Guérir notre système de transports, remèdes et ordonnances

11 septembre 2006

Résumé

Le système de transport de l’Union Européenne est à la fois utile et malade. Selon le livre blanc de la Commission Européenne de septembre 2001, il représente globalement 10% du PIB et ses coûts très bas en
font un instrument central du développement économique au point d’en être la variable d’ajustement. Ce résultat est atteint au détriment des hommes qui en assurent la bonne marche au quotidien, de l’efficacité
économique, et au détriment de l’environnement, gravement détérioré par les nuisances des transports. Celles-ci représentent aussi aujourd’hui, en Europe de l’Ouest, plus de 10% du PIB ! Il faut soigner ce système avant que notre environnement et la qualité même de nos transports ne se dégrade irréversiblement. Et la leçon doit être entendue par tous les pays ouest-européens aussi bien que dans le reste de l’Europe ou dans les régions en développement des autres continents, de sorte qu’ils ne suivent pas le chemin passé mais construisent dès maintenant un système efficace et vivable. Une démarche sage consisterait :

  • à prendre la température du malade en mesurant les nuisances des transports qui sont autant de maladies, mesure physique des émissions d’abord, évaluation monétaire des coûts externes correspondants ensuite ;
  • à proposer des remèdes à partir des instruments de politique de transport disponibles ;
  • enfin à établir une ordonnance en proposant une politique transport- énergie - environnement optimale pour chaque pays tout en évitant les instruments incompatibles (comme pour les médicaments), et la contagion et en tenant compte de la situation de chaque pays.

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3.4- Politiques de transport

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Auteur·e

Domergue Philippe

Philippe Domergue, ingénieur et économiste, a été responsable des premières études et du schéma directeur des TGV ; il a contribué à l’élaboration du concept de Réseau européen de trains à grande vitesse, prototype des réseaux transeuropéens et a travaillé à la Commission Européenne à ce titre. Il a été en charge
de l’infrastructure, de l’aménagement du territoire et de l’économie de l’environnement au département
des analyses stratégiques de la SNCF. Il est aujourd’hui chargé de mission auprès du Président du Conseil supérieur du
service public ferroviaire.


*

 Le diagnostic : les nuisances des transports et leur évaluation

Les nuisances du système des transports sont créées par les infrastructures, les matériels ou les déplacements de ces matériels sur les infrastructures. L’encadré ci-contre constitue une nomenclature des principales “maladies” des transports non supportées par les différents modes mais reportées sur la société d’où le nom d’effets externes.


Les nuisances des transports :
les effets externes négatifs

1. les énergies et leurs effets

  • la consommation d’énergie
  • la pollution atmosphérique
  • l’effet de serre
  • les risques liés à la production de l’électricité, et à son
    transport.
    .



2. le bruit et les vibrations
.

3. les effets permanents des infrastructures .

  • la consommation d’espace et l’effet de coupure
  • les obstacles à l’écoulement des eaux
  • les atteintes aux paysages
  • l’impact sur la faune et la flore
    .



4. la congestion des infrastructures
.

5. les atteintes à la sécurité des personnes
.

6. les rejets d’effluents : la pollution industrielle .

  • les déchets et les impacts du cycle de vie des infrastructures, des matériels et de l’énergie
  • les pollutions des eaux et des sols
    .

Mais pourquoi vouloir évaluer les effets externes négatifs des transports ? La réponse est celle du médecin qui prend la température et le pouls de son patient et qui pratique des analyses plus ou moins poussées : ce qui se mesure peut faire l’objet d’actions mesurables et donc s’améliorer. Un premier stade consiste en des mesures physiques des effets externes : tonnes de polluants atmosphériques émis, consommation d’espace en hectares, nombre d’accidents, décibels émis, kilomètres d’embouteillages…

Le stade le plus achevé des mesures est la constitution d’un barème d’évaluation des effets externes donnant des équivalents monétaires aux conséquences des effets externes et permettant de faire supporter par chacun des modes de transports les coûts externes correspondants. Un tel barème doit posséder les qualités suivantes :

  • • légitimé vis-à-vis du maximum d’acteurs concernés, à la fois les spécialistes et les décideurs politiques ;
  • • efficacité : le barème doit conduire aux bonnes décisions pour réduire effectivement les nuisances ;
  • • caractère le plus complet et le plus différencié possible : il doit concerner toutes les nuisances, tous les modes de transport, tous les milieux (ville et rase campagne, avec une attention particulière aux zones sensibles) et permettre des projections dans le temps ;
  • • facilité d’application pour être bien compris.

