Résumé
Cet article tire quelques enseignements de l’évolution des principes et modes d’actions d’un Développement Durable tels que définis par les Nations-Unies à l’occasion du Sommet de Rio en 1992 et des diverses Conventions internationales qui en ont résulté. Les conditions géopolitiques qui ont présidé à ces relations internationales ont profondément changé en 30 ans et mettent à mal, aujourd’hui, des dispositions qui pourtant étaient conçues pour le bienfait de générations futures autant que des générations actuelles.
Auteur·e
Ingénieur Général honoraire des Ponts, des Eaux et des Forêts, Jean Luc Redaud a mené l’essentiel de sa carrière dans le monde de l’eau et de l’environnement : ancien Directeur de l’Agence de l’eau Adour-Garonne, il a participé et animé de nombreuses réunions internationale dans le champ du développement durable, de l’eau et du climat dont récemment la présidence du groupe Eau-climat du Partenariat Français. Il est membre du secrétariat d’édition de l’Encyclopédie du Développement Durable.
Plus de 30 ans après l’adoption de principes d’actions au profit d’un développement durable, adoptés d’un commun accord entre Etats au Sommet de RIO en 1992 et dans les conventions climat et biodiversité qui en ont résulté, il parait utile de revenir sur ces processus qui n’ont pas produit les effets bénéfiques attendus et qui semblent devoir être revitalisés alors que les conditions géopolitiques n’y sont pas favorables. Les récentes réunions internationales organisées sous l’égide des Nations-Unies mettent en évidence les difficultés grandissantes à concilier développement, protection de l’environnement et solidarité internationale. Ces difficultés dépassent largement le champ des Nations-Unies et sont le reflet d’un découragement de nos sociétés face à nos incapacités à résoudre des sujets majeurs comme les changements climatiques ou la dégradation de la biodiversité et à une tendance générale à un retour au repli sur soi qui se traduit par un regain des nationalismes.
L’année 2024 a vu se tenir une série de conférences organisées sous l’égide des Nations -Unies dans le fil des objectifs définis à l’occasion des Sommets Mondiaux du Développement Durable de 1992, 2002 et 2012. Ces réunions, baptisées Convention des Parties (COP) en langage onusien, sont le lieu de recherche de consensus entre Etats (les "Parties“) pour une mise en œuvre opérationnelle des décisions internationales.
- En juin HLPF, réunion de suivi des Objectifs Développement Durable au siège de l’ONU
- En octobre COP 16 sur la biodiversité à Cali en Colombie
- En novembre COP 29 climat à Bakou en Azerbaïdjan
- En décembre Convention sur la désertification à Ryad en Arabie Saoudite
- En décembre, négociation internationale pour la réduction des pollutions dues aux plastiques à Busan en Corée du sud
Les premières alertes sur les contradictions entre les conséquences de la poursuite d’une croissance infinie et les limites d’acceptation écologique de notre planète datent des années 70s (rapport Meadows 1974 et suivants). Les objectifs des accords internationaux, arrêtés au Sommet de Rio de 1992 ont été révisés déjà à plusieurs reprises : les OMD, dits objectifs du millénaire adoptés en 2000, ont été transformés en Objectifs du Développement Durable, ODD, en 2015 avec un agenda 2030, la Convention Climat, adoptée en 1992, mise en œuvre en 1995, a fait l’objet d’un premier protocole d’application contraignant pour les pays grands émetteurs, processus dit de Kyoto en 1997 mis en œuvre en 2005 seulement , suivi d’un nouveau processus volontaire mais de portée plus générale adopté à la COP 21 à Paris en 2015. Ces évolutions ont eu pour objet de promouvoir une vision plus holistique des enjeux mondiaux en solidarisant pays du sud et pays du nord autour d’objectifs communs au risque de faire appel à la bonne volonté de chacun plus qu’à la contrainte d’indicateurs de moyens trop précis.
Ces conférences conçues pour renforcer les solidarités internationales se traduisent dans la période récente par une montée des oppositions entre pays riches, pays émergents et pays pauvres. Les principes d’un développement dit « durable » peinent aujourd’hui à faire consensus au plan international.
Le 25 septembre 2015, 193 pays ont adopté à l’ONU un Programme de Développement Durable à l’horizon 2030, qui définit 17 Objectifs de Développement Durable à atteindre d’ici 2030 pour éradiquer la pauvreté, protéger la planète et garantir la prospérité pour tous. L’Agenda 2030 établit un processus de revue internationale, par lequel les États sont invités, sur une base volontaire, à rendre compte annuellement de leurs progrès. Déclinée au niveau de chaque État, la mise en œuvre des ODD fait appel à un engagement actif des gouvernements comme de l’ensemble des acteurs (entreprises, collectivités, associations, chercheurs…)
Un dispositif de 169 indicateurs de suivi a été défini, renseigné par les services statistiques des Etats. Ces indicateurs sont plus ou moins significatifs selon la qualité des données qui ont pu être recueillies. A titre d’exemple sur l’eau (ODD6), l’agenda 2030 identifie 12 indicateurs : en 2024 les services des Nations-Unies notent que 2.5Md d’habitants n’ont toujours pas accès à un service d’eau potable, 3.5 Md d’habitants n’ont aucun accès à un service d’assainissement des eaux usées, 10% de la population mondiale vit dans des situations de stress hydrique forts et critiques, 56% des masses d’eau surveillées dans 120 pays présentent des eaux de bonne qualité (en baisse par rapport à 2017), l’aide au développement sur l’eau réunit 8.5Md $ en 2023 (en baisse de 11% entre 2018 et 2022). .
Le bilan 2024 des ODD décidés en 2015 montre un sérieux retard des objectifs sur l’Agenda 2030. Avec moins d’un cinquième des objectifs en bonne voie, le monde ne parvient pas à tenir les promesses des objectifs de développement durable, avertit le rapport 2024 de l’ONU. Selon ce rapport, 23 millions de personnes supplémentaires sont tombées dans l’extrême pauvreté et plus de 100 millions souffrent de la faim en 2022 par rapport à 2019. Le nombre de décès de civils dans les conflits armés a explosé en 2023. Cette année 2024 a également été la plus chaude jamais enregistrée, les températures mondiales s’approchant du seuil de 1,5 °C.
