LES SCENARIOS DU GIEC : Liens entre l’évolution du climat et d’autres déterminants socio-économiques ou environnementaux.

8 décembre 2021

Résumé

Après un rappel historique sur les scénarios socioéconomiques qui ont été utilisés par le GIEC depuis sa création, on présente les scénarios dits SRES et RCP utilisés jusqu’au cinquième rapport d’évaluation du GIEC, publié en 2014. Les grandes options des nouveaux scénarios SSP à la base du sixième cycle d’évaluation (2014-2022) sont ensuite présentées. On aborde les hypothèses retenues pour les cinq canevas (storylines) qualitatifs, portant principalement sur la démographie, l’urbanisation et la croissance économique, leur traduction quantitative et leur prise en compte par les modèles d’évaluation intégrée. Ces modèles sont développés par de très nombreux organismes et laboratoires de recherche en économie. Ils sont également utilisés pour évaluer les effets et les coûts de diverses politiques et mesures d’atténuation de l’effet de serre, dans le cadre des travaux du Groupe III du GIEC. Les modèles globaux de simulation du climat, développés par des laboratoires spécialisés en sciences de l’atmosphère et des océans, utilisent ensuite les résultats des simulations socioéconomiques pour en déduire des scénarios décrivant les climats futurs. En tant qu’entité intergouvernementale, le GIEC s’efforce ainsi d’apporter des réponses scientifiques aux questions posées par les gouvernements. Certains sujets peuvent cependant être laissés de côté, comme la possibilité d’agir sur la démographie pour lutter contre l’effet de serre. Par ailleurs, le souci de consensus académique et technico-politique a pu orienter le choix de certaines hypothèses, comme celle d’une tendance à la convergence à terme des revenus par habitant à travers le monde.
Les scenarios étudiés paraissent très conventionnels et influencés par les courants de pensée dominants. Le souci de consensus académique et technico-politique a pu orienter le choix de certaines hypothèses, comme celle d’une tendance à la convergence à terme des revenus par habitant à travers le monde ou comme la possibilité d’agir sur la démographie pour lutter contre l’effet de serre.

Où :

Auteur·e

Gillet Marc

Consultant en météorologie et climat, Ingénieur général des Ponts, des Eaux et de Forêts, a été point focal du Giec pour la France, Directeur de l’Observatoire national des effets du réchauffement climatique et Directeur des relations internationales à Météo-France.


 Introduction

Depuis son premier rapport d’évaluation publié en 1990, le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, ou IPCC en anglais) présente des descriptions de ce que pourraient être les changements climatiques, leurs causes et leurs conséquences dans le futur, généralement jusqu’à l’année 2100, sous forme de scénarios, c’est-à-dire de modèles produisant des courbes illustrant l’évolution passée et future de tel ou tel paramètre, comme les émissions de gaz carbonique ou la température moyenne à la surface du Globe. On pourra trouver des présentations plus détaillées des scénarios dans le chapitre 1 du 6ème rapport d’évaluation du Groupe I du GIEC (Chen et al., 2021), dans Moss et al. (2010), Guivarch et Rozenberg (2013) et Riahi et al., (2017).

A partir de quelques canevas qualitatifs (storylines en anglais, actuellement au nombre de cinq) décrivant les principales caractéristiques démographiques et socioéconomiques possibles du monde futur, un grand nombre de modèles macroéconomiques, dits modèles IAM (Integrated Assessment Model) permettent de calculer divers scénarios d’évolution des émissions de gaz à effet de serre (GES) en fonction du temps, ainsi que d’autres paramètres influant sur le climat, comme l’utilisation des sols et la pollution atmosphérique. Les profils temporels de concentration de ces GES dans l’atmosphère sont ensuite établis à l’aide de modèles physiques, faisant intervenir le cycle du carbone et d’autres composants atmosphériques, ce qui permet d’évaluer les interactions entre les milieux terrestres et le rayonnement reçu du soleil. Ces interactions se traduisent au niveau global par le forçage radiatif, qui exprime pour l’ensemble du globe terrestre la différence au sommet de l’atmosphère entre l’énergie reçue du soleil et l’énergie renvoyée vers l’espace, exprimée en Watts par m². L’excès d’énergie ainsi conservé par l’atmosphère et les océans a nécessairement pour effet de réchauffer le système dans son ensemble, comme une casserole de soupe à laquelle on apporte de l’énergie en allumant le gaz. Les modèles climatiques globaux (ou ESM pour Earth System Model) utilisent ces informations comme variables d’entrée pour en déduire les effets sur le comportement de l’atmosphère et des océans, comme l’évolution de la température moyenne à la surface de la terre sur les 100 prochaines années.

Le GIEC précise bien et rappelle régulièrement que les scénarios qu’il publie, qu’ils soient narratifs comme les canevas, ou quantitatifs comme les scénarios socioéconomiques ou climatiques, ne sont pas des prévisions, mais des représentations de ce que pourraient être les évolutions futures, en fonction de ce que pourraient être les contextes socioéconomiques et les choix politiques à venir. Il n’attribue pas de valeur de probabilité aux scénarios qu’il présente, si bien qu’aucun scénario n’est présenté comme plus ou moins probable qu’un autre.
Les scénarios socioéconomiques sont développés par une « communauté » d’économistes, et choisis sur une base consensuelle. Cette communauté travaille en liaison avec l’équipe du GIEC sur la mise à disposition des données pour les évaluations du changement climatique (TG-Data), qui fait suite depuis 2018 à l’Équipe spéciale pour les données et les scénarios servant à l’analyse du climat et de ses incidences (en anglais TGICA, pour Task Group on Data and Scenario Support for Impact and Climate Analysis). Le TG-Data a pour mission de fournir des orientations au Centre de distribution des données du GIEC pour la conservation, la traçabilité, la stabilité, la disponibilité et la transparence des données et des scénarios utilisés en vue des travaux du GIEC. Il supervise le centre de distribution de données du GIEC, accessible à tous à l’adresse http://www.ipcc-data.org/ . Le TG-Data est géré conjointement par le Centre for Environmental Data Analysis (CEDA) au Royaume-Uni, le Deutsches Klimarechenzentrum (DKRZ) en Allemagne, et le Center for International Earth Science Information Network (CIESIN) à l’université Columbia aux Etats-Unis, et il est financé par ces trois Etats.
Par ailleurs, les organismes développant des modèles socioéconomiques de type IAM se sont regroupés dans le cadre d’un consortium, l’IAMC. L’IAMC, qui regroupe aujourd’hui plus de 70 organismes de recherche, a été créé en 2007 à la suite d’un appel du GIEC afin de coordonner les organismes développant des scénarios susceptibles d’être utilisés par les modèles climatiques. Le nombre de modèles IAM figurant sur le site de l’IAMC est actuellement de 244. L’IAMC est animé par un comité international hébergé par l’université de Washington.