En résumé le barème doit être un instrument de mesure pouvant servir de thermomètre fiable au médecin prescripteur. A cette fin les économistes des transports calculent des “valeurs révélées” monétaires [1]
de ces nuisances. Pour montrer concrètement ce qu’est un tel barème, nous présenterons ici le barème établi pour l’année 2000 et pour la France dans l’étude germano-suisse Infra-IWW de 2004.

Le barème ainsi présenté ne serait pas complet sans des indications sur l’évolution dans le temps des valeurs unitaires précédentes.

Il faut distinguer dans cette évolution :

• l’évolution physique de chaque nuisance elle-même décomposable en deux facteurs : le progrès technique et la pénétration de ce progrès dans le parc de véhicules de transports ou dans les infrastructures ;

• la perception sociale des nuisances, facteur qui traduit les effets du progrès des économies sur les comportements, de plus en plus sensibles à l’environnement au fur et à mesure que le niveau de vie s’accroît.


FRANCE
Coûts 2000 en euros par
1000 voyageurs-km
Coûts 2000 en euros par
1000 tonnes-km
Coûts
2000
par mode
route rail avia. tous route rail avia. voie d’eau tous
et effet
externe
voiture bus motos total total total total VUL PL total total total total total
Accidents
29.0
1.7
217.0
28.3
0.4
0.4
19.3
35.3
6.4
12.2
0.0
0.0
0.0
10.2
Bruit
5.2
1.2
16.6
4.9
0.6
1.4
3.7
37.3
6.5
12.8
0.8
4.8
0.0
11
Pollution/air
10.1
12.1
3.5
10.2
2.7
1.4
7.5
88.8
42.0
51.5
6.4
8.1
9.8
43.9
Changt climat.
14.8
5.9
11.6
13.5
1.6
47.3
20.4
54.6
13.6
22.0
1.0
249.0
4.3
20.6
Paysage
4.2
0.8
3.4
3.7
0.5
0.8
2.7
15.4
4.1
6.4
0.3
4.4
4.8
5.5
Amont/aval
4.4
2.5
2.9
4.1
2.2
1.0
3.2
22.5
8.3
11.2
2.2
7.8
3.1
9.7
Effets Urbains
0.9
0.2
0.7
0.8
1.2
0.0
0.6
3.3
0.9
1.3
0.5
0.0
0.0
1.2
Total 2000
68.6
24.4
255.7
67.5
9.2
52.3
57.5
257.0
81.7
117.4
11.2
274.1
22.1
102.0

Source : INFRAS-IWW 2004


À partir de tels barèmes, ont pu être appréciés les avantages environnementaux des projets TGV.

Il est aussi possible de déterminer, sur la base de ce barème, de véritables “compte des nuisances des transports de la Nation”, c’est-à-dire un bilan global du système de transport intérieur français.

 Les remèdes : cinq instruments politiques pour réduire les nuisances des transports

Réglementations, normalisations ou accords volontaires

Les réglementations sont les outils les plus traditionnels au service des Etats qui mettent en œuvre les lois décidées. De plus en plus en Europe, la législation est élaborée au niveau européen (Conseil et Parlement européen sur initiative de la Commission) et la mise en œuvre est directe dans le cas des règlements ou nécessite une transposition en droit national pour les directives. Relèvent de cette catégorie, les normes EURO pour les moteurs des véhicules automobiles qui tendent à réduire les nuisances à une date donnée. Dans certains cas, la réglementation est élaborée au niveau mondial ; c’est le cas pour les nuisances des avions ou les caractéristiques des navires.

