La géo-ingénierie climatique

24 juin 2014

Résumé

La géo-ingénierie est encore un concept ambigu qui regroupe un grand nombre de pratiques et de technologies touchant le globe terrestre dans sa dimension géologique et climatique, incluant les sols et la végétation. L’article se limite à celles de ces approches qui visent à modifier le climat par des interventions humaines à l’échelle planétaire affectant directement les enveloppes fluides (océans, atmosphère) de la terre. Il montre les mécanismes militaro-industriels en cours pour promouvoir ces recherches et développements technologiques, souligne les risques extrêmes de telles interventions et préconise un encadrement strict des recherches et la mise en place d’un dispositif international contraignant avant toute expérimentation. Car la difficulté est qu’il s’agit de processus dont les effets secondaires ne sont pas connus et qui ne peuvent être vérifiés que par des expérimentations en grandeur nature dont les incidences sont de long terme et éventuellement catastrophiques concernant les mécanismes mêmes régissant la planète et déterminant la biodiversité.

Auteur·e

Varet Jacques

Volcanologue, ancien chef du département géothermie du BRGM puis directeur du Service Géologique National et président de l’association des services géologiques européens (Eurogeosurveys), Jaques VARET a également présidé le conseil scientifique de la Mission Interministérielle de l’Effet de Serre, a été le fondateur de l’Institut Français de l’Environnement et a présidé le CESMAT.
Il préside encore aujourd’hui le conseil scientifique du Parc National des Cévennes, conseille la société Electerre et enseigne la géothermie au Kenya.
Jaques Varet est Vice-président de 4D et Gérant de GEO2D (Ressources Géologiques pour le Développement Durable)
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 Introduction :

Face à l’échec des négociations sur le climat - que ce soit en constatant les difficultés réelles (économiques, sociales, politiques…) qu’implique la mise en œuvre des solutions pourtant disponibles (mitigation des émissions de CO2 et adaptation) ou par refus de tout changement de cap dans la course aux énergies fossiles (lobbies pétroliers ou nationnistes des travaux du GIEC) – l’alternative consistant à mettre en œuvre des solutions technologiques d’ingénierie climatique globale semble progresser dans les esprits, non seulement de la part de chercheurs et de businessmen, mais aussi dans les institutions publiques. Considérées lors de leur énoncé comme irréalistes et dangereuses par la plupart des scientifiques et organisations impliqués dans les travaux sur le climat, elles gagnent du terrain au point de trouver droit de cité dans le dernier (5ème) rapport du GIEC en cours d’adoption.
De quoi s’agit-il ? Appelée « géo-ingénierie », il s’agit d’un ensemble de technologies visant à apporter une solution au changement climatique par intervention directe dans les processus globaux déterminants ces changements, notamment au niveau de l’atmosphère (et plus largement l’espace entre la terre et le soleil) et des océans. Il ne s’agit plus de réduire les émissions de gaz à effet de serre, ni de chercher à s’adapter aux changements induits par le réchauffement, mais d’intervenir dans les mécanismes climatiques eux-mêmes pour permettre à l’homme d’en contrôler les effets.
De telles options ne sont pas sans poser de lourdes questions concernant les risques induits, et plus généralement les fondements éthiques sous-jacents. Pour les aborder, et mieux en apprécier les enjeux, il est nécessaire de les exposer, d’en connaître les protagonistes, leurs moyens d’actions et d’imaginer dans quelles conditions elles seraient susceptibles d’être mises en œuvre ou abandonnées.

 1. Géoingénierie ou géo-ingénierie : de quoi parle-t-on ?

Toute machine à traitement de texte rejettera le mot Géoingénierie, raison pour laquelle nous avons opté pour l’écriture géo-ingénierie. Mais ce mot – quelle que soit son écriture - ne figure dans aucun dictionnaire ni aucune encyclopédie en ligne. C’est la raison pour laquelle « l’Encyclopédie du Développement Durable » se devait d’innover ! Car notre objectif n’est pas seulement de travailler à la mise en œuvre de politiques de développement durable réalistes, mais aussi d’analyser toutes les propositions mises sur la table, quitte à dénoncer les fausses solutions ! Ni le dictionnaire de l’Académie Française, ni l’encyclopédie Larousse, ni Encyclopedia Universalis, ni le Quid ou Mediadico ne mentionnent ce terme, et il en va de même de son équivalent anglais geoengineering, absent dans Encyclopedia Britannica, Encyclopedia.com, Dictionary.com ou Yourdictionary.com... Wikipedia consacre toutefois au mot géo-ingénierie un article bien documenté, et néanmoins critiqué puisqu’un attendu précise que « cet article provoque une controverse de neutralité » du fait des réserves exprimées dans l’article sur ces technologies, qui sont jugées excessives par certains lecteurs. Google est bien entendu beaucoup plus productif avec plus de 9 million de résultats (en mai 2014) sur le terme geoengineering, et 90.000 références sur le terme français géoingénierie (tous deux en rapide progression).

Fig. 1 : Deux affiches concernant la géo-ingénierie climatique proposées par ETC Group.


