Résumé
La Lorraine a traversé quatre décennies complexes pour son économie, succession de crises et de reconversions. Elle est aujourd’hui une des régions de France où le taux de pauvreté est le plus élevé avec un taux de chômage structurel. Mais la Lorraine possède une formidable opportunité, celle de la transformation de son industrie. Cette conversion économique doit être en même temps écologique et sociale, soucieuse de réindustrialiser le territoire et de répondre aux enjeux d’un développement durable du territoire. Ceci amène tout à la fois à constituer des filières robustes pour une relocalisation des activités, à accompagner l’évolution des métiers, la reconversion professionnelle des salariés et finalement à penser différemment les finalités de l’activité productive. Cette fiche a été co-rédigée par Etienne Fernandez du Carrefour des pays lorrains et Ana Hours de 4D avec les contributions de la DREAL Lorraine, du CAPEMM et de l’association Orée.
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Une région à la croisée des chemins
La Lorraine se situe au cœur d’un carrefour culturel et historique marqué par son multiculturalisme, ses dynamiques transfrontalières et ses voies de communication. Cette position géostratégique lui confère des atouts pour s’engager vers un développement durable.
La Lorraine partage sa frontière avec trois autres pays, l’Allemagne, la Belgique, le Luxembourg. Ce territoire transfrontalier, encore appelé la « Grande région » est source d’un dynamisme économique important. Près de 100000 Lorrains (source Insee) traversent quotidiennement la frontière pour aller travailler. L’intensité frontalière qui n’a cessé de croître ces dernières années atténue l’impact de la crise sur le territoire lorrain et, améliore l’attractivité du territoire par les opportunités d’emploi qu’elle génère. Le Grand Duché, en proposant des emplois qualifiés et des niveaux de salaires élevés, concourt au maintien en Lorraine de populations diplômées et donc d’une plus grande mixité sociale. Toutefois, ce phénomène transfrontalier tend à creuser les inégalités entre les territoires et les populations. La part d’actifs frontaliers occupés augmente plus vite que l’emploi local. Les flux frontaliers se dirigent majoritairement et asymétriquement vers le Luxembourg. Le développement de la métropole luxembourgeoise polarise les compétences professionnelles et les entreprises, au détriment de la Lorraine. Certains territoires, pour lesquels 50% de leurs revenus sont d’origine frontalière, se trouvent de plus en plus dépendants de l’économie luxembourgeoise.
Par ailleurs, à proximité de la frontière, se concentrent et se développent les activités résidentielles. Leur implantation engendre une pression sur les prix du foncier. Les fonctions productives et l’emploi local s’en trouvent repoussés à l’intérieur des terres.
Repères régionaux
Population au 01/01/2010 - Estimation (milliers) 2 354,9 Part dans la population française métropolitaine (%) 3,7
Densité de la population : 100 hab./km2
Taux de chômage : 9,5% au troisième trimestre 2011
465 000 emplois sur l’ensemble du Sillon Lorrain, soit plus de la moitié des emplois lorrains. 11% des emplois lorrains en 2008 dans l’économie sociale et solidaire avec un taux de croissance de 4%/ an de ce secteur.
PIB 2008 : 57.5 milliards euros, 3% du PIB France
Revenu médian par unité de consommation 2008 (euros/uc) 17 425 soit 675 de moins que la moyenne française
Taux de pauvreté : 13.9%
1.6% de la population allocataire du RMI, correspondant à la moyenne nationale
Evolution de la surface totale bio par rapport à 2009 : +36,7% contre 25% au niveau national. Mais la Lorraine occupe le 13ième rang français avec 2,6% de sa SAU en bio.
Le Potentiel de Réchauffement Global (PRG) [1] est de 18,9 tonnes équivalent C02 à horizon 100 ans par habitant contre 9 tonnes pour la France.
Le bassin de vie de la Grande région se construit progressivement, s’y organise petit à petit une gouvernance spécifique, adaptée au territoire transfrontalier. La Lorraine est contrainte de penser son avenir et son développement à l’échelle de la Grande région.
