Quelles agricultures “durables” pour nourrir correctement l’humanité ?

1er décembre 2010

Résumé

De façon à répondre aux exigences d’économies d’échelle manifestées par les grandes firmes semencières et agroindustrielles, nombreuses ont été les agricultures ayant connu des évolutions non compatibles avec les exigences du développement durable, tant par la dégradation des agro-écosystèmes qu’elles occasionnent que par les injustices et le sous-emploi qu’elles induisent. Les systèmes de production agricole inspirés de l’agro-écologie peuvent constituer une alternative à ces conceptions strictement “productivistes”, tout en permettant de satisfaire durablement les besoins chaque jour plus diversifiés d’une population mondiale croissante.

Auteur·e

Dufumier Marc

Professeur émérite à l’AgroParisTech.
Président de la plateforme pour le commerce équitable (PFCE), Président de la Fondation René Dumont.
Il est l’auteur de nombreux ouvrages dont récemment Famine au Sud, Malbouffe au Nord, (Édition NiL ; Paris 2012) et 50 idées reçues sur l’agriculture et l’alimentation. (Allary éditions ; Paris 2014).


 La pauvreté, cause de la faim dans le monde

Notre planète compte déjà près de 6,9 milliards d’humains et plus d’un milliard de personnes n’ont toujours pas accès aux 2200 kilocalories dont elles auraient quotidiennement besoin pour ne pas souffrir de sous-alimentation. Nous serons sans doute un peu plus de 9 milliards d’habitants en 2050 et la souhaitable élévation du niveau de vie des plus pauvres risque d’aller de pair avec une consommation accrue de produits animaux (lait, œufs et viandes) dont la fourniture va exiger une augmentation encore plus rapide des productions de céréales, tubercules, protéagineux et fourrages grossiers. Il faut en effet entre 3 et 10 calories végétales pour produire une calorie animale. À quoi s’ajoute aussi d’ores et déjà une demande croissante en matières premières d’origine agricole de la part des autres secteurs de l’économie (transports, construction, textile, pharmacie, parfums, agro-carburants, etc.).

Mais plus que le manque de disponibilités alimentaires à l’échelle mondiale, c’est la pauvreté qui explique pourquoi tant de personnes souffrent encore de la faim ou de la malnutrition dans le monde. On considère en effet que pour nourrir correctement l’ensemble de l’humanité, il faudrait une production annuelle d’environ 200 kilogrammes de céréales, ou son équivalent en racines, tubercules et autres plantes amylacées. Or la production mondiale est d’ores et déjà de 330 kilogrammes par an. Le problème est que les populations les plus pauvres de la planète ne parviennent toujours pas à se les procurer pour leur alimentation alors même qu’une part croissante des productions végétales est vendue sur des marchés solvables pour alimenter des animaux en grains ou abreuver des voitures en agro-carburants. Ainsi en est-il par exemple des familles qui fréquentent les “restaurants du cœur” en France ; mais ainsi en est-il aussi de très nombreux ménages dans les pays du “Sud”, que ceux-ci aient une balance commerciale agricole déficitaire (Afrique sub-saharienne, Bengladesh, pays andins, îles des Caraïbes, etc.) ou excédentaire (Brésil, Argentine…).

Pour plus des deux tiers, les populations mal nourries dans le monde sont des paysans du “Sud” dont les trop bas revenus ne leur permettent pas d’acheter suffisamment de nourriture ou de s’équiper en matériels pour produire par eux-mêmes de quoi manger. Le dernier tiers est constitué de familles qui ont quitté prématurément la campagne, faute d’y voir été compétitives, et qui ont donc rejoint prématurément les bidonvilles des grandes cités sans pouvoir trouver dans celles-ci les emplois espérés. La pauvreté des campagnes alimente un exode rural de plus en plus massif, alors même que les industries les plus modernes ne procurent que de trop rares emplois.