Avec ce pacte, les Nations-Unies perpétuent une approche d’inclusion et d’universalisme, quitte à n’avoir que très peu de leviers d’action sur des domaines qui ne tombent pas sous sa juridiction. Un dispositif qui reste jugé très technocratique par beaucoup et peu mobilisateur faute d’être approprié par les citoyens.
La Convention Climat décidée au Sommet de Rio en 1992 est entrée en vigueur en 1994 et réunit chaque année les 197 pays signataires de cette convention. Son contenu a été profondément révisé à l’occasion de la COP21 organisée à Paris en 2021 : l’objectif est de stabiliser la hausse moyenne des températures mondiales à moins de 1.5°C d’ici 2100, limiter les concentrations de gaz à effet de serre (GES) à un niveau qui empêche toute perturbation anthropique dangereuse du système ; à cet effet les Etats sont encouragés à présenter des contributions volontaires de réduction des GES conforme aux objectifs et la communauté internationale s’engage à aider les pays pauvres et ceux les plus menacés à s’adapter aux conséquences des changements climatiques. La 29iéme réunion de la Convention climat, COP 29, a été organisée cette année en Azerbaïdjan. Les travaux de la Convention sont éclairés par les travaux d’un consortium scientifique international, le GIEC, qui publie une synthèse de l’évolution des connaissances tous les 3 ans. Le premier rapport du GIEC a été publié en 1990, avant donc la mise en œuvre de la Convention. le GIEC a publié son 6eme rapport de synthèse en 2023.
Les alertes scientifiques sur les risques de dérive du climat liées à la concentration de GES sont anciennes : dès 1979, le climatologue James Hansen, avec plusieurs collègues d’universités scientifiques aux Etats-Unis avertissait d’un risque de réchauffement à 2°C comme la certitude d’un désastre à long terme, et une forte probabilité d’aller vers 3 à 4°C ce qui signerait des évolutions irréversibles. La suggestion poussée par un rapport de l’Académie des sciences, commandé par la Maison Blanche, qu’il fallait agir au plus vite pour organiser un gel des émissions de carbone si on voulait espérer limiter à moins de 2°C le réchauffement de la planète fera hélas long feu, sous l’influence des lobbies puissants, à l’occasion du retour de gouvernements républicains aux Etats-Unis (cf. Perdre la Terre de Nathaniel Rich). L’Union Européenne a été longtemps un relais utile pour ceux qui souhaitent voir afficher de sérieuses ambitions en matière de programmes de réduction des GES : les pays de l’UE affichent aujourd’hui, un objectif de réduction de 55% les rejets de GES dans l’UE avant 2030 et à poursuivre au delà pour atteindre la neutralité carbone en 2050. Aujourd’hui ces ambitions, comme le Pacte Vert, sont remises en cause par de nombreuses forces hostiles à des engagements environnementaux accusés à tort d’entraver la croissance.
La Convention Climat est une illustration des difficultés des Nations-Unies à établir des consensus et à faire respecter des engagements collectifs des Etats. Les errements des règles de conduite (passage d’un dispositif normatif, le protocole de Kyoto en 1997 à un dispositif déclaratif ,l’accord de Paris, en 2015) supposés créer de nouvelles dynamiques (« la prophétie autoréalisatrice » chère à Laurence Tubiana) n’ont pas prouvé leur efficacité : 8 ans après l’accord de Paris force est de reconnaître que, de l’avis de la grande majorité des expertises scientifiques, l’objectif 2°C à la fin du siècle ne sera pas tenu et de constater que l’augmentation des rejets de GES se poursuit. Le rapport 2024 du PNUE montre qu’un nouveau record des rejets de GES a été atteint fin2023 et les prévisions pour 2024 font état d’une poursuite de cette croissance.
Bilan rejets GES novembre 2024 (source Global Carbon Project)-GCP
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Des irréversibilités semblent désormais incontournables (fonte des glaces, montée et réchauffement des océans), les désastres climatiques annoncés (sécheresses, inondations, canicules, etc.) se multiplient, de nombreuses activités sont contraintes à s’adapter. Les villes qui représentent par leur fonctionnement et leur croissance 75 % des émissions mondiales de GES, sont contraintes de repenser l’urbanisme et l’aménagement ainsi que leurs relations avec leurs habitants. Les difficultés à faire face aux conséquences d’une urbanisation galopante (déficience des services publics, habitats insalubres) sont aggravées par les changements climatiques (canicules et ilots de chaleur, inondations, maladies, etc.). Les conséquences sur la santé des populations sont documentées notamment par le vaste panel du Lancet Countdown (122 experts issus de 57 institutions en partenariat avec l’ONU) qui a publié en octobre son rapport annuel. De multiples activités économiques sont impactées, l’agriculture doit, au premier chef, composer avec cette forte hausse des températures qui entraîne aussi des modifications profondes de la biodiversité.
Dans son dernier rapport le GIEC estime indispensable de renforcer des stratégies de sobriété définies comme suit « un ensemble de mesures et pratiques du quotidien qui évitent la demande en énergie, matériaux, sols et eau tout en garantissant le bien-être de tous dans les limites planétaires ». Un exercice loin d’être satisfait qui concerne autant les modes de consommations des individus que les modes de productions des acteurs économiques.
