Résumé
Cet article présente le monde complexe et assez hermétique des signes permettant de reconnaître les qualités environnementales, ou favorisant le développement durable, des produits. Cette complexité technique est un obstacle à une appropriation aisée par le grand public. Et pourtant cette appropriation est nécessaire pour que le consommateur joue un rôle économique plus complet d’acteur qualitatif dans les filières et pas seulement de moteur de croissance quantitative. C’est pourquoi l’encyclopédie du développement durable poursuivra son travail de vulgarisation sur ces sujets.
Auteur·e
Patrice Gruszkowski, titulaire d’un DES de droit public et de sciences politiques, militant et responsable bénévole au sein d’un grand mouvement consommateur à ses débuts, Responsable, au ministère français chargé de la consommation (Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes), du secteur développement durable au sein de la sous-direction de la politique de la consommation, Expert national détaché auprès de la Commission européenne (Direction générale « Environnement », secteur « Consommation et Production durables »).
La montée en puissance des idées écologistes, les inquiétudes face à l’épuisement des ressources naturelles et aux menaces de réchauffement climatique ont provoqué une déferlante d’allégations environnementales parmi lesquelles le consommateur a bien du mal à se retrouver.
Le manque de fondement scientifique ou de fiabilité de beaucoup de ces allégations, souvent fantaisistes, voire mensongères, a fait apparaître un besoin d’encadrement afin de garantir leur validité et de les faire accepter par un consommateur devenu méfiant.
Cet encadrement peut être le fait des Pouvoirs publics, aux niveaux national ou européen : c’est le domaine des écolabels officiels réglementés et garantis par un contrôle par des organismes certificateurs.
Parallèlement, et même les précédant, les ONG environnementalistes ont mis en place des labels privés, eux aussi validés par l’intervention d’une tierce partie indépendante. Ces labels, provenant d’organisations militantes, offrent en général de bonnes garanties aux consommateurs.
Les auto-déclarations environnementales pèchent encore par leur manque de fiabilité. Mais des progrès sont en cours : confrontées à l’accusation permanente de « greenwashing », de plus en plus d’entreprises ont pris conscience de la nécessité de regagner la confiance du consommateur en mettant en place des procédures d’autocontrôle, voire des contrôles par tierce partie, permettant de garantir la validité de leurs allégations.
En France, le « Grenelle de l’environnement » a permis de lancer de nouveaux projets de signes de qualité environnementale officiels, mais aussi de jeter les bases d’une moralisation des allégations environnementales.
Enfin, la Commission européenne n’est pas en reste. Elle révise en étendant leur champ d’application les réglementations européennes sur les étiquetages environnementaux et les écolabels, en même temps qu’elle ouvre de nouveaux chantiers pour développer l’autorégulation par les professionnels.
L’intervention des Pouvoirs publics
Les signes de qualité environnementale encadrés par les Pouvoirs publics sont peu nombreux. Ils offrent – en principe – de meilleures garanties au consommateur. Beaucoup d’entre eux sont régis par la réglementation européenne, mais celle-ci tolère des déclinaisons nationales, en général plus strictes, ou des démarches nationales ou régionales dès lors qu’elles font l’objet d’une reconnaissance mutuelle et ne constituent pas des entraves aux échanges, comme l’agriculture raisonnée française ou ses équivalents danois, suisse, espagnol et italien.
L’agriculture biologique
Elle est actuellement régie par le règlement européen n°834-2007 du 28 juin 2007 modifié par le règlement du Conseil 967/2008 du 29 septembre 2008, est connue par le logo européen (modifié à partir du 1er juillet 2010), mais aussi par sa déclinaison française : le logo « AB » qui atteste la conformité, non seulement au règlement européen, mais aussi au cahier des charges français. L’agriculture biologique garantit que le produit a été cultivé ou élevé grâce à des pratiques respectueuses de l’environnement et du bien-être animal : rotation des cultures, préservation de l’écosystème, utilisation limitée de produits phytopharmaceutiques, engrais de synthèse, antibiotiques, additifs, auxiliaires de transformation et autres intrants , interdiction des organismes génétiquement modifiés, utilisation des ressources de la ferme (fumier, aliments pour les animaux d’élevage…), élevage en libre parcours, alimentation des animaux d’élevage avec des aliments d’origine biologique.
L’agriculture biologique est une « démarche produit » : le label bio vise les
caractéristiquesdu produit et non l’exploitation. D’ailleurs, la même exploitation peut produire des produits bio et des produits conventionnels.