Le présent article se nourrit principalement des publications parues en janvier 2017 dans le vol. 42 de la revue Global Environmental Change, qui regroupe des articles détaillés présentant les différentes étapes de la fabrication des scénarios socioéconomiques utilisés par le GIEC dans le cadre de son sixième rapport d’évaluation qui sera disponible en son intégralité en 2022. L’auteur du présent article n’ayant pas participé aux phases récentes des travaux sur les scénarios, il prend la liberté de soulever à l’occasion quelques questions sur certains aspects de la construction de ces scénarios.

 Rappel historique

Les scénarios successifs du GIEC
Les scénarios socioéconomiques suivants ont utilisés successivement par le GIEC :

  • Les scénarios SA90, au nombre de quatre, lors du premier rapport d’évaluation paru en 1990.
  • Les scénarios IS92 (pour IPCC Scenarios 1992), par le deuxième et le troisième rapport d’évaluation (parus respectivement en 1995 et en 2002) ;
  • Les scénarios SRES (Special Report on Emissions Scenarios) par le quatrième rapport d’évaluation, présenté en 2007), et qui ont fait l’objet d’un rapport spécial (Nakicenovic et al., 2000) ;
  • Les scénarios dits RCP (pour Representative Concentration Pathways), issus des scénarios SRES, et utilisés par le Groupe I pour le cinquième rapport d’évaluation (2013) ;
  • Les scénarios SSP (pour Shared Socioeconomic Pathways) utilisés pour les 5ème et 6ème rapport d’évaluation, parus respectivement en 2007 et 2013.

Les scénarios SA90 étaient proposés par les Etats-Unis et les Pays-Bas. Ensuite, et jusqu’au 4ème rapport d’évaluation les scénarios d’émissions SRES ont été développés par le GIEC. Les scénarios RCP et SRES actuellement utilisés sont développés par une « communauté » d’économistes, en lien avec l’IAMC et avec le GIEC.

Les scénarios SRES

Les scénarios socioéconomiques SRES, qui ont précédé les scénarios SSP utilisés actuellement, intégraient déjà des informations sur les restructurations économiques récentes dans le monde et des niveaux de référence d’émissions améliorés par rapport aux scénarios précédents. Ils font appel à différents taux et tendances de changement technologique et couvrent différentes voies de développement économique, ainsi que la tendance à la réduction des écarts de revenus entre pays développés et pays en voie de développement.

L’équipe de rédaction du SRES a compté plus de 50 membres provenant de 18 pays différents. Cette équipe, conduite par Nabojka Nakicenovic, de l’Institut international d’analyse des systèmes appliqués (IIASA), comprenait des représentants de six groupes de modélisation socioéconomique et des auteurs principaux des scénarios antérieurs du GIEC.

Les scénarios SRES incluent les émissions de toutes les espèces pertinentes de gaz à effet de serre (GES) et de composés soufrés. Ils ont été construits sur la base de quatre « canevas narratifs » (storylines) décrivant différentes évolutions du monde. Six équipes de modélisation socioéconomique ont élaboré au total 40 scénarios SRES, en suivant des approches variées, dans le cadre d’un processus ouvert qui a suscité une large participation, avec les modèles suivants :

  • Asian Pacific Integrated Model (AIM) du National Institute of Environmental Studies au Japon ;
  • Atmospheric Stabilization Framework Model (ASF) d’ICF Consulting aux Etats-Unis ;
  • Integrated Model to Assess the Greenhouse Effect (IMAGE) du National Institute for Public Health and Environmental Hygiene (RIVM) aux Pays-Bas ;
  • Multiregional Approach for Resource and Industry Allocation (MARIA) de l’Université scientifique de Tokyo ;
  • Model for Energy Supply Strategy Alternatives and their General Environmental Impact (MESSAGE) de l’IIASA en Autriche ;
  • Mini Climate Assessment Model (MiniCAM) du Pacific Northwest National Laboratory (PNNL) aux Etats-Unis.

Les RCP

Les RCP (Representative Concentration Pathways) ont été choisis lors d’une réunion d’experts qui s’est tenue à Noordwijkerhout aux Pays Bas en septembre 2007, sur la base de plusieurs centaines de scénarios ayant fait l’objet de publications. Le développement des scénarios SSP destinés à succéder aux SRES était déjà décidé, pour les raisons rappelées plus loin. Mais il était nécessaire de définir un certain nombre de profils temporels de concentrations de gaz à effet de serre pour que le Groupe I du GIEC puisse faire fonctionner les modèles climatiques globaux dans le cadre du 5ème rapport d’évaluation, sans attendre que les experts du Groupe III aient défini les nouveaux scénarios SSP. Les scénarios RCP, qui sont issus des SRES, constituent donc une solution transitoire en attendant la mise en œuvre complète des SSP.

Chaque RCP résulte de conditions socioéconomiques et environnementales considérées par les experts comme cohérentes et crédibles, menant à des forçages radiatifs plus ou moins élevés. Les RCP constituent en fait une grille de scénarios de référence pour le calcul des changements climatiques, de ses impacts et de l’adaptation. Un RCP donné peut cependant correspondre à des évolutions socio-économiques et environnementales très diverses.

Les RCP fournissent des séries chronologiques d’émissions et de concentrations de l’ensemble des gaz à effet de serre, des aérosols et des gaz chimiquement actifs, ainsi que l’utilisation des terres. Ils sont au nombre de quatre, les RCP2.6, RCP4.5 et RCP6.0 et RCP8.5, leurs dénominations correspondant aux forçages radiatifs atteints en 2100 exprimés en W/m². Le scénario RCP2.6, également nommé scénario 3PD, pour « Peak-Decline », a été conçu spécifiquement à la demande de gouvernements pour présenter un cas où l’augmentation de la température moyenne globale ne dépasserait pas de plus de 1,5°C sa valeur au début de l’époque industrielle, ce qui nécessiterait, compte tenu des niveaux de forçage radiatif déjà atteints, que ce paramètre passe par un maximum de 3 W/m² pour décroître ensuite. La Figure 3 représente l’évolution temporelle des forçages radiatifs correspondant aux RCP.

Les résultats des RCP sont généralement représentés en termes de forçage radiatif, déduit des profils d’émissions et d’autres informations, et en modélisant les cycles des constituants chimiques et des autres facteurs agissant sur le transfert radiatif au sein de l’atmosphère. Un modèle très largement utilisé pour procéder à ces estimations est le modèle MAGICC (voir par exemple Meinshausen et al., 2011). La présentation des RCP en termes de forçage radiatif permet notamment une utilisation directe des scénarios par les modèles climatiques qui n’incluent pas les cycles géochimiques.
La base de données correspondant aux RCP est hébergée en Autriche par l’Institut international pour l’analyse des systèmes appliqués (IIASA). Cette base de données comprend des données historiques et des simulations jusqu’en 2100, s’étendant même parfois jusqu’en 2300.