Organisé tous les deux ans depuis 2002 par ONU-Habitat, la 12ème édition du Forum urbain mondial (FUM) s’est tenue au Caire, en Egypte du 4 au 8 novembre 2024. Elle réunit 172 pays. Le FUM constitue la plus importante conférence internationale de haut niveau sur les sujets urbains. Forum non normatif, le FUM rassemble l’ensemble des parties prenantes (Etat, autorité locale, société civile, secteur privé et académique) et vise à dynamiser la mise en œuvre des engagements internationaux en faveur de l’objectif de développement durable (ODD) n°11 consacré aux villes durables. Réseau mondial des villes apprenantes de l’UNESCO : promouvoir l’action en faveur du climat à travers l’apprentissage tout au long de la vie. Du 3 au 5 décembre 2024, la sixième Conférence internationale sur les villes apprenantes (ICLC 6) s’est tenu dans la ville apprenante de l’UNESCO de Jubail, au Royaume d’Arabie saoudite. Sous le thème « Les villes apprenantes à l’avant-garde de l’action en faveur du climat ». Le Réseau mondial des villes apprenantes de l’UNESCO compte 356 membres. Au cours de cette sixième Conférence internationale sur les villes apprenantes, les participants – à savoir les décideurs politiques, les maires des villes apprenantes, les experts en apprentissage tout au long de la vie et en durabilité, les représentants du secteur privé, les organisations non gouvernementales, la société civile, les chercheurs, les éducateurs et les entités des Nations Unies – ont conjugué leurs efforts pour identifier et renforcer les politiques d’apprentissage tout au long de la vie encourageant l’action en faveur du climat, la résilience et la création de villes durables. De nombreuses villes ont engagé en ce sens des programmes de« villes climatiques » qui visent en particulier à mieux lutter contre les risques d’aggravation des inondations urbaines en facilitant des processus des perméabilisation des sols artificiels et d’évacuation des crues rapides ou à faire face aux phénomènes « d’ilots de chaleur » (urbanisme, espaces verts, plans d’eau, habitat) Les discussions de la conférence s’articulent autour de quatre thèmes clés
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Ces difficultés génèrent des demandes de soutien à l’adaptation croissantes de la part des PED et pays les plus vulnérables : chiffrées à 100 milliards par an de $ à la COP21 les évaluations actuelles font état de plusieurs centaines de milliards par an aujourd’hui. Face à ces difficultés, certains se réfugient dans le déni, les nouvelles technologies sources de compétitivité et de progrès pour réduire les GES (USA, pays pétroliers), la sobriété est appelée en secours, mais reste trop souvent assimilée à la décroissance par ses détracteurs. Le renforcement de stratégies d’adaptation couteuses devient inéluctable et génère des demandes de soutien croissante des pays du « G77 », groupe des pays en développement, fortement soutenues par la Chine.
L’eau principal marqueur des changements climatiques. Les changements climatiques génèrent des phénomènes liés à l’eau impactant nos activités : aggravation des sécheresses et des inondations, puissance renforcée des évènements extrêmes (ouragans, typhons), risques de submersion de zones côtières suite à la montée du niveau des mers. Les augmentations de température se traduisent par une augmentation des transferts d’eau des étages marins (évaporation) et terrestres (ETP) vers l’atmosphère (nuages et pluies) qui modifient le cycle des eaux. Ces modifications se traduisent par des aggravations des sécheresses ou des inondations qui dépendent des contextes géographiques locaux. Le dernier rapport du GIEC donne des indications de ces perspectives par grands blocs régionaux. Le pourtour de la Méditerranée est à ce titre identifié comme région susceptible de connaître à l’avenir des hausses de température supérieures à la moyenne mondiale et une forte aggravation des sècheresses. Le climat du sud de la France pourrait connaître à ce titre des conditions voisines de celles connues au sud de l’Espagne. Le projet Explore2, conduit par l’INRAE, dans le cadre d’un regroupement de plusieurs organisations scientifiques, fournit des projections hydro climatiques en métropole à une échelle spatiale très fine et sur l’ensemble du XXIe siècle, en se basant sur les scénarios du GIEC et les dernières avancées scientifiques en hydrologie. En fin de siècle, la surface de la France hexagonale touchée par un événement de sécheresse météorologique (déficit de précipitations) aujourd’hui de type décennal, doublera par rapport à la situation actuelle ; celle touchée par une sécheresse des sols triple. Les débits estivaux sont à la baisse en fin de siècle (autour de -30 % sous scénario d’émissions fortes ; autour de -12 % sous scénario d’émissions modérées). Ces informations sont accessibles sur le site DRIAS de Météo-France, site qui collationne les principales données climatiques pour la France. De nombreuses mesures sont identifiées pour s’adapter à ce nouvel environnement : programmes d’économies d’eau (lutte contre les fuites, technologies propres), mobilisation de nouvelles ressources eau, recours à des ressources dites non conventionnelles (REU, dessalement), recours accrus aux solutions fondées sur la nature (lutte contre les imperméabilisations). Des modifications plus profondes des modes de production seront nécessaires faisant appel à des processus privilégiant la sobriété. Le monde agricole est concerné au premier chef. Le besoin de définir des solutions adaptées à des contextes géographiques très divers implique un effort important de planification locale conforme aux principes multi-acteurs d’une gestion intégrée des ressources en eau. Ceci suppose une amélioration de l’acquisition de données, trop souvent en voie de dégradations dans un passé récent en hydrologie, voire très faibles concernant la qualité des eaux, données indispensables à la mise en œuvre de modèles de prévisions hydrologiques. L’ONU a décidé de convoquer une conférence internationale sur l’eau en 2026 souhaitant montrer par là que la gestion de l’eau est une condition du succès de la majorité des ODD. |
La COP 28 tenue à Dubaï aux Emirats Arabes Unis en 2023 a examiné le premier bilan de l’accord de Paris : ce bilan a montré que les engagements présentés par les Etats pour une réduction des GES n‘étaient pas suffisants pour espérer atteindre un objectif de 1.5°C et il a été a demandé aux Etats de présenter de nouvelles propositions pour la COP 30 programmée en 2025 au Brésil. Innovation signalée, pour la première fois, cette COP demande que soient engagés des scenarios de sortie des énergies fossiles (« transitioning away »). On doit noter néanmoins que, contrairement aux conclusions de l’AIE, les études prospectives des industries pétrolières manifestent une bonne confiance dans l’avenir des énergies carbonées même avec un fort développement des énergies renouvelables, les CCS étant présentées comme une réponse partielle pour réduire la pression de ces activités sur notre environnement. Compte-tenu de la dégradation constatée de la situation, les pays du G77 ont demandé une révision des objectifs d’adaptation et de soutien financier aux pays pauvres et les plus menacés.