Le problème est que les paysans du “Sud” dont l’outillage est encore trop souvent exclusivement manuel ne parviennent que difficilement à résister à la concurrence des plus grandes exploitations agricoles moto-mécanisées du “Nord”, de l’Argentine ou du Brésil, dont la productivité du travail est plus de deux cents fois supérieure à la leur. Ils ne parviennent donc guère à dégager des revenus suffisants pour nourrir correctement leurs familles et équiper leurs exploitations. La question alimentaire ne sera donc finalement résolue que si les paysanneries du “Sud” parviennent à sortir de leur pauvreté actuelle en augmentant leur propre productivité, de façon à pouvoir produire ou acquérir par elles-mêmes suffisamment de nourriture, acheter les autres biens de consommation de première nécessité, épargner et acquérir les équipements les plus favorables à la mise en œuvre de systèmes de production agricole “durables”. Cela ne sera possible que lorsque les gouvernements du Sud parviendront à protéger leurs agricultures vivrières par des droits de douane conséquents, comme l’Europe de l’ouest l’a fait elle-même avec succès au lendemain de la deuxième guerre mondiale.

 Doubler la production alimentaire sans “externalité négative”

Le défi sera de parvenir à un doublement de la production végétale dans les campagnes du “Sud” et d’y assurer des emplois suffisamment rémunérateurs, en moins de 4 décennies, tout en s’adaptant aux conséquences de l’inévitable réchauffement climatique. À quoi s’ajoute le besoin urgent de diminuer autant que possible les émissions de gaz à effet de serre (dioxyde de carbone, méthane, protoxyde d’azote), de séquestrer le maximum de carbone dans la biomasse et les sols, et de préserver ou restaurer les potentialités productives (la “fertilité”) à long terme des écosystèmes cultivés et pâturés. Il conviendra en particulier d’éviter l’érosion de la biodiversité sauvage et domestique, la dégradation des terres arables, et la prolifération intempestive d’éventuels prédateurs ou agents pathogènes nuisibles aux plantes cultivées et aux animaux d’élevage.

Or on sait que bien des formes d’agricultures pratiquées jusqu’à présent, au “Sud” comme au “Nord”, ne satisfont pas à ces exigences de “durabilité”. De façon à rester compétitifs dans la concurrence mondiale et répondre aux exigences des firmes agroindustrielles, nombreux ont été en effet les agriculteurs qui ont spécialisé et mécanisé exagérément leurs systèmes de culture et d’élevage, de façon à produire massivement un nombre trop limité de produits standards, avec pour effet de fragiliser les agro-écosystèmes et d’occasionner de très nombreuses “externalités négatives” :

  • le recours inconsidéré aux énergies fossiles (produits pétroliers et gaz naturel) pour le fonctionnement des tracteurs et autres engins motorisés (moissonneuses-batteuses, motopompes, ensileuses, broyeurs divers, etc.) ainsi que pour la fabrication des engrais azotés de synthèse (urée, nitrates d’ammonium, etc.) ;
  • les émissions croissantes de gaz à effet de serre : gaz carbonique produit par la combustion des carburants, méthane issu de la rumination de nombreux herbivores, protoxyde d’azote dégagé lors de l’épandage des engrais azotés, etc. ;
  • l’affaissement de nappes phréatiques au sein desquelles on a pompé exagérément de eau pour les besoins de l’irrigation, de l’abreuvement des troupeaux et de l’entretien des bâtiments d’élevage ;
  • la propagation de maladies ou de parasites véhiculés par certaines eaux d’irrigation (bilharziose, paludisme, etc.) ;
  • la pollution des aliments, de l’air, des eaux et des sols, par les engrais, les produits phytosanitaires et les hormones de croissance ;
  • la perte de biodiversité résultant de l’élargissement inconsidéré des surfaces cultivées ou pâturées, aux dépens de divers écosystèmes “naturels” ;
  • la prolifération d’insectes prédateurs résistants aux pesticides, la multiplication d’herbes adventices dont les cycles de développement sont apparentés à ceux des plantes trop fréquemment cultivées, sans véritable rotation culturale ;
  • l’épuisement des sols en certains oligo-éléments, la salinisation des terrains mal irrigués et insuffisamment drainés,
  • etc.