Les scénarios SSP

Jusqu’au 4ème rapport d’évaluation (2007), la démarche du GIEC en matière de scénarios comprenait trois étapes successives : dans un premier temps, le Groupe III et le TGICA (Task Group on Data and Scenario Support for Impact and Climate Analysis du GIEC) définissaient les scénarios socioéconomiques ; dans un deuxième temps, avec des modèles climatiques globaux, le Groupe I évaluait les réponses physiques et biogéochimiques aux évolutions socioéconomiques ; enfin, à l’aide de modèles et autres recherches, le Groupe II en déduisait les conséquences pour l’IAV (Impacts, Adaptation, Vulnérabilité).
Ceci conduisait à un décalage entre les travaux des groupes de travail, puisque le Groupe III du GIEC continuait à perfectionner ses scénarios alors que les groupes I et II continuaient à travailler sur des versions antérieures. Les scénarios SRES présentaient un certain nombre d’autres inconvénients. Ainsi ne prenaient-ils pas explicitement en compte l’application de politiques et mesures dans le domaine climatique. Les prévisions démographiques devaient être revues à la baisse, en raison de la diminution récemment constatée de la natalité dans les économies émergentes et du développement de l’éducation des femmes dans les pays les moins développés. Il devenait aussi nécessaire de disposer de descriptions plus détaillées de l’utilisation des sols et des sources d’aérosols et de pollution atmosphérique.

Le principe suivi pour le développement des SSP dès le 5ème cycle d’évaluation (2008-2011) est celui d’un découplage entre les scénarios utilisés par les groupes I et II, et les nouveaux scénarios étudiés par le Groupe III. L’exécution des modèles climatiques globaux nécessitant des délais de plusieurs années en raison de la complexité des calculs à effectuer, cette nouvelle approche dite « en parallèle » permet aux groupes I et II de travailler sans attendre de nouveaux scénarios, prenant en compte notamment des mesures d’atténuation, qui ne peuvent être fournis par le Groupe III qu’à la fin du cycle d’évaluation. La cohérence entre les travaux des trois groupes est conservée grâce aux scénarios RCP et aux scénarios de référence.

Lors du 5ème cycle d’évaluation, afin de ne pas attendre les résultats du Groupe III qui travaillait sur de nouveaux scénarios, le Groupe I a utilisé pour ses modèles climatiques globaux les quatre profils temporels de forçage radiatif (dits Representative Concentration Pathways ou RCP) choisis au début du cycle d’évaluation. Les résultats des modèles climatiques ont été utilisés ensuite par le Groupe II pour les études sur les impacts, l’adaptation et la vulnérabilité et éventuellement pour des modèles socioéconomiques. Dans le même temps, les chercheurs en socio-économie ont développé les scénarios SSP, qui ont été pleinement utilisés par le Groupe I dans le 6ème rapport d’évaluation, dont le processus d’adoption s’étend en 2021 et 2022. Ces scénarios pouvaient correspondre à un RCP ou s’en écarter fortement.

Les profils de forçage radiatif utilisés par le Groupe I dans le cadre du 6ème rapport d’évaluation ne proviennent donc plus des RCP, mais des nouveaux scénarios SSP produits lors du cycle d’évaluation précédent. Cependant, afin d’assurer une continuité entre les cycles d’évaluations, ces nouveaux scénarios SSP ont été choisis de manière à correspondre au plus près aux RCP. Il s’agit des SSP1-1.9, SSP1-2.6, SSP2-4.5, SSP3-7.0, et SSP5-8.5, qui aboutissent respectivement en 2100 aux niveaux de forçage radiatif indiqués dans leur dénomination, c’est-à-dire respectivement 1.9, 2.6, 4.5,7.0 et 8.5 Watts/m².

Les canevas qualitatifs des SSP
Les scénarios SSP actuels, tout comme leurs prédécesseurs SRES, sont construits sur la base de « canevas » qualitatifs (storylines) décrivant différentes évolutions de fond de la société, en s’efforçant de couvrir un éventail de situations pour lesquelles les difficultés d’atténuation et d’adaptation sont plus ou moins importantes. Le développement des canevas est décrit par O’Neill et al. (2017). Chaque canevas est fonction d’un petit nombre de déterminants considérés comme principaux. Les experts qui ont défini ces canevas se sont efforcés de présenter des évolutions cohérentes et plausibles en essayant de couvrir l’ensemble des futurs possibles. Les six déterminants principaux pour l’atténuation et pour l’adaptation qui ont été retenus sont a) la démographie, b) le développement humain, c) l’économie et le mode de vie, d) les politiques et les institutions (en dehors des politiques climatiques), e) la technologie, et f) l’environnement et les ressources naturelles. Chacun de ces six déterminants est détaillé selon l’évolution attendue des paramètres socioéconomiques considérés comme les plus importants.
Le Tableau 1 présente quelques caractéristiques générales des cinq canevas qui ont été retenus.

Tableau 1 : Quelques caractéristiques générales des cinq canevas sous-tendant les scénarios SSP.

Canevas
Caractère principal Prospérité générale Développement des
pays à faible revenu
Facilité
pour l’adaptation
Facilité
pour l’atténuation
SSP1 Durabilité Elevée et convergente Rapide Forte Forte
SSP2 Poursuite des tendances Moyenne Moyen Moyenne Moyenne
SSP3 Rivalités entre régions
et fragmentation
Faible Faible Faible Très faible
SSP4 Inégalités entre classes
et entre régions
Faible Moyen Faible Moyenne

SSP5
Développement basé
sur les combustibles
fossiles
Très forte Rapide Forte Faible

Sur la base de ces cinq canevas qualitatifs, des scénarios quantitatifs ont été développés, pour la démographie, l’urbanisation et le PIB, qui conditionnent la demande en énergie, en processus industriels et agricoles et en utilisation des sols.

La démographie
Bien qu’il soit très peu évoqué dans les rapports d’évaluation du GIEC, le facteur démographique est essentiel, non seulement parce qu’il fournit le nombre de travailleurs et de consommateurs présents sur le marché, mais aussi leur niveau d’éducation et leur répartition, par exemple entre les villes et les campagnes.

