Les agences de l’eau, actrices majeures de la politique de l’eau en France : Une histoire de 60 ans

1er avril 2025

Résumé

  • Une histoire de 60 ans [1]

Créées par une loi de 1964 et un décret de 1966, les agences de l’eau françaises, inscrites dans la réforme régionale de 1963, présentent l’originalité d’une gouvernance par des comités de bassin composés d’usagers, et d’un système de redevances pour service rendu mutualisées. N’ayant pas la maîtrise d’ouvrage, elles ont financé d’abord les porteurs de travaux d’intérêt commun aux bassins, comme des stations d’épuration urbaines et industrielles et des barrages-réservoirs multifonctions. Suite à la baisse des financements de l’Etat, elles ont été de plus en plus conduites à soutenir les collectivités gestionnaires de l’eau potable et de l’assainissement, avec l’essentiel des redevances payées par les usagers domestiques et assimilés. Mais depuis l’adoption de la directive cadre sur l’eau de l’Union européenne en 2000, elles doivent se réorienter vers l’amélioration de la qualité des milieux aquatiques, tandis que le système de financement par les redevances continue à faire peser la plus grande partie de l’effort sur les usagers domestiques. L’action des agences se heurte par ailleurs à des limites face à la pollution diffuse due à l’agriculture, face à la gestion de la pluie en ville et des inondations, face aux nouveaux polluants émergents. La difficulté de mettre en place une gestion intégrée et participative à l’échelle des bassins ou des masses d’eau se traduit par une amélioration insuffisante de la qualité des milieux aquatiques, malgré de nets progrès par rapport à la situation initiale. Les agences de l’eau et leurs budgets constituent un outil essentiel pour la politique de l’eau en France, mais qui n’est pas toujours suffisamment connu ni bien compris, et doit continuer à évoluer face aux nouveaux enjeux du renouvellement des infrastructures d’eau et d’assainissement, du changement climatique et de l’érosion de la biodiversité.

Auteur·e·s

Laigneau Patrick

Ingénieur en hydraulique de l’Institut Polytechnique de Grenoble, docteur en sciences de l’environnement d’AgroParisTech et docteur en anthropologie de l’Université Fédérale du Rio Grande do Sul (Brésil).
Il a publié plusieurs articles sur les organismes de bassin en France et au Brésil, en partenariat avec Bernard Barraqué (CNRS) et Rosa Maria Formiga-Johnsson (Université de l’Etat de Rio de Janeiro).
Après 15 ans d’activités de consultant et chercheur indépendant en gestion concertée de l’eau basé au Brésil puis en France, il a rejoint l’Office International de l’Eau en 2024.


Barraqué Bernard

Ingénieur civil des Mines et urbaniste diplômé de Harvard, consultant en environnement urbain puis chercheur CNRS depuis 1988.
Depuis décembre 2013, directeur de recherches émérite rattaché au CIRED (Centre International de Recherches sur l’Environnement et le Développement), et spécialiste des politiques de l’eau des pays européens : celles du partage des ressources, celles des services publics, et celles visant l’articulation entre les deux.
Il continue de réfléchir à la gouvernance de la ressource en eau en tant que bien commun, et au type de financement correspondant souhaité, qui devrait être différent des factures et des impôts.


Créées par la loi sur l’eau du 16 décembre 1964, les agences financières de bassin ont été rebaptisées agences de l’eau à partir de 1991. Elles ont longtemps été considérées comme un exemple réussi de système décentralisé et participatif de gestion de l’eau, en France comme à l’étranger. Puis au milieu des années 1990, elles ont été critiquées par une coalition hétéroclite (Laigneau, 2014, tome II) : consommateurs trouvant l’eau trop chère, économistes jugeant les agences a priori inefficaces car n’appliquant pas le principe pollueur-payeur selon leur conception (Cour des comptes, 2015 ; Godard, 2016), écologistes et militants altermondialistes les trouvant inféodées aux industriels ou aux multinationales de l’eau… sans oublier les journalistes en quête de scandales (Orange, 1997). L’absence d’un statut juridique adapté pour leurs redevances dans la parafiscalité française a amené le Parlement, dans la Loi sur l’Eau et les Milieux Aquatiques (LEMA) de 2006, à recentraliser la politique de l’eau en soumettant le budget des agences au contrôle annuel du Parlement, donc indirectement du ministère des Finances ; depuis lors, les ponctions sur ces budgets, qui avaient commencé à la marge en 1996, sont devenues systématiques ; et de plus, les agences sont devenues d’utiles boucs émissaires des difficultés, entre autres, à appliquer les directives européennes que la France a incorporées dans sa législation.

Relancées fin mars 2023 par une augmentation du plafond de leurs recettes, elle-même réduite l’année suivante, les agences font aujourd’hui l’objet d’attentes multiples et parfois contradictoires. Afin d’y voir plus clair, il faut revenir sur ce que les agences ont réalisé [2].

 Au début, les travaux d'intérêt commun

En 1966, le décret de création des agences prévoyait que des redevances pouvaient être réclamées « aux personnes publiques ou privées qui rendent l’intervention de l’agence nécessaire ou utile » dans trois situations :

  • • Soit qu’elles contribuent à la détérioration de la qualité de l’eau ;
  • • Soit qu’elles effectuent des prélèvements sur la ressource en eau ;
  • • Soit qu’elles modifient le régime des eaux dans tout ou partie du bassin.

Le développement économique passait alors par le plan quinquennal, et la régionalisation venait d’être mise en place. Avant les réformes Deferre de 1982, la gouvernance des 21 régions s’appuyait sur les conseils économiques et sociaux régionaux. Pour la politique de l’eau cependant, on avait préféré créer les 6 agences de l’eau qui couvrent le territoire métropolitain, et sont placées sous la gouvernance de comités de bassin composés des diverses catégories d’usagers de l’eau et du milieu aquatique. En cette époque de croissance économique, on pensait que les problèmes de pollution ou de pénurie d’eau devaient être résolus par des infrastructures construites dans une logique d’offre technique. La mission des agences était au départ de faire financer par leurs bénéficiaires, des ouvrages « d’intérêt commun au bassin » comme des barrages-réservoirs multifonctions ou des stations d’épuration ; les collectivités locales rechignaient à construire ces dernières, dans la mesure où ce n’étaient pas leurs populations qui en bénéficieraient mais les riverains situés à l’aval. Au départ les agences ne devaient financer ni les travaux d’intérêt privé comme les dispositifs d’assainissement non collectif, qui bénéficient à des particuliers, ni ceux d’intérêt public comme les réseaux d’égouts, qui rendent service aux habitants des agglomérations en éloignant les effluents sources de désagréments et de risques sanitaires, mais seulement les travaux « d’intérêt commun au bassin » [3] .

N’ayant pas la possibilité d’être maîtres d’ouvrage des travaux contribuant à l’amélioration qualitative et quantitative des ressources en eau dans leurs territoires, les agences devaient financer des ouvrages réalisés par d’autres acteurs, collectivités territoriales ou industriels. Elles ont pu le faire dès qu’elles ont perçu des redevances pollution et prélèvement à partir de 1969. Leur inscription dans la démarche du plan quinquennal dès le Vème plan (1966-1970) a facilité l’investissement sur des projets coûteux et réalisés de façon interannuelle.