La COP 29 tenue à Bakou, cette année 2024, s’est fixé comme objectif de définir un nouvel objectif collectif financier ( NOQC) en faveur des pays du sud, objectif qui vise le financement des actions d’atténuation et d’adaptation ; elle n’a pu que constater les divergences entre les pays donateurs à l’aide internationale (pays du groupe OCDE pour l’essentiel à l’exception de la Chine et des pays pétroliers qui privilégient les aides bilatérales) et pays demandeurs du sud : 100 Md /an ont été péniblement atteints en 2023 après 10 ans d’efforts. Diverses expertises conduisent à des besoins nettement plus élevés avec une demande forte de renforcer les financements en faveur de l’adaptation restée la parente pauvre de la finance climat. Les attentes défendues par les pays en développement de 440, 600 ou 900 milliards de dollars de financement public dans le cadre d’un objectif global de mobilisation de 1,3 trillion de dollars ont illustré l’ampleur du fossé entre pays donateurs actuels et pays receveurs. Un tel effort supposerait de créer de nouvelles sources de recettes (taxe sur les transport aériens et maritimes, etc.), élargir le champ des donateurs, revoir le champ d’action entre atténuation et adaptation. Au delà des actions d’atténuation et d’adaptation, les pays pauvres les plus vulnérables (delta et petites îles) ont obtenu à la COP 27 la décision d’ouvrir un nouveau Fonds pour « les pertes et préjudices » dont les financements réunis à ce jour ne répondent que très partiellement à leurs attentes [1] .
Ces réunions, où seuls les représentants officiels des Etats ont pouvoir de négociation, sont une occasion de réunir une multitude d’acteurs de toutes origines : agences des Nations-Unies, organisations scientifiques, centres techniques et lobbies économiques, ONGs. Une occasion de faire un point sur les dernières connaissances acquises et des progrès techniques enregistrés : devenir ENR, hydrogène vert, perspectives solutions de séquestration de carbone (CCS), électrification systèmes de transports, mobilisation nouvelles ressources non conventionnelles (REU, dessalement), solutions fondées sur la nature, plan d’alertes et moyens de lutte contre les catastrophes, etc. Beaucoup d’acteurs plaident une confiance dans ce techno-solutionnisme, devenu une alternative au climato scepticisme. C’est un risque, les fruits des progrès scientifiques et techniques font partie des solutions, néanmoins ces progrès pourraient être d’avantage mis au service d’une sobriété indispensable si on ne veut pas dépasser les limites planétaires. De nombreuses organisations de jeunes et ONGs participent à ces évènements avec l’opportunité de plaider pour de nouveaux chemins plus vertueux dans ces enceintes. Toutefois et tout au moins pour les plus récentes réunions, les possibilités d’expression sont restées très encadrées par les Etats hôtes.
La COP29, présidée en 2024 à nouveau par un pays pétrolier, tenant à pérenniser sa rente minière a peiné à concrétiser un signal solide de solidarité internationale face à une urgence planétaire. Le champ des financements éligibles à l’adaptation, les sources de financement (public et privé), la qualité des aides (prêts ou subvention) ont été laissés dans l’ambiguïté. L’arrivée au pouvoir des lobbies plutôt favorables aux énergies carbonées, suite aux élections américaines, les réticences des pays pétroliers, emmenés par l’Arabie Saoudite, à engager des programmes de sortie des énergies fossiles créent une forte incertitude sur l’avenir des dispositions adoptées précédemment en termes d’atténuation.
La COP de cette année 2024 se traduit par un bilan décevant pour beaucoup de participants : absence de signaux clairs engageant les Etats à une réduction des GES, absence de progrès sur les engagements pris à la COP 28 de programmes de sortie des énergies fossiles, confusion sur la définition d’un objectif mondial d’adaptation, déception des pays pauvres sur le nouvel objectif financier (300 Md $/an d’ici 2035) jugé trop faible. La négociation d’un nouvel objectif financier est devenue le support d’une opposition Nord-Sud forte. Cette COP s’est conclue dans la confusion, plusieurs pays en développement contestant les décisions finales arrêtées par la Présidence. Comme il était craint par beaucoup l’espoir est renvoyé à la COP 30 qui sera organisée par le Brésil.
La Convention biodiversité, petite sœur de la précédente, rencontre des difficultés analogues.
Entrée en vigueur en 1993 elle vise 3 objectifs
- .La conservation de la biodiversité
- .L’utilisation durable de ses éléments
- .Le partage juste et équitable des avantages découlant de l’exploitation des ressources génétiques
La COP 15, organisée à Montréal sous présidence chinoise en décembre 2022, a permis l’adoption d’un cadre mondial pour la biodiversité, fixant des cibles et des objectifs à atteindre d’ici 2030 et 2050. 23 objectifs de sauvegarde de la nature devraient être atteints à l’horizon 2030.
Globalement, il s’agit de protéger 30% de la planète, de restaurer 1/3 des écosystèmes, de réduire de moitié les risques liés aux pesticides et de doubler les financements globaux en faveur de la protection de la nature sans pour autant qu’existe de mécanisme contraignant. Une trajectoire financière a été établie, avec une décision de mobiliser 200 milliards de toutes sources, ainsi que de doubler puis tripler l’aide publique au développement (APD) pour la biodiversité d’ici 2025 et 2030 respectivement.
En vue de la COP 16, qui a eu lieu en octobre 2024 en Colombie, chaque pays devait élaborer sa Stratégie et plan d’action national pour la biodiversité (SPANB), approche nécessaire pour aligner les stratégies nationales avec le Cadre mondial pour la biodiversité. Moins de 44 pays ont soumis leur stratégie et plan d’action national pour la biodiversité et 119 des « cibles », soit des engagements très partiels. La France a, pour sa part, ajusté sa Stratégie nationale pour la biodiversité (SNB).