Les hypothèses et les scénarios relatifs à l’évolution démographique sont exposées par KC et Lutz (2017). Les canevas qualitatifs des scénarios SSP généraux sont traduits quantitativement en scénarios démographiques pour 195 pays, les populations étant classées selon l’âge, le sexe et le niveau d’éducation. La fécondité future et donc la croissance démographique sont déterminés principalement par le niveau d’éducation, qui influence à la fois la mortalité et la natalité. Les données empiriques disponibles indiquent en effet que pour pratiquement toutes les populations la fertilité féminine décroît quand le niveau d’éducation s’élève. De même, il a été établi empiriquement que la croissance économique est principalement déterminée par le niveau d’éducation des personnes en âge de travailler. Pour les auteurs, l’éducation est censée progresser davantage dans les sociétés mondialisées (canevas SSP1 et SSP5) que dans les sociétés plus fragmentées (canevas SSP3 et SSP4). L’évolution des populations est évaluée à l’aide d’un modèle démographique dynamique. Ces scénarios démographiques ont été calculés par le centre Wittgenstein pour la démographie et le capital humain mondial. Ce centre, situé en Autriche, regroupe divers organismes spécialisés et a consulté plus de 550 experts en démographie.

En 2100, la population mondiale se situerait entre 6,9 milliards dans le cas du canevas SSP1 et 12,6 milliards dans celui du canevas SSP3, ce qui va presque du simple au double. Pour les canevas SSP1 et SSP5, elle culminerait aux alentours de 2050, pour décroître ensuite. Dans les cas des canevas SSP2 et SSP4, la population demeurerait à peu près stable au-dessus de 9 milliards après 2050. Ces conclusions paraissent découler principalement de la corrélation positive entre le degré de mondialisation de l’économie et le niveau d’éducation, particulièrement celui des femmes, avec un effet sur la fertilité féminine et la démographie.

Toutes les données démographiques ainsi obtenues sont accessibles sur le site de l’IIASA, avec le détail par pays. Ces données démographiques sont traitées par la suite comme des données exogènes par les modélisations socioéconomiques et ne sont donc pas modifiées en fonction des politiques et mesures qui ont pu être évaluées. Le GIEC n’a donc pas évalué les possibilités de réduction des émissions ou des impacts dus au changement climatique qui résulteraient d’une évolution démographique plus réduite résultant de mesures comme le contrôle des naissances, la suppression des incitations à la procréation, ou l’amélioration des régimes de pension.

L’urbanisation
L’évolution de l’urbanisation, qui fait l’objet de l’article de Jiang et O’Neill (2017), varie fortement selon les scénarios considérés (voir le Tableau 2, dernière colonne). Rappelons qu’en 2020, 56% de la population mondiale vivait en ville (AIE, 2021). Le scénario SSP3 est celui qui aboutit au plus faible degré d’urbanisation en 2100, soit 60%. Les auteurs attribuent cela à une croissance économique faible, une faible mobilité entre régions et une planification urbaine insuffisante, faisant des villes des destinations peu attirantes. Au contraire, la forte croissance économique des scénarios SSP1 et SSP5 favorise l’urbanisation, pour des raisons différentes. Dans ces deux derniers scénarios, le pourcentage d’urbains par pays converge vers la valeur mondiale, alors que ce pourcentage reste fortement différencié pour le scénario SSP3.


Année

2010

2021

2050

2100
Urban-
isation
en 2100
(%)
SSP1 6,9 7,8 8,5 6,9 92
SSP2 6,9 7,8 9,2 9,0 80
SSP3 6,9 7,8 10,0 12,6 60
SSP4 6,9 7,8 9,1 8,6 92
SSP5 6,9 7,8 9,3 7,4 92

Tableau 2 : Evolution de la population mondiale, en milliards d’habitants, selon les différents canevas (storylines) du GIEC (extrait de KC et Lutz, 217). En dernière colonne figure le pourcentage de la population mondiale urbanisée en 2100 selon ces mêmes scénarios.

Le PIB par habitant
Les évolutions du PIB ont été déterminées à l’aide de modèles macroéconomiques, à partir des différents schémas retenus dans les canevas, dans un premier temps sans prise en compte de politiques et mesures d’atténuation des émissions de GES. En définitive, cinq profils de PIB, décrits par Dellink et al. (2017), ont été retenus par les experts pour servir de scénarios « marqueurs » (Marker scenarios). 19 autres profils ont également été sélectionnés pour obtenir un éventail de possibilités, l’ensemble constituant les scénarios de référence (Baseline scenarios). Les projections macroéconomiques retenues pour les scénarios marqueurs utilisent le modèle ENV-Growth de l’OCDE qui fournit les valeurs futures du PIB pour chaque pays. Les auteurs font l’hypothèse d’un processus de convergence, c’est à dire que chacun des 184 pays pris en compte atteint à terme son niveau de PIB, en cohérence avec ses capacités et ses institutions (voir par exemple Dellink et al., 2017).

L’éventail des montants de PIB moyen par habitant qui en résulte en 2100 est très large, puisqu’il serait de 120.000 $ pour le SSP5, 77.000 pour le SSP1, 63.000 pour le SSP2, 46.000 pour le SSP4 et 24.000 pour le SSP3. Les montants pour le scénario SSP3 et le scénario SSP5 correspondent grosso modo respectivement aux PIB par habitant actuels du Portugal et de Monaco. Dans tous les cas ces résultats peuvent paraître optimistes, puisque les PIB par habitant de la plupart des pays en développement sont actuellement très inférieurs à celui du Portugal. Le scénario SSP5 semble particulièrement optimiste en ce qu’il prévoit un développement et une convergence très rapide entre pays. Les scénarios SSP1 et SSP5 correspondent également au développement le plus équitable, que ce soit entre pays ou entre habitants. Cependant, pour tous ces scénarios, les taux de croissance diminuent au cours du temps, de moitié environ entre la première et la deuxième moitié du siècle.

Une autre modélisation de l’évolution du PIB réalisée au PIK (Potsdam Institut für Klimafolgenforschung, voir Leimbach et al., 2017), pour un monde réparti en 32 régions, est une extension d’une méthode utilisée antérieurement par le cabinet PricewaterhouseCoopers, basée sur une fonction de Cobb-Douglas exprimant le PIB en fonction du capital, du travail et de la productivité. Les principaux facteurs de croissance retenus sont l’investissement, l’éducation et le progrès technique. Le progrès technique est pris en compte par une méthode définie par Solow (1957). Des améliorations de l’efficacité énergétique et dans l’exploitation des ressources naturelles (pétrole et gaz) sont prises en compte. Selon les canevas, des hypothèses variées sont également faites sur la convergence de la productivité du travail entre les différentes régions, et sur la croissance du capital humain comme du capital physique.
Sur ces bases, de très nombreux scénarios reproduisant la consommation d’énergie et l’utilisation des sols (AFOLU) ont été produits, pour constituer les scénarios de référence abordés au paragraphe suivant.