Dès leur premier programme d’intervention (1969-1972), les agences ont par exemple financé un certain nombre de barrages réservoirs de régulation des débits des rivières, surtout pour soutenir les étiages (par exemple les barrages Marne et Aube en amont de Paris). Servant à tous ceux qui étaient situés à l’aval, qu’ils soient irrigants, industriels ou collectivités responsables de l’alimentation en eau des populations, ils constituent bien des ouvrages « d’intérêt commun au bassin ». Ce n’est pas le cas des extensions des réseaux d’alimentation en eau potable, qui étaient financées directement par les bénéficiaires, avec l’appui du FNDAE [4] en zone rurale. En revanche, des interconnexions de réseaux d’alimentation en eau potable ont été financées, dans la mesure où elles permettaient une meilleure gestion des ressources en eau et une meilleure sécurité de l’approvisionnement en eau potable en situation de pénurie. Des terrains ont également été achetés avec l’aide des agences en vue de préserver de futurs champs captants. Mais les agriculteurs s’y sont souvent opposés, et les SAFER les ont parfois protégés contre les collectivités de l’eau potable. Très récemment la loi a enfin donné la possibilité à celles-ci de préempter les terrains des bassins d’alimentation de captage.

Les aides à la dépollution des établissements industriels, timides au début par manque de projets, se sont multipliées lors du deuxième programme d’intervention des agences (1973-1976) et du troisième (1977-1981). En complément ou au sein des contrats de branches conclus avec l’Etat, l’action des agences a permis de réduire fortement les rejets polluants de l’industrie dans toute la France au cours des années 1970 par la construction de stations d’épuration ou l’adoption de technologies propres. Elle a également permis de diminuer les prélèvements en eau de l’industrie, à l’exception des eaux de refroidissement ; mais dans ce dernier cas un prélèvement important n’est pas synonyme d’une consommation importante : les eaux pompées sont ensuite restituées au milieu naturel, bien que plus chaudes, avec des impacts sur les cours d’eau par ailleurs aggravés par le réchauffement climatique.

Ces dernières années, les agences de l’eau ont été concernées par le constat d’une présence de micropolluants dits émergents : métaux lourds, pesticides, résidus médicamenteux, hydrocarbures, polluants organiques. Et dans un rapport de 2019 publié sur leur site, elles ont annoncé avoir commencé à financer les opérations de dépollution, à la suite de la campagne de mesures du RSDE (recherche de substances dangereuses dans l’eau) de 2012. Entre 2013 et 2018, près de 390 millions d’euros ont été consacrés à la lutte contre les pollutions toxiques industrielles par les agences de l’eau. Et sur tout le territoire, plus de 6 500 projets en lien avec la réduction voire la suppression des micropolluants toxiques ont été financés et menés avec les acteurs économiques. En 2024, la révision de la Directive européenne « Eaux résiduaires urbaines » (DERU) introduit la responsabilité élargie des producteurs pour les produits cosmétiques et pharmaceutiques. La question se pose de créer une redevance correspondante à l’échelle des agences de l’eau.

En ce qui concerne l’assainissement des collectivités, le constat est simple : quand les agences ont été créées, il n’y avait que 300 stations d’épuration en France. Il y en a maintenant autour de 22 000 ! Ce grand nombre de stations s’explique par la faible densité de population moyenne, la France restant encore en partie un pays de petites villes et de villages. Le fonctionnement de ces stations n’est pas toujours satisfaisant, ce qui s’explique notamment par une préférence excessive pour les ‘boues activées’ [5] , une technique moins chère à l’investissement que les lits bactériens mais exigeant un suivi régulier donc du personnel. Cela met l’accent sur une des limites des agences : elles ont financé des ouvrages issus de projets techniquement conçus par les ingénieurs des directions départementales, formés à préférer cette technique à des techniques plus rustiques et à la pousser dans les appels d’offres. En revanche, elles ont financé dès leurs deuxièmes programmes des équipes chargées de la surveillance et de l’appui au bon fonctionnement des stations d’épuration, qui sont devenus les services d’assistance technique à l’exploitation des stations d’épuration (SATESE).

Au début des années 1980, le Cemagref [6] a mis au point une technique de lagunage à la française, qui nous permet de disposer de plus de 4000 lagunes et donc d’avoir rattrapé notre retard par rapport à des pays comme l’Allemagne, historiquement mieux pourvue bien que plus septentrionale (Barraqué, 2007). Enfin, les agences de l’eau ont accompagné davantage l’amélioration de l’assainissement non collectif, depuis que la loi a permis aux collectivités rurales de créer des services publics d’assainissement non collectif (SPANC) ; orientation remise en cause plus récemment dans le cadre des 11èmes Programmes (2019-2024), à cause du plafonnement de leurs recettes.

En ce qui concerne les inondations, les arrêtés qui auraient été nécessaires pour la création des redevances pour modification du régime des eaux n’ont jamais été signés, ne permettant pas aux agences d’intervenir dans ce domaine sauf dans des circonstances exceptionnelles ou pour des actions concourant également à la préservation des milieux aquatiques. La gestion des risques d’inondation est donc restée une prérogative de l’Etat, y compris pour son financement. Ce dernier a été assuré à partir de 1982 grâce à la création de la surprime catastrophes naturelles sur les cotisations d’assurances.

 Le financement des services publics et les redevances dans les factures d'eau

Initialement les agences ne devaient pas financer l’extension des réseaux d’assainissement, puisqu’il ne s’agissait pas de travaux d’intérêt commun au bassin, mais de travaux d’intérêt collectif aux habitants du territoire concerné. Or, la suppression progressive des subventions à l’assainissement de la part des ministères de l’Intérieur et de l’Agriculture (à partir de l’élection de V. Giscard d’Estaing en 1974) ralentissait la réalisation des infrastructures, et on se retrouvait au début du quatrième programme des agences (1982-1986) avec des stations d’épuration sans réseaux correspondants, ou surdimensionnées par rapport aux volumes d’eaux usées les atteignant. D’où la décision du gouvernement de Raymond Barre en 1980 de créer un ‘coefficient de collecte’ permettant aux agences d’augmenter le produit des redevances « de pollution domestique » pour pouvoir financer les réseaux, mesure mise en œuvre à partir de 1983 sous le gouvernement Mauroy. Cette inflexion par rapport aux principes initiaux des agences s’est imposée petit à petit afin de maintenir la cohérence de leur action dans le contexte d’un désengagement de l’Etat. Elle a abouti à faire des usagers domestiques et assimilés les contributeurs fortement majoritaires aux budgets des agences.

En effet, ce coefficient permet d’augmenter de façon significative les recettes des agences. Dans le cas du bassin Seine-Normandie, complété par une redevance spéciale pour financer le programme « Seine propre », il a conduit à doubler la contribution des usagers domestiques par rapport aux industriels (non assujettis alors au financement des réseaux de collecte, qu’ils y soient d’ailleurs raccordés ou pas).