Un territoire enclin à des déséquilibres de populations
Depuis 2006, malgré un solde migratoire déficitaire, la Lorraine présente un solde naturel excédentaire qui lui permet d’aspirer à une croissance démographique. Cependant, l’analyse prospective réalisée par l’Insee à l’horizon 2040 positionne la Lorraine à l’avant dernière place régionale en terme d’attractivité démographique, dressant le bilan à long terme d’un solde migratoire et naturel déficitaires. Selon cette étude, la Lorraine se trouverait confrontée à un vieillissement significatif de sa population, qui l’obligerait à penser différemment le développement de son territoire afin de répondre aux nouveaux besoins de celle-ci.
Par ailleurs, une grande partie de la population et de l’activité économique se concentre dans le sillon lorrain , ce qui contribue à renforcer l’axe Thionville-Epinal.
A partir de la crise industrielle, le développement des emplois transfrontaliers et de service en milieu urbain a laissé progresser une périurbanisation galopante (+ 22% en dix ans), tout en délaissant, malgré l’action de l’Etablissement public foncier de Lorraine, des friches en cœur de ville. Cette périurbanisation conduit à des espaces urbains déstructurés et a un impact paysager négatif. Cela génère à la fois une consommation importante d’espaces et une multiplication des déplacements pendulaires (fortes émissions de gaz à effet de serre). A ces problèmes environnementaux majeurs s’ajoute la baisse constante de la part modale du rail et du fluvial dans le transport de fret au profit de la route.
Un patrimoine écologique lorrain à valoriser
Les milieux naturels de Lorraine sont riches et variés (zones humides, prairies, forêts) mais sont en régression (intensification de l’agriculture et urbanisation croissante). Les espaces naturels protégés réglementairement augmentent mais insuffisamment au regard des enjeux de protection de la biodiversité. La Lorraine est également riche de ressources en eau, qu’elles soient issues de formations géologiques aquifères (Vosges mais également Meuse) ou dues à la densité du réseau hydrographique... Les apports pluviométriques importants (surtout sur le massif vosgien) assurent la pérennité de ces ressources.
Le territoire lorrain est par ailleurs marqué par les séquelles des activités industrielles passées - sites et sols pollués - dont la résorption complexe reste d’actualité. Ces zones dégradées sont inégalement réparties depuis les frontières belges et allemandes jusqu’au sud des Vosges. La Lorraine figure parmi les quatre premières régions françaises les plus concernées par la gestion, le traitement et la requalification des friches industrielles et des sites pollués et a entrepris de multiples efforts en ce sens.
Une région historiquement industrielle
L’image de la Lorraine se confond avec celle de son industrie lourde, celle des mines, des acieries et des fonderies, des hauts fourneaux. Aujourd’hui encore sur les 860 000 actifs occupés lorrains, 151 785 travaillent dans l’industrie. Avec plus de 23 000 emplois et plus de 100 entreprises, la Lorraine se classe comme 1ière région équipementière automobile française en termes d’effectifs (source FIEV). Elle demeure également une des premières régions textiles de France (60% de la production cotonnière nationale) même si ce secteur a perdu de son importance localement et nationalement.
C’est le secteur tertiaire (commerce, emplois de services, médecine…) qui fournit aujourd’hui le plus grand nombre d’emplois avec près de 70 % des actifs. Ce phénomène, que l’on retrouve dans toute la France, a tendance à s’accélérer avec le développement de l’économie présentielle [2] liée aux travailleurs transfrontaliers et, de manière générale, aux travailleurs pendulaires : des emplois productifs au Luxembourg créent des emplois présentiels en Lorraine.
La Lorraine a traversé quatre décennies complexes pour son économie, succession de crises et de reconversions. Elle est aujourd’hui une des régions de France où le taux de pauvreté est le plus élevé avec un taux de chômage structurel. Mais la Lorraine possède une formidable opportunité, celle de la transformation de son industrie. A partir du socle industriel, sidérurgie, matériaux, automobile, chimie, la région peut faire apparaître de nouvelles filières industrielles, de nouveaux produits. Elle peut devenir un territoire privilégié d’une transition vers une économie écologique et non marchande.
Pratiques territoriales de développement durable : les acteurs lorrains ne manquent pas d’ambition
En Lorraine, les pratiques territoriales sont soutenues par le comité régional Agenda 21 de Lorraine (COREG), créé en 2008. Coprésidé par la Préfecture et le Conseil régional, et composé d’une cinquantaine d’entités dont des représentants de l’État et de ses établissements publics, des collectivités, de la société civile, des associations, il a également en charge le suivi de la territorialisation du Grenelle en Loaine.