Quelques questions au sujet des canevas
Les canevas ont été élaborés sur la base de consensus d’experts issus des milieux académiques, gouvernementaux et associatifs, qui se sont assuré de leur cohérence avec les publications relevant des sciences sociales et économiques. Les écoles de pensée socioéconomique dominantes dans ces milieux pourraient s’avérer surreprésentées dans ces canevas. On peut donc se poser légitimement des questions sur la possibilité de voir des canevas non prévus se produire dans la réalité. Ainsi est-il tentant de s’interroger par exemple sur certains points, comme ceux qui suivent.

Les événements possibles de surprise ou de catastrophe dont la probabilité de survenue ne peut être évaluée ne sont pas pris en compte. C’est le cas par exemple de la percée technologique majeure que serait la mise en œuvre de la fusion nucléaire. Inversement, c’est aussi le cas pour la survenue de cataclysmes, tels que des dégagements massifs de méthane contenu dans le pergélisol ou une pandémie exterminant une partie substantielle de l’humanité.

Il ne semble pas que la possibilité d’évolutions politiques, culturelles ou religieuses radicales soit envisagée. Les économistes ne prévoient généralement pas les révolutions avant qu’elles ne se produisent, et accordent peu de crédit aux « motivations intrinsèques », c’est-à-dire non pécuniaires (voir par exemple Gollier, 2019). On peut toutefois saluer de la part des experts une ouverture dans le sens des évolutions « culturelles » avec le canevas SSP1 (dit de développement durable, taking the green road), qui semble difficilement imaginable en l’absence d’une forte évolution des mentalités. Toutefois, ce canevas n’a-t-il pas été mis en avant sous la pression de gouvernements ou d’autres organisations afin de nous présenter un avenir acceptable, obtenu grâce aux efforts des politiques et des peuples ?

Il est difficile pour un non spécialiste d’évaluer la crédibilité des relations qui sont proposées entre certaines variables, exprimées généralement en termes d’« élasticité », correspondant à des relations empiriques de proportionnalité entre ces variables. Sans doute l’analyse statistique de données passées peut-elle faire ressortir de fortes corrélations entre une variable A et une variable B. Mais dans le futur, dans un contexte parfois différent, ces relations seront-elles toujours vérifiées ? Quand les habitants des campagnes se chaufferont au bois, auront des voitures électriques rechargées par les centrales nucléaires et travailleront en distanciel, émettront-ils davantage que les citadins ? Il n’est pas certain que l’urbanisation réduise les émissions de GES. Selon l’AIE (2021) environ 56 % de la population mondiale vivent dans des villes et des villages en 2020. Ils consomment les deux tiers de l’énergie mondiale et produisaient plus de 70 % des émissions de CO2, malgré le fait qu’environ le tiers des citadins habitent dans des quartiers informels et des bidonvilles sans accès aux services de base (Ritchie et Roser, 2019).

D’autres variables n’ont apparemment pas été considérées, comme l’existence ou non de régimes de retraite fiables. Si la natalité dépend beaucoup de l’éducation des femmes, elle dépend aussi de la vision de l’avenir qu’a tout individu ; quand une pension de retraite décente est garantie par la société, il n’est plus nécessaire de faire appel à ses enfants pour subvenir à ses besoins.
Au vu de l’importance des financements apportés à la recherche socio-économique par les gouvernements et par le secteur privé, un certain nombre de scénarios publiés dans la littérature spécialisée sont sans aucun doute conçus en vue de défendre des groupes d’intérêt. De tels scénarios n’ont-ils pas pris une influence hors de proportion dans le consensus général ?

Les scénarios de référence
Toujours sans prendre en compte les mesures d’atténuation, les scénarios de référence sont des scénarios de forçage radiatif qui ont été déduits des scénarios traduisant quantitativement les canevas, et incluent les scénarios dits marqueurs. Ces scénarios de référence tiennent compte de différents profils temporels d’évolution pour :

  • la demande en énergie, par type de combustible et
  • l’utilisation des terres (AFOLU)

Les scénarios de référence qui se rapprochent des SSP utilisés parallèlement par le Groupe I sont mis en exergue, afin d’obtenir des présentations cohérentes entre les résultats des groupes de travail et ceux des cycles d’évaluation antérieurs. La Figure 7 présente quelques éléments des scénarios de référence SSP.

La demande en énergie
Les scénarios de référence pour la demande en énergie ont été calculés à l’aide de cinq modèles IAM différents, comme l’indique le Tableau 3.

Tableau 3  : La consommation mondiale d’énergie en Exajoules (EJ) pour les cinq scénarios de référence, évaluée dans chaque cas par un modèle différent (colonne 2). Les colonnes suivantes indiquent pour l’année 2100 les pourcentages de chaque source d’énergie dans le mix énergétique, et, en dernière colonne, la quantité totale d’énergie demandée en EJ. On notera que la demande totale d’énergie en 2010 était d’environ 350 EJ (valeurs arrondies, d’après Riahi et al., 2017). Les dénominations complètes des modèles figurant en deuxième colonne se trouvent dans l’annexe relative aux acronymes utilisés.

Scénario
de référence
Modèle
IAM utilisé
Charbon
(% en 2100)
Pétrole
et
Gaz (% en 2100)
Nucléaire
et renouvelables
(% en 2100)
Demande totale
annuelle en énergie
(EJ)
SSP1 IMAGE 20 35 45 500
SSP2 MESSAGE-GLOBIOM 25 45 30 950
SSP3 AIM/CGE 45 35 20 800
SSP4 GCAM4 25 40 35 700
SSP5 REMIN-MAGPIE 50 40 10 1150

La demande en énergie varie très fortement en fonction des scénarios, et se situe en 2100 environ entre 400 EJ pour le scénario SSP1 (proche de la consommation actuelle) et 1.200 EJ pour le scénario SSP5.

Les scénarios SSP5 et SSP3 sont ceux qui font le plus appel aux combustibles fossiles, et émettent par conséquent le plus de CO2. Par ailleurs, les scénarios SSP3 et SSP4 font fortement appel à la biomasse, comme c’est le cas actuellement dans de nombreux pays en développement où les ménages modestes utilisent du charbon de bois pour la cuisson des aliments ou le chauffage, parce que ce combustible constitue la solution la moins onéreuse pour ces usages. Ces deux scénarios demanderaient donc des efforts d’atténuation très importants pour parvenir à des profils d’émission bas, limitant le réchauffement climatique à moins de 2°C. En revanche, les scénarios SSP1 et SSP2 demanderaient moins d’efforts d’atténuation pour un même résultat.
Un examen plus détaillé des scénarios indique également que les scénarios de référence SSP3 et SSP4 correspondent à un accès plus difficile des populations à l’énergie, ce qui provoquerait une consommation plus importante de biomasse dans les pays en développement, comme c’est déjà le cas aujourd’hui. De manière générale, l’urbanisation est présentée comme un élément positif. Il transparaît aussi de ces résultats que la démographie joue dès le milieu du siècle un rôle essentiel, surtout dans le cas du scénario SSP3 qui fait l’hypothèse d’une très forte croissance démographique comme nous l’avons vu précédemment. En effet, à émissions égales de GES par habitant, un nombre d’habitants moins élevé devrait entraîner à moyen terme une réduction proportionnelle des émissions globales.