Loin d’être l’apanage des biologistes, la question de la biodiversité est au cœur d’enjeux économiques et sociaux, de conflits d’intérêts, mais aussi de représentations culturelles et sensibles. Malgré les connaissances acquises et les réactions des institutions et des populations, le déni persiste avec la difficulté à relier, à intégrer l’enjeu d’une gestion durable de la biodiversité à notre vie quotidienne (alimentation, emplois et activités économiques, loisirs, santé, etc.).
L’IPBES (Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques) dressait dès 2019 un constat alarmant de l’état mondial de la biodiversité. Pourtant les tendances passées se poursuivent aujourd’hui et les alertes scientifiques continuent. [2] . Le WWF, dans son rapport publié en octobre 2024, faisait état, entre autres, d’une baisse de 73 % de la population des vertébrés sauvages, espèces les plus médiatiques, depuis 1970. Au rythme actuel l’objectif visant à préserver au moins 30% de la planète d’ici 2030 (accord de Kunning Montréal) apparait hors d’atteinte notamment pour les mers et océans.
Ampleur de la dégradation de la biosphère dans le rapport de l’IPBES de 2019
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Les hausses de température vont générer des évolutions biologiques géographiques souvent sensibles : invasion d’espèces allogènes (moustique tigre, silures dans les rivières), affaiblissement, voire disparition d’espèces animales ou végétales de leurs niches écologiques anciennes (cas des coraux), modifications calendriers végétaux et culturaux. La chute constatée du potentiel des puits de carbone des forêts - méga feux, développement de parasites et nouvelles maladies des arbres - est une illustration de désordres liés à un réchauffement climatique. On parvient de mieux en mieux à en mesurer les effets sur les services rendus par la nature et à mettre en évidence le degré de dépendance à ceux-ci des activités économiques. Une étude faite en 2020 par le World Economica Forum a ainsi, par exemple, montré que plus de la moitié du PNB Mondial (44 trillions de la valeur ajoutée) était exposée à des risques importants en raison de cette dépendance aux évolutions de la nature.
La biodiversité ne rend pas seulement de simples services à sauvegarder mais est un enjeu aussi fondamental et finalement plus complexe, que le changement climatique et la lutte contre les GES. Les dégradations constatées de la biodiversité ont aussi beaucoup d’autres explications : artificialisation des sols, surexploitation des ressources, pollutions, parasites et espèces exotiques envahissantes, toxiques de la chimie, démographie. Il convient, en effet, de penser la biodiversité comme un des constituants de la biosphère, la condition de la vie sur la planète. Déjà, en 2019, les Etats membres du G7 ainsi que le Chili, les îles Fidji, le Gabon, le Niger et la Norvège avaient signé « La charte de Metz pour la biodiversité » qui élève les enjeux liés à la biodiversité au même niveau que ceux du climat.
Avancée à mettre au crédit de cette COP 26, la création d’un fonds Cali placé sous l’égide des Nations Unies doit recevoir les bénéfices issus de l’utilisation commerciale des séquences génétiques de plantes et d’animaux stockées dans des banques de données, dispositif qui pur l’instant relève du volontariat. [3] Ce mécanisme est porteur d’une révision de la fracture Nord-Sud intéressante pour l’avenir : il s’applique aux acteurs qui produisent de la valeur indépendamment de leur niveau de développement ou de richesse en biodiversité. Des pays qui se rangent dans le Sud global : Chine, Brésil, Inde… deviennent explicitement des contributeurs potentiels. Autre motif de satisfaction, la représentation des peuples autochtones et des communautés locales au sein du groupe permanent de la CDB (convention sur la diversité biologique).
Le principal échec de cette réunion reste l’absence d’avancée sur un nouveau mécanisme de financement Nord-Sud, un signal négatif vers les réunions à venir. Sans stratégie financière à la hauteur des enjeux, il sera difficile de faire face au déficit de financement en faveur de la biodiversité estimé à 750 milliards de dollars par an.
La Convention Désertification, COP16 s’est tenue à Riyad, en Arabie saoudite, du 2 au 13 décembre 2024, sous le thème « Notre terre. Notre avenir ». Moins visible que les 2 autres conventions, elle doit permettre d’accélérer les actions de restauration des terres et de résilience à la sécheresse. Aujourd’hui, jusqu’à 40% des terres de la planète sont dégradées, ce qui affecte la moitié de l’humanité et a des conséquences désastreuses sur le climat. Elle attire l’attention sur un problème généralisé, la forte dégradation des sols agricoles, causes de divers problèmes majeurs (érosions, ruissellement, pertes de fertilité, stockage de carbone). Les sols constituent le réservoir ultime des plantes en cas de sécheresses, le suivi de l’humidité des sols est un indicateur pertinent utilisé par les spécialistes agricoles et Météo-France pour prévenir les agriculteurs des mesures à prendre face à des déficits hydriques. Les alternatives possibles, dans le cadre de l’agroécologie, et d’une meilleure gestion des sols agricoles ont fait l’objet d’une campagne de promotion française au début des années 2010, visant à montrer que les sols, au-delà des intérêts agricoles, pouvaient être une réponse permettant de renforcer les fonctions de puits de carbone naturels. La perspective que les sols constituent une contribution majeure à la neutralité carbone espérée pour 2050 reste toutefois très contestée compte tenu de la géologie des sols et des pratiques agricoles dominantes [4]. Encourager des stratégies de restauration des sols reste néanmoins d’un intérêt incontestable.
Les pays de la région du Sahel en Afrique ont défini une réponse d’ampleur pour faire face aux effets du changement climatique et de la perte de biodiversité : la création une « muraille » de forêts et de terres restaurées s’étendant sur plus de 8 000 km à travers le continent. D’ici à 2030, la Grande Muraille verte vise à restaurer 100 millions d’hectares de terres, à séquestrer 250 millions de tonnes de carbone et à créer 10 millions d’emplois. Elle offre une sécurité alimentaire et hydrique, un habitat pour les plantes et les animaux sauvages, et une raison pour les habitants de rester dans une région en proie à la sécheresse et à la pauvreté. Cependant, malgré un fort soutien international, des efforts consentis et des avancées significatives obtenues çà et là, force est de reconnaître que les résultats escomptés sur la restauration des terres et de la biodiversité, les conditions économiques, sociales et environnementales des populations restent en deçà des attentes.