La question de savoir si l’agriculture biologique peut être considérée comme une agriculture durable reste posée. Même si, globalement, ses impacts environnementaux sont plus réduits que ceux de l’agriculture conventionnelle, elle doit à ses origines – la volonté de certains consommateurs de disposer de produits plus naturels - d’en rester dissociée. Certaines pollutions ne sont pas prises en compte : le dégagement de méthane dans les élevages laitiers, par exemple, qui serait plus élevé que dans les élevages conventionnels. Enfin, elle ne prend pas en compte le transport et la commercialisation : il n’est pas sûr que des produits « bio » venus de Chine par avion soient plus avantageux pour la planète que des produits conventionnels produits localement. On se heurte ici au problème de la non-prise en compte du cycle de vie du produit en ce qui concerne les produits agricoles… Cependant, les tenants de l’agriculture bio sont maintenant sensibilisés au problème et travaillent à sa solution.
L’agriculture raisonnée
C’est une démarche système, régie par le décret français n° 2002-631 du 25 avril 2002 et plusieurs textes d’application. Elle n’est pas au sens strict un signe de qualité puisqu’elle vise le fonctionnement de l’exploitation et non une qualité du produit. Elle autorise cependant l’apposition, sur les produits, de la mention « issu d’une exploitation qualifiée au titre de l’agriculture raisonnée ». Cette mention peut alors être considérée comme un signe de qualité environnementale de
l’exploitation agricole (mais non du produit).L’agriculture raisonnée n’a pas suscité d’enthousiasme, bien que bénéficiant d’une reconnaissance officielle et d’un contrôle par des organismes certificateurs agréés et accrédités. On lui a reproché de ne garantir que le respect des obligations réglementaires (plus de la moitié des exigences du référentiel) ou de bonnes pratiques déjà respectées par les agriculteurs soucieux de bien gérer leurs exploitations. Elle n’a d’ailleurs connu qu’une diffusion confidentielle : environ 2 700 exploitations « qualifiées » sur plus de 300 000 éligibles.
Elle a vocation à être remplacée par la « Haute valeur environnementale » des exploitations agricoles prévue par la loi Grenelle 2. C’est un nouveau système de certification à plusieurs étages dont seul le plus élevé, répondant à des indicateurs stricts de performance environnementale, ouvrira droit à la mention « exploitation de haute valeur environnementale ».
Les écolabels des produits industriels
On entre ici dans un système de certification de produit réellement durable, qui fait appel à l’analyse complète du cycle de vie du produit. L’écolabel garantit que le produit est respectueux de l’environnement depuis l’extraction des matières premières jusqu’à son élimination sous forme de déchet, en passant par le processus de fabrication, le transport, la distribution, l’utilisation. Mais il garantit aussi une valeur d’usage au moins équivalente à celle des produits non labellisés. Avec l’écolabel, le consommateur est assuré – en principe - d’acquérir un produit à la fois de qualité et respectueux de l’environnement.
L’écolabel européen est régi par le Règlement révisé n° 66/2010 du 25 novembre 2009, publié le 30 janvier 2010). Il existe aussi des déclinaisons nationales reconnues au niveau européen, comme la marque NF-Environnement en France, l’Ange bleu allemand ou le Cygne blanc nordique.
Les écolabels souffrent d’une diffusion encore confidentielle due à la complexité des études préalables à leur attribution, en particulier de l’analyse du cycle de vie (ACV), mais aussi aux frais divers que doit supporter le titulaire (frais de dossier, d’enregistrement, d’audits préalable et de surveillance, redevances annuelles). Ils couvrent pourtant un bon nombre de produits : matelas, chaussures, ampoules électriques, peintures et vernis, aspirateurs, lave-linge, lave-vaisselle, réfrigérateurs, détergents, lubrifiants, ordinateurs, textiles, papiers, cahiers, mobiliers de bureau, produits d’hygiène… et même quelques services, comme les lieux d’hébergement touristique et les campings.
Pour connaître la liste des produits actualisée, on peut consulter : www.eco-label.com (écolabel européen) ou www.ecolabel.fr.
L’étiquette-énergie
La Directive 92/75/CEE du 22 septembre 1992, actuellement en cours de révision, a prévu l’affichage de la consommation des appareils domestiques en énergie. Plusieurs directives d’application (92/75/CEE, 94/2/CE, 95/12/CE, 96/89/CE, 2003/66/CE ...) ont rendu obligatoire sur de nombreux appareils électroménagers (réfrigérateurs, congélateurs, lave-linge, sèche-linge, lave-vaisselle, fours, chauffe-eau, climatiseurs), sur les ampoules électriques et les voitures, l’apposition d’une étiquette-énergie.