 Les dangers d'une spécialisation exagérée des systèmes de production agricole

Depuis un peu plus d’un siècle dans les pays du “Nord” et une cinquantaine d’années dans les pays du “Sud”, les spécialistes de “l’amélioration” végétale et animale ont entrepris de ne sélectionner qu’un nombre limité de variétés végétales et de reproducteurs animaux en fonction de critères relativement standards et universels : capacité des plantes à bien intercepter les rayons du soleil pour les besoins de la photosynthèse, résistance à la verse, insensibilité au photopériodisme, homogénéité des gabarits et des compositions chimiques des produits destinés à être travaillés à la chaîne dans les industries agricoles et alimentaires, etc. Mais de façon à rentabiliser au plus vite les investissements réalisés dans la sélection génétique, il a fallu ensuite bien souvent créer les conditions nécessaires à leur utilisation à grande échelle, dans un maximum de régions, au prix d’une simplification exagérée des écosystèmes. Là où la sélection massale contribuait autrefois à sélectionner des variétés et des races appropriées aux divers environnements, il convient désormais d’adapter les agro-écosystèmes à un faible nombre de cultivars et de races animales, au risque de les simplifier et de les fragiliser à l’extrême.

1.

Soucieux d’accroître sans cesse le retour sur investissement des capitaux immobilisés au sein de leurs exploitations, les agriculteurs n’ont presque toujours développé qu’un nombre limité de systèmes de culture et d’élevage, de façon à amortir au plus vite leurs équipements et à bénéficier d’un maximum d’économies d’échelle. Ainsi en a-t-il été tout particulièrement dans les latifundiums d’Amérique latine et d’Afrique australe : plantations d’agrumes ou de canne à sucre intégrées à de puissants complexes agro-industriels, immenses bananeraies sous l’emprise de quelques compagnies multinationales, gigantesques fazendas ou haciendas d’élevage extensif, etc. Au cœur de la pampa argentine et des savanes intérieurs du Brésil, les gérants des grandes exploitations dédiées aux seules cultures de maïs et de soja font de plus en plus appel à de puissants engins motorisés et le passage répété des tracteurs et engins à disques n’est pas sans provoquer l’érosion accélérée de sols trop fréquemment travaillés. La technique du semis direct sur couverture végétale permanente s’est imposée depuis peu, grâce à des épandages de glyphosate et à l’emploi de cultivars transgéniques ; mais s’il est vrai qu’elle assure une bien meilleure protection des sols, cette technique qui évite de labourer trop souvent les terrains n’en reste pas moins très dangereuse pour l’environnement. Les épandages répétés de l’herbicide se traduisent déjà par l’invasion des champs par une “mauvaise herbe” résistante (le sorgho d’Alep) et l’infestation des cultures par la rouille asiatique.

