Lettre n°24 ---- Octobre 2024
La COP 16 (Conférence mondiale pour la biodiversité) s’est réunie en Colombie pour tenter d’enrayer sinon réparer le déclin inexorable de la biodiversité constatée par la Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité sur l’état mondial de la biodiversité (IPBS) qui dressait dès 2019 un constat alarmant de l’état mondial de la biodiversité. Un million d’espèces sont menacées d’extinction. On constate le déclin de 83 % d’espèces d’eaux douces et de 73 % des populations de vertébrés. La France quant à elle, héberge 10 % de la biodiversité mondiale et le plus grand nombre d’espèces menacées.
La biodiversité subit une sixième extinction massive, due en grande partie aux activités humaines :
- La démographie qui conduit l’homme à occuper tous les faciès géographiques et les pollutions qui en découlent, au changement d’affectation des terres et à la déforestation, aux pratiques agricoles intensives
- Le changement climatique,
- La mutation des régimes alimentaires à l’échelle mondiale.
Face à ce constat, l’objectif de la COP 16 se situe dans la continuité de la COP 15 organisée à Montréal sous présidence chinoise en décembre 2022, qui a vu l’adoption d’un cadre mondial pour la biodiversité, fixant des cibles et des objectifs à atteindre d’ici 2030 et 2050. « Globalement », il s’agit de protéger 30% de la planète, de restaurer 1/3 des écosystèmes, de réduire de moitié les risques liés aux pesticides et de doubler les financements globaux en faveur de la protection de la nature sans pour autant qu’existait de mécanisme contraignant. Une trajectoire financière est établie, avec une décision de mobiliser 200 milliards de toutes sources, ainsi que de doubler puis tripler l’aide publique au développement (APD) pour la biodiversité d’ici 2025 et 2030 respectivement.
Les efforts attendus portent notamment sur l’arrêt des subventions néfastes, sur la valorisation et l’engagement des Etats vers le paiement pour services environnementaux (PSE), sur le financement des Solutions Fondées sur la Nature ainsi que sur la diversification des sources de financement dans la mesure où plus de la moitié du PIB mondial repose sur les services écosystémiques rendus par la nature.
Tout le monde a en tête les services gratuits rendus par la biodiversité, régénération de l’air, fourniture et régulation de l’eau, épuration, régulation du climat, pollinisation, formation des sols etc. ressource économique (nourriture, matériaux) qu’elle constitue et qui paradoxalement contribuent à sa destruction.
Ce recensement des services rendus par la biodiversité converge vers un objectif principal celui du bien-être humain. Cette approche anthropocentrée est celle reprise dans l’argumentaire retenu dans la plupart des traités ou plans d’actions adoptés pour sa sauvegarde. Pourtant, il est nécessaire de garder à l’esprit que la biodiversité est consubstantielle à la biosphère dont elle est l’un des quatre constituants avec la lithosphère, l’hydrosphère et l’atmosphère.
L’ "hypothèse Gaïa” formulée par James Lovelock affirme que l’ensemble des activités au sein de la biosphère concourent à l’équilibre de celle-ci et non à son déséquilibre et à sa destruction, comme cela a été le cas avec les autres planètes sur lesquelles aucun équilibre n’a réussi à persister conformément au principe d’entropie, aucune trace de vie n’a été identifiée.
Sans biodiversité- pas de biosphère, pas de vie sur la planète.
Au cœur d’enjeux économiques et sociaux, de conflits d’intérêts, mais aussi de représentations culturelles et sensibles, la biodiversité peine à se traduire par plus d’engagement des « parties » : du citoyen aux scientifiques et aux acteurs économiques et politiques. Malgré les connaissances acquises et les réactions des institutions et des populations, le déni persiste avec la difficulté à relier, à intégrer l’enjeu d’une gestion durable de la biodiversité à la vie quotidienne (culture, alimentation, emplois et activités économiques, loisirs, santé, etc.).
La biodiversité ne rend pas seulement de simples services à sauvegarder mais est un enjeu aussi fondamental et finalement plus complexe, que le changement climatique et la lutte contre les gaz à effet de serre. Cependant, la prise de conscience et la mobilisation n’est pas à la même hauteur. La Cop 16 se traduira-t-elle par plus d’engagements ? Exercice préalable à la Conférence, seuls, 32 pays plus l’Union Européenne (sur 196) ont publié leurs stratégies nationales revues. Les reculades de l’Europe et les coupes budgétaires de la France ont de quoi nous rendre pessimistes.
Rappelons qu’en 2019, les Etats membres du G7 ainsi que le Chili, les îles Fidji, le Gabon, le Niger et la Norvège ont signé « La charte de Metz pour la biodiversité » qui élève les enjeux liés à la biodiversité au même niveau que ceux du climat.
La complexité de l’objet réside non seulement dans les divergences autour des modes de régulation à mettre en œuvre - à titre d’exemple, l’agroécologie dénoncée comme un concept flou, n’a pas pu changer les orientations productivistes dominantes de l’agriculture - mais aussi dans l’opposition entre des visions du monde et de la nature, fondamentalement différentes.