Le terme n’étant pas clairement défini, cela accroit les malentendus et la polémique, sans clarifier le débat. Pour réduire ces incertitudes, nous proposons ici d’en limiter la signification aux interventions humaines à caractère global portant sur les enveloppes externes de la planète terre (à l’exception, donc, de la lithosphère). Cette définition est conforme à celle qui est donnée dans le troisième rapport du GIEC : « Ensemble des techniques visant à stabiliser le système climatique par une gestion directe de l’équilibre énergétique de la Terre, de façon à remédier à l’effet de serre renforcé  ». Le dernier (cinquième) rapport du GIEC (rapport IPCC en langue française [1] ) précise qu’il s’agit de « techniques visant délibérément à contrer le changement climatique  ». Sont mentionnées les techniques de gestion du rayonnement solaire (SMR) et d’élimination du CO2 (CDR).

En effet, une autre acceptation du terme géo-ingénierie comprendrait l’ensemble des techniques ou pratiques visant à développer des « corrections à grande échelle d’effets de pressions anthropiques sur l’environnement ». C’est la définition retenue par l’ANR dans son rapport de l’ARP REAGIR [2] , qui retient notamment des pratiques comme les plantations forestières ou le blanchiment des toitures (Fig.2) ! La Royal Society [3] a également effectué une approche large pour finalement retenir une définition plus stricte, centrée sur deux cas, qui sont ceux repris par le 5eme rapport du GIEC :

  • d’une part l’extraction du CO2 atmosphérique à grande échelle (CRD= carbon removal dioxide)
  • et d’autre part la gestion du rayonnement solaire (SRM : solar radiation management).

L’élargissement de la définition aux actions territoriales et non globales, de type pratiques forestières, adaptation de l’habitat ou encore se référant à l’ensemble des technologies géologiques, introduit à notre avis une confusion dommageable. Ainsi, en France, quelques écoles d’ingénieurs géologues ou des mines traitant encore de géosciences ou d’ingénierie minière reprennent le terme de géo-ingénierie (notamment à Nancy). Or à inclure l’ensemble des ces techniques et pratiques dans la géo-ingénierie, d’une part on sort des enjeux climatiques, et d’autre part on mélange des technologies éventuellement éprouvées, concernant des entreprises par définition locales aux impacts environnementaux maîtrisables et relevant des démarches classiques d’évaluation des risques, avec des approches technologiques à visée planétaire dont les conséquences indésirables peuvent être incommensurables et qui relèvent dans leur analyse critique de la mise en œuvre du principe de précaution (Fig.3).

Fig.2 : Représentation schématique de la géo-ingénierie selon les auteurs du rapport commandité par l’ANR sur ce sujet (ARP-REAGIR). Entre Atténuation et Adaptation sont retenues 5 catégories de techniques et de pratiques, dont nous ne retenons ici que la iii (fertilisation des océans) et la iv (injection d’aérosols atmosphériques) en éliminant la i (énergies renouvelables), la ii (stockage du CO2 par la biomasse) et le v (blanchiment des toitures).

A noter toutefois qu’une technologie se situe à la charnière entre ingénierie géologique et géo-ingénierie : il s’agit du stockage géologique du CO2. C’est un sujet spécifique – consistant à récupérer le CO2 issu d’installations fixes émettrices (comme les centrales thermiques classiques fonctionnant au charbon) pour le réinjecter en couche profonde - sur lequel le GIEC a fait un rapport spécial en 2005 [4] . Ce rapport comporte néanmoins une ambiguïté, puisqu’il porte aussi bien sur le stockage géologique en couches profondes que sur l’injection sur le fond des océans. Mais le rapport prend bien soin de distinguer les deux technologies. Autant le stockage géologique apparaît comme une technologie efficace, économiquement accessible (dès lors que les émissions de CO2 seraient payées à leur prix), et acceptable au plan environnemental, sanitaire et juridique, moyennant de solides précautions et des mesures de suivi, autant l’injection océanique apparaît risquée au plan technique, sanitaire, environnemental et juridiquement contestable. Les réserves émises par le GIEC sur la géo-ingénierie dans son 5eme rapport de 2013 (i.e. : « les méthodes CRM et CDR présentent des effets secondaires indésirables et ont des conséquences de long terme à l’échelle du globe  ») ne concernent pas le stockage géologique, du fait qu’il s’agit de mesures à caractère local et que cette technologie CCS (carbon capture and sequestration) a été traitée dans ce rapport spécifique de 2005.

En l’occurrence, nous proposons d’exclure les puits de carbone, qu’il s’agisse du stockage géologique du CO2, comme d’ailleurs du stockage en biomasse solide (en forêts, dans les sols ou dans des constructions durables en bois), du champ de la géo-ingénierie. En procédant de la sorte, nous évitons la confusion qui – volontairement ou non – se fait jour dans certains esprits aboutissant à considérer toute intervention humaine dans le sous-sol comme a priori critiquable, voire inacceptable du fait de son impact environnemental, ou même d’un simple point de vue éthique. Ainsi, l’approche par l’empreinte écologique, si elle fournit une forme de mesure illustrative en rapportant toute consommation à une surface cultivable, pose problème (accroissement jugé inacceptable des surfaces nécessaires) lorsqu’on s’adresse aux ressources géologiques).

Certes, la forme d’ingénierie géologique la plus avancée au plan technologique, l’extraction du sous-sol (à terre et offshore) des hydrocarbures liquides et gazeux, comme des combustibles solides sont la source même des émissions de gaz à effet de serre. Pour autant, l’ingénierie géologique concerne également les travaux géotechniques en sous-sol (comme les transports collectifs métros ou tunnels), les opérations de stockage ou d’extraction de toutes substances nécessaires aux nouvelles technologies de communication, de maîtrise de l’énergie ou de production d’énergie renouvelable. Il s’agit là de champs d’activités économiques très vastes qui ne peuvent être traités sous le même terme que la géo-ingénierie, dont on conviendra qu’elle se limite à des interventions visant à stabiliser le système climatique en remédiant à l’effet de serre renforcé par une intervention directe sur les enveloppes fluides de la terre.