Un outil voisin, plus souple mais plus incertain en terme de résultats, est l’accord volontaire d’une catégorie d’acteurs économiques à réduire les nuisances dans leur secteur. L’accord AUTO-OIL signé par les constructeurs automobiles européens relève de ce type et concerne la diminution des émissions de CO2 : dès à présent on sait qu’il ne sera pas respecté et la Commission propose de le remplacer par une directive contraignante.

Fiscalité/tarification ou compensations tarifaires

Cette deuxième catégorie d’instruments est d’ordre économique et fait appel directement aux évaluations monétaires présentées ci-avant. Il s’agit de faire supporter une taxe aux modes producteurs de nuisances, de façon proportionnée à celles-ci, ou de compenser aux modes les moins nuisants l’avantage procuré pour tendre vers une certaine harmonisation entre les modes. La taxation est plus ou moins forte et plus ou moins croissante dans le temps selon la vigueur du “traitement” choisi pour atteindre l’objectif de réduction des nuisances. Il peut même y avoir “surtaxation”, éventuellement momentanée, pour une “guérison” plus rapide.

En Grande Bretagne, le gouvernement conservateur a institué en 1994, suite à une recommandation de la Commission Royale pour l’Environnement, un système de taxe croissante dans le temps, le “fuel tax escalator”. L’expérience, aujourd’hui arrêtée, était très intéressante puisqu’il s’agissait d’une taxation fortement croissante mais dont les caractéristiques sont connues de tous : + 5% par an durant 15 ans depuis 1994. Il s’agit, par cet effet d’annonce, de créer une adaptation du parc des véhicules et de leur utilisation (baisse des consommations unitaires, achat de véhicules moins gourmands, déplacements plus courts et moins nombreux), en toute transparence sur la base de cette taxe incitative.

À l’inverse, pour encourager le transfert modal vers les modes les moins polluants, certains pays ont institué une compensation environnementale en leur faveur. La loi danoise de 1998 subventionne ainsi le fret ferroviaire intérieur et la Commission Européenne a clairement affirmé la légitimité de cette subvention dans la mesure où :

• elle est basée sur les avantages environnementaux du train par rapport à la route selon les calculs de la Conférence européenne des ministères des transports (CEMT) et du Conseil économique danois ;

• elle s’applique en l’absence d’internalisation des coûts externes à l’ensemble des modes ;

• elle s’applique sans discrimination entre les différents transporteurs ferroviaires autorisés au Danemark ;

• elle est limitée au trafic intérieur (le transport maritime apparaît comme moins nuisant encore en trafic international).

Politique d’investissement et de financement des investissements

Un autre “remède” est la politique des investissements et leur mode de financement. L’introduction du bilan environnemental et des coûts externes correspondants dans la décision d’investissement peut influer sur le choix des investissements si l’on retient le critère du meilleur bilan global actualisé des économistes. Un autre critère de classement des projets, indépendant des montants des investissements, est celui de la rentabilité interne : il s’exprime par le taux d’actualisation qui annule le bilan global du projet.

La politique d’investissements ne consiste pas seulement, à déterminer les projets qui dégagent la meilleure rentabilité mais bien à assurer leur réalisation et, par conséquent, leur financement. Une partie de celui-ci provient des utilisateurs de chaque projet, (ce qui est traduit par le “sous-bilan économique”) mais souvent il est difficile de boucler le financement du projet ainsi. En effet les projets de transports représentent des investissements très lourds en infrastructures et en matériel roulant (pour les transports collectifs) et la rentabilité des activités de transports est assez faible à l’exception de quelques projets comme le TGV Paris Lyon ou le TGV Atlantique en France.

La mise en œuvre des projets demande donc souvent des subventions publiques que légitime d’ailleurs l’intérêt supplémentaire des projets pour la collectivité en termes

  • • d’avantages nets pour les utilisateurs, notamment les gains de temps,
  • • d’avantages nets environnementaux pour la société.

Il est alors légitime de financer les projets des modes de transport les moins nuisants par la taxation des modes plus nuisants.