Sur le territoire lorrain, plusieurs démarches s’inscrivent dans une stratégie de réhabilitation des friches industrielles porteuse d’innovions.
Les échanges, la valorisation d’actions et l’expérimentation sont des préoccupations constantes du COREG. Cela se traduit par :
- des réunions d’échange thématiques : par exemple sur rapport développement durable des collectivités de plus de 50000 habitants ;
- des colloques de sensibilisation sur le volet social des agendas 21 et sur les agendas 21 scolaires (l’automne 2012) ;
- une professionnalisation des acteurs à l’élaboration des agendas 21 locaux grâce à la collaboration entre les centres de formation du Ministère en charge du développement durable et des Collectivités (CNFPT) ;
- une expérimentation d’évaluation participative par 5 collectivités locales.
En 2009, le COREG participait au processus de concertation local d’élaboration de la Stratégie nationale de développement durable (SNDD). En 2012, il s’engage à co-construire un rapport « Développement durable en Lorraine » à partir des 9 défis de la SNND. De nombreux acteurs sont parties prenantes de ce travail collectif, certains y ont un rôle particulièrement actif, en tant que « pilotes défi » : DREAL Lorraine, CETE de l’Est, les Départements de Meurthe et Moselle (54), des Vosges (88), le Conseil régional de Lorraine, la Communauté urbaine du Grand Nancy, l’Association Carrefour des Pays lorrains, le Graine Lorraine, le Parc naturel de Lorraine, le Centre national d’innovation de la Chambre des métiers et de l’artisanat (CNIDEP)54, la Communauté de communes du bassin de Pompey.
Plus d’informations sur la plateforme Internet du COREG :
http://www.lorraine.developpement-d...
L’enjeu d’une réindustrialisation écologique
La Lorraine, un territoire industriel en crise …
Le territoire industriel lorrain reste fragile. Les différents secteurs économiques, même diversifiés, sont sensibles à la conjoncture internationale alors que l’emploi transfrontalier occupe désormais une place prépondérante accompagnée d’une certaine dépendance.
La région reste spécialisée dans l’automobile, la chimie et les biens intermédiaires, et la production est relativement faible dans les biens de consommation et les biens d’équipement. Les crises économiques et financières qui se sont succédées depuis 2008 ont accentué la fragilité du tissu productif lorrain (chute de 32 % des exportations). Après la crise de la sidérurgie des années 1980, la Lorraine connait depuis les années 2000 une nouvelle période de désindustrialisation (disparition de près de 25 000 emplois en 2008 et 2009). C’est la région française qui a été la plus touchée au cours de cette période. C’est l’emploi industriel (- 9,6 % de 2008 à 2009) qui a le plus souffert de la crise, renforçant un processus d’autant plus mal ressenti qu’il touche à la spécificité de l’emploi lorrain. Depuis 2001 la Lorraine a perdu 48000 emplois industriels (source Insee).
La Meuse © Patricia Marais - MEDDTL
Des bassins mono industriels, héritages des maîtres de forge, marquent pourtant encore l’organisation des territoires. Les secteurs les plus touchés par la crise sont les bassins d’emploi de Longwy, Remiremont-Gérardmer, Bar-le-Duc et Sarreguemines (- 7 à - 9 % d’emplois) mais toute la région est concernée avec des dommages plus limités sur les zones de Nancy, Toul, Lunéville et Briey (- 2 à - 3 %). En résumé, pendant que la France gagnait 1 500 000 emplois, la Lorraine a perdu 6 000 emplois dans les dix dernières années. Et le taux de pauvreté de la région est un des plus élevés de France.
Le chômage progresse en Lorraine et touche en priorité les hommes et surtout les jeunes sans qualification (43 % d’augmentation du chômage des jeunes) et les plus de 50 ans. Les caractéristiques de ce chômage peuvent inquiéter puisqu’il apparaît de plus en plus comme un phénomène structurel et non plus uniquement conjoncturel. L’augmentation de 72 % du chômage de longue durée en est un signe tangible et un marqueur de la dégradation du marché local de l’emploi. Au 3ème trimestre 2011, on comptait plus de 9,8% de la population active lorraine au chômage soit 0,4 points de plus que la moyenne nationale.
… qui rend pressante la conversion écologique et sociale de son économie.