Dans leurs sixièmes programmes (1992-1996), les agences ont dû encore augmenter les redevances des usagers domestiques pour pouvoir appliquer la Directive européenne « Eaux résiduaires urbaines » (DERU - 91/271/CEE), ce qui a fini par provoquer une levée de boucliers : certains de leurs représentants se plaignaient d’être injustement traités par rapport aux industriels et aux agriculteurs. Mais peu d’entre eux connaissent l’origine de cette situation, qui remonte au début de l’histoire des agences. En effet, c’est à partir de 1976 que les redevances de pollution, initialement payées par les services publics d’eau et d’assainissement, ont été directement intégrées aux factures d’eau potable avec les redevances assainissement des habitants raccordés. Progressivement, les élus locaux présents dans les comités de bassin ont laissé les redevances des usagers domestiques augmenter, afin de recevoir davantage d’aides des agences pour améliorer leurs services. Pendant ce temps, les agriculteurs n’ont presque rien payé, mais n’ont reçu que de modestes aides ; les industriels, eux, une fois les investissements de dépollution faits avec l’aide des agences, ont préféré recevoir des primes d’épuration plutôt que de nouvelles aides. Et comme on ne fait pas payer à des industriels des redevances qu’on va leur rendre sous forme de primes, ils n’ont payé que le différentiel. C’est ainsi que la contribution des usagers domestiques a fini par représenter 85% des recettes des agences.
Mais il ne suffit pas de regarder la colonne recettes, il faut aussi voir les dépenses des agences. C’est ce que nous avons fait pour le 7ème programme des agences (1997-2002), qui correspond à la maturité du système. La reconstitution de ce budget à l’échelle nationale et par grandes lignes d’action ne doit pas être regardée de façon trop détaillée car seules les principales recettes et dépenses ont été prises en compte, mais les chiffres donnent des ordres de grandeur intéressants : si l’on regarde la colonne de gauche, on voit bien qu’au 7ème programme, environ 85% des redevances proviennent des usagers domestiques et assimilés. Celles-ci constituent 70% des recettes totales des agences, qui incluent les intérêts et les remboursements des prêts et avances versés lors des programmes antérieurs.

(1997-2002 - en millions d’euros)

Principales recettes Principales dépenses
Remboursement et intérêts des prêts et avances 1939 Ressources et milieux 1280
Redevances des usagers domestiques et assimilés [7] 8024 Aides aux collectivités locales pour l’amélioration des services d’eau et d’assainissement 6485
Redevances industries non raccordées 1267 Aides aux industries non raccordées 1212
Redevances agriculteurs 92 Aides aux agriculteurs (PMPOA) [8] 351
Mesures, contrôles, connaissance 275
Frais de fonctionnement des agences 764
Ponction de l’Etat (Fonds de solidarité Eau) 306
Total 11 322 Total 10 673

Dans la colonne de droite, on voit que les collectivités locales ont reçu cette année-là environ 70% des aides distribuées, ce qui correspond à 80% de ce que les usagers ont apporté via leurs factures d’eau. Grâce à leurs primes d’épuration, les industriels ont payé peu et reçu un tout petit peu moins ; les agriculteurs ont reçu presque 4 fois leur contribution, mais sur un total beaucoup plus faible (Bourblanc, 2019).

Intentionnellement, notre présentation met face à face, à la première ligne, les remboursements des prêts et avances et les aides des agences à la protection des ressources, comme la préservation des aires d’alimentation des captages, l’acquisition de zones humides, ou les aides aux projets qui concernent directement le fonctionnement « écologique » des milieux aquatiques. Nous voulons ainsi montrer que les agences ont pu investir de plus en plus dans des opérations qui ne sont pas imputables à une catégorie d’usagers en particulier.

Une partie de ce que les usagers domestiques n’ont pas ‘récupéré’ représente le coût de fonctionnement des agences, environ 7% du total ; ce qui montre une efficacité supérieure à celle de bien des administrations. Quant aux 275 millions dépensés pour des programmes de mesures, ils indiquent à quel point le système des redevances aura permis d’investir dans la connaissance du milieu aquatique comme préalable indispensable aux programmes d’action.

A la fin du 6ème programme, les agences s’étaient retrouvées avec un fonds de roulement important et une trésorerie positive. Cette situation existe depuis leur création : comme les agences ne donnent toute l’aide promise qu’une fois les travaux effectués (notion de ‘service fait’) et que ces derniers s’étendent sur plus d’un an, voire prennent du retard, elles ont toujours de l’argent d’avance. Le ministère des Finances le leur reproche, car lui fonctionne à l’annualité budgétaire. Cette situation a attisé la convoitise du ministère de l’aménagement du territoire et de l’environnement qui depuis 1997, exerce une ponction sur les budgets des agences. C’était au départ pour accélérer la réalisation des PPRi (plans de prévention des risques d’inondation) ; pourtant la prévention des inondations ne faisait pas partie des compétences des agences, faute au gouvernement d’avoir créé la nouvelle redevance initialement prévue sur la modification du régime des eaux. En 2000 un Fonds National de Solidarité Eau a augmenté ce prélèvement annuel jusqu’à 76 millions d’euros par an pour financer des programmes Natura 2000, des contrats de rivière, et toujours l’achèvement des PPRi.

Ces ponctions ont continué à augmenter progressivement et ont également servi à financer la police de l’eau via le Conseil Supérieur de la Pêche, les réseaux de mesure à la charge du ministère de l’environnement, puis d’autres dépenses moins liées à la gestion de l’eau. Voulant réduire avant tout son propre déficit, le ministère accroît ses prélèvements au détriment du système mutuel des agences. On le voit ci-dessous pour le 10ème programme (2013-2018) :

(2013-2018 - en millions d’euros)

Principales recettes Principales dépenses
Remboursement d’avances 1613
(1939)
Ressources et milieux 3217
(1280)
Redevances des usagers domestiques et assimilés 11 772
(8024)
Aides aux collectivités locales pour leurs services publics d’eau et d’assainissement 6929
(6485)
Redevances industries non raccordées 1126
(1267)
Aides aux industries non raccordées 675
(1212)
Redevances agriculteurs 793
(92)
Aides aux agriculteurs 377
(351)
Mesures, contrôles, connaissance 558
(275)
Frais de fonctionnement des agences 967
(764)
Contribution à l’OFB 1104
Reversement au budget de l’Etat 935
(306)
Total 15 304 Total 14 762

NB : les données du précédent tableau sont rappelées entre parenthèses pour faciliter la comparaison

L’augmentation des transferts d’argent des 6 agences vers le niveau national correspond à l’accroissement progressif du nombre d’institutions en manque de moyens, depuis l’ONEMA [9] jusqu’à l’Office Français de la Biodiversité créé en juillet 2019, en passant par l’Agence Française de la biodiversité (fin 2015). Cela inclut la prise en charge de la police de la chasse et de la faune sauvage, et des parcs nationaux. L’aphorisme ‘l’eau paye l’eau’ ne correspond plus à la réalité, et d’aucuns ont essayé de le remplacer par ‘l’eau et la biodiversité payent l’eau et la biodiversité’. Mais en ce qui concerne les agences de l’eau, il faut plutôt dire que l’eau paye l’eau et la biodiversité… et contribue au budget général de l’Etat, comme le montre la dernière ligne du tableau.