La Suisse a montré la voie en faisant financer l’ensemble de ses projets ferroviaires dont les tunnels alpins en cours de construction (Loëtschberg et Gothard) par les taxes routières à tous les tunnels à hauteur de 77%, et ce une votation populaire !

Il est à noter que les modèles de prévision économétriques indiquent que la variable “investissement” est la plus importante pour expliquer la croissance du trafic d’un mode donné. C’est la leçon du modèle du ministère français de l’Equipement. C’est aussi la conclusion implicite à laquelle conduit la lecture du livre blanc de la Commission, même si celle-ci met en avant l’instrument de la libéralisation dans tous les secteurs et a donné pour titre de la première directive de libéralisation du chemin de fer celui de directive “relative au développement des chemins de fer communautaires”.

Politique d’aménagement du territoire

Sans aller jusqu’à formaliser par le calcul économique le choix des investissements, certaines politiques d’aménagement du territoire favorisent la réalisation de tel ou tel projet de transport à tel ou tel endroit, par exemple en donnant priorité aux projets des modes de transports les moins nuisants. Il en est ainsi des politiques urbaines tendant à l’arrêt de “l’étalement des villes”, phénomène pernicieux qui détériore la rentabilité des projets d’équipements collectifs et tout particulièrement des projets de transports collectifs quand l’habitat est trop dispersé.

Le protocole transport de la Convention Alpine d’octobre 2000 ratifié par l’ensemble des pays de l’arc alpin, prévoit une politique systématique de transfert de la route vers le rail pour réduire les nuisances dans cette zone très sensible.

Mais ce domaine est aussi celui de l’action locale (“agendas locaux 21” ou non). C’est ainsi que la loi sur l’air de 1996 a rendu obligatoire en France l’élaboration de plans de déplacements urbains (PDU) pour toutes les villes de plus de 100.000 habitants.

Autant ces actions locales représentent un grand espoir, autant elles doivent être menées en cohérence avec des politiques globales sans être perverties par des intérêts égoïstes. C’est une dérive qui guette toutes les associations locales de défense de l’environnement : quel gâchis de voir un projet de transport collectif attaqué, au risque démesuré parfois de voir se développer des trafics bien plus nuisants. Ceci n’exonère absolument pas les promoteurs de ces projets d’un effort renforcé d’insertion dans les territoires locaux et les financeurs d’accepter un renchérissement raisonnable de ces mêmes projets.

Les quotas d’émissions et leur échange

Le protocole de Kyoto sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre prévoit, à côté des mesures contraignantes de réglementation, le recours à l’échange de quotas d’émission de façon à optimiser les mesures de réduction, à l’instar de marchés déjà existants pour d’autres polluants, notamment aux Etats-Unis. Chaque entreprise négocie en début de période un certain nombre de quotas, inférieur à ses émissions et doit en rendre autant en fin de période, montrant ainsi qu’elle a bien satisfait aux réductions demandées. Ces réductions sont réalisées en interne ou par négociation sur un marché de quotas.

Une directive européenne organise à compter du 1er janvier 2005 cet échange de quotas entre entreprises dont les installations sont fortement émettrices de CO2. D’autres gaz et d’autres secteurs devraient être couverts à partir de 2008, alors que le système d’échange deviendra mondial. Le secteur du transport pourrait être concerné en raison de son importance et de son augmentation rapide dans tous les pays.

 Quelle ordonnance pour soigner notre système de transport ?

Nous connaissons maintenant les remèdes disponibles dans la “pharmacopée” des transports. Reste à écrire la bonne ordonnance : c’est l’objet de la politique des transports pour réguler le système transport/énergie/environnement dans chaque pays.