L’utilisation des terres
L’utilisation des terres (superficie cultivée, forêt, pâturages) varie fortement d’un scénario à l’autre, en fonction notamment de la demande en nourriture, en bois et en énergie issue de la biomasse. Les scénarios pour lesquels la croissance démographique est plus faible présentent aussi une moindre occupation des sols. L’utilisation des terres (AFOLU) fait l’objet d’un article de synthèse de Popp et al. (2016). Les scénarios développés dans ce cadre sont selon les experts cohérents avec les canevas, et tiennent compte des demandes attendues en nourriture, en bois et en énergies issues de la biomasse.

Le scénario le plus extrême, comme précédemment, est le scénario SSP3, pour lequel on arriverait en 2100 à une perte de surface forestière et d’autres milieux naturels de près de 1.100 millions d’hectares au total, avec une extension des terres cultivées de près de 800 millions d’hectares, la différence correspondant à l’augmentation des superficies pâturées. Cette particularité du SSP3 est attribuée principalement à l’accroissement de la population et à sa présence importante dans les campagnes, ainsi qu’à son faible niveau d’éducation. Dans le cas du scénario « durable » SSP1, au contraire, la surface forestière et naturelle s’accroîtrait d’environ 700 millions d’hectares, avec un maintien des surfaces cultivées au niveau actuel, grâce à une forte productivité agricole, et une diminution les surfaces pâturées de près de 800 millions d’hectares grâce à une population très inférieure (6,9 milliards d’habitants au lieu de 12,6), des régimes alimentaires sains, un moindre gaspillage de la nourriture et une meilleure productivité agricole. Les autres scénarios, y compris le scénario hypermondialisé et technologique SSP5, conservent grosso modo la répartition actuelle des terres.

 La prise en compte des politiques et mesures de lutte contre le changement climatique

A partir des scénarios de référence, prenant en compte les émissions de tous les gaz à effet de serre, l’utilisation des terres, les effets des aérosols et des polluants, un très grand nombre de simulations de politiques et mesures d’atténuation et d’adaptation a été réalisé par différentes équipes, à l’aide d’IAM. L’objectif est d’évaluer, pour chaque scénario et pour différentes politiques climatiques, l’intensité des efforts nécessaires pour parvenir à un même niveau de forçage radiatif ou de température globale, inférieur aux niveaux de départ.

Afin que les résultats soient comparables, les auteurs ont défini un cadre pour les politiques et mesures à tester, dénommé SPA (Shared Policy Assumptions, voir Kriegler et al., 2014), avec des hypothèses sur la participation des différentes régions du monde aux actions d’atténuation et d’adaptation. Les mesures considérées peuvent être qualitatives ou quantitatives. Elles incluent par exemple, en faveur de l’atténuation, l’utilisation de sources d’énergies moins carbonées, la sobriété énergétique, la séquestration du carbone, la lutte contre la déforestation, des accords avec l’industrie, les politiques fiscales, des réglementations, et, en faveur de l’adaptation, le renforcement des capacités ou des systèmes assuranciels.

On remarquera cependant que certaines mesures possibles n’ont pas été évaluées, notamment celles qui pourraient concerner la démographie. La démographie et le développement économique demeurent des variables exogènes, fixées par les canevas (voir Fujimori et al., 2017). En particulier les mesures pour réduire la croissance démographique, comme l’encouragement au contrôle des naissances, ou la mise en place de systèmes de retraite fiables dans les pays en développement ne semblent pas avoir été examinées dans les documents qui ont pu être consultés. Pourtant, comme l’indiquent les données retenues dans les canevas, de telles mesures pourraient avoir pour effet à partir du milieu du présent siècle de réduire fortement l’effectif de la population mondiale. Une publication récente de Casey et Galor (2017) montre qu’une diminution du taux d’accroissement de la population pourrait en outre avoir un effet positif sur le PIB par habitant, tout en réduisant les émissions de GES, et suggère de prendre en compte les politiques de contrôle des naissances parmi les politiques d’atténuation. Il semble donc que la définition des scénarios SPA continue à faire l’objet d’un débat parmi les experts.

Les efforts à consentir réduire le forçage radiatif à un niveau donné dépendent bien sûr du scénario de référence choisi. Par exemple, si l’on souhaite rester d’ici à 2100 à un niveau de forçage radiatif inférieur à 2,6 W/m², correspondant à peu près à un réchauffement de 2°C, il est nécessaire de transformer rapidement et fondamentalement notre système énergétique en faisant appel aux énergies renouvelables, au nucléaire et à la séquestration du carbone, incluant la reforestation. Au vu des résultats des IAM, le scénario SSP3 ne permettrait pas, selon les modèles actuels, de rester en dessous de cette limite de 2,6 W/m², quelles que soient les politiques et mesures adoptées, en raison de la forte pression sur l’utilisation des terres associée à ce scénario, et due au nombre élevé d’habitants hors des villes.

On trouve dans Riahi et al. (2017) des estimations de coûts pour les différentes stratégies d’atténuation, sous forme d’un prix moyen sur le siècle de la tonne de CO², ramené à sa valeur actuelle avec un taux d’actualisation annuel de 5%. Ce prix, pour atteindre l’objectif de 2,6 W/m², varie entre 9 $/tonne de CO² pour le SSP1 et 25 $/tonne de CO² pour le SSP5. Ces prix sont très inférieurs au montant prévu pour la taxation du carbone en France, dans le cadre de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), puisque la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte a fixé une cible à long terme avec un taux défini à 100 €/tCO2 en 2030.

Les scénarios climatiques
Les scénarios climatiques présentés par le Groupe I dans du 6ème rapport d’évaluation en 2021 sont établis à l’aide de modèles climatiques, principalement à partir de 5 scénarios de référence SSP, de manière à parvenir en 2100 à des forçages radiatifs de 1,9 W/m² et 2,6 W/m² pour le SSP1, 4,5 W/m² pour le SSP2, 7 W/m² pour le SSP3 et 8,5 W/m² pour le SSP5. Le scénario SSP4 n’a pas été traité, les résultats en termes de forçage radiatif étant très proches d’autres scénarios déjà traités par ailleurs. Dans la démarche en parallèle qui a été évoquée ci-dessus, les quatre scénarios SSP utilisés par le Groupe I pour le sixième rapport d’évaluation résultent des travaux des modélisateurs IAM au cours du rapport d’évaluation précédent.
Les modèles climatiques les plus avancés utilisent les concentrations ou les émissions des différents GES (CO2, CH4, N2O et halocarbures) et les émissions de gaz réactifs et précurseurs d’aérosols composés pour modéliser la chimie atmosphérique et ses interactions avec le système climatique. Une représentation géographique détaillée des émissions de polluants atmosphériques est fournie par les IAM.