 Limites du champ d'action des agences

Une première limite concerne le retard dans le renouvellement des réseaux d’alimentation en eau potable. Dans une moindre mesure que l’assainissement, le secteur a bénéficié de l’aide des agences, notamment après la sécheresse de 1976, pour mettre en place des interconnexions entre réseaux locaux permettant de pallier des situations locales de pénurie. Plus récemment, à la suite du Grenelle de l’environnement, puis des injonctions de la ministre Ségolène Royal, certaines agences de l’eau ont fait des appels à projets pour aider à la réhabilitation des réseaux fuyards, et au moins à la réalisation des diagnostics préalables. Le caractère récent de cette implication s’explique par des raisons historiques : en principe les agences ne devaient financer que des travaux neufs d’extension des réseaux, et pas leur renouvellement. Le vieillissement du patrimoine (y compris de stations) a amené à modifier cette règle à partir du 11ème programme des agences (2019-2024).

Une autre limite concerne la gestion de la pluie en ville : sur ce thème, l’action des agences a été freinée depuis le début par un avis du Conseil d’Etat qui soumettait leur intervention dans la prévention des inondations à la création d’une nouvelle redevance sur les activités aggravant le risque d’inondation. Les acteurs de l’eau en ont beaucoup discuté lors de la préparation de la loi sur l’eau de 1992, à la suite des réflexions sur ‘l’eau dans la ville’ de la décennie précédente [10]. Cette redevance n’a finalement pas été créée. Pourtant, certaines agences sont intervenues dans ce domaine en s’appuyant sur le fait que le ruissellement pluvial pouvait être très pollué, bien qu’avec une composition différente de celle des eaux usées. En Seine-Saint-Denis, l’agence Seine-Normandie a ainsi contribué à financer des bassins d’orage, jusqu’à ce que l’Etat lui dise que ce n’était pas dans sa mission.

On peut remarquer ici que les redevances qui initialement n’ont pas été confiées aux agences, à savoir la TGAP phyto [11] (cf. infra) et la redevance pluviale, n’ont pas été efficaces et ont dû soit être abandonnées soit leur être rendues [12].

A nouveau en 1996, le gouvernement a annoncé la préparation d’un décret complétant l’article 18 du décret du 14 septembre 1966, relatif à la modification du régime des eaux, permettant aux agences de mettre en place une redevance sur l’imperméabilisation des sols. Celui-ci n’a jamais été publié, officiellement au nom de la stabilisation des prélèvements obligatoires. Une taxe pour la collecte, le transport, le stockage et le traitement des eaux pluviales a finalement été créée par la Loi sur l’eau et les milieux aquatiques (LEMA) de 2006 [13]. Confiée aux soins des collectivités locales et non aux agences de l’eau, elle n’a pas rencontré de succès et a finalement été supprimée en 2014. Mais l’imperméabilisation des sols est d’abord le fait des collectivités locales elles-mêmes à cause du réseau de routes et de rues, ce qui explique en partie la prudence extrême dont elles ont fait preuve : les citoyens accepteraient-ils d’être les seuls taxés si le principal responsable ne l’est pas ? De plus, un évènement pluvieux généré dans une petite commune a souvent des conséquences dans une autre commune en aval, et donc il faudrait conduire la politique à une autre échelle territoriale, au moins par exemple à celle des Etablissements publics de coopération intercommunale (EPCI).

Depuis la loi MAPTAM de 2014 [14], ces derniers peuvent se regrouper en EPAGE (établissements publics d’aménagement et de gestion de l’eau) pour exercer à cette échelle leur compétence GEMAPI [15] , et ils peuvent prélever une taxe locale sur les propriétaires fonciers, qui reste souvent insuffisante pour conduire les actions qui en relèvent. Et les agences ne peuvent intervenir que sur des projets qui assurent la prévention des inondations par le biais de solutions fondées sur la nature : encouragé par la Directive Cadre sur l’Eau (DCE – 2000/60/CE), le financement de la réhabilitation de zones humides, fait au nom du milieu aquatique et de la biodiversité, a souvent permis de réduire les risques d’inondation mieux que ne l’auraient fait des ouvrages en dur. Mais cet infléchissement de l’action des agences dans l’esprit de la DCE n’est pas forcément bien compris par les collectivités partenaires des agences.

L’action des agences a également été contrainte pour les aides aux industriels non raccordés aux réseaux publics : dans certains pays comme l’Angleterre ou le Danemark, les redevances pollution correspondantes permettent de financer l’instruction des permis puis la police des installations, mais aucune aide à la dépollution ; aux Pays-Bas et dans le Land de Rhénanie du Nord - Westphalie, les redevances servent à financer des travaux de lutte contre la pollution, mais d’une façon mutualisée : autrement dit l’argent n’est pas rendu aux industriels qui ont payé pour améliorer l’environnement ; ce travail est fait pour eux par une institution mutuelle. En France, comme les agences n’ont pas la maîtrise d’ouvrage, elles ne peuvent rien faire d’autre que de rendre l’argent aux usagers qui portent de bons projets. Et du coup leurs interventions sont considérées comme des aides d’Etat, donc plafonnées par la Commission européenne.

 Les Agences face à la pollution diffuse due à l'agriculture

Lors de la création des agences de l’eau, l’agriculture et plus largement le mode rural ont échappé à la perception des redevances. Par ailleurs, les agglomérations de moins de 500 équivalents-habitants n’ont pas été considérées comme redevables, en raison de l’ampleur du travail à faire, incompatible avec la modicité des moyens initiaux des agences.
La situation a évolué lorsque la Commission européenne a obtenu la compétence en matière d’environnement et qu’elle a lancé de nouvelles directives sur l’eau, dont la directive nitrates agricoles (DNA, 676/91/CE). Cela correspondait à la prise de conscience générale du besoin de lutter contre l’eutrophisation, plus significative une fois réduite la pollution toxique de l’industrie et des villes. Ce processus, qui a abouti à la DCE en 2000, a donc commencé une dizaine d’années auparavant, lors du mandat de Brice Lalonde. Les agriculteurs ont évidemment rejeté en bloc les premières accusations de pollution les concernant. Il a fallu attendre 1993 pour qu’une redevance soit imposée, mais aux seuls établissements d’élevage industriels les plus importants, qui étaient déjà considérés comme des établissements classés pour l’environnement. Et de plus, ce PMPOA a dérogé aux principes de financement des agences.

En effet, les aides sont discutables si elles ne sont pas assorties d’un contrôle sur ce que les redevables ont effectivement fait comme efforts. Pour le PMPOA, le gouvernement Balladur a forcé les agences à verser, par anticipation, des aides aux agriculteurs qui ne devaient payer de redevances que 5 ans plus tard, c’est-à-dire une fois les ouvrages de dépollution construits, et donc sur des rejets polluants résiduels. Mal contrôlé, ce programme a fait l’objet d’évaluations assez sévères [16]. Mais il serait injuste d’en rendre les agences responsables, puisque les décisions sur ce thème ont été prises par les gouvernements successifs, sans ou parfois contre l’avis des comités de bassin.