Fig.3 : Schéma présentant les diverses formes de géo-ingénierie étudiées par l’ARP REGIR pour le compte de l’ANR. Les formes A, B, C, D, E et G n’ont pas été retenues au titre de la géo-ingénierie dans la présente publication. Seules les technologies à caractère global intervenant directement dans le cycle climatique (F ; H, I, K) ont été prises en considération .

 2. Justification de la géo-ingénierie par ses protagonistes

Il existe plusieurs courants d’opinions pour justifier de la nécessité de la géo-ingénierie :

  • Le premier consiste à affirmer que le changement climatique déjà engagé – quelle que soit son origine - atteindra en tout état de cause des niveaux intolérables pour l’humanité, que des mécanismes de rétroaction risquent d’entrer en jeu pour les aggraver, et qu’il est en conséquence nécessaire d’agir directement pour modifier l’évolution du climat par des manipulations efficaces. Ceux-là ne nient pas la responsabilité humaine dans les changements climatiques mais considèrent le GIEC comme trop optimiste dans son évaluation des impacts déjà inéluctables.
  • Le second – à l’opposé, négationniste concernant l’impact des actions humaines - est basé sur la conviction qu’aucun changement de comportement n’est possible, ni même souhaitable ou nécessaire, concernant les formes de consommation d’énergie, les choix de transports automobiles et aériens, et que si un changement climatique se produit effectivement (ce que plusieurs nient), les géo-technologies permettront d’y remédier, et qu’il convient d’investir dans ce secteur comme dans les technologies fossiles non-conventionnelles (gaz de schistes, sables bitumineux…).
  • Le troisième repose sur une attitude qui se veut plus réaliste consistant à affirmer qu’il faut mettre toutes les chances de son côté pour réduire les risques liés aux changements climatiques inéluctablement induits par la combustion des énergies fossiles : mitigation des émissions de gaz à effet de serre, mesures d’adaptation et géo-ingénierie. Ainsi Al Gore, grand ténor des politiques climatiques, qui investit dans des entreprises de géo-ingénierie, se situe dans cette catégorie.
  • La dernière, qui n’est pas incompatible avec la précédente, défend l’idée que la géo-ingénierie permettrait de gagner du temps en retardant les difficultés ou en abaissant le prix à payer pour une transition énergétique vers une économie à bas carbone, notamment pour les pays en développement détenteurs d’importantes ressources charbonnières, comme la Chine, l’Inde ou l’Afrique du Sud. Cette attitude répond aussi à la critique selon laquelle les géo-technologies ne résoudraient pas définitivement le problème et nécessiteraient des interventions récurrentes.
    Les défenseurs de ces approches se retrouvent dans diverses catégories socio-professionnelles :
  • entreprises émettrices de fortes émissions polluantes,
  • entreprises spatiales, détentrices de technologies marines ou de défense,
  • scientifiques épris de développements technologiques et start-ups high-tech misant sur des brevets,
  • hommes politiques généralement issus de pays dits développés et technologiquement avancés, désirant miser sur toute innovation technologique même risquée.

Au total, on dispose donc de tous les éléments nécessaires pour qu’un consensus puisse se dégager en faveur de ces solutions. D’autant que plusieurs seraient économiquement abordables et technologiquement réalisables. Seules les ONGs manquent semble-t-il encore généralement à l’appel dans ce camp.

 3. Les deux grandes catégories de solutions aux changements climatiques proposées par le géo-ingénierie.

La géo-ingénierie peut être résumée à deux grands types de techniques :

  1. Les technologies atmosphériques ou spatiales visant à modifier (réduire) le rayonnement solaire. Aussi appelées S.R.M. (pour « solar radiation management »), elles consistent à renvoyer une partie du rayonnement solaire, en introduisant dans l’atmosphère ou l’espace les particules ou produits nécessaires permettant d’aboutir à un moindre ensoleillement, induisant une baisse des températures ou en en freinant la hausse.
  2. Les techniques marines ou terrestres visant à absorber à grande échelle le dioxyde de carbone atmosphérique. Appelées C.D.R. en codification internationale (pour « carbone dioxide removal »), elles consistent à déployer les moyens nécessaires pour retirer du CO2 – principal responsable de l’effet de serre additionnel - du cycle atmosphérique par des technologies biochimiques d’absorption marine ou même terrestres.

3.1 Les technologies atmosphériques et spatiales de réduction du rayonnement solaire

a. Pulvériser des aérosols (SO2 notamment) dans l’atmosphère

On sait de longue date que les éruptions volcaniques majeures ont un impact climatique éventuellement très efficace, par réduction des radiations solaires reçues par la terre. La révolution française a fait suite aux mauvaises récoltes et au refroidissement résultant de l’éruption du volcan fissural islandais Laki qui s’est prolongée de 1783 à 1785 – la plus grande émission de lave de l’histoire - émettant 122 Mt de SO2 dans l’atmosphère et abaissant la température moyenne de 19°C au point que la Seine a gelé pendant 2 mois à Paris. En 1991, à la suite de l’éruption du Pinatubo, qui a réduit de 0,5°C la température moyenne terrestre, le prix Nobel Paul Crutzen développa l’idée d’utiliser le soufre ou certains dérivés soufrés à injecter massivement sous forme d’aérosols dans l’atmosphère pour limiter l’éclairement en surface de la Terre et réduire le réchauffement climatique.