En Lorraine sans doute de façon encore plus pressante que pour le reste de la France, la nécessité de se tourner vers une économie du futur se fait sentir avec force. L’enjeu est de s’appuyer sur la tradition industrielle de ce territoire, de conforter sa fonction productive pour entamer une reconversion industrielle vertueuse. Il s’agit d’engager une réindustrialisation ancrée dans le territoire régional, créatrice d’emploi de qualité. Mais l’avenir industriel passe par le développement de méthodes productives économes en ressources naturelles et énergétiques, qui optimisent leur utilisation, qui fassent sienne la logique circulaire du recyclage où les déchets deviennent des matières premières. Il s’agit de rompre avec un modèle industriel fortement polluant.
Le profil environnemental de la région stipule que la Lorraine figure parmi les régions françaises les plus émettrices pour un nombre important de polluants : monoxyde de carbone (CO), chrome (Cr), dioxyde de soufre (SO2), particules fines inférieures à 2,5μm (PM 2.5), méthane (CH4), cadmium (Cd) et plomb (Pb), particules fines inférieures à 10μm (PM10), hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), oxydes d’azote (N02) et composés organiques volatils non méthaniques (COVNM). Cette situation tient notamment à l’importante concentration industrielle, à la présence des centrales thermiques mais aussi au trafic automobile local. Par ailleurs l’industrie lorraine reste fortement émettrice de gaz à effet de serre : 42% des émissions de GES provenaient du secteur industriel en 2005.
Cette conversion économique doit donc être en même temps écologique et sociale, soucieuse de réindustrialiser le territoire mais également soucieuse de répondre aux enjeux d’un développement durable du territoire. Ceci amène tout à la fois à constituer des filières robustes pour une relocalisation des activités, à accompagner l’évolution des métiers, la reconversion professionnelle des salariés et finalement à penser différemment les finalités de l’activité productive.
Structuration de la filière bois et développement de l’écologie industrielle ou comment rendre cohérentes industrialisation et optimisation des ressources naturelles
D’une structuration des filières…
La structuration des filières régionales est un aspect important de ce changement de modèle productif. Il s’agit d’organiser la complémentarité entre les acteurs économiques afin que le cycle de production soit cohérent, que ses différentes étapes, de l’extraction de la ressource à sa consommation en passant par sa transformation soient territorialisées. En matière d’éco construction et de production d’énergie par exemple, la structuration de la filière bois est en plein développement en Lorraine. Région de tradition forestière, elle occupe 24 000 salariés dans la filière de l’amont à l’aval. Elle dispose d’importants atouts naturels et d’un positionnement favorable dans de nombreux domaines, puisqu’elle occupe parmi les régions françaises :
- le 5ème rang pour le taux de boisement,
- le 2nd rang pour la certification forestière,
- le 4ème rang pour la récolte de résineux (6%), Elle accueille par ailleurs le 1er pôle d’enseignement et recherche forêt-bois français.
Le projet d’Institut d’excellence pour des énergies décarbonées (IEED) est emblématique de cette volonté de se tourner vers une industrie écologique. Intitulé WISE (Wood Innovation for a Sustainable Economy) il vise à développer la valorisation industrielle du bois [3]. Projet régional d’institut d’excellence dans le domaine des énergies décarbonées, WISE est porté par le Pôle de recherche et d’enseignement supérieur de l’Université de Lorraine et animé par le Pôle Fibres. Il a pour finalité le « développement d’une activité économique pluridisciplinaire centrée sur le bois » explique Jérôme Michel, directeur de projet au sein du Pôle Fibres. « Renouvelable et biosourcé, le matériau bois est au cœur de la réflexion en matière de réduction de l’empreinte carbone. Il va jouer un rôle central dans l’après-pétrole et dans l’émergence d’industries biosourcées ». « Il faut développer la ressource bois dans l’industrie et lui donner du sens. Dans le domaine de la construction durable, nous devons par exemple concevoir des systèmes constructifs innovants, trouver de nouveaux modèles économiques, tenter de nouvelles expériences (filière courte par exemple). En matière de chimie, qui est l’un des 4 piliers de l’IEED, l’idée, là aussi, est de fournir de nouvelles solutions de gisement en utilisant les molécules contenues dans le bois. Ces produits intéressent les secteurs de la cosmétique et de la pharmacie mais aussi celui du bâtiment (colles vertes par exemple), de l’automobile ou encore de l’aéronautique (allégement des structures, recyclabilité figurent parmi les propriétés qui occupent l’industrie). »