La spécialisation rapide des systèmes de production agricole est allée souvent de pair avec une séparation prononcée de l’agriculture et de l’élevage. Ainsi les agriculteurs de Bretagne ont-ils pour la plupart renoncé à cultiver des céréales pour se consacrer surtout à des élevages intensifs de vaches laitières, de poulets “hors sols” et de porcs en espaces confinés. Fortement consommateurs de soja importé des États-Unis, du Brésil ou d’Argentine, les animaux y sont tellement nombreux et concentrés que se pose désormais la question du devenir des effluents d’élevage. Faute de pailles disponibles en quantités suffisantes, les bovins et les porcins sont élevés directement sur caillebotis, sans aucune litière, et il n’est plus possible pour les éleveurs bretons de produire du fumier par eux-mêmes. Pour enrayer la pollution des eaux de surface et souterraines dont les taux de nitrates dépassent les normes prescrites au niveau européen, il est devenu nécessaire de financer des stations d’épuration des eaux usées. La situation n’est guère plus brillante dans le Bassin parisien où les céréaliculteurs ne pratiquent plus l’élevage, ne cultivent plus guère de légumineuses en rotation et ne disposent plus de fumier ni compost. Privés de tout azote organique, ces exploitants sont contraints d’épandre des engrais azotés de synthèse, dont la production est coûteuse en énergie fossile, au risque de contribuer eux aussi à la pollution des nappes souterraines et à l’émission de protoxyde d’azote. Privés d’humus, les sols subissent une perte de stabilité structurale et deviennent plus sensibles à l’érosion.

 L'agro-écologie pour un développement durable.

Du point de vue strictement technique, force est pourtant de reconnaître qu’il existe d’ores et déjà des systèmes de production agricole capables d’accroître les productions à l’hectare, tant dans les pays du “Sud” que ceux du “Nord”, sans coût majeur en énergie fossile ni recours exagéré aux engrais de synthèse et produits phytosanitaires : association de diverses espèces et variétés rustiques dans un même champ de façon à intercepter au mieux l’énergie lumineuse disponible et transformer celle-ci en calories alimentaires par le biais de la photosynthèse, intégration de légumineuses dans les rotations de façon à utiliser l’azote de l’air pour la synthèse des protéines et la fertilisation des sols, implantation ou maintien d’arbres d’ombrage ou de haies vives pour protéger les cultures des grands vents et héberger de nombreux insectes pollinisateurs, association de l’élevage à l’agriculture, utilisation de bois raméaux fragmentés pour l’implantation de mycorhizes, valorisation fourragère des sous-produits de cultures, fertilisation organique des sols grâce aux fumiers et composts, etc.

Ces systèmes de production inspirés des principes de l’agro-écologie reposent sur la gestion en circuit court des cycles de l’eau, du carbone, de l’azote et des éléments minéraux : couverture maximale des sols par la biomasse végétale pour les besoins de la photosynthèse, utilisation des résidus de culture pour l’affouragement des animaux, recours aux déjections animales pour la fabrication du fumier et des composts destinés à la fertilisation des sols, remontée biologique des minéraux issus de la désagrégation des roches mères vers les couches arables, régulation des cycles de reproduction des insectes ravageurs, maintien d’une grande biodiversité domestique et spontanée, etc. Ils ne doivent surtout pas être qualifiés d’“extensifs” dans la mesure où ils font souvent un usage intensif des ressources naturelles renouvelables (l’énergie lumineuse, le carbone et l’azote de l’air, les eaux pluviales, etc.) et n’excluent pas l’obtention de rendements élevés à l’hectare. Mais ils font par contre un usage très limité des ressources naturelles non renouvelables (énergie fossile, eaux souterraines, mines de phosphate, etc.) et des intrants chimiques (engrais de synthèse, produits phytosanitaires, antibiotiques, etc.).

Ces systèmes exigent par ailleurs un travail plus intense et plus soigné que ceux inspirés de l’actuelle production agroindustrielle et peuvent donc être à l’origine de la création de nombreux emplois. Ces systèmes intensifs en travail sont donc particulièrement intéressants lorsque prévalent des situations de chômage chronique, quitte à envisager aussi parfois la transformation des produits et sous-produits au sein même des unités de production ou au plus près des fermes, avec une attention particulière aux moyens d’éviter les pertes post-récolte ou post abattage.