Une étude américaine a montré que, pour compenser le réchauffement climatique résultant d’un doublement de la quantité de CO2 atmosphérique, il suffit de provoquer une diminution de 1,8 % de la luminosité solaire. Bien que les technologies à mettre en œuvre ne soient pas triviales, les obstacles logistiques semblent surmontables. Les particules d’aérosols seraient pulvérisées sous forme de dioxyde de soufre, de sulfure d’hydrogène, d’acide sulfurique ou encore d’eau de mer, et il suffirait de disperser 5 millions de tonnes par an de soufre pour bloquer 2 % du rayonnement solaire. Des aéronefs opérant à haute altitude, équipés de réservoirs et de dispositifs de pulvérisation serait l’option la plus accessible, impliquant néanmoins l’équivalent d’un million de vols de 4h chacun. Aussi l’utilisation de canons, de ballons ou de dirigeables sont également à l’étude... Plusieurs rapports jugent sa faisabilité technico-économique acquise : le coût estimé, de 1 à 8 milliards de dollars US est jugé insignifiant à l’échelle de l’économie mondiale en comparaison avec les investissements de mitigation des émissions de CO2. Qualifiée de « la plus prometteuse » par la Royal Society de Londres, cette option est jugée « extraordinairement bon marché » par l’économiste Scott Barrett, bien qu’il s’agisse d’une dépense annuelle, l’opération devant en effet être reconduite pour maintenir son effet. Le 5eme rapport du GIEC souligne que la température grimperait très vite en cas d’arrêt des épandages. Si cette méthode permet de réduire temporairement le réchauffement à la surface de la terre, les modèles informatiques montrent qu’elle n’évite en rien le changement climatique. Même si la température moyenne de la Terre pouvait ainsi être maintenue constante à son niveau actuel, les effets ne seraient pas fondamentalement modifiés, avec réchauffement des pôles, rafraîchissement des tropiques, et réduction des précipitations moyennes, notamment la mousson indienne, avec un impact sur les récoltes de 2 milliards de personnes.

b. Disposer d’un bouclier spatial par écrans placés en état stationnaire

On le voit, les technologies envisagées sont du plus grand intérêt pour l’industrie aéronautique et de défense. Mais l’industrie spatiale n’est pas en reste. Une autre option proposée par l’astrophysicien américain Roger Angel et soutenue par la NASA consisterait à envoyer dans l’espace, 1 600 milliards de petits écrans légers (I gramme), de 60 cm de diamètre, à une distance de 1,5 million de kilomètres de la Terre de telle sorte qu’ils restent à l’état stationnaire. Ceux-ci dévieraient une partie des rayons solaires avant qu’ils n’atteignent la Terre, permettant d’atténuer leurs effets, et donc de réduire la température de la Terre.

c. Les frissons sur internet : les chemtrails

Plusieurs sites internet associatifs [5] font état de l’observation par des citoyens de traînées chimiques (dites chemtrails), nuages de condensation qui restent des heures après le passage des avions et seraient composées de particules d’aluminium, de baryum et de polymères microscopiques « voire d’autres éléments encore plus néfastes » (fig. 4). Se basant sur un rapport de l’US air Force datant de 1996 [6] ces associations y voient la confirmation que les Etats-Unis travaillent depuis des décennies en vue de manipuler le climat, y compris pour des « opérations internationales » (sic) impliquant Edward Teller, un des « pères » de la bombe H, défenseur du projet de « guerre des étoiles  » du Président Reagan. La réalité des expérimentations a été confirmée par Colin Powell lors du sommet des Nations Unies sur le développement durable de 2002 lorsqu’il a admis que les Etats-Unis sont « engagés dans un programme de plusieurs milliards de dollars pour développer et déployer des technologies de pointe pour atténuer l’effet des gaz à effet de serre ».

Fig. 4 : Traces de condensations atmosphériques générant des craintes concernant les chemtrails.

3.2. Les technologies d’absorption biochimiques marines ou terrestres

a. Accélérer la production de plancton avec du sulfate de fer

Grâce au rôle joué par les phytoplanctons, les océans fournissent par photosynthèse plus de la moitié de l’oxygène de la planète et représentent un des systèmes naturels les plus puissants de capture du carbone terrestre. Or la zone Antarctique est actuellement riche en nutriments mais pauvre en chlorophylle. Victor Smetacek, de l’Institut Alfred Wegener de Recherche Polaire et Marine en Allemagne, est parti de ce constat pour développer un projet de fertilisation de l’océan Austral, avec plusieurs expériences réussies. Dans une première expérience, il a notamment immergé 7 tonnes de sulfates de fer et a pu constater une accélération de la production de phytoplancton et de la sédimentation de diatomées sur les grands fonds marins voisins (Fig.5). Après plusieurs autres essais, lui-même et d’autres chercheurs anglais et américains pensent avoir démontré qu’il suffirait de déverser du sulfate de fer dans le sillage d’un tanker pour permettre le développement d’algues planctoniques permettant de stocker en grandes quantités sur les fonds marins le carbone provenant du CO2 atmosphérique dissous dans l’eau.