à la mise en œuvre de démarches d’écologie industrielle
Aller au bout de cette logique de valorisation des ressources locales et d’optimisation des flux de matière implique de s’engager dans des stratégies de territoire intégrées. Si le travail sur les filières est essentiel, le développement de synergies éco-industrielles l’est tout autant. Les démarches d’écologie industrielle sont un outil incontournable pour ancrer le développement durable sur les territoires. L’écologie industrielle s’inspire du fonctionnement cyclique des écosystèmes naturels et analyse les activités industrielles comme un écosystème. Ainsi à l’image du fonctionnement des chaînes alimentaires dans le milieu naturel, les résidus de production d’une activité peuvent devenir une ressource pour une autre activité. Les entreprises peuvent réutiliser entre elles, ou avec les collectivités voire les particuliers, les déchets, coproduits, effluents, énergies fatales ou développer des solutions communes
Création d’une filière de production de biomasse végétale, le projet Lorver
La région Lorraine compte de nombreuses surfaces abandonnées, autrefois occupées par des industries. Ces zones représentent un potentiel économique valorisable sous-estimé. Impulsé par le cluster Ecopôle Lorraine (créé en 2008 à l’initiative de la Région), le projet LORVER consiste à créer une filière de production de biomasse végétale à partir de sites et de matériaux délaissés, permettant ainsi la requalification durable de friches industrielles. Cette démarche s’inscrit dans le respect des principes de développement durable. La biomasse générée conduira :
- à la production d’énergie renouvelable (chaleur et électricité) par pyrolyse
- à la production de charbon (biochar) destiné à diverses applications environnementales à partir du procédé de pyrolyse
- à l’élaboration de produits dérivés tels que des matériaux fibreux et à l’extraction d’éléments d’intérêt économique (métaux, éléments nutritifs, etc.)
Pour développer cette filière en Lorraine, LORVER s’est constitué en un consortium composé de 4 entreprises et 9 laboratoires avec des compétences sur le développement de techniques innovantes de dépollution sur site et de réhabilitation de sites dégradés, la culture et valorisation de chanvre industriel, la revalorisation des terrains délaissés et leur adaptation pour assurer une production végétale économiquement rentable… En termes de retombées économiques, ce programme génère directement la création de 15 nouveaux emplois. On estime l’embauche supplémentaire de 30 à 45 personnes d’ici 5 ans. LORVER est soutenu financièrement par le Conseil régional de Lorraine et le FEDER.
L’association Orée, tête de réseau française en la matière la définit comme une démarche opérationnelle pour mettre en œuvre le développement durable : « Les entreprises ont aujourd’hui intérêt à optimiser la gestion de leurs flux de production, et à améliorer leurs pratiques environnementales. Pour les acteurs publics, une idée-force est de tendre vers des circuits économiques courts, à l’échelle d’un territoire, d’une filière, d’une zone urbaine, d’une zone d’activités… Autant de sous-systèmes industriels dont l’analyse des flux entrants/sortants de matière et d’énergie va permettre de mettre en évidence les synergies potentielles mais également de révéler des opportunités de développement.
Développement de l’économie circulaire, le projet Ecorévia
Cette plateforme d’innovation dédiée aux technologies du recyclage répond à des enjeux économiques et environnementaux. Situé à Toul sur le site de l’ancienne usine Kleber, ce pôle de compétence avec une ambition européenne regroupe 4 activités : recherche et développement, industrialisation, animation promotion et formation. 36 adhérents sont d’ores et déjà parties prenantes de la plateforme. Une priorité est donnée sur certains matériaux, caoutchoucs, plastiques et produits fibreux et sur deux secteurs stratégiques, le transport en 1er lieu l’automobile et le bâtiment (construction, rénovation, déconstruction). Une quinzaine de projets collaboratifs sont d’ores et déjà engagés. Parmi eux a été créée en 2011 une société d’exploitation de pilotes industriels pour la valorisation de produits et sous-produits coaoutchoutiques, sur le site de Toul, Valorène. Elle s’appuie sur des partenariats forts : université de Lorraine, fédération des entreprises de recyclage, Michelin, la chambre régionale de commerce et d’industrie de Lorraine et le laboratoire LRCCP.