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A lire dans l’encyclopédie : les articles mis en ligne
Anne Renault – L’océan face au changement climatique, la surpêche et les pollutions : Comment les sciences marines peuvent nous aider à sauvegarder sa biodiversité.. - Février 2023
- La science est au cœur de la compréhension des défis environnementaux de l’anthropocène et de leurs solutions. La préservation de l’océan, à la fois si méconnu encore et si indispensable à la survie des humains sur la terre, est l’un de ces défis majeurs. Sous l’égide de l’ONU, la communauté scientifique internationale se mobilise fortement et développe ses travaux de recherche et d’innovation dans le souci de leur articulation étroite avec la gouvernance de l’océan.
Cet article a fait l’objet d’une première publication sur le site the conversation : https://theconversation.com/peche-p... le 6 février 2022
Yann Laurens , Aleksander Rankovic (IDDRI) – Où en est la biodiversité mondiale et comment enrayer son érosion ? - Décembre 2020
- Sept ans après son lancement officiel, la Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES), parfois surnommée « Giec de la biodiversité », a rendu publique le 6 mai 2019 son Évaluation mondiale de la biodiversité et des services écosystémiques . Le rapport de l’IPBES souligne, une nouvelle fois, que les tendances mondiales restent alarmantes ou s’aggravent. Préalablement à la COP 15, l’Iddri propose ici d’identifier et de faire ressortir quelques points qui lui paraissent particulièrement marquants dans l’Évaluation mondiale, et de pointer ce que ces résultats peuvent indiquer en termes d’action.
Liliane Duport – La biodiversité, une composante de la biosphère. - Avril 2020 / Janvier 2023
- La biodiversité est un des constituants de la biosphère, la condition de la vie sur la planète. Elle subit une sixième extinction massive de source anthropologique. L’article s’efforce de présenter ce que recouvre la biodiversité : définitions, services rendus, menaces, protection. La biodiversité ne rend pas seulement de simples services à sauvegarder comme le présente généralement les institutions mais un enjeu aussi fondamental, et finalement plus complexe, que le changement climatique et la lutte contre les GES.
Christiane Gilon, Glauco de Kruse Villas Bôas –Le REDESFITO– Réseau brésilien d’innovation en médicaments de la biodiversité . - Février 2016
- L’article présente brièvement la contribution d’un réseau tourné vers l’innovation dans le domaine des médicaments issus de la biodiversité. Les innovations du Réseau RedesFito naissent dans le cadre d’Arrangements ÉcoProductifs Locaux (AEPL) situés dans les principaux biomes brésiliens, réunis en une chaîne de production, organisés en réseau pour discuter et mettre en pratique leurs projets situés dans la perspective agroécologique.
Marie Chéron, Fanny Deleris – Face à l’érosion, quelle gestion durable de la biodiversité ? - Octobre 2012
- La prise de conscience de la finitude de la planète et de ses ressources amène à s’interroger sur les contraintes en termes de rareté des ressources et de capacités d’absorption de l’environnement. Face à une démographie ascendante dans les décennies à venir et un modèle de développement énergivore, consommateur de ressources et polluant, la question des limites est déterminante pour le développement socio-économique d’aujourd’hui et de demain. Les pressions et limites sont présentées en termes de stock disponible, d’accès, de coût d’exploitation et de qualité afin d’anticiper les enjeux économiques liés à l’utilisation de la ressource et enfin par rapport à leur potentiel de recyclage et d’optimisation.
Aurélien Boutaud, Natacha Gondran - Empreinte écologique : Comparer la demande et l’offre de ressources régénératives de la biosphère. - Décembre 2009
- Le postulat de cet article est que pour faire face aux crises écologiques planétaires actuelles, la société doit disposer d’informations lui permettant de comparer les pressions qu’elle exerce sur la biosphère mondiale face aux capacités de cette biosphère. Les travaux sur l’empreinte écologique visent à contribuer à cette réflexion. Les principes, méthodes, atouts et limites de cet indice sont discutés ci-dessous.
Fabrice Flipo – La nature. - Janvier 2009
- Ce qui est “nature” nous semble évident puisque… naturel. Pourtant ce qui est nature est difficile à définir : s’agit-il d’êtres, de normes ou de culture ? Selon les cas, la “protection de la nature” est à la fois absurde et évident, cet article tente d’en dénouer le fil.
Catherine Aubertin – Les compromis de la Convention sur la diversité biologique. - Mai 2006
- L’érosion de la biodiversité, conjuguée à l’essor des activités liées aux biotechnologies depuis le début des années 80, a rendu indispensable la mise en place d’un système de régulation internationale des ressources biologiques. Dans cette optique, la Convention sur la diversité biologique (1992), objet de nombreux compromis, s’est efforcée de concilier des intérêts parfois divergents ou contradictoires (États, industries, populations autochtones), cherchant à instituer un nouvel ordre mondial où la logique marchande serait mise au service de la conservation.
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