Fig. 5 : Vue agrandie du plancton trois semaines après la fertilisation de l’océan arctique avec du fer. Photographie : Philipp Assmy/Awi/EPA.

Cette technique permettrait de faire disparaître un gigatonne de CO2 par an, dès aujourd’hui, à comparer avec des émissions annuelles de 8-9 Gt, dont 4 s’accumulent dans l’atmosphère. Certains font valoir que ces mesures ne peuvent être entreprises efficacement que dans les zones polaires, soit à peine 20 % des océans, ce à quoi Stemacek répond que ces zones vont s’accroître du fait du réchauffement. Pour Michael Steinke, directeur du laboratoire de biologie marine de l’Université d’Essex, la logistique nécessaire pour identifier des zones propices pour de tels expériences est trop onéreuse pour qu’elles puissent se développer.

Mais les conséquences écologiques de l’application de cette technique n’ont pas été véritablement étudiées, de sorte que, en 2008 lors de la conférence sur la biodiversité de Bonn, les gouvernements appelèrent à un moratoire sur la fertilisation des océans, alors refusé par l’Allemagne qui l’année suivante lança une douzième expérience d’injection de particules de fer. L’échec de cette dernière contribua à renforcer le moratoire, confirmé depuis en renforçant la convention de Londres initiée en 1972 et entrée en vigueur en 1975, qui proscrit l’immersion de déchets en mer. Les 4 tonnes de poussières de fer éparpillées sur une zone de 300 km2 ont permis d’observer une efflorescence de phytoplanctons, qui s’est arrêtée au bout de deux semaines ; ainsi, cette « fertilisation » ne favoriserait le phytoplancton que pour un court laps de temps. En outre accroitre la teneur en fer contribue à accélérer le processus déjà en cours d’acidification des océans et peut aussi avoir des répercussions sur toute la chaine alimentaire marine. Ces risques n’ont toutefois pas empêché Russ Georges, un homme d’affaires californien, qui espère vendre des « droits à polluer » sur le marché du carbone grâce à cette technique, de déverser 100 tonnes de sulfate dans l’océan Pacifique, sur une zone de 10 000 km2, en toute illégalité en juillet 2012. L’organisation canadienne ETC Group a découvert le pot-aux-roses et averti le journal britannique The Guardian [7], qui a mené l’enquête.

b. Utiliser les fonds marins

Lors de la rédaction du rapport du GIEC sur le stockage géologique du CO2 en 2005, le gouvernement japonais a obtenu que soit traité également le stockage sur les grands fonds océaniques (SRCC et SRCS). En effet, à forte pression (sous une colonne d’eau de plus de 1.000 mètres) le CO2 est à l’état liquide, et l’idée est dès lors de l’injecter à grande profondeur pour en tapir les fosses océaniques assez bien représentées au large du Japon (les fameuses fosses de subduction). La technologie n’a pas encore été testée, même au stade du pilote, mais des recherches et études théoriques et des expériences de laboratoire ont été menées en ce sens depuis 30 ans. Les océans occupent 70% de la surface du globe avec une profondeur moyenne de 3.800 mètres. Le CO2 étant soluble dans l’eau, les échanges sont naturellement rapides ; les concentrations atmosphériques augmentant, l’absorption par les océans augmente (7 Gt CO2/an de actuellement). En conséquence, le pH de la surface des océans s’est abaissé de 0,1, mais cette acidification n’a pas encore pénétré en profondeur. Il n’existe pas de limite physique à cette capacité d’absorption, mais on a calculé que pour stabiliser les concentrations dans l’atmosphère, les océans devraient renfermer 2 à 12.000Gt de CO2 sans action intentionnelle, fixant une limite possible pour l’injection active. Mais l’accroissement de l’acidité des mers deviendrait alors un problème, comme le souligne – même hors injection active – le 5eme rapport du GIEC. Les tenants de cette technologie objectent que la mise en place sur les grands fonds de lacs de liquide ne déterminerait pas de migration rapide vers la surface, par dissolution des minéraux présents, notamment des carbonates. Le calcul montre que le pH de l’océan pourrait être réduit de 0,4 en moyenne dans les zones d’injection, et les études de laboratoire montrent que l’incidence sur les écosystèmes de telles variations serait très sensible, réduisant la croissance ou augmentant la morbidité et la mortalité de nombreuses espèces. Pour assurer cet équilibre, il faudrait verser sur les fonds océaniques d’énormes quantités de calcaire, voire même de chaux, ce qui ne serait pas sans poser de problèmes écologiques dans les zones d’extraction et de production, et remettrait en cause l’économie de la filière. Aucune expérience n’ayant encore été réalisée sur les fonds océaniques, la résilience à long terme des écosystèmes ainsi perturbés ne peut être évaluée. Au plan juridique, de tels travaux tombent sous le coup de la convention de Londres et de la convention OSPAR, mais aucune décision n’a encore été prise sur le cas du stockage intentionnel du CO2. Les rares études d’ « acceptabilité sociale » montrent surtout un manque d’information mais une opposition nette dès qu’un projet est énoncé sur un site donné de l’océan pacifique.