Sur le plan économique, les déchets constituent une manne commerciale significative pour les entreprises, puisqu’ils représenteront à terme une part importante des ressources utilisées par les process industriels, compte tenu de la progression des prix des matières premières. D’autre part les opérations de mutualisation de moyens liées à la massification des flux sont synonymes d’économies d’échelle et de réduction des coûts. » [4] Concrètement, la mise en œuvre de synergies éco-industrielles peut concerner :
- la valorisation / l’échange de flux industriels (eaux industrielles, déchets et coproduits, biens, etc.) ;
- la mutualisation de services aux entreprises (approvisionnement, gestion collective des déchets, collecte et réutilisation des eaux pluviales, transport, etc.) ;
- le partage d’équipements (chaudière, production de vapeur, unité de traitement des effluents, etc.) ou de ressources (emplois en temps partagés, etc.) ;
- la création de nouvelles activités (activités d’interface nécessaires à la valorisation des sous-produits, développement de produits ou services à partir d’une nouvelle ressource identifiée, etc.).
En Meurthe et Moselle, le CAPEMM, outil économique du Conseil général de Meurthe et Moselle vise à faire de l’écologie industrielle une voie intéressante pour expérimenter des démarches de développement durable des territoires. Dans le Toulois, sur un territoire regroupant 100 communes, 12 communautés de communes et 140 000 habitants, le CAPEMM engage une démarche d’écologie industrielle. La structure de l’activité économique a connu de forts bouleversements ces dernières années avec la fermeture de l’usine de pneu Kléber qui employait 900 personnes et le départ d’une unité militaire et hospitalière. Ce territoire dispose de plusieurs atouts pour mettre en place une démarche intégrée de ce type. En effet, intégré au Pays Terres de Lorraine, il bénéficie d’une position stratégique favorable à l’intersection des grandes infrastructures de communication : la liaison ferroviaire Paris Strasbourg TGV Est, l’A31 Luxembourg ainsi que la Moselle canalisée à grand gabarit reliée aux ports de mer du Nord. Par ailleurs, dans le cadre de la reconversion post Kléber initiée par le CAPEMM, ECOREVIA plateforme portant sur les métiers du recyclage est en cours de création en lien avec le monde économique et les laboratoires de recherche de l’agglomération nancéenne. Elle constitue un atout pour développer de nouveaux produits, former les hommes aux métiers de l’éconologie (économie de l’écologie) et créer un environnement propice aux collaborations d’entreprises.
Aussi l’un des enjeux de ce territoire est de proposer aux entreprises un foncier à haute qualité environnementale et de réussir la mutation des modes de production des entreprises implantées. Elles sont aujourd’hui essentiellement centrées sur le transport logistique avec plusieurs PME importantes, le BTP qui emploie 10% des salariés de la zone d’activité, les matériaux et la métallurgie, le papier qui reste le plus gros employeur privé du territoire sur un secteur malgré tout fragilisé et enfin l’agroalimentaire et l’agriculture domaine à fort potentiel, dans un contexte rural et agricole marqué, avec d’importantes surfaces agricoles et une tradition collective et mutualiste. Mais au-delà cette zone d’activité économique engage une mutation de son tissu industriel en accompagnent l’installation d’éco-activités sur les filières bois, énergie et le secteur du recyclage.
Une reconversion économique qui appelle à des reconversions professionnelles
La transition vers une économie écologique implique d’accompagner l’évolution des métiers. Il s’agit d’anticiper les restructurations industrielles et leurs impacts sur l’emploi, d’adapter les compétences au regard des évolutions du contexte et de sécuriser les parcours individuels. La gestion prévisionnelle des emplois et des compétences animée par une collectivité, vise à construire avec les acteurs les outils nécessaires pour adapter le territoire aux mutations socio-économiques. Dans une perspective d’anticipation, d’aide à la décision, la GPEC doit être intégrée dans une démarche prospective élargie afin de fédérer l’ensemble des acteurs autour d’un projet commun. La collectivité joue un rôle de coordination entre les structures et les acteurs et un rôle d’impulsion d’une politique d’élévation des compétences sociales (et notamment via la formation tout au long de la vie) et des capacités de management territorial du territoire. Pour gagner en pertinence, la GPEC doit se construire par un processus collaboratif regroupant un certain nombre d’entreprises du territoire, de partenaires institutionnels, d’associations, d’individus. Il s’agit également de faire émerger un territoire porteur d’initiatives pérennes. De la GPEC découle une politique démographique, d’accueil de maintien de nouvelles populations.