 Promouvoir des conditions socio-économiques favorables à l'agriculture paysanne

Ceci étant, ce sont les paysans à la tête d’unités de production familiale qui ont le plus souvent intérêt à diversifier et échelonner leurs activités productives tout au long de l’année, de façon à gérer au mieux l’emploi de leur propre main-d’œuvre en évitant les trop fortes pointes de travail et les périodes de sous-emploi ; et cela va presque toujours de pair avec la mise en place de systèmes de production durables associant polyculture et élevages, la mise en œuvre de rotations de cultures et d’assolements diversifiés, le recyclage des résidus de culture et des effluents animaux au sein de leurs fermes, la fabrication de fumier ou de compost, la fertilisation organique des terrains, etc.

L’agriculture paysanne est une agriculture familiale enracinée dans son “pays”. A l’opposé des gérants de grandes exploitations à salariés, les paysans vivent le plus souvent au cœur de leurs unités de production, connaissent bien les particularités de chacune de leurs parcelles et de chacun de leurs troupeaux, sont directement responsables de leurs actes et s’efforcent en permanence de s’adapter aux conditions changeantes de leur environnement écologique et économique. Ils manifestent généralement une fine connaissance de leurs terroirs, fondée sur une longue accumulation de savoir-faire. Souhaitant transmettre des unités de production en bon état à leurs héritiers, ils veillent généralement à ne pas endommager les potentialités productives de ces dernières.

Le fait que les paysans soient bien souvent capables d’inventer par eux-mêmes des systèmes de production agricole conformes aux exigences du développement durable, ne veut donc pas dire pour autant que leur situation socio-économique soit toujours favorable à cet effet. Les obstacles à l’élévation de la productivité du travail agricole, dans le plus grand respect des potentialités écologiques de l’environnement, ne sont souvent pas tant d’ordre technique que de nature socio-économique ; ils résultent bien plus souvent d’un accès limité aux crédits, de conditions imposées par les entreprises situées en amont ou en aval, de structures agraires injustes, de législations foncières inadéquates et des conditions inégales dans laquelle se manifeste presque toujours la concurrence entre producteurs sur les marchés mondiaux des produits agricoles et alimentaires. Les paysans les plus pauvres de la planète n’ont malheureusement pas encore souvent accès aux moyens de production qui leur permettraient d’associer davantage l’élevage aux productions végétales, de recycler leurs résidus de culture et d’assurer au mieux la fumure organique des terrains. De même leur manque-t-il cruellement les équipements nécessaires au maniement et au transport des pailles, fourrages, fumiers et composts : râteaux, fourches, charrettes, traction animale, bêtes de somme, etc. L’urgence serait de leur permettre d’avoir enfin accès à ces animaux et équipements.

La mise en œuvre des pratiques inspirées de l’agro-écologie suppose aussi que les paysanneries puissent avoir des terres en quantité suffisante et jouir d’une grande sécurité foncière, de façon à pouvoir bénéficier des fruits de leurs efforts sur le long terme. Les tendances actuelles au land grabbing vont cependant à l’encontre d’une telle sécurité d’accès des paysans au foncier agricole. Ces processus d’accaparement du foncier sont révélateurs à la fois de la panique manifestée par certains États soucieux de garantir leurs approvisionnements agro-alimentaires et de la croyance encore maintenue dans la “supériorité” des exploitations latifundiaires. Mais la sécurité des approvisionnements alimentaires pourrait être bien plus facilement assurée via des contrats d’achats avec des paysans travaillant soigneusement pour leur propre compte, plutôt que par l’établissement de très grandes entreprises agricoles pilotées par des objectifs de maximisation du taux de profit et de minimisation des coûts salariaux. Sans doute conviendrait-il aussi de réserver des terrains agricoles dans les centres urbains ou à leur périphérie pour y établir des jardins familiaux à destination des populations des bidonvilles qui souffrent du chômage chronique dont sont victimes les nations n’ayant pas pu enrayer ou limiter l’exode rural. La création ou la reconstitution de ceintures maraîchères aux abords des grandes cités devrait permettre de ravitailler les populations urbaines en « circuit court », sans coût majeur en énergie fossile.