Les modélisations climatiques ont été réalisées par de nombreuses équipes, dans des conditions définies par le CMIP6 (Coupled Model Intercomparison Project, un projet international conduit dans le cadre du Programme mondial de recherche sur le climat afin de faciliter les intercomparaisons des modèles de simulation du climat. L’objectif du CMIP est de mieux comprendre les changements climatiques passés, présents et futurs résultant de la variabilité naturelle ou en réponse aux changements de forçage radiatif dans un contexte multi-modèle, avec des modèles couplés océan-atmosphère. Ceci inclut l’évaluation des performances des modèles sur le climat passé pour la période historique. Des expériences idéalisées sont également utilisées pour mieux comprendre les réactions des modèles, et pour étudier la prévisibilité du système climatique à diverses échelles de temps. Un autre objectif important du projet CMIP est de mettre à disposition du public les résultats de différents modèles climatiques sous un format standardisé.

Le Tableau 4 présente quelques modèles de simulation du climat utilisés dans le cadre de CMIP6.

Tableau 4 Modèles climatiques globaux ayant participé au projet CMIP6.

Organisme Modèle
Beijing Climate Center (Chine) BCC-CSM2-MR
Canadian Centre for Climate Modelling and Analysis (Canada) CanESM5
National Center for Atmospheric Research (Etats-Unis) CESM2
Centre National de Recherches Météorologiques (France) et
Centre Européen de Recherche et de Formation Avancée en
Calcul Scientifique (France)

CNRM-CM6-1

EC Earth Consortium (Europe) EC-Earth3
LASG/IAP, Beijing (Chine) FGOALS-g3
Geophysical Fluid Dynamics Laboratory (Etats-Unis) GFDL-CM4
Geophysical Fluid Dynamics Laboratory (Etats-Unis) GFDL-ESSM4
Hadley Centre (Royaume-Uni) UKESMI-0-LL
Institute for Numerical Mathematics (Russie) INM-CM5-0
Institut Pierre Simon Laplace (France) IPSL-CM6A-LR
JAMSTEC, AORI, NIES and R-CCS (Japon) MIROC-6
Max Planck Institute for Meteorology (Allemagne) MPI-ESMI-2-HR
Meteorological Research Institute (Japon) MRI-ESM2-0
Norwegian Climate Center (Norvège) Nor-ESM2-LM

La Figure 8, extraite du résumé pour les décideurs du 6ème rapport d’évaluation du Groupe I du GIEC (IPCC, 2021), présente de manière synthétique les augmentations de la température moyenne à la surface du globe attendues à la fin du siècle selon les différents scénarios utilisés par les modèles climatiques. Dans tous les cas c’est l’influence des émissions de CO2, passés et à venir, qui dominent par rapport aux autres causes de réchauffement (ou de refroidissement, dans le cas des aérosols et éventuellement de l’utilisation des sols).

 Conclusions

Les scénarios socioéconomiques du GIEC ont pour objectif de présenter, jusqu’en 2100 et parfois au-delà, une grande variété d’évolutions futures possibles du monde, dont découlent les émissions de GES et les forçages radiatifs qui provoquent le réchauffement du climat. L’établissement de ces scénarios socioéconomiques mobilise des centaines d’experts de différents pays, en lien avec le Groupe III et le TG-Data du GIEC qui rassemblent les résultats et les mettent à la disposition des chercheurs. Des progrès importants ont été réalisés depuis les premiers scénarios du GIEC, en affinant considérablement la méthode suivie, la description géographique, les interactions entre les innombrables variables sociales, économiques, techniques, politiques, culturelles, etc. Les hypothèses très variées qui sous-tendent les différents scénarios permettent de proposer un très large éventail de profils futurs d’émissions de GES et de forçage radiatif résultant des changements environnementaux, comme la pollution atmosphérique ou l’utilisation des sols.

Les scénarios SSP actuels couvrent probablement l’ensemble des évolutions imaginables en matière de forçage radiatif futur, en faisant peut-être exception de catastrophes planétaires ou de révolutions toujours possibles mais dont on ne sait pas évaluer la probabilité de survenue. Les scénarios de référence, retenus par le GIEC et qui ne comportent pas de mesures d’atténuation, vont d’un scénario « développement durable » SSP1 très respectueux de l’environnement et du progrès social, présentant un profil d’émissions très modéré, à deux scénarios présentant de forts profils d’émissions, le scénarios SSP3 correspondant à un monde fragmenté et le scénario SSP5, avec un marché totalement mondialisé et faisant appel à une utilisation décomplexée des combustibles fossiles.

En pratique les scénarios socioéconomiques du GIEC couvrent sans doute l’essentiel des possibilités en termes d’évolution future du forçage radiatif, ce qui est suffisant pour satisfaire les besoins du Groupe I en vue de simuler les états futurs possibles de l’atmosphère et des océans, et ceux du Groupe II pour évaluer les impacts et les possibilités d’adaptation, la vulnérabilité et l’adaptation. Cependant, il est permis de se poser quelques questions au sujet de certaines des hypothèses qui sous-tendent ces scénarios socioéconomiques.

Ainsi les déterminants des canevas (Storylines) paraissent très conventionnels et influencés par les courants de pensée dominants dans les domaines politique et académique. Sans même parler de groupes d’intérêts, qui sont certainement présents parmi les experts, mais doivent en principe s’équilibrer si tous les avis sont convenablement pris en compte, trois courants de pensée transparaissent très clairement dans ces scénarios : la croyance dans les bienfaits de la mondialisation, l’écologie politique, et le néolibéralisme. Les scénarios présentent des évolutions du présent, mais pas de révolutions. Pour Heinemann et Dahan (2019), les climatologues ont déchaîné un pouvoir politique considérable. Le paradigme de la modélisation a pris une position hégémonique, et s’est emparé des processus économiques et sociaux en créant non seulement des connaissances scientifiques mais aussi des conceptions de la gestion politique de la Terre. Le paradigme de la modélisation, autrefois une stratégie scientifique largement entre les mains des scientifiques, est devenu un agent politique à part entière, échappant au contrôle total de la communauté scientifique.