En parallèle, le développement de la Politique Agricole Commune (PAC) a conduit à la création en France des programmes d’aide aux agriculteurs comme fertimieux, irrimieux, phytomieux etc. Mais la relative modicité des aides à l’hectare n’a pas permis de rapides progrès, et du coup, la révision de la directive eau potable en 1998 a conduit à impliquer progressivement les agences de l’eau dans la reconquête des captages atteints par la pollution diffuse, en particulier lors du Grenelle de l’environnement (liste des 500 captages prioritaires). Là encore, leur action a été contrainte par leur statut d’Etablissements Publics de l’Etat, dont les aides sont limitées par la Commission européenne. En Allemagne, pays fédéral donc décentralisé, il y a des centaines de contrats entre unités de distribution d’eau et agriculteurs pour aider ces derniers à réduire l’emploi des intrants agricoles polluant les captages ; ces contrats qu’on peut qualifier de ‘paiements pour services environnementaux’ ne sont pas incriminés par la Commission dans la mesure où il s’agit pour les agriculteurs de se convertir à l’agriculture biologique et non plus de se contenter de réduire la teneur en nitrates de l’eau à 50 mg/l. Ce type de contrats ne se développe que récemment en France, avec l’appui des agences, une fois admise l’idée qu’il faut aller au-delà des règles de la PAC et de la DNA.

En ce qui concerne la gestion quantitative de l’eau, le principal souci des agences est d’être obligées de financer des ouvrages de stockage d’eau au nom de l’aggravation de la sécheresse, mais qui vont essentiellement servir pour que certains agriculteurs ne diminuent pas leur droit historique de prélèvement d’eau, alors que l’aide proviendra indirectement essentiellement des usagers domestiques et assimilés. La construction de tels ouvrages pour réduire la sévérité des pénuries en étiage a été peu à peu remise en cause à la fois pour leurs impacts sur le milieu aquatique, leur faible efficacité liée aux pertes par évaporation, et leur faible rentabilité économique. On commence également à entendre l’argument selon lequel les ouvrages de stockage ainsi financés ne rendent pas service aux usagers domestiques qui ont payé l’essentiel des redevances.

Certes les luttes restent intenses, notamment dans un grand quart sud-ouest du pays, entre les défenseurs de la sécurisation de l’irrigation et ceux de la nature, et l’Agence de l’eau Adour-Garonne notamment a été obligée de financer des retenues construites par la CACG sur la base d’études de justification réalisées par cette même société d’aménagement régional. Plus récemment on a assisté à de vives confrontations à propos des ‘méga-bassines’ autour du marais poitevin. Leurs partisans estiment que la France est en retard par rapport à d’autres pays méditerranéens dans la mise en place de ‘retenues de substitution’. Mais, à l’encontre des arguments invoqués notamment par la FNSEA [17], l’exemple de l’Espagne doit être rappelé : plus de 1000 barrages y ont été construits dans la deuxième moitié du XXème siècle ; on n’arrive plus à les remplir du fait de l’aridification liée au changement climatique. Désormais, plus de prudence est de mise, car la multiplication des projets de retenues de substitution pourrait avoir des effets aussi négatifs sur l’environnement que les plus grands barrages qu’on ne construit plus, tout en offrant un faible rapport avantage/coût [18]. La déclinaison territoriale des scenarii du GIEC les plus récents, qui sont alarmants, invite à préférer le stockage de l’eau dans le sol partout où c’est possible, et à n’imaginer le pompage des nappes en surface que si elles sont déjà correctement remplies, ce qui n’est pas facile à vérifier. Et si la contrepartie des retenues en question est l’adaptation progressive des pratiques agricoles pour diminuer les besoins d’irrigation, il faut organiser un suivi-accompagnement-contrôle des exploitations, dont on sait qu’il a été laxiste par le passé. Mais encore faudrait-il que la profession agricole dans son ensemble accepte les missions de contrôle de la police de l’environnement exercée par l’Office français de la biodiversité.

Quant à la justification des barrages pour juguler les inondations, elle a fini par être aussi remise en cause par le progrès des connaissances : ils ne servent pas toujours face aux pires catastrophes, et donnent parfois une fausse sensation de sécurité aux populations. C’est ainsi que lors du mandat de Brice Lalonde au début des années 1990, les derniers barrages sur la Loire et l’Allier ont été abandonnés. La nouvelle expression « solutions fondées sur la nature » caractérise un important changement conceptuel traduit d’ailleurs dans la DCE : celle-ci incite par exemple à redonner de l’espace de divagation aux cours d’eau là où c’est possible plutôt que de construire des ouvrages de protection des berges.

 Qualité des rivières et des milieux aquatiques

Si la maîtrise de la pollution organique et chimique que l’on connaissait au début des années 1970 a permis de rendre la vie aux rivières, ces dernières ont du coup subi l’émergence des phénomènes d’eutrophisation dus aux rejets de nitrates et de phosphates. Cela a conduit les agences à financer les compléments de traitement dans les stations d’épuration, et de plus en plus à accompagner la mise en œuvre de politiques plus territoriales et moins technologiques qu’auparavant, malgré les résistances de certaines collectivités locales.
On notera que la Seine, où on ne recensait que 3 espèces de poissons seulement en 1970, compte 32 espèces en 2020 et ne comporte plus pour eux qu’une zone de stress, entre Clichy et Andrésy.

Dans le bassin Rhin-Meuse, le pourcentage de cours d’eau en bon état est passé de 13 à 71 % entre 1970 à 2010, si l’on utilise les mêmes paramètres et modes de calcul au cours du temps.

Récemment, le Commissariat Général au Développement Durable a conduit une évaluation de l’impact de l’action de cette même agence pendant la première période d’application de la DCE (2010-2015), en comparant l’état des masses d’eau ayant bénéficié d’une opération financée par l’agence à celui de masses d’eau formant un groupe de contrôle. L’impact est significatif et assez important pour la lutte contre la pollution domestique, et davantage pour la concentration en ammonium que pour celle du phosphore. Il est significatif mais faible pour la pollution diffuse de l’agriculture en termes de nitrates, et non significatif pour les pesticides (peut-être parce que les temps de réponse dans ce cas sont plus longs). Les opérations concernant l’hydromorphologie ne semblent pas avoir eu d’impact selon l’indice invertébrés multimétrique (Favre, Demoor, 2024). Les autrices concluent qu’il faudrait répéter ce genre d’évaluations, mais on peut d’ores et déjà estimer sans surprise que l’efficacité des aides des agences de l’eau est meilleure sur la pollution ponctuelle des rejets industriels et urbains, dont elles s’occupent depuis longtemps, et moindre sur les actions plus récentes ou plus longues et difficiles à mesurer, comme la pollution diffuse ou l’hydromorphologie.

Au niveau national, le rapportage exigé par la directive cadre sur l’eau fait état de résultats mitigés, résumés et commentés en annexe de cet article, pour les années 2009-2010, 2013, et 2019.

L’agence Rhône Méditerranée et Corse publie un magazine trimestriel [19] qui montre la diversité des sujets traités et des projets aidés. Son rapport d’activité 2017 montre que le public qui les connait soutient les agences et leur principe de fonctionnement, mais que beaucoup sont insuffisamment informés et méconnaissent leur travail en détail. Pourtant, un record de 566 millions € d’aides ont été accordés cette année-là, se répartissant entre 48,9% pour l’assainissement collectif (y compris les primes d’épuration) ; 15% pour les milieux aquatiques ; 10,2% pour la protection des captages contre la pollution diffuse ; 9,7% pour les économies d’eau ; 9,1% pour l’eau potable (traitements améliorés, réseaux ruraux) ; 3,2% en soutien aux études, à la connaissance, à l’éducation à l’environnement et aux actions de coopération internationale ; 2,9% pour la pollution industrielle, et 0,9% aux actions d’animation et de gestion locale. Par ailleurs, le bilan fait état d’un renforcement du contrôle fiscal des redevables, du soutien apporté à la gestion par bassin dans l’accompagnement de la réforme des collectivités, de l’emploi de la totalité du 1% ‘Oudin-Santini’ dans la coopération internationale [20] , et du soutien à la recherche (Zone Atelier du Bassin du Rhône, journées connaissances etc.). Le fait que de nouvelles lignes budgétaires apparaissent dans cette liste par rapport aux tableaux simplifiés que nous avons présentés ci-dessus montre l’élargissement de l’action des agences.