À l’inverse des exploitants capitalistes qui ne travaillent pas directement dans leurs exploitations mais y injectent du capital en vue de maximiser leur profit en comparaison avec d’autres opportunités de placements, les paysans investissent leur force de travail et leur épargne dans les unités de production, de façon à pouvoir y mieux vivre de leur propre travail, en comparant leurs revenus agricoles à ce qu’il leur serait possible d’obtenir en exerçant éventuellement d’autres activités. L’agriculture paysanne apparaît donc comme la plus à même de réguler les problèmes d’emplois et d’exode rural : Un paysan ne remplacera jamais prématurément sa main-d’œuvre familiale par des machines tant que cette main-d’œuvre ne trouvera pas d’opportunités d’emplois plus rémunérateurs en dehors de son exploitation. De véritables réformes agraires destinées à redistribuer les terres au profit des paysans s’avèrent donc encore nécessaires dans bien des régions du monde (Amérique latine, Afrique australe, Asie du Sud, etc.), à l’image de ce qui a été réalisé avec succès dans plusieurs pays d’Asie orientale et du Sud Est : Taiwan, Corée du Sud, Chine populaire et Vietnam à la suite de la décollectivatisation, etc.

 Conclusion

Ce sont les unités de production paysannes qui sont les plus à même d’héberger les systèmes de production agricole les plus conformes aux exigences du développement durable. Sur le plan écologique, le développement de techniques qui soient à la fois plus productives et plus respectueuses de l’environnement paraît en effet bien plus aisé dans les unités de production familiales, moins soumises aux impératifs d’économies d’échelle et de réduction des coûts salariaux. En ce sens, l’agro-écologie contribue à reconsidérer la notion même de productivité du travail qui, trop souvent envisagée du seul point de vue des intérêts privés sans prise en compte des coûts sociaux et environnementaux, a longtemps privilégié les formes agroindustrielles et latifundiaires de l’agriculture. Elle va dans le sens d’une toujours plus grande durabilité sociale, en générant dans les campagnes les emplois que les villes ne peuvent plus guère offrir, permettant ainsi une meilleure régulation de l’exode rural.

Envisager l’essor d’une agriculture paysanne mettant en œuvre des pratiques inspirées de l’agro-écologie ne relève donc pas d’un quelconque passéisme mais résulte au contraire de l’impératif d’assurer le plein emploi et la durabilité des systèmes agro-alimentaires mondiaux.

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 Bibliographie

  • Altieri A. M. : L’agroécologie. Bases scientifiques d’une agriculture alternative. Editions Debard. Paris ; 1986.
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  • Le Goff L. : Manger bio, c’est pas du luxe. Terre vivante. Mens ; 2006.
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  • Vélot Ch. : OGM. Tout s’explique. Édition Goutte de sable. Athée ; 2009.
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 Lire dans l’encyclopédie
• Loyat Jacques : {[ IAASTD : Une expertise collective internationale sur le rôle des connaissances, des sciences et technologies agricoles pour le développement->170]}, N° (124) , Août 2010. • Sanson, Baptiste : {[La proximité entre l’espace rural et la métropole francilienne invite à tisser de nouveaux équilibres autour d’une agriculture citoyenne et territoriale ->156]}, N° (118) , avril 2010 • Paillard, Sandrine - Ronzon, Tévécia : {[Agrimonde 1 : Un scénario pour des agricultures et des alimentations durables dans le monde à l’horizon 2050->151]}, N° (115) , Mars 2010. • Calame, Matthieu : {[ L'agriculture Biologique->110]}, N° (83) , 04/03/2009. • Trouvé, Aurélie : {[ Pour une agriculture et une alimentation réellement durables : Quelles politiques agricoles européennes ?->83]}, N° (61) , Mars 2008
 Lire sur Internet
* IAASTD : {[->www.agassessment.org]} * FAO : {[->www.fao.org]}
 Documents joints
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