Une ordonnance pour chaque pays

Chaque pays doit rechercher la meilleure combinaisons de remèdes - certains parlent de cocktail ! - compte tenu de la situation propre de son système de transports. La chose est loin d’être simple car les implications dans le système économique sont énormes tant le transport y est intérieurement mêlé. Le transport concerne tout le système de production et ce d’autant plus que le principe des flux tendus a envahi celui-ci, faisant du transport la variable d’ajustement de l’économie. Il concerne aussi la vie quotidienne de tous les habitants : par exemple, le choix du lieu de résidence entraîne le choix du mode de déplacement habituel. Mais il concerne aussi la localisation de tous les lieux de déplacement habituels : équipements publics et, bien sûr, lieux de travail. La politique des transports a donc vocation à penser “global” et à penser “long terme”…

Ceci explique aussi la difficulté et le peu d’enthousiasme des décideurs politiques pour faire évoluer les choses d’autant que l’inertie du système est énorme et que l’échelle de temps du politique est a contrario très courte. Rappelons par exemple que lorsqu’on commence à parler d’une infrastructure de transport il faut, en général, quinze ans pour l’inaugurer et parfois plus. C’est ainsi que la première étude d’un TGV Méditerranée remonte à 1984 et que ce dernier a été inauguré en 2001 (cf. aussi le viaduc de Millau…)

Les remèdes plus rapides, tels que la taxation, sont aussi plus sensibles en matière d’acceptabilité sociale. Les rejets existent, comme en médecine : rejet localisé pour les infrastructures, rejet général pour les politiques telles que taxation ou réglementation. De ce point de vue, la subvention apparaît comme un optimum de second rang pour les économistes et un remède commode pour le décideur politique !

Le poids des “maladies transmissibles” entre pays

Si la politique des transports doit être adaptée au contexte de chaque pays, elle doit aussi s’inscrire dans le contexte plus général des grands ensembles économiques telle que l’Union Européenne, voire même au niveau mondial. En effet la libre circulation des biens, des personnes et des services entre les pays entraîne des conséquences pour les politiques de transports de tous ces pays.

La mondialisation des économies conduit à des “maladies transmissibles” voire à des épidémies en matière de transport et c’est souvent le plus nuisant environnemental qui est le moins cher donc le plus recherché. L’harmonisation s’impose donc dans ce domaine comme dans beaucoup d’autres politiques.

Une politique globale exemplaire : le cas de la Suisse

La principale maladie ressentie dans les transports en Suisse est celle du transit des camions. Elle a fait l’objet d’un traitement global spécifique sur la base de l’article 84 de la Constitution helvétique résultant de l’initiative populaire de 1994 sur la traversée des Alpes. La politique suisse a évolué depuis la réglementation (interdiction des poids lourds de plus de 28 tonnes) jusqu’à des outils économiques combinant taxation, subvention, investissement et aménagement du territoire.

La Suisse donne priorité au rail : elle construit donc de nouvelles traversées ferroviaires alpines (Lötschberg et Gothard), aménage le réseau existant (projet Rail 2000 + protections contre le bruit) et connecte son réseau avec le réseau européen de trains à grandes vitesses. Toutes ces infrastructures ferroviaires sont financées par les taxes routières (à hauteur de 77 %) et par des subventions publiques.

La limite réglementaire de tonnage des poids lourds
(28 tonnes) est abandonnée progressivement (34 tonnes en 2001, 40 tonnes en 2005) parallèlement à l’augmentation progressive de la Redevance sur les trafics des Poids Lourds liée aux Prestations et aux pollutions (RPLP). Pour le parcours type du transit alpin Bâle-Chiasso et le poids lourd type, la redevance s’accroît de 93 € en 2001 à 190 € en 2005 et 208 € en 2008.

L’objectif affiché est de diviser par deux le transit routier, pour le faire passer de 1,3 millions de poids lourds annuels aujourd’hui à 650 000 poids lourds au plus tard en 2010. C’est un pari pourtant déjà perdu. Il faut dire qu’il était fondé sur des taxes plus lourdes, revues à la baisse sous la pression de l’Union Européenne lors des discussions du traité avec la Suisse : mauvaise influence en l’occurrence !

La ligne Brig - Zermatt en Suisse.
Zermatt n’est accessible qu’en train.

Quel traitement pour l’Union Européenne ?