Conventions climat, biodiversité et désertification sont étroitement interdépendantes. Si toutes les Parties sont favorables à une réponse proactive plutôt que réactive pour lutter contre l’extension des sécheresses, certaines, dont le Groupe africain, estiment qu’un protocole juridiquement contraignant doit être négocié. D’autres préfèrent des mesures non juridiquement contraignantes, telles que le soutien à l’élaboration de plans nationaux de lutte contre la sécheresse et un soutien financier accru à la résilience face aux sécheresses. A l’issue de la réunion de 2024 à Ryad, le souhait d’étendre les travaux de la Convention Désertification au problème de la préservation des prairies et zones de pâturages aussi très menacées dans de nombreux pays est posé. La Convention Désertification a battu cette année un record de fréquentation avec plus de 20 000 inscrits, mais malgré une convergence des diagnostics et de l’urgence à agir pour lutter contre les extensions des phénomènes de désertification et à cet effet engager des actions pour une meilleure protection des sols, cette réunion s’est conclue sans aucun accord contraignant.
Les Conventions Climat et Biodiversité sont éclairées par deux organisations scientifiques le GIEC d’une part et l’IPBES d’autre part. Ces organisations ne conduisent pas des études ou des recherches, mais sont des points focaux de recueils des connaissances. Ceci constitue une source de progrès indiscutables. Le GIEC a été un point central pour offrir une diffusion utile des données recueillies sur l‘évolution des températures, les rejets de GES et les conséquences sur les systèmes météorologiques, hydro-climatiques ou naturels. Au-delà de ces données factuelles, le GIEC synthétise divers scenarios des évolutions prévisibles à court et moyen terme qui s’appuient sur une vingtaine de modèles climatiques développés par des consortiums scientifiques internationaux (dont pour la France ceux mis en place par l’IPSL et le Centre de recherche de Météo-France). Ces scenarios simulent 4 modes de forçages radiatifs, dits RCP 2.6 à RCP 8.5, à partir desquels les climatologues produisent des projections climatiques utilisant les RCP comme entrée, tandis que les socio-économistes élaborent des scénarios d’émission qu’ils comparent aux scénarios RCP correspondant à divers chemins, depuis un chemin vertueux nous conduisant vers une limitation des hausses de températures à moins de 2°. Ce à la fin de ce siècle jusqu’aux conséquences d’une poursuite des tendances actuelles. Lors de l’Accord de Paris, il a été demandé aux Etats d’étudier un chemin à 1.5°C. Les scenario 1.5 à 2°C impliquent d’atteindre une neutralité carbone en 2050 avec une réduction des GES plus ou moins forte selon les estimations du potentiel des puits de carbone naturels (système AFOLU) ou artificiels (programmes de séquestration de carbone en grande profondeur dit CCS) qui pourront être mobilisés. Les dernières données recueillies montrent, hélas, que les stocks de CO2 accumulés et l’évolution récente des rejets rendent les scenarios de réduction des rejets très improbables au plan mondial, qu’une chute des puits de carbone des forêts est engagée et que les CCS sont des techniques encore peu matures et contestées qui n’auront pas d’effet significatif à court terme.
De nombreuses publications font état désormais de prévisions d’un réchauffement mondial de 3°C à 4°C et des moyens d’adaptation qui devront être mis en œuvre.
La France en a pris conscience en élaborant un nouveau plan national d’adaptation, le PNACC 3, prévoyant les conséquences d’un réchauffement de 4°C pour notre pays (malheureusement à peu près sûr pour une grande partie de notre territoire qui sera sensible à une hausse de températures supérieure à la moyenne mondiale). Néanmoins jusqu’à ce jour, la décision des Etats au plan international est de maintenir un objectif de limitation des réchauffements à 1.5°C.
Cette situation illustre les contradictions entre les enseignements des données scientifiques et les décisions des acteurs politiques. Ceci génère de fortes frustrations dans les milieux scientifiques et se traduit aujourd’hui par de nombreux mouvements scientifiques contestant les règles de fonctionnement du GIEC, trop inféodé pour partie à des conclusions élaborées avec l’accord des représentants des Etats. On ne peut, néanmoins, a priori que se satisfaire de voir des décisions anticipant des évolutions à venir être éclairées par des dispositif de suivi d’indicateurs objectifs éclairés par des travaux scientifiques.
Il est malheureusement bien connu qu’en termes de planification publique, il est plus facile de dessiner des avenirs meilleurs que de suivre les promesses
Développement, solidarité internationale, lutte contre le réchauffement climatique et contre la perte de la biodiversité sont étroitement liés. De nombreuses solutions sont identifiées qui peuvent établir des cohérences entre ces objectifs, de nombreux critères ont été établis pouvant concourir au succès de nouveaux équipements :la sobriété dans les productions comme dans les usages (économies d’eau, et d’énergies, réduction des intrants polluants en général), le choix de procédés accompagnant la nature (SFN), des transferts de technologies veillant à des modes d’appropriation par les usagers locaux, etc. Les cahiers des « bonnes pratiques » du PFE fournissent de nombreux exemples à cet effet dans le monde l‘eau.
Il n’en est pas moins vrai que ces réunions internationales montrent des insatisfactions des pays du sud envers les « conseils » des anciennes puissances dominantes sur un fond d’engagements financiers attendus ou mal tenus.
Les oppositions entre les Etats se traduisent par deux discours : les uns réclamant une « transition écologique », les autres une « transition juste ». Ces 2 assertions devraient apparaitre complémentaires, mais le flou entretenu autour du contenu de ces concepts est devenu un sujet de divergences entre représentants des Etats.