Une variante consisterait – sans nécessairement injecter de CO2 – à tapisser le fonds des océans de calcaire ou de chaux pour réduire une trop rapide diminution du pH de l’eau, ainsi que la destruction des écosystèmes coralliens et la perturbation globale de l’écosystème marin. On éviterait ainsi l’acidification des océans, qui seraient de ce fait à même de continuer à capturer des quantités croissantes CO24. Mais une telle politique d’alcalinisation des océans viendrait introduire de nouvelles modifications les équilibres chimiques et biologiques aux conséquences insoupçonnées !

c. Géo-ingénierie en zones arides
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  • Cette approche vise à créer de vastes zones d’évaporation et de précipitation de carbonates sur les surfaces terrestres actuellement désertiques, ce qui augmenteraient l’albedo de la terre (augmentation de le réflectivité de la surface de manière à modifier le bilan radiatif global de la terre), en assurant en même temps de piégeage du carbone atmosphérique et l’utilisation de grandes quantité d’eau qui seraient ainsi soustraites de la montée des eaux océaniques.
  • Le projet Roudaire-Lesseps, déjà ancien (revue des deux mondes, 1874), consistait à remplir le Chott El-Djérid, permettant l’inondation d’un bassin d’environ 8000 km² situé à l’ouest du golfe de Gabès. De même, les dépressions de Qattara offriraient un autre site favorable d’une superficie de 2000 à 3000 km2 situées à une quarantaine de km de la Méditerranée pour la plus proche. Plus généralement appliqué aux déserts, cette approche vise à la création de très vastes zones d’évaporation, en utilisant des pompes puissantes, dans le double objectif de développer la minéralisation du CO2 et de stimuler les précipitations et la rosée alentours.
  • Sahara Center City, projet de ville nouvelle à vocation internationale basé sur l’exploitation de l’énergie solaire, serait un élément stimulant en vue d’un ré-équilibrage géopolitique et climatique de ces zones arides plus propices aujourd’hui à la guerre qu’au développement économique et social.
  • Pour leur financement, de telles approches multifonctionnelles seraient candidates à une taxe Tobin de 1 %, mais leur impact environnemental et social reste à étudier.

 4. Pourquoi la géo-ingénierie reste à proscrire à l’heure actuelle


4.1. La polémique générée par l’introduction de la géo-ingénierie dans le 5eme rapport du GIEC

Le paragraphe sur la géo-ingénierie dans le cinquième rapport du GIEC a soulevé un émoi certain parmi les ONGs. Outre un signal jugé alarmant, quelques-unes se sont à juste titre émues qu’au moins un des experts commis par le GIEC pour traiter ces questions – pourtant issu du monde académique – soit détenteur de brevets protégeant certaines technologies d’ingénierie climatique. En réponse à leur interpellation, les rédacteurs ont dû préciser que ce sujet avait été introduit à la demande des Etats membres de la convention climat en 2009 à Bali, qui souhaitaient disposer d’une information objective à cet égard, et que le rapport, fruit d’un travail collectif, loin d’ouvrir la brèche, en souligne les incertitudes techniques et les risques environnementaux. P. Van Ypersele, vice-président du GIEC précise dans « Le Monde » que « ne pas traiter cette question dans le rapport du GIEC ouvrirait la porte à ce qu’on puisse en dire n’importe quoi » et que le rapport du GIEC est soumis à la critique de tous, y compris les ONG’s.

Selon Pat Mooney, un des co-fondateurs de l’ETC group [8] , « La géo-ingénierie est juste un moyen de repousser le problème du changement climatique. Mais c’est dangereux, et ceux qui la promeuvent n’ont pas le droit de contrôler le climat ». Reprenant l’offensive engagée par l’ETC, ATTAC souligne dans Mediapart que « la seule évocation de la géo-ingénierie, comme plan B en quelque sorte, confirme ce que nous craignions et voyons se concrétiser : en dépit du moratoire des Nations unies sur ces technologies, établi lors de la Convention sur la biodiversité en 2010, elles acquièrent progressivement une légitimité, pour le plus grand bonheur des grandes puissances qui peuvent les produire et ensuite les utiliser… inaugurant ainsi une possible « guerre du climat », une guerre chaude ».

Fig.6 : Carte des expérimentations en cours en géo-ingénierie dans le monde établie par l’ONG d’origine canadienne ETC Group. L’Amérique du Nord, l’Europe et l’Australie font partie des trois zones les plus actives.

4.2. Une réelle parenté militaro-industrielle

Il est vrai que les stratèges militaires cherchent à « faire de la météo une arme » depuis des décennies. A la suite de la découverte de B. Vonnegut, physicien au MIT, en 1946, de la capacité de l’iodure d’argent à agglomérer la vapeur d’eau, la technologie consistant à ensemencer les nuages pour réguler la pluie a été expérimentée en 1967 au Vietnam par l’US Air Force dans le but d’embourber la guérilla communiste. L’ « opération Popeye  » a été révélée en 1972 par le New York Times. 4 ans plus tard, les Nations Unies ont adopté le Convention ENMOD  [9] interdisant la modification de l’environnement à des fins militaires ou hostiles. Mais cette convention n’interdit pas la géo-ingénierie à d’autres fins, et en 1996 un rapport de l’US Air Force appelait les États-Unis à de doter d’armes météorologiques d’ici 2025.