Développer des formations aux nouveaux métiers
Des structures lorraines de statuts différents mais ayant des projets en lien avec l’écoconstruction, l’écoréhabilitation et la maitrise de l’énergie ont lancé une démarche de mise en réseau. Elles collaboreraient grâce à une plateforme qui leurs permettrait de coordonner leurs différentes actions d’information et de formation et de les tester. Par exemple, un espace dédié aux formations à l’écoconstruction pourrait accueillir les manifestations d’une association de sensibilisation à l’écoconstruction. L’association « La pierre angulaire » est à ce jour la structure qui serait au centre de cette mise en réseau. Les structures partenaires sont pour l’instant :
- la collectivité de la haute Saulx en charge du projet d’Ecurey (cf encadré ),
- la Communauté de communes de la Haute Meurthe et la Maison de l’emploi de la Déodatie à l’initiative du projet de pôle d’écoconstruction des Vosges qui proposera différents espace sur un site industriel reconverti : accueil et développement d’entreprises travaillant sur l’écoconstruction, la formation et démonstration des techniques, l’animation et le show-room, la présentation d’habitations écoconstruites aux normes RT 2012.
- l’association Arbracoop qui travaille sur la mise en place d’actions de développement durable avec un axe d’accompagnement de personnes qui ont un projet de réhabilitation et de la sensibilisation à l’efficacité énergétique dans la réhabilitation.
Accompagner la conversion de la filière bâtiment en Déodatie, le projet Vert’batim
L’ADEME et l’Alliance Ville Emploi (réseau des Maisons de l’Emploi et des Plan local pour l’insertion et l’emploi -PLIE) ont engagé sur 33 territoires, dont la Déodatie [5] , un projet ‘développement durable’ visant à :
- Conduire dans chacun des territoires un diagnostic sur les opportunités et les freins de la filière bâtiment, en relation avec la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement
- Affiner au niveau territorial, les compétences et les qualifications qui seront requises pour occuper les emplois induits par les mesures prises dans le cadre du Grenelle.
- Elaborer et conduire des plans d’actions territoriaux afin de faciliter sur le territoire la réalisation des objectifs du Grenelle, et faire en sorte que ces emplois soient pourvus, autant que faire se peut, par des personnes sans emploi ou dont les emplois sont menacés.
- Permettre une accélération des anticipations de l’ensemble des acteurs.
Un plan d’action comportant 8 actions a été co-construit par plus de 40 partenaires réunis au cours de l’année 2011, pour une mise en œuvre en 2012 et 2013. Ce plan d’action vise à répondre à 4 objectifs spécifiques :
- contribuer à la formation des actifs ;
- favoriser l’insertion des publics les plus éloignés de l’emploi ;
- contribuer à la structuration de la filière et favoriser les coopérations entre entreprises ;
- sensibiliser les actifs et les habitants du territoire.
La plupart de ces actions sont liées au Pôle de l’Eco-Construction des Vosges situé à Fraize, qui a lui-même pour objectifs :
- de créer un quartier d’habitat exemplaire ;
- d’offrir aux habitants et aux actifs l’information sur l’éco-construction, avec un espace ludique et pédagogique pour les enfants ;
- de proposer une plateforme de formation à l’ITE pour les salariés, demandeurs d’emploi ;
- d’accueillir des entreprises engagées dans la démarche d’éco-construction / éco-rénovation, et de leur proposer une structuration sous forme d’association ou de SCIC leur permettant de se développer sur de nouveaux marchés (notamment celui de l’amélioration de l’habitat des foyers en situation de précarité énergétique).
Vivre bien ou penser différemment les finalités de l’activité productive pour répondre aux besoins de la population, le projet « Ecurey, Pôles d’avenir »
Ecurey est un hameau du village de Montiers-sur-Saulx dans lequel les Cisterciens installées en une abbaye depuis le 12ème siècle ont au 15ème siècle diffusé les techniques de la métallurgie
en utilisant le minerai de fer présent à proximité. A partir de 1830 et jusqu’en 1985, le site a été industrialisé par l’installation d’une fonderie d’art et d’ornement. . En 1985, la fonderie a fait faillite et l’usine est restée en friche. En 2009, un groupe d’élus et d’habitants ont travaillé durant un an pour concevoir un projet de réhabilitation de la friche. La démarche était accompagnée par un sociologue et a consisté à croiser deux axes de réflexion :
- Quelle place cette friche industrielle occupe-t-elle dans notre présent ? En quoi la conserver a-t-il du sens ?