Le bilan des ODD illustre la difficulté à faire sortir de l’ornière du sous ou mal-développement une majorité de pays du sud ; faiblesse des avancées sur de l’ODD1, réduction de la pauvreté, absence totale de progrès sur l’ODD16, paix et justice sociale, retards persistants sur les ODD2 (faim), 6 (accès à l’eau pour tous) et 13 (climat). A côté d’un petit groupe de pays émergents (Chine, Inde, Brésil, etc.) ou rentiers (pays pétroliers), la majorité des pays du sud peine à sortir de l’ornière de la pauvreté et fait connaître ses frustrations. Beaucoup de pays se détournent des objectifs environnementaux supposés contraires à leurs aspirations à un meilleur développement et demandent en priorité, une amélioration des services essentiels aux populations (habitat, accès à l’énergie, à l’eau et à l’assainissement, à des services de santé et d’éducation, protections contre les catastrophes naturelles, etc.)
Certains font le pari que les pays au cœur des organisations des Nations unies, aussi bien que de ses agences et des institutions de Bretton Woods (Banque mondiale, Fonds monétaire international) et autres organisations internationales, portent la cohérence des positions et des politiques dans les différentes enceintes. Un pari qui apparait de plus en plus risqué, mis à mal par de nouveaux regroupements internationaux qui se reconnaissent mal dans le système onusien. La révision du système actuel d’architecture internationale est au cœur de ces débats qui opposent frontalement Etats-Unis, Russie, Chine, pays pétroliers, pays émergents et pays les moins avancés.
Les plus récentes réunions internationales, comme le Sommet dit de l’avenir en juillet 2024, ont été un festival de bonnes intentions mais sans aucun résultat concret. L’IDDRI, dans une note de retour, présente le bilan suivant. « Chacun peut y retrouver ses priorités tant le périmètre est large. La réforme de l’architecture financière internationale est au centre des débats. De nombreux autres sujets de gouvernance internationale restent pendants : gouvernance du numérique ; un engagement réitéré à réformer le Conseil de sécurité des Nations unies pour le rendre plus inclusif ; dans le domaine de l’environnement, la volonté de finaliser les négociations pour le traité sur les plastiques d’ici la fin 2024, et de promouvoir des modes de vie durables ainsi que les approches d’économie circulaire ». D’autres réunions plus sectorielles, comme le Forum Urbain Mondial, qui vient de tenir sa 12ième session au Caire sont des occasions d’échange d’expériences face à des problèmes tels que l’urbanisation accélérée de beaucoup de villes africaines et asiatiques confrontées à de graves problèmes environnementaux et sociaux majeurs. Des réunions, en marge des Nations- Unies, se multiplient à l’initiative du G20, des pays de l’OCDE ou des pays leader du G77 (Chine, Russie, Brésil, …). De toutes ces réunions peine à sortir pour l’instant un chemin inclusif de renforcement des dispositifs de solidarités internationales.
Aujourd’hui, la compétition, fruit de 30 ans d’un libéralisme effréné est devenue le mantra des nouveaux grands blocs mondiaux qui se dessinent en ce début de 21ème siècle plutôt que la solidarité internationale. Développement des énergies renouvelables, décarbonation et économie circulaire sont devenues les nouvelles frontières de l’économie - et notamment de la relance l’industrie européenne.
Le monde a profondément changé, depuis le sommet de RIO qui avait affiché en 1992 des règles d’action internationale pour un monde « durable ». La démographie, le développement des nouvelles technologies, notamment en matière de traitement et circulation de l’information, l’apparition de nouveaux champions mondiaux, publics ou privés, identifient des sociétés très différentes aujourd’hui de celles des années 1990s où on vivait encore un mode de négociations fondées sur une opposition Nord (pays OCDE) -Sud (groupe dit des 77). Aujourd’hui de nouveaux blocs régionaux sont apparus au sein du grouper OCDE comme au sein du G77 (Chine, BRICS, pays pétroliers, pays en développement, pays les moins avancées) qui font apparaitre des lignes de négociation souvent divergentes (la priorité accordée à l’atténuation au détriment de l’adaptation en est un exemple).
Le désordre géopolitique généré par ces oppositions se traduit par le retour des nationalismes et des conflits. Alors que les besoins d’aide aux pays en développement apparaissent immenses, les compétitions entre pays riches s’exacerbent mettant en péril des solidarités passées dont notamment l’importance des aides multilatérales. Et pourtant jamais n’a-t-on sûrement autant dépensé dans les industries d’armement boostées par des guerres qui détruisent des pays pauvres (Soudan), frappent à nos portes et épuisent les capacités de financement des pays.
Les conclusions chaotiques des COP Biodiversité et Climat reflètent une forte dégradation des relations Nord-Sud qui se traduit par des besoins de financement affiché colossaux mais mal définis, une insatisfaction du ciblage des aides qui ne va pas prioritairement aux demandes des pays les plus pauvres et les plus menacés. L’incapacité d’élargir le champ des donateurs de l’action multilatérale, le choix de plusieurs pays dont la Chine et les pays pétroliers de privilégier l’action bilatérale affaiblit tout progrès du multilatéralisme.
Au-delà des aspects financiers, ce sont des visions divergentes des perspectives de développement qui opposent les pays. Dans ces réunions internationales récentes, l’absence de décisions opérationnelles traduisant les engagements signés il y a plus de 30 ans et le renvoi systématique à demain à ce qui aurait dû être décidé hier en est l’illustration. L’échec récent de la Convention pour une réduction des pollutions dues aux matières plastique en est une autre illustration. Au sein même des pays développés, la vision des pays riches en matière première et notamment énergétiques carbonées (USA, Canada, Australie) est fort différente de celles des « vieux pays » de l’UE, comme du Japon qui ont épuisé leurs ressources minières par le passé. Dans le groupe du « G77 », pays émergents, pays en développement et pays les moins avancés poursuivent des objectifs différents. Entre pays riches et pays du sud les conceptions des notions de croissance et développement sont aussi divergentes. Au sein de cet ensemble les pays pétroliers et gaziers cherchent à profiter et maintenir aussi longtemps que possible leur rente. Au-delà des problèmes environnementaux, les écarts de richesses entre pays et nos incapacités à faire sortir de la grande pauvreté une partie importante de la population mondiale multiplient les zones de conflits.
