions soient intégrées au droit interne des différents Etats.

A partir de 1998,le droit international,à l’élaboration duquel la France a participé, joue un rôle moteur pour faire évoluer le droit interne. Il suffit d’ailleurs, pour s’en convaincre, de constater que le Parlement a adopté deux lois, de façon simultanée :

 La CNDP et les “Débats Publics”de seconde génération

Les débats publics ont une triple finalité : faire intervenir la population sur son cadre de vie, prévenir des conflits comme ceux qu’avaient fait surgir les projets non débattus de nouvelles lignes de train à grande vitesse et améliorer la qualité des décisions administratives. La nouvelle législation poursuit les mêmes objectifs.

Si la CNDP des origines était explicitement liée à des questions d’environnement, la nouvelle CNDP, sans nullement rompre avec ses origines, est positionnée comme un instrument de démocratie locale, nous dirions plus volontiers, ainsi qu’on le verra ci-dessous,de démocratie participative.

Les novations sont importantes :

 Les limites aux débats publics

Les débats publics français sont de deux catégories.

Les premiers sont organisés hors des dispositions de l’article L 121.1 du Code de l’environnement. Ils sont non “cadrés” juridiquement et s’effectuent sans règles précises, au cas par cas, assez souvent comme simples occasions de communiquer sur un projet pour le justifier. Mais, tel n’est pas toujours le cas car les débats publics “labellisés” par la CNDP tendent à influencer ces procédures.

Un débat public de la CNDP.

Les seconds, les Débats Publics CNDP ont également un certain nombre de faiblesses.

D’une part, les catégories d’équipements, énumérées dans les textes, qui doivent ou peuvent donner lieu à débat excluent :

Le champ d’application de la loi est donc relativement restrictif, essentiellement vis-à-vis des grandes opérations d’urbanisme.

D’autre part, le débat est lancé sur la base du dossier-projet
du maître d’ouvrage établi sous le regard vigilant de la CPDP,ce qui est logique.

Mais, en règle générale,les contreprojets qui apparaissent à l’occasion du débat ne font l’objet que de présentations beaucoup plus sommaires faute de temps (le débat ne dure que quatre mois, exceptionnellement six) et de mobilisation de compétences techniques. Critiques et contreprojets sont présentés sous la forme de “cahiers d’acteurs”,diffusés largement pendant le débat. Cette faiblesse est légèrement corrigée par la possibilité qu’a la CNDP de faire faire des expertises complémentaires réclamées lors du débat. Mais celles-ci sont contraintes à une relative modestie en raison du fait qu’elles doivent être réalisées en peu de temps et avec des budgets peu élevés.

Dans un cas, une CPDP a élargi le champ du débat :

Par ailleurs, la décision du Conseil d’Etat du 28 décembre
2005, portant sur la demande d’annulation d’un arrêté préfectoral
soumettant à enquête publique le projet d’aéroport
de Notre-Dame-des-Landes est importante car elle a limité l’impact de certaines dispositions de la Convention d’Aarhus que les requérants avaient estimé violée. En effet, le Conseil d’Etat a jugé que les dispositions des articles 6.4 et 8 de la Convention d’Aarhus “créent seulement des obligations entre Etats parties à la Convention et ne produisent pas d’effets directs dans l’ordre juridique”. C’est dire qu’on ne confère pas aux dispositions de cette convention d’effet direct pour les citoyens.

 Débats publics et Développement Durable

Le Débat Public a incontestablement commencé à donner la parole aux citoyens dans un nombre de cas relativement important. C’est un élément d’acclimatation, en France, d’une forme de démocratie participative, que certains préfèrent appeler délibérative, qu’une longue tradition de captation du pouvoir par les élus freine encore. Mais, il est difficile de conclure sur l’impact de ces débats en termes de développement durable.

Ils sont rarement portés en ces termes sur la place publique.

Il convient toutefois de citer le premier cas de débat public prenant en compte, à la demande de la CNDP, des préoccupations de développement durable. Saisie par des ministres d’un projet de débat concernant des “options générales sur la politique des transports dans la vallée du Rhône et sur l’arc languedocien”,premier débat de ce type dans l’histoire de la CNDP, celle-ci, le 6 juillet 2006, a en effet décidé d’organiser un débat public, en stipulant :

“Le dossier du débat ne sera considéré comme suffisamment complet… que s’il comporte :

D’autre part, nombre d’interventions en réunions publiques visent à refuser un équipement au nom des nuisances que sa réalisation apporterait aux habitants de son voisinage, se contentant d’une défense de type “Nimby”, sans argumenter au-delà. Toutefois, le problème du développement durable est souvent abordé en tant que tel dans les débats Publics.

Il l’est parfois, de façon “théorique”, dans des conditions pertinentes mais qui ne peuvent avoir aucun impact sur la décision. Il en est ainsi, par exemple, de la critique qu’a fait l’association Robin des Bois, des transports maritimes mondiaux en porte-conteneurs de plus en plus gigantesques, au nom d’une philosophie parfaitement cohérente avec la recherche authentique “d’un véritable développement durable”, mais qui ne pouvait pas conduire, dut-on le regretter, à renoncer à l’aménagement du Port 2000 au Havre. Des équipements concurrents se seraient développés ailleurs en Europe conduisant la France à un non développement et Le Havre à un rapide déclin.

Mais, il l’est parfois dans des termes beaucoup plus “interpellants”. Ainsi, lors du débat sur la construction d’une nouvelle unité électronucléaire EPR par Electricité de France, tête de série potentielle pour la construction ultérieure d’autres réacteurs : le débat a porté sur les “besoins” et sur la politique de production d’électricité. Ont été évoqués, comme compléments et/ou substituts à la production d’électricité nucléaire, des politiques d’efficacité énergétique, de développement d’énergies renouvelables, d’économies d’énergie, ensemble de voies constitutives d’un développement durable.

Cette préoccupation est également présente lorsque la protection de la biodiversité est évoquée comme valeur majeure. Ainsi, ce fut le cas lors du débat sur le nouveau port du Havre pour réclamer, notamment, la protection de vasières.

Bibliographie

Pour en savoir plus

 Rencontre nationale de la CNDP du mercredi 23 juin 2004 à la Maison de la Chimie sur le thème : Les associations et le débat public.

Lire également dans l'encyclopédie

 Jean-Luc Mathieu : Le “Port 2000” du Havre, développement durable et démocratie de proximité (N°29).

 Serge Depaquit : Développement durable et démocratie, opportunité d’une nouvelle alliance (N°6).

Sur Internet

 Site de la Commission Nationale du Débat Public : www.débatpublic.fr

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