Cela est réalisé malgré une contrainte sévère imposée par l’Etat sur l’emploi : les agences, qui employaient 1867 agents (équivalents temps-plein) en 2006, n’en disposaient plus que de 1479 en 2020 compte-tenu de l’imposition d’une politique de réduction des effectifs des emplois publics. Cette baisse s’est arrêtée en 2022, mais la crise budgétaire laisse planer l’incertitude pour l’avenir.

Elle n’est qu’en partie compensée par la montée en puissance des syndicats mixtes et autres EPTB (établissements publics territoriaux de bassin), qui prennent en charge la gestion du grand cycle de l’eau à l’échelle des bassins et sous-bassins (cf. infra).

 Vers plus de gestion intégrée et participative

Au cours de l’histoire des agences, leurs aides financières se sont progressivement orientées vers la gestion durable du milieu aquatique : si elles ne sont pas à l’origine des contrats de rivière, qui sont apparus dès la fin des années 1970, certaines agences y ont apporté leur soutien dès leurs programmes d’intervention suivants, en bonifiant les aides aux usagers de l’eau présentant une démarche articulant plusieurs projets individuels. Puis, à partir de la loi de 1992, elles ont participé à la mise en œuvre de la démarche de planification que l’Europe souhaitait développer dans la directive qualité écologique des cours d’eau en projet [21] , en réalisant les SDAGE et en soutenant les SAGE [22] là où ils se sont développés. Lorsque la DCE a été adoptée en 2000, les comités de bassin des agences ont adapté les SDAGE pour en faire les plans et programmes de mesures, et pour en financer les actions qui relèvent de leur compétence (donc ni la police de l’eau ni la gestion des inondations). Les agences financent aussi les recrutements pour faire l’animation des contrats globaux et des SAGE, ce qui représente jusqu’à 2000 emplois qualifiés locaux dans toute la France.

Pour mettre en œuvre la DCE, qui mesure l’efficacité de la politique de l’eau en termes « d’atteinte du bon état » des milieux aquatiques, les agences de l’eau ont dû passer à une logique territoriale, différente de la logique d’ouvrages caractéristique de l’époque de leur création. Elles financent des opérations centrées sur la ressource en eau et encouragent les acteurs de l’eau à leur présenter des projets de territoire réunissant diverses mesures cohérentes avec la gestion du milieu aquatique.

La DCE oblige aussi les agences à passer d’une obligation de moyens à une obligation de résultats, ce qui a permis de découvrir que l’état des masses d’eau en France n’était pas aussi bon qu’on le pensait. Cela conduit à réorienter en partie leur budget en faveur de la biodiversité, de l’hydro-morphologie et de la protection des zones humides, au détriment du financement des services publics d’eau et d’assainissement. D’où les critiques de ceux qui regrettent qu’il n’y ait plus le même ‘retour’ vers les usagers domestiques qui en ont payé l’essentiel dans leurs factures.

 Evolution des redevances

En 2006, la LEMA a remplacé les redevances mises en place en 1966 par un nouvel ensemble de 8 redevances, dont les plus importantes en termes financiers sont la redevance prélèvement (maintenue), la redevance pollution domestique (étendue aux résidences disposant d’une fosse septique), la redevance modernisation des réseaux de collecte (en remplacement du coefficient de collecte introduit en 1982), la redevance pollution nette d’origine industrielle, et la redevance pollution diffuse (qui remplace la TGAP ‘phyto’ créée en 2000). Cette réforme des redevances s’étant faite à « pression fiscale constante » pour chaque grande catégorie d’usagers, elle n’a pas corrigé le décalage entre les contributions des usagers domestiques et assimilés, et celles des autres types d’usagers, qui était reproché aux agences. Cependant, les industriels raccordés aux réseaux publics d’assainissement ont dû enfin contribuer au même titre que les industriels non raccordés.

Dans la loi de finances pour 2024 adoptée en décembre 2023 par l’article 49.3, une nouvelle réforme a été introduite : les redevances pour pollution domestique et pour modernisation des réseaux de collecte ont été remplacées par une redevance sur la consommation d’eau potable, une redevance pour la performance des réseaux d’eau potable et une redevance pour la performance des systèmes d’assainissement collectif. A partir de 2025, il est prévu que ces deux dernières redevances soient payées par les services publics d’eau et d’assainissement, qui devront les intégrer à leur budget tout en les répercutant sur les factures d’eau. Cette innovation faisait partie du « Plan Eau » annoncé par Emmanuel Macron en mars 2023. Celui-ci prévoyait un rééquilibrage des redevances en faveur des usagers domestiques, mais les augmentations prévues des redevances pour l’usage de produits phytosanitaires et des redevances de prélèvements notamment pour les irrigants ont finalement été abandonnées face à la pression de certains syndicats agricoles.

 Nouveaux enjeux

Parmi les enjeux nouveaux à intégrer, il y a bien sûr le changement climatique, et les nécessités d’adaptation, qui concernent avant tout la gestion de l’eau ; ce sera particulièrement sensible avec les risques aggravés d’inondations et de sécheresses, et les difficultés des budgets locaux à faire face à la compétence GEMAPI devenue obligatoire pour les EPCI ; il y a aussi la poursuite de la politique fondée sur la gestion territoriale avant le recours à la technologie, et notamment en ce qui concerne les relations entre les agences et le monde agricole ; il y a aussi la question des nouveaux polluants émergents, qui, au-delà de la révision de la DERU évoquée plus haut, devrait conduire à relancer la politique de redevances et d’aides envers les industriels. Or ces questions soulèvent un autre enjeu, d’ordre institutionnel : comment les gérer ensemble, en articulation avec les politiques d’aménagement du territoire ? Ne faut-il pas soumettre les plans d’aménagement du territoire et d’urbanisme à un ‘water test’ comme on le fait aux wateringues des Pays-Bas ?