Les scénarios socioéconomiques font appel à une très grande quantité de variables, souvent difficiles à cerner et à mesurer précisément, et dont les relations mutuelles peuvent susciter des interrogations. En effet, de nombreuses relations entre paramètres utilisés dans les modèles IAM s’appuient sur des consensus d’experts ou sur des études statistiques mettant en avant des corrélations à partir d’informations limitées dans le temps et qui pourraient se trouver invalidées dans des contextes différents, notamment sociaux. Un exemple en est celui de l’hypothèse généralement retenue de la convergence à terme des revenus par habitant au niveau de l’ensemble de la planète, un choix peut être orienté par un souci de consensus académique et technico-politique.

Certaines données présentées ici indiquent qu’une diminution rapide dès aujourd’hui du nombre de naissances pourrait avoir des effets très importants sur l’évolution du climat à partir de la deuxième moitié du présent siècle. Or, dans les scénarios actuels, la démographie est traitée par consensus d’experts dans le cadre de la définition des canevas (storylines). Ceux-ci s’appuient sur une relation a priori forte entre mondialisation, augmentation du PIB par habitant, éducation des femmes et baisse de la natalité. Mais par la suite la courbe démographique est utilisée dans chaque scénario comme une donnée exogène fixée au départ. Il apparaît donc que les politiques et mesures susceptibles d’être appliquées dans le domaine de la démographie ne sont pas évaluées par les modèles IAM et ni par le GIEC. Comme l’indique son nom, le GIEC est un groupe intergouvernemental, et la plupart des gouvernements attendent tout naturellement qu’il réponde aux questions qu’ils posent, sans s’égarer sur d’autre sujets. Or la démographie est souvent considérée comme une question potentiellement explosive pour l’ordre intérieur comme pour l’ordre international. C’est sans aucun doute pour cette raison que de nombreux gouvernements sont susceptibles de ne pas souhaiter que la possibilité d’agir sur la démographie soit examinée par le GIEC.

Il semble de la même manière que les évolutions d’autres paramètres soient fixées a priori par les modélisateurs, qui justifient cela à l’aide d’observations empiriques. C’est le cas par exemple pour la convergence future des revenus par habitant, aussi bien entre pays et entre classes sociales à l’intérieur d’un pays (voir par exemple Leimbach et al., 2021).
Enfin, il semble que l’expression des politiques et mesures d’atténuation, qui devraient faire l’objet de définitions et d’une nomenclature très précises, soit encore mal maîtrisée. Et il restera toujours difficile de démêler, pour certaines politiques ou mesures, celles qui relèvent de la lutte contre le changement climatique et celles qui relèvent d’autres motivations. Dans un article récent, Rosen (2021) exprime un doute sur l’utilité pratique des scénarios d’atténuation du GIEC. D’une part, les différentes équipes de modélisation qui travaillent sur les SSP attribuent rarement les mêmes valeurs numériques à toutes les variables d’entrée. Par ailleurs, les IAM reposent sur des structures et des équations différentes. Il propose pour remédier à ces inconvénients de réduire le nombre de modèles, de les détailler davantage, et de les vérifier soigneusement sur les 20 prochaines années.

Trutnevyte et al. (2019), expriment aussi des préoccupations sur les limites des représentations des transformations sociétales dans les scénarios SSP, telles que le comportement des acteurs, les dynamiques de transformation dans le temps et l’hétérogénéité entre et au sein des sociétés. Ils expriment le souhait de voir intégrer davantage d’informations relatives aux sciences sociales dans les modèles. Ils recommandent à cette fin de cartographier et d’évaluer les hypothèses sociétales dans les modèles existants, de mener des recherches empiriques sur les caractéristiques généralisables et quantifiables à intégrer dans des modèles, et de prendre cela en compte dans les modèles existants ou futurs.

Peut-être le Groupe III dans son 6ème rapport d’évaluation apportera-t-il des éléments nouveaux sur les questions que nous nous posons ici.

 °0°


 Sigles et acronymes

AFOLU Agriculture, Forestry and Other Land Uses
AIE Agence Internationale de l’Energie (IEA en anglais)
AIM Asia Pacific Integrated Model (Modèle d’équilibre général calculable, cf. Fujimori et al., 2014)
ASF Atmospheric Stabilization Framework Model (ASF) d’ICF Consulting aux Etats-Unis
CEDA Centre for Environmental Data Analysis au Royaume-Uni
CIESIN Center for International Earth Science Information Network à l’université Columbia aux Etats-unis
CMIP Coupled Model Intercomparison Project
DDC Data Distribution Centre du GIEC
DKRZ Deutsches Klimarechenzentrum en Allemagne
ESM Earth System Model (Modèles globaux, simulant le comportement de l’atmosphère, des océans
et parfois plus)
GCAM Global Change Assessment Model
GES Gaz à effet de serre
GIEC Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (IPCC n anglais)

IAM
Integrated Assessment Model (Modèles économétriques, simulant notamment la production
d’énergie, l’utilisation des terres, les émissions de GES et de polluants, avec ou sans
politiques et mesures d’atténuation)
IAMC Integrated Assessment Model Consortium, https://www.iamconsortium.org/
IAV Impacts, Adaptation et Vulnérabilité
IIASA International Institute for Applied Systems Analysis, en Autriche
IMAGE Integrated Model to Assess the Greenhouse Effect, Pays-Bas
IPCC Intergovernmental Panel on Climate Change (GIEC en français)
MAGICC Model for the Assessment of Greenhouse Gas Induced Climate Change
(Meinshausen et al., 2011)
MARIA Multiregional Approach for Resource and Industry Allocation, Université scientifique de Tokyo
MESSAGE Model for Energy Supply Strategy Alternatives and their General Environmental Impact
(Fricko et al., 2017)
MINICAM Mini Climate Assessment Model du Pacific Northwest National Laboratory (PNNL) aux Etats-Unis
OCDE Organisation de Coopération et de Développement Economiques
PIK Potsdam Institut für Klimafolgenforschung, Allemagne
RCP Representative Concentration Pathways (Profils temporels de forçage radiatif utilisés par le Groupe I
pour les modélisations du climat)
REMIND-MAgPIE REgionalized Model of INvestments and Development-The Model of Agricultural Production
and its Impact on the Environment
(Hilaire et Bertram, 2020)
SPA Shared Policy climate Assumptions (voir Kriegler et al., 2014)
SRES Special Report on Emissions Scenarios, 2000
SSP Shared Socioeconomic Pathways (correspondent aux scénarios actuellement utilisés)
TG-Data Groupe de travail du GIEC sur les données pour les évaluations du changement climatique
TGICA Task Group on Data and Scenario Support for Impact and Climate Analysis du GIEC
TICPE taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques
WITCH World Induced Technical Change Hybrid model
 Outils

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 Bibliographie

Références
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