Les conditions géopolitiques qui ont présidé en 1992 à ces relations internationales, mettent à mal, aujourd’hui, des dispositions qui étaient conçus pour le bienfait de générations futures autant que des générations actuelles. La « dette écologique », concept popularisé dès la conférence de Nairobi de 1985, n’a cessé depuis de s’approfondir et de se mondialiser. Le problème éternel de d’équilibre à trouver entre considérations de court terme et de long terme reste pendant : aujourd’hui la tyrannie du court terme semble prendre le dessus.
Une meilleure connaissance des contraintes environnementales, illustre, mieux que par le passé, le besoin de concilier la prise de conscience des contraintes liées à la finitude de notre planète, avec les aspirations légitimes à un meilleur développement. L’espoir des avocats de la lutte contre les désordres les changements climatiques ou des pertes de biodiversité était qu’il y avait là un moyen de recréer des solidarités mondiales. Il est sans doute temps de refonder les principes d’une vie collective au plan mondial vers un monde un peu plus « durable » et de faire face aux faiblesses d’un système onusien qui semble à bout de souffle.
Malgré toutes ces difficultés, le système Onusien reste un espace à préserver : le seul espace où tous les Etats peuvent dialoguer d’un avenir commun, échanger avec tous les acteurs de la Société Civile sous l’œil des organisations non gouvernementales. La présence active de plusieurs milliers de participants non-étatiques dans les COP Climat, Biodiversité, Désertification est un signe fort des attentes et inquiétudes actuelles de nos sociétés.
°O°
Notes
(pour revenir au texte, cliquer sur le numéro de la note)[1] Voir article ONG CFS sur le cas du Bengladesh dans l’EDD
[2] Voir la rubrique « A lire dans l’encyclopédie », l’article de Liliane Duport, n°269.
[3] Voir la rubrique « A lire dans l’encyclopédie », l’article de Catherine Aubertin, n°302.
[4] Voir la rubrique « A lire dans l’encyclopédie », les articles de François Papy, n°232 et de l’IDDRI n°262. )
Bibliographie
A lire dans l’encyclopédie
- -Comite français pour le soutien à GK SAVAR_Le Bangladesh le pays le plus vulnérable au changement climatique – n° janvier 2025. (à paraître)
- -Catherine Aubertin- Financer la biodiversité et assurer l’équité entre Nord et Sud : le partage des avantages au fil des Cop - N° 302, Décembre 2024
- -Daniel Guinard - Le devenir des forêts françaises face au changement climatique, N° 295 , Décembre 2023
- -Anne Renault – L’océan face au changement climatique, la surpêche et les pollutions : Comment les sciences marines peuvent nous aider à sauvegarder sa biodiversité., N° 288 , Février 2023.
- -Liliane Duport – La biodiversité, une composante de la biosphère, N° 269 , Avril 2020 / Janvier 2023
- -Marc Gillet :LES SCENARIOS DU GIEC : LES SCENARIOS DU GIEC : Liens entre l’évolution du climat et d’autres déterminants socio-économiques ou environnementaux, N° 277 , Décembre 2021.
- -Jean Luc Redaud, L’adaptation aux changements climatiques, un processus international institutionnel chaotique, N° 274 , Décembre 2020
- -Yann Laurens , Aleksander Rankovic (IDDRI) – Où en est la biodiversité mondiale et comment enrayer son érosion ?, N° 273 , Décembre 2020
- -Jacques Theys, Clémence Guimont :Nous n’avons jamais été « soutenables » : plaidoyer pour une durabilité forte et une politique des limites. Partie 1, N° 267 , Mars 2020.
- -Jacques Theys, Clémence Guimont : Nous n’avons jamais été « soutenables » : plaidoyer pour une durabilité forte et une politique des limites. Partie 2, N° 268 , Mars 2020.
- -IDDRI : Neutralité carbone : Relever le défi mondial pour une action climatique ambitieuse, N° 262 , Juin 2019
- -Michel Mousel : « Le pilotage du développement durable », 2005, N° 271 , Juillet 2020.«
- -4D :Résoudre l’inconnu des Transitions, N° 270 , Juin 2020.
- -Fabrice Flipo : Les mouvements de « la transition » ou l’importance de la complémentarité, N° 261 , Septembre 2019.
- -François Papy :- Les agricultures du monde face au dérèglement du climat, N° 232 , septembre 2016
Quelques références :
- -Mitigation Gap Report 2024, PNUE ,
- -Adaptation Gap Report2024, PNUE ,
- -Global Carbon Project – état 2024 rejets de GES ,https://globalcarbonbudget.org/gcb-2024/
- -Copernicus Rapport sur l’état des Océans bilan 2024 ,https://doi.org/10.5194/sp-4-osr8-1-2024
- -OMM 2024 Perspectives mondiales de Stress hydrique, https://wmo.int/fr/news/media-centr...
- -Université Dexter -Changements climatiques et points de bascule, https://global-tipping-points.org/
- -IISD Premiers enseignements de la mise en œuvre de la politique climatique https://www.iisd.org/fr/articles/la...
- -Puits de carbone Low latency carbon budget analysis reveals a large decline of the land carbon sink in 2023 -Oxford Academic, https://academic.oup.com/nsr/advanc...
- -Partenariat Français pour l’eau - Cahiers de bonnes pratiques face aux changements climatiques et pour la conservation de la biodiversité, https://www.partenariat-francais-eau.fr
- -IDDRI climat cop 29 la finance au premier plan, https://www.iddri.org/fr/publicatio...
- -IDDRI COP 16 un printemps pour la biodiversité, https://www.iddri.org/fr/publicatio...
- -IDDRI COP 16 : un jalon important pour l’équité malgré des désaccords majeurs, [-
https://www.iddri.org/fr/publicatio... - -WWF : succès et déceptions à la cop 16, https://wwf.panda.org/wwf_news/?126...