Auteur·e·s
Ingénieur de l’école centrale des arts et manufactures, économiste, est membre du secrétariat d’édition de l’encyclopédie du développement durable.
est chargée de mission à l’association 4D et chargée d’étude sur la Transition vers une économie écologique.
Diplômée de l’Ecole Supérieure de Commerce de Rouen en 1999, puis formée en urbanisme et environnement au Conservatoire National des Arts et Métiers (2003) et aux relations extérieures de l’Union Européenne (2006) à l’Université Libre de Bruxelles. A été représentante de la Polynésie française auprès de l’Union Européenne de 2005 à 2010.
Elle est déléguée générale de l’association 4D depuis 2010 et anime depuis 2015, le projet OurLife21 initié par 4D pour stimuler les Objectifs de développement durable (ODD) et l’Accord de Paris dans le quotidien des gens.
Elle est vice-Présidente de ‘Climate Chance’, réseau des acteurs non étatiques engagés pour le climat.
Grâce aux technologies de l’information et de la communication, notre accès à l’information est décuplé, de nouvelles opportunités d’échanges avec autrui sont ouvertes et nous bénéficions d’un accès inédit et quasi illimité à la connaissance. Les nouvelles technologies ouvrent-elles la voie d’une conciliation nouvelle des libertés et de l’innovation sociale collective ? La civilisation connectée propose une vision réussie d’une mutation technologique et démocratique.
Le développement des TIC a en effet des effets considérables et ouvrent de nouvelles voies de développement pour les sociétés et d’épanouissement pour les individus :
*- L’extension du champ des relations humaines et des possibilités d’accès aux connaissances
Un enfant aura dans sa vie, qui s’étirera sur tout ce siècle, avec ses outils technologiques, accès à plus de personnes, à plus de connaissances et à plus d’expressions culturelles que toutes les générations qui l’ont précédé. Dès lors, alors que les ressources deviennent de plus en plus rares, que les possibilités d’accumulation se heurtent aux limites de la planète, un nouvel horizon s’ouvre : celui de la relation à l’autre. Les relations humaines sont, elles, sans limite : c’est dans ce sens qu’« il y a un infini dans un monde fini ».
Les sciences du vivant et les sciences cognitives (y compris avec le développement de l’intelligence artificielle) permettent de pousser les capacités – et les performances – à la fois physiques et intellectuelles, elles repoussent les frontières de la connaissance ainsi que les limites physiques.
*- L’« hyper connexion » des individus, communautés et sociétés
L’individu et les sociétés de la civilisation connectée sont reliés en temps réels à l’actualité, aux évènements, aux autres. Cette hyper connexion bouleverse les notions de temps et d’espaces et en abolit les frontières. Ici, le pari est celui d’une intensification des échanges, de la construction d’une mondialisation au service des hommes.
*- L’émergence de la société des réseaux
A côté des structurations traditionnelles du pouvoir, une autre structuration, plus transversale et plus diffuse, émerge et prend le dessus. C’est celle des relations directes entre les entreprises, les structures locales, les organisations professionnelles, culturelles et sociales, les ONG et les personnes. Les nouvelles technologies de la communication multiplient et enrichissent les capacités relationnelles directes et donnent à cette dynamique un caractère inédit dans l’histoire. Une toile dense se tisse tout autour de la planète en se nourrissant des contributions d’une multitude d’acteurs, abordant tous les sujets, permettant à chacun d’intervenir et d’avoir accès à des contenus sans cesse plus vastes. Cette structuration horizontale par le téléphone mobile, par les réseaux sociaux et par internet ne permet pas seulement le débat, elle donne accès à l’information, elle est vecteur de formation et, de plus en plus, elle nourrit l’action et suscite des initiatives. Elle bouleverse les organigrammes et accompagne la structuration de réseaux internationaux. Les citoyens, en leur nom ou de manière anonyme, peuvent investir ces nouvelles voies d’expression et de pression.
*- La réforme de l’école et l’émergence d’un programme éducatif mondial
L’avènement de cette société des réseaux a fait progresser l’interconnectivité, l’interculturalité, et, chemin faisans, fait évoluer les capacités cognitives. L’éducation redevient une garantie de bien-être social pour le potentiel de liberté qu’elle confère. L’école transmets des méthodes plutôt que des connaissances, privilégiant une grille de lecture voire un programme éducatif mondial.
*- D’une société de la consommation à une société du partage
La révolution des TIC permet également la libre circulation et le partage des savoirs, ce qui remet en cause la propriété intellectuelle . On peut donc imaginer une civilisation où « le partage est à la révolution technologique ce que la propriété était au siècle des Lumières : un droit, un pacte social et un modèle économique » [1] . Avec Internet, l’individu n’est plus défini par ce qu’il possède mais par ce qu’il partage. La révolution des réseaux introduit la multitude, en opposition à la masse de la société de consommation. Elle est non-violente, démocratique, solidaire et créative et pourrait devancer le basculement de notre organisation économique vers une économie de fonctionnalité et de partage en opposition à celle de la propriété et de l’accumulation [2]
L’économie de la connaissance, le développement des nouvelles technologies de communication et leur potentiel de développement d’activités nouvelles avec un contenu en matière et en énergie relativement faible par rapport aux activités économiques traditionnelles et la recomposition des formes d’organisations sociale sont les marqueurs de la société connectée. Cette vision vise également à repenser les liens entre producteur et consommateur en développant une économie de la fonctionnalité et de la contribution [3] . Cette démarche s’inscrit dans un processus de dématérialisation de l’économie et de développement des activités culturelles.