Cette question débouche sur celle de l’échelle territoriale adaptée pour conduire la politique de l’eau : la grande taille de leurs districts hydrographiques et l’impossibilité pour les agences d’être maîtres d’ouvrage ont fini par faire émerger des institutions de bassin versant à une échelle plus locale, avec le développement des contrats de rivière dès la fin des années 1970, puis des SAGE avec la loi de 1992. Celle-ci envisageait de donner aux CLE (commissions locales de l’eau) la maîtrise d’ouvrage de la mise en œuvre des SAGE, une fois ceux-ci adoptés et approuvés. Mais le Conseil d’Etat a semble-t-il refusé cette transformation des CLE en ‘communautés locales de l’eau’, peut-être pour les mêmes raisons qu’il n’avait pas donné la maîtrise d’ouvrage aux agences de l’eau : participation d’acteurs privés à des instances gérant de l’argent public ; ou complexité de la maîtrise d’ouvrage sur des infrastructures implantées sur des terrains appartenant à d’autres propriétaires. Or, la loi de 1964 avait déjà prévu une possibilité de création d’établissements publics territoriaux pour gérer l’eau ; c’est ainsi que, suivant l’idée de réutiliser cet article par l’avocat Philippe Marc, divers syndicats mixtes ou des ententes de gestion de la navigation ayant un bassin versant (ou une nappe souterraine) comme territoire, ont fini par se regrouper sous un label d’EPTB (établissements publics territoriaux de bassin) s’ils ; labellisation qui fut officialisée en 2003. Les EPTB disposent de la maîtrise d’ouvrage, dans la mesure où ils ne sont dirigés que par des élus du suffrage et non par des comités relevant de la démocratie participative comme les comités de bassin. Mais ils dépendent souvent du financement des agences de l’eau pour leur fonctionnement autant que pour leurs investissements, et sont parfois critiques à leur égard lorsqu’ils n’obtiennent pas les financements dont ils ont besoin pour assurer leurs missions.

C’est peut-être à cette échelle des EPTB qu’il faut désormais réfléchir pour donner à la gestion de la ressource en eau ‘en bien commun’ un mode de financement correspondant [23]. Ne faut-il pas aussi poursuivre la logique qui a conduit à la responsabilisation des collectivités locales dans la GEMAPI, en créant de nouvelles redevances prélevées dans les impôts locaux [24] ? Mais la suppression progressive de la taxe d’habitation diminue d’autant l’assiette de la perception de la taxe correspondant à la GEMAPI.

Le rapport parlementaire cosigné par le député Christophe Jerretie et le sénateur Alain Richard a préconisé, en 2021, de fournir 400 millions € supplémentaires aux agences de l’eau ; en partie par transfert d’une augmentation des taxes d’équipement ou d’espaces naturels sensibles prélevées par les départements. Cela aurait du sens : tout équipement nouveau impacte la biodiversité ; et la plupart des espaces naturels sensibles sont liés à un milieu aquatique. Mais pour obtenir l’accord des conseils départementaux, il faudrait sans doute leur rendre leur compétence dans le domaine de l’eau. Pour le moment cette proposition n’a pas été suivie d’effet.

Ou bien faut-il permettre aux EPTB de prélever à leur échelle des redevances pour service rendu mutualisées, c’est-à-dire sur ceux qui ne bénéficient qu’indirectement des investissements réalisés pour améliorer le milieu aquatique [25] ? Un grand enjeu de demain est justement de savoir si les agences doivent continuer à prélever l’essentiel de leurs recettes sur les factures d’eau des usagers domestiques et assimilés, alors que leurs politiques s’éloignent logiquement de l’aide aux services publics gérés par les collectivités locales pour se concentrer davantage sur la biodiversité et la qualité du milieu aquatique. De surcroît, replacées par la LEMA dans les impositions de toute nature, les redevances ne devraient peut-être plus être ajoutées aux factures d’eau dans la logique de 1964, qui les avait mises dans les redevances de service rendu (cf. infra). Or, paradoxalement, la problématique du renouvellement des réseaux vétustes et des usines vieillissantes va se poser de manière accrue dans les années à venir. De surcroît, la sécheresse exceptionnelle de 2022 a montré l’importance nouvelle que va prendre la question des quantités d’eau à côté de la qualité. En témoigne le revirement du gouvernement, dont le Plan Eau de mars 2023 a prévu de réaugmenter le budget cumulé annuel des agences de plus de 20% (475 M€) pour mettre en œuvre une cinquantaine de mesures assez ponctuelles qui se traduisent dans les 12èmes programmes des agences de l’eau (2025-2030). Mais il faut avant tout recréer un climat de confiance envers les agences au Parlement et dans la haute fonction publique. Car c’est largement le niveau national qui a conduit à la situation de blocage récente, avec cette perversité qui aboutit à rendre les agences de l’eau responsables de ce qu’on les a empêchées de faire, ou qu’on les a forcées à faire à l’encontre de leurs principes de gestion mutualisée et participative. En juin, puis en automne 2024, une partie de cette augmentation des redevances a été à nouveau annulée au nom de la crise de la dette. La loi d’airain de l’annualité budgétaire crée à nouveau une incertitude sur l’action des agences dans la durée.

 Conclusion

On peut aussi se demander si la critique de certains économistes du caractère mutualisé des redevances, ‘le principe pollueur-sociétaire’, conduisant selon eux à l’inefficacité et à induire des conflits d’intérêt, n’est pas inscrite dans une conception libérale-étatique de la politique de l’environnement, incapable d’imaginer une place pour une gestion de l’eau en commun par ses usagers. Lors de la création des agences, il n’y avait que deux possibilités pour la création des redevances : pour service rendu, ou imposition de toute nature. Or le Conseil d’Etat en 1967 avait admis que les redevances des agences ne rentraient dans aucune de ces deux catégories, et les a placées dans une catégorie à part (sui generis en latin). Trente ans plus tard, on pouvait imaginer que cette catégorie correspondait à une gouvernance en bien commun, celle-là même qui a valu le Nobel d’économie à Elinor Ostrom en 2009. Mais en France, on n’en a pas tiré la conséquence en termes de redevances pour services rendus mutualisées, et on a finalement laissé se développer une situation de vulnérabilité institutionnelle des agences de l’eau, mais aussi des Etablissement publics territoriaux de bassin (EPTB), des institutions tout aussi importantes que les agences pour une politique de l’eau ne pouvant s’inscrire seulement dans les institutions administratives classiques.

Et les conflits ne sont pas près de s’apaiser si on oblige les agences à financer des retenues de substitution au profit d’une minorité d’agriculteurs, avec de l’argent public, retenues qu’on est de moins en moins certains de pouvoir remplir vu la vitesse alarmante du changement climatique. Pourtant, les membres des comités de bassin sont majoritairement opposés à cette ‘dérive clientéliste’ du ministère de l’agriculture ; et les scientifiques interviewés récemment par Le Monde estiment nécessaire de mieux faire fonctionner les ‘parlements de l’eau’, pour faire advenir une gestion en bien commun fondée sur la démocratie participative (Legros, 2024). Mais les hauts fonctionnaires de l’Etat et les parlementaires, élus du suffrage à l’échelle nationale, le veulent-ils vraiment ? Quant aux élus locaux, s’impliqueront-ils davantage dans les instances de bassin et défendront-ils plus énergiquement ce système mutualiste, dans la mesure où les services publics d’eau et d’assainissement qu’ils dirigent devront payer chaque année les nouvelles redevances pour performance, et qu’ils devront en rendre compte à la fois à leurs abonnés et à leurs administrés ?

°0°

Notes

(pour revenir au texte, cliquer sur le numéro de la note)

[1Une histoire politique des agences de l’eau a été publiée dans Responsabilité et Environnement (Barraqué et Laigneau, 2017), puis en anglais plus longuement dans Water Economics and Policy (Barraqué et al., 2018).

[2L’agence de l’eau Seine Normandie a réalisé une plaquette détaillée sur ces 50 ans d’efforts, qu’on peut consulter en ligne : http://www.eau-seine-normandie.fr/s...

[3Témoignage de Jean-Claude Suzanne, deuxième directeur de l’agence de l’eau Rhin-Meuse, lors de l’évaluation du dispositif des agences de l’eau au Commissariat au Plan, en 1997.