Edward Teller, un des pères de la bombe H a proposé en 1997 de prévenir le réchauffement de la planète en bombardant l’atmosphère de particules qui réfléchiraient la lumière incidente du soleil. Le Pentagone conseillait en 2003 d’examiner de manière urgente les options de géo-ingénierie pour contrôler le climat et en octobre 2011, un rapport soutenant la recherche en géo-ingénierie était publié par le think tank Bipartisan Policy Center, qui inclus p.ex. le directeur des systèmes de défense de Boeing. L’entreprise travaille sur les projets d’armement de la DARPA, l’agence de recherche du Pentagone, qui elle-même dispose de son propre groupe de travail sur la géo-ingéniérie. Le Guardian décrit ces groupes comme « la crème du lobby scientifique et militaire émergent  ».

Il s’agit bien aussi d’un milieu d’affaires. David Keith, physicien détient avec d’autres le brevet du «  Planetary Cooler  » (réfrigérateur planétaire), et a créé la start-up Carbon Engineering Ltd, pour développer à l’échelle industrielle une technique de capture de CO2 dans l’air. Bill Gates et N. Murray Edwards (magnat canadien du pétrole qui a fait fortune dans les sables bitumineux d’Alberta) figurent parmi les investisseurs de ces sociétés. Ken Caldeira, spécialiste des sciences de l’atmosphère, est associé à Bill Gates au sein de la société Intellectual Ventures, qui a breveté plusieurs technologies, notamment le « StratoShield  » (bouclier stratosphérique) à base de ballons dirigeables permettant de disperser des aérosols soufrés. Bill Gates très engagé dans le financement de la recherche en géo-ingénierie soutient le projet de deux autres scientifiques de Harvard visant à injecter de minuscules particules dans la stratosphère et a investi dans la société Silver Lining (éclaircissement des nuages marins). Autre milliardaire de renom, Richard Branson a lancé le défi « Virgin Earth Challenge  » avec une récompense de 25 millions de dollars à qui concevra la meilleure technologie d’extraction du carbone de l’atmosphère. Plusieurs compagnies sont sur les rangs, à l’instar de la Royal Dutch Shell (étude sur l’ajout de chaux dans les mers). Steven Koonin, précédemment directeur scientifique de BP est le commanditaire du rapport du département de l’Énergie des États-Unis sur l’ingénierie du climat. La géo-ingénierie est aussi appuyée par plusieurs think tanks conservateurs. Newt Gingrich, ancien président républicain de la chambre des représentants a ainsi déclaré : « La géo-ingénierie apporte la promesse d’une réponse au réchauffement climatique pour seulement quelques milliards de dollars par an. Au lieu de pénaliser les Américains moyens, nous aurions la possibilité de répondre au réchauffement climatique en récompensant l’inventivité scientifique... Stimulons l’ingéniosité américaine. Assez du diktat vert  ».

Un intérêt stratégique qui n’a pas échappé aux forces armées. « Parmi les scientifiques travaillant dans l’armement, s’est développée l’idée que la compréhension et le contrôle exercé sur la technologie suffiraient à les rendre sûres », analyse Clive Hamilton, professeur d’Ethique Publique à l’Université Charles Sturt de Canberra/Melbourne (Australie), essayiste politique et philosophe australien, spécialiste des questions environnementales a mené une étude approfondie sur l’état de la recherche en géo-ingénierie, ses financements, ses perspectives, publié en 2013 dans sa traduction française sous le titre « Les Apprentis sorciers du climat, raisons et déraisons de la géo-ingénierie  ». Il souligne que : « Ceux-là mêmes qui contestent la réalité du réchauffement montrent un intérêt croissant pour l’ingénierie du climat  ».

4.3. Une question légale

Actuellement, la géo-ingénierie est très mal encadrée au niveau légal. Son caractère global impose en effet une approche dans le cadre de réglementations internationales. La convention biodiversité de 1992, modifiée en 2010, mentionne l’interdiction de la géo-ingénierie mais cette interdiction n’est pas contraignante, tandis que la convention EDMOD précitée limite les interdictions aux applications militaires ou à visée hostile. La convention de Londres de 1972 sur les océans et le mémorandum de 1996 [10] concerne l’interdiction de l’immersion des déchets, ce qui ne s’applique explicitement ni au CO 2, ni aux carbonates ou à la chaux.

4.4. Une question de gouvernance

Mise en œuvre par des initiatives locales, éventuellement publiques mais aussi privées, attirées par les perspectives de ventes de droits à polluer lorsque le marché carbone aura atteint des valeurs intéressantes (ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, faute d’accord international), la géo-ingénierie – dans l’acceptation du terme que nous avons retenue, ne peut se penser en dehors d’un cadre global, s’agissant de technologies impactant les « biens communs planétaires » que sont les océans, l’atmosphère, la biodiversité ou les régions polaires.
Dès lors, il est impératif de se doter d’un cadre international, ou supranational, pour encadrer et réglementer ces recherches et ces développements technologiques.

4.5. Une question éthique

À cause de ses implications mondiales, le déploiement de ces technologies - et même les recherches dès qu’elles sortent du confinement des laboratoires pour atteindre les premiers tests - posent de graves problèmes de gouvernance. L’absence d’autorité mondiale et les faibles coûts induits pourraient virtuellement autoriser un pays, un petit groupe de pays, ou même une entreprise privée comme on l’a vu aux Etats-Unis - à décider seuls du lancement d’un tel projet malgré les possibles conséquences physiques, chimiques ou climatiques qui pourraient découler de cette technologie.
En effet, une objection de taille majeure tient à l’irréversibilité des mécanismes en jeux, d’impacts globaux par essence, et en définitive : «  L’impossibilité de tester cette technique sans mise en œuvre grandeur nature  », comme le souligne Clive Hamilton.