- De quoi avons-nous besoin pour bien vivre dans nos villages ?
La volonté de conservation d’un patrimoine industriel n’était pas évidente pour tous. L’usine fermée en 1985 représentait pour certains un passé douloureux, la fin d’une époque. Pour d’autres, en particulier issu du milieu agricole, elle n’évoquait aucun attachement particulier et n’était que le témoignage d’une histoire qui ne les avait guère concernés. Le groupe a proposé de créer un Centre d’expérimentation du Développement durable en milieu rural autour d’un vaste partenariat public privé, pôle d’excellence rurale depuis 2011, organisé en 4 pôles :
- Le pôle de formation autour de l’éco construction L’habitat traditionnel est construit à partir de matériaux locaux. Retrouver leur usage, étudier leurs performances au regard des normes actuelles, réapprendre d’anciens savoir-faire et développer de nouvelles techniques pour leur mise en œuvre contribuent à créer une excellence locale chez les professionnels du bâtiment.
- Le pôle d’innovation, d’expérimentation, de sensibilisation au développement durable Le Centre d’expérimentation est un lieu pour tester, former, informer, échanger et construire :
- Tester : des entreprises, des chercheurs peuvent tester leurs nouveaux produits : éco-matériaux, nouvelles filières agricoles, autres modes énergétiques
- Former : des entrepreneurs, des salariés, des étudiants pourront se former à la mise en œuvre de nouveaux matériaux et de nouvelles cultures.
- Informer, sensibiliser : un espace de sensibilisation au développement durable permet au grand public de découvrir de nouveaux modes agricoles, de nouvelles façons de rénover, de nouveaux matériaux etc., et de comprendre comment ces innovations s’inscrivent dans un développement durable.
- Echanger et co-construire : le site d’Ecurey veut être un lieu de rencontre pour des publics différents (Agriculteurs, Etudiants, artisans, touristes…), afin de conduire une réflexion sur comment chacun est acteur du développement durable et peut influencer l’activité de son voisin.
Est également mis en place un pôle filière agricole afin de développer d’autres modes agricoles, d’autres types de cultures et favoriser les circuits courts et un pôle culture avec un espace muséographique et un espace de création pour des artistes en résidence.
La mutation de l’économie lorraine suppose en même temps de tourner les activités productives vers des productions écologiques et d’engager un processus d’ancrage des activités économiques sur le territoire. La structuration des filières, la mise en place de démarches d’écologie industrielle la formation et l’accompagnement des initiatives participent de cette relocalisation de l’économie.
- Les auteurs remercient pour leur aide précieuse : Claude Grivel (Conseil régional Lorraine), Richard Marcelet (DREAL), Eric Marion et Catherine Mengel (Capemm), Paul Schalchli (Orée) Logos : Carrefour des pays lorrains, DREAL Avec l’appui de la Caisse des dépôts
Notes
(pour revenir au texte, cliquer sur le numéro de la note)[1] Le Potentiel de Réchauffement Global (PRG) exprime la contribution de chaque habitant a l’augmentation de l’effet de serre, en tonnes équivalent CO2. Le niveau estime de développement durable (1,8 teq CO2) montre bien la nécessite d’appliquer le « facteur 4 » avec un effort très important en Lorraine dont le PRG par habitant. Ceci s’explique par la densité de population importante, et par le poids de l’industrie et des flux de transports qui traversent la Lorraine.
[2] « Les activités présentielles sont les activités mises en œuvre localement pour la production de biens et de services visant la satisfaction des besoins de personnes présentes dans la zone, qu’elles soient résidentes ou touristes. », Insee, Définitions et méthodes http://www.insee.fr/fr/methodes/default.asp?page=definitions/sphere.htm.
[3] Source : Eureka Lorraine http://eureka.lorraine.eu/jahia/Jahia/lang/fr/pid/1968?actu=19644.
[4] L’écologie industrielle », Paul Schalchli in Encyclopédie du développement durable. http://encyclopedie-dd.org/encyclopedie/economie/l-ecologie-industrielle.html
[5] La Déodatie désigne la région de Saint-Dié-des-Vosges http://fr.wikipedia.org/wiki/Saint-Di%C3%A9-des-Vosges .
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