[4FNDAE : Fonds National pour le Développement des Adductions d’Eau, créé en 1954, et alimenté par un centime prélevé sur chaque m3 d’eau potable, et par une taxe sur les gains aux courses de chevaux

[5En Loire-Bretagne, le tiers des stations de moins de 500 équivalents-habitants. était en boues activées (Berland, 1994)

[6Le centre du machinisme agricole du génie rural et des eaux et forêts est devenu l’IRSTEA avant d’être fusionné avec l’INRA (recherche agronomique) dans l’INRAE (agriculture, alimentation et environnement).

[7Les usagers assimilés domestiques (ou APAD – activités de production assimilées domestiques) sont les activités tertiaires situées dans des immeubles ou bénéficiant d’un abonnement au service d’eau et d’assainissement (administrations, écoles, hôpitaux, commerces, artisans, etc.).

[8PMPOA : programme de maîtrise des pollutions d’origine agricole

[9Office National de l’Eau et des Milieux Aquatiques, créé en 2006

[10Programme de recherches et d’innovations du ministère de l’Equipement, 1983-1994

[11TGAP : taxe générale sur les activités polluantes, perçue directement par le ministère des Finances. Elle devait absorber les redevances des agences, mais la mobilisation des acteurs de l’eau l’a bloquée, et seule les nouvelles redevances ont été créées dans le nouveau régime.

[12La TGAP ‘phyto’ a été créée par la loi de finances rectificative de 2000, en tant que ‘taxe sur les produits anti-parasitaires à usage agricole et les produits assimilés mis sur le marché intérieur’. Elle a été abandonnée et remplacée par la redevance pollution diffuse des agences de l’eau en 2008, en application de la LEMA de 2006.

[14Modernisation de l’Action Publique Territoriale et Aménagement des Métropoles

[15GEMAPI : Gestion de l’eau, des milieux aquatiques et prévention des inondations

[16Voir le rapport d’évaluation produit en 1999 par l’Inspection des Finances et le ministère de l’Agriculture : https://www.vie-publique.fr/files/r...

[17Fédération Nationale des Syndicats d’Exploitants Agricoles, le syndicat majoritaire.

[18Le président du comité de bassin Rhône Méditerranée a chargé son conseil scientifique et l’agence de mettre au point une méthode de validation ou d’invalidation économique des projets de stockage d’eau, transferts et retenues de substitution. La méthode consiste d’abord à faire une double prospective à trente ans : de la pluviométrie et de la disponibilité en eau d’une part, des demandes en eau d’autre part. Sur cette base on estime le rapport coût-avantage de la solution ‘avec’ et de la solution ‘sans’. Voir : https://www.eaurmc.fr/upload/docs/a...

[19Sauvons l’eau ! : https://www.eaurmc.fr/jcms/gbr_5583...

[20La loi éponyme autorise les services publics d’eau et d’assainissement, ainsi que les agences de l’eau, à consacrer jusqu’à 1% de leur budget au financement d’actions de coopération décentralisée dans les pays en développement.

[21Mise en chantier en 1989, en même temps que la directive eaux résiduaires urbaines et la directive nitrates, cette directive a été abandonnée en 1994, faute d’accord de plusieurs pays membres ; mais, remise en chantier en 1995, elle devenue la directive cadre pour l’eau de 2000.

[22Respectivement : schémas – directeurs – d’aménagement et de gestion des eaux

[23Voir le livre bleu L’eau en commun publié par l’Association nationale des élus des bassin (ANEB) en 2023

[24Comme c’est le cas dans les agences de l’eau de la Rhénanie du Nord, ainsi que dans les wateringues néerlandaises

[25Sur ces questions on lira avec intérêt les propositions de réforme de l’avocat toulousain Philippe Marc (2023)

 Outils

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 Bibliographie

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* Barraqué B., Laigneau P. et R. Formiga, The Rise and Fall of French Agences de l’Eau : From German-type Subsidiarity to French State Control, in Water Economics and Policy, Vol.4 n°3, 1850013
© World Scientific Publishing Company, 2018 https://doi.org/10.1142/S2382624X18...

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Lire dans l’encyclopédie :

* Barraqué Bernard : Eau Bien Commun / Eau Service Public : discussion Nord-Sud, N° 245 , Janvier 2018.

Annexe :

Evolution de la qualité des masses d’eau superficielles et souterraines,
d’après le rapportage de la France à la Commission Européenne

Masses d’eau superficielles

Etat eaux superficielles % 2010 2013 2019
Bleu très bon 6 12 10
Vert bon 35 31 34
Jaune moyen 40 42 37
Orange médiocre 13 10 14
Rouge mauvais 4 4 6
Gris (inconnu) 2 1 0
Bon état chimique 41 48 66.9
Non atteinte du bon état 23 16 6.0
Manque de données 34 36 27.1

Au colloque de 2022 du Cercle Français de l’Eau, le représentant de l’AESN a dit que ces résultats apparemment décevants sont en bonne part dus au changement progressif et à l’amélioration des indicateurs, mais que si on avait gardé les mêmes pendant 10 ans on aurait constaté une plus nette amélioration. Une chose est sûre : la connaissance de l’état des masses d’eau a fortement progressé pendant les 10 ans : en effet, lors du lancement du premier des trois plans et programmes de mesures de la DCE, la France avait affiché un taux de bon état de 50% et visait à atteindre les deux tiers. Or, l’évaluation des masses d’eau a permis de constater que le taux de bon état était seulement d’un tiers, et il était alors impossible d’atteindre l’objectif annoncé à la Commission. La France a donc dû s’engager dans un délicat exercice de demande de report ou de dérogation (application des articles 4.5 à 4.7 de la DCE).

La situation est meilleure pour les eaux souterraines

Etat Eaux souterraines % 2010 2013 2019
Chimique bon 59 67 71
Chimique pas bon 41 33 29
Quantitatif bon 90 91 88
Quantitatif pas bon 8 9 12

En 2019, date du dernier rapportage disponible, on a estimé qu’en 2027, 67% des masses d’eau de surface risquent de ne pas atteindre le bon état écologique, et 9.9% le bon état chimique ; 14.1% des eaux souterraines risquent de ne pas atteindre le bon état quantitatif, et 40.1% le bon état chimique. Très récemment une étude de l’économiste Maria Salvetti (2024), qui récapitule l’ensemble des financements de la politique de l’eau en France métropolitaine, a estimé que pour atteindre le bon état de l’ensemble des masses d’eau à l’horizon 2027, fixé par la Commission et les Etats-membres, il faudrait trouver 5 Md€ en plus par an, à rajouter aux 4.5 Md€ qui manquent pour un bon entretien des infrastructures des services publics, et aux 3 Md€ nécessaires pour faire face aux évènements extrêmes aggravés par le changement climatique. Ne pouvant pas financer tous les investissements correspondants, les agences de l’eau risquent de se retrouver en boucs émissaires une fois de plus.
Cela dit aucun pays-membre n’aura atteint le bon état sur l’ensemble des masses d’eau en 2027 : d’après l’Agence Européenne de l’Environnement (EEA, 2021), en 2020, la moitié des masses d’eau de surface était en bon état. L’impossibilité d’atteindre l’objectif fixé pour 2027 pose la question du prolongement de l’application de la DCE.

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