Toute tentative de géo-ingénierie entrant dans cette catégorie globale revient à répercuter sur les générations futures des risques majeurs, avec la possibilité peu improbable d’effets « boomerang ».

* Répondant à une question d’éthique de la géo-ingénierie, Smetacek, le physicien allemand qui a développé les expériences d’ensemencement des océans et qui est végétarien, a déclaré au Guardian : « Nous pourrions réduire de manière significative les émissions en augmentant les possibilités de séquestration au sol si nous convertissions la population du monde au végétérianisme. Serait-ce de la géo-ingénierie ? »

Soulignant le risque politique de désaveu des politiques et des chercheurs, qui pourraient être accusés de valider par leurs travaux des concepts hasardeux, le rapport de l’ANR recommande – comme celui de la Royal Society – de poursuivre les recherches en géo-ingénierie, en privilégiant le recherche systémique et non technologique, en commençant par des travaux à échelle locale, en visant la réversibilité, l’étude des effets collatéraux, les rétroactions ou les aggravations.

Un code de conduite basé sur certain nombre de critères visant à guider la recherche en géo-ingénierie a été élaboré en 2009 par un groupe universitaire d’Oxford [11] , avec :

  • Une réglementation de la géo-ingénierie dans l’intérêt général, comme bien public (notamment contrôle public des initiatives privées).
  • La participation du public dans les processus de décision (consultation et approbation préalable des personnes informées).
  • La publication ouverte des résultats de recherche (porté à connaissance obligatoire des travaux, incluant les résultats négatifs).
  • Une évaluation indépendante des impacts environnementaux et socio-économiques par un organisme de préférence international.
  • La mise en place de structures de gouvernance solides avant tout déploiement.

Nous espérons, par cet article, avoir convaincu les lecteurs de l’importance pour les citoyens de s’emparer de la lutte contre le changement climatique, en engageant les actions de mitigation des émissions qui s’imposent, au plan individuel et aux politiques publiques, mais aussi aux stratégies d’adaptation nécessaire, notamment en considération des régions de la planète les plus menacées. Il est essentiel aussi de s’assurer d’une attitude de vigilance active face aux illusions véhiculées par la géo-ingénierie, qui ne serait qu’un « plan B » de sauvetage à courte vue du climat par la manipulation à grande échelle de la planète et des humains, risquant même de désarmer les actions de réduction des émissions et d’adaptation pourtant indispensables à engager dès aujourd’hui.

Jacques Varet

Notes

(pour revenir au texte, cliquer sur le numéro de la note)

[6Weather as a Force Multiplier : Owning the Weather in 2025, U.S. Air Force, 1996.
http://www.fas.org/spp/military/doc...

[7Fondé à l’origine en 1930 par Eleonor Rooswelt, l’association prône « la conservation et l’avancement soutenable de la diversité culturelle et écologique et le droit humain » ; elle s’est engagée en 2010 dans la lutte contre la géo-ingénierie.

[8ONG canadienne (auteur des affiches en fig.1) fondée à l’origine 1930 par Eléonore Rooswelt, spécialisée dans l’évaluation des technologies et de leur impact sur la biodiversité.
Voir : http://www.etcgroup.org/

[10http://envlit.ifremer.fr/infos/actu... prevention_de_la_pollution_des_mers_resultant_de_l_immersion_des_dechets

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 Bibliographie

 ANR (2014), Atelier de réflexion prospective. Rapport final court. Ed. ARP-REAGIR, 15p.

 J. Ferraro et al. (2014), Weakened tropical circulation and reduced precipitation in response to geoengineering Environ. Res. Lett. 9 014001

 Clive Hamilton (2013), Les Apprentis sorciers du climat, Raisons et déraisons de la géo-ingénierie, ed. Anthropocène, 352 p.

 D. P. Keller, E. Y. Feng and A. Oschlies (2014), Potential climate engineering effectiveness and side effects during a high carbon dioxide-emission scenario. Nature Communications 5, Art. N°3304

 R.Létolle et H. Bendjoudi (1997). Histoires d’une mer au Sahara : utopies et politiques, éd. L’Harmattan, Paris.

 Royal Society (2009), Geoengineering the climate : science, governance, uncertainties. 98p.

 Lire dans l’encyclopédie

dans l’Encyclopédie

* Michel Mousel, L’effet de serre, c’est la vie, N° (26) , janvier 2007.

* Michel Mousel, La dérive du climat, une crise écologique, N° (27) , janvier 2007.

* Pierre Radanne, Les leçons de Bali, N° (56) , janvier 2008.

* Collectif de l’Encyclopédie, Visite guidée de la gouvernance mondiale du climat, N° (75) , décembre 2008.

* Laurent Meunier et Eric Vidalenc, Scénarios énergétiques ADEME 2030-2050 pour la France, N° (208) , juin 2014.

 Lire sur Internet

* GIEC (rapport IPCC en langue française) :http://www.climatechange2013.org/im...

* Agence nationale de recherche : http://www.agence-nationale-recherc...

* La Royal Society : https://royalsociety.org/~/media/Ro...

* IPCC : http://www.ipcc.ch/pdf/special-repo...

* Ifremer :http://envlit.ifremer.fr/infos/actu...

* Groupe universitaire d’Oxford www.geoengineering.ox.ac.uk/oxford-...

* CICR : - la Convention ENMOD - : http://www.icrc.org/fre/resources/d...]

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