La politique européenne de l’environnement est inscrite dans les principes du traité actuel. Jusqu’à présent l’environnement n’avait guère retenu l’attention de la Commission, plus occupée par la garantie d’une concurrence élargie à l’intérieur de chaque mode et entre les modes, qui poursuit pour l’essentiel d’autres buts. La protection de l’environnement doit être intégrée dans la politique des transports comme dans toutes les autres politiques. On peut aussi remarquer que si le principe pollueur-payeur est souvent mis en avant, ce n’est qu’un des trois principes de la politique d’environnement. Il faut ajouter le principe de précaution et celui de réduction, si possible à la source des nuisances. En particulier il ne suffit pas de payer : il faut réellement corriger les atteintes à l’environnement.

Une sage politique européenne des transports pourrait comprendre les cinq types de remèdes suivants :

1. normes Euro et accords volontaires comme préalables ;

2. taxation/subvention ;

  • taxe harmonisée sur les carburants (pour réduire la consommation et donc les émissions de gaz à effet de serre) ;
  • euroredevance calculée selon les charges, les émissions et les parcours réels pour tous les véhicules et sur toutes les itinéraires avec taxation modulée par exemple dans les zones les plus sensibles ;
  • subventions compensatoires transitoires aux modes les moins nuisants tant que les deux systèmes de taxation ne sont pas totalement en place ;

3. financement multimodal des investissements au niveau ational ou régional en faveur des modes les moins nuisants, sur la base des taxations précédentes ;

4. politique active d’aménagement durable du territoire en fonction de l’accessibilité aux systèmes de transport les moins nuisants, avec l’objectif de combattre l’étalement urbain et la politique de dispersion des établissements industriels entraînant les flux tendus, avec priorité de mise en œuvre dans les zones sensibles ;

5. échange de droits d’émissions de gaz à effet de serre, encadré par le recours à la réglementation et à la taxation.

 Conclusion : Pour une politique de prévention

Les systèmes de transport des pays développés sont malades et les experts sont à leur chevet pour les guérir de façon à éviter l’étouffement de la congestion, l’asphyxie de la pollution et les morts et blessés de l’insécurité et à réduire les émissions de gaz à effet de serre et les atteintes à la nature et aux paysages.

La leçon doit être entendue non seulement dans ces pays développés mais aussi partout dans le monde, car le modèle du monde occidental s’impose partout malheureusement, avec ses avantages mais aussi avec ses maux, qui risquent de coûter très cher, tant l’emprise des transports et surtout du transport routier sont grands dans ce modèle de développement qui n’est pas durable.

Il appartient donc aux économies de transition, notamment dans les pays d’Europe centrale et orientale, et aux économies en développement de réagir dès maintenant pour éviter les conséquences négatives de choix mal réfléchis en matière de transport.

* Version remaniée d’un article paru dans la revue Transports n° 417 janvier/février 2003 et dans la revue Liaison Energie Francophonie du 1er trimestre 2003.

Notes

(pour revenir au texte, cliquer sur le numéro de la note)

[1L’évaluation des coûts externes consiste effectivement à “monétariser” la gêne supportée sur la base de dégâts constatés, de réparations offertes ou de compensations acceptées par les personnes génées, autant de “révélations”de coûts implicites.

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 Bibliographie

Pour en savoir plus

  • External Effects of Transport. Infras AG Zurich and IWW (Institute für Wirtschaftspolitik und Wirtschaftsforschung - Karlsruhe.
    octobre 1994.
  • Liaison Energie Francophonie (Institut de l’Energie des Pays francophones), dossier “transports” sous la direction de Michel
    Mousel, 1er trimestre 2003.
  • Commissariat général du plan “Transports : choix des investissements et coûts des nuisances”. Rapport du groupe présidé par Marcel Boiteux. La Documentation française,juin 2001.
  • Mardi de 4D, 15 février 2005. “Transports et émission de gaz à effet de serre : Des scénarios pour 2050”.
 Lire dans l’encyclopédie
- Michel Rousselot, {[Politiques publiques de transport et développement durable->43]} (N°12). - Chantal Duchène, {[Responsabilités et politiques des autorités organisatrices des transports publics du point de vue du développement durable->74]} (N°33).
 Documents joints
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