La civilisation connectée amplifie ainsi encore le rôle de l’initiative décentralisée dans les domaines économique et de gestion des ressources. A l’image des communautés de développeurs de logiciels libres, les individus, grâce aux TIC, peuvent initier et collaborer à des projets à des échelles non limitées géographiquement. Les frontières géographiques sont transcendées, celles entre les activités marchandes et non marchandes deviennent plus floues. La vitesse du cycle expérimentation-évaluation est accélérée et les solutions les meilleures, notamment pour l’optimisation de la gestion des ressources, sont rapidement sélectionnées. Cette vision du monde enrichit les appréhensions mentales et les comportements individuels, mélant les traditions et différences culturelles des diverses parties du mondes. Il en résulte l’harmonisation des méthodes pédagogiques et des enseignements.
C’est sans doute la vision qui est le plus volatile, celle d’un équilibre en perpétuelle recomposition. C’est aussi une civilisation de l’individu, un individu multifacettes, « bidouilleur, geek, zappeur », mais aussi auto-entrepreneur ouvert tant sur le monde que sur une vie relationnelle de proximité … elle parie sur la force et la biodiversité des individualités au 21e siècle. Cependant, pour que cette démocratie directe soit appliquée au mieux il est important que la gestion des réseaux obéisse à des critères d’intérêt général, sous la surveillance des pouvoirs publics, et ne soit pas l’otage d’intérêts économiques oligopolistiques.
Récit de vie _ Extrait
« 7:30 le réveil sonne dans l’appartement de la famille Rocherieux, habitant la commune de Fournival depuis cinq ans. Quand les parents et leurs deux enfants sont arrivés ici, ils ont trouvé cet appartement un peu froid. Certes, les enfants ont tout de suite apprécié les écrans installés un peu partout permettant de se connecter à l’ensemble de la planète ou d’établir une conversation plus intime avec un copain, ou de regarder le film de leur choix avec la toute dernière technologie en date. Mais heureusement grâce à la modularité des cloisons et à la présence d’ artisans locaux, ils ont pu le personnaliser rapidement. L’appartement est vaste (100 m²) mais la construction très basse consommation énergétique, et le fait que les deux parents l’utilisent comme local professionnel font qu’il est tout à fait dans le conforme à la norme « planète durable ».
Le temps de se débarbouiller et de s’habiller, le robot cuisine a préparé café, chocolat, céréales, toasts. Il n’y a plus qu’à sortir confiture et miel produit à quelques centaines de mètres d’ici.
8:30 M. Rocherieux s’installe dans son coin travail. Un coup d’oeil rapide sur son courrier électronique lui permet de vérifier que sa contribution au projet australien a bien été prise en compte par le tiers de confiance, ce qui lui permettra d’être payé à coup sûr. Il avait préféré cette formule, un peu plus onéreuse pour lui, car il avait quelques doutes sur les dirigeants de ce projet. Aujourd’hui il se consacrera au projet brésilien, il en a sans doute encore pour trois semaines sur ce projet, aussi lui faudra-t-il consulter rapidement les nouveaux appels à contribution s’il ne veut pas se trouver au chômage forcé. »
Tableau de bord
CIVILISATION CONNECTÉE | Système économique | Gestion des ressources naturelles | Technologie | Satisfaction | Rapport sociaux | Cadre démocratique |
Notions clés | Economie de la co-construction | Dématérialisation | Information et communication | Intensité des échanges | Société des réseaux | Post-démocratie |
Tendances lourdes | •Affaiblissement des formes d’organisation économiques traditionnelles ;
•Crises économiques et financières |
Intégration des enjeux économiques et écologiques | •Technologies de l’information et de la communication
•Sciences cognitives et sciences du vivant •Appropriation sociale des technologies. |
•Multiplication des opportunités de mise en relation via les technologies, les réseaux sociaux •Affirmation des identités individuelles ; •Mobilité et assouplissement des trajectoires de vie. |
Démultiplication des liens virtuels, des communautés d’appartenance Rétrécissement des sphères de sociabilités traditionnelles : famille, école,travail… |
Démocratie directe |
Signaux faibles | •Emergence de modèle économiques alternatifs
•Partage d’objets, de services, de savoir |
•Gestion selon une approche par les biens communs | •Robotique, intelligence artificielle | Emergence de nouvelles formes de création et d’innovation à l’échelle collective via des contributions individuelles de circonstance | Développement des réseaux sociaux…+ importance de la cooptation dans le monde du travail… Enseignement devient multiculturel |
Instrumentation des réseaux par les mouvements contestataires : révolutions arabes, activisme 2.0 (anonymus…) |
Facteurs d’accélération | Refonte du droit du travail et des structures de production
Réglementation des marchés |
•Sources de financement innovantes | Innovation sociales, environnementales et technologiques décentralisées ; Montée en capacité des réseaux |
Affirmation des droits et responsabilités individuels et collectifs | Filet de sécurité vital pour compenser la précarité des relations de travail Programme mondial éducatif |
Désenchantement du politique, aspect ludique et non contraignant de ce renouvellement de l’activisme |
Limites / points de rupture potentiels | Impact environnemental des TIC | Fractures numériques Dérives d’aliénation |
Dualité sociale Exclusion |
Gouvernance des réseaux
Dévoyement des réseaux : |
Notes
(pour revenir au texte, cliquer sur le numéro de la note)[1] Usbek & Rica, numéro 6, avril 2012.
[2] Voir notamment les travaux de Jeremy Rifkin, Depuis L’Age de l’accès , (La Découverte, 2000)..
[3] Cf. Bernard Stiegler : http://owni.fr/2011/11/30/vers-une-...
- info document (PDF – 382.6 kio)