L’efficacité énergétique de l’appareil était évaluée en termes de classes d’efficacité énergétique notées de « G » à « A », la classe A étant celle du rendement optimum, G la moins efficace. D’autres informations peuvent figurer sur ces étiquettes, afin d’aider le consommateur dans son choix : consommation d’eau et efficacité de lavage et d’essorage pour les lave-linge, volume de stockage pour un réfrigérateur ou un congélateur, niveau de bruit…
Cette directive a été révisée tout récemment (directive 2010/30/UE du parlement européen et du conseil du 19 mai 2010) pour l’élargir aux produits liés à l’énergie, c’est-à-dire « ayant une incidence sur la consommation d’énergie pendant son utilisation », et aussi pour tenir compte du fait que les classes les moins efficaces avaient quasiment disparu. Désormais, les classes vont de « G » à « A+++ », mais seules 7 classes pourront apparaître sur l’étiquette. Cette révision est déjà critiquée par les ONG environnementales qui l’accusent de manquer de clarté et de brouiller le message, auparavant clair, destiné à informer le consommateur : elles demandent à la Commission de revoir sa copie au plus vite.
Un étiquetage de la consommation de carburant et de l’émission de gaz carbonique des voitures a également été institué au niveau européen, mais seuls certains Etats Membres (dont la France) l’ont traduit en une étiquette semblable à celle de l’étiquetage énergie.
Un autre reproche qui peut être fait à ces étiquettes tient au fait que les indications données le sont sous la responsabilité des fabricants, ce qui ne peut exclure la tentation pour certains d’« améliorer » les chiffres. Cependant, il est probable que, sauf exceptions, elles permettent une comparaison relativement fiable des divers appareils.
Les labels privés
Rappelons tout d’abord que, selon une doctrine communément admise, qui s’appuie d’ailleurs sur une jurisprudence de la cour d’appel de Paris du 27 juin 2003 (société IP-Label SA/ INPI), le label est une marque collective, c’est à dire une marque destinée à être utilisée par des entreprises indépendantes les unes des autres, mais respectant un règlement d’usage établi par l’instance (association, entreprise commerciale, …) propriétaire de la marque. Cette marque, apposée sur un produit, garantit des caractéristiques spécifiques contrôlées par un organisme certificateur extérieur au propriétaire de la marque. Cette définition est donc largement plus restrictive que le sens dérivé de l’anglais, où le mot « label » signifie « étiquette ». Mais elle apporte au consommateur une certaine garantie de la véracité des caractéristiques alléguées.
L’engouement pour l’environnement et le développement durable, joint à ce qu’il faut bien appeler la carence des Etats en la matière, a entrainé un foisonnement de ces labels privés, parfois d’inégale valeur. Beaucoup ont été mis en place par des organisations non gouvernementales (ONG) environnementalistes anglo-saxonnes.
Il serait trop long, et même impossible, d’en établir une liste exhaustive. Nous ne mentionnerons donc que les plus connus, les plus fiables et qui visent les produits de grande consommation.
La forêt durable
Devant l’émoi provoqué par l’exploitation effrénée des forêts primaires d’Amazonie, d’Afrique et d’Indonésie, fabricants de meubles et distributeurs de produits en bois, à la recherche d’approvisionnements venant de forêts gérées durablement, se sont tout naturellement tournés vers le « Forest Stewardship Council » (FSC), ONG créée en 1993,
notamment sous l’impulsion du WWF et de Greenpeace. Le référentiel FSC prévoit une gestion des ressources de la forêt suivant les trois piliers du développement durable : environnemental certes, mais aussi social et économique.
La démarche FSC intègre une procédure de suivi de la traçabilité qui permet de considérer ce signe comme un véritable label lorsqu’il figure sur des produits certifiés.
Pour faire pièce à l’ONG anglo-saxonne, professionnels et industriels européens du bois ont créé en 1999 le programme PEFC (« Pan European Forest Certification » devenu plus tard « Programme for the Endorsement of Forest Certification »). Moins ambitieux que la démarche FSC, le programme PEFC se fonde plutôt sur le pilier environnemental du développement durable. Moins rigide aussi, il a pour vocation de s’adapter aux conditions locales et à la diversité des ressources forestières, ce qui lui a permis d’acquérir une stature maintenant internationale et de dépasser largement FSC sur son propre terrain.
La labellisation PEFC inclut un contrôle de la traçabilité
qui permet d’apposer le logo sur des produits provenant d’un lot contenant au minimum 70 % de bois issus de forêts gérées suivant le référentiel PEFC [1].
La démarche PEFC ne fait pas l’unanimité : certains lui reprochent de faire preuve de laxisme, de couvrir des forêts dont la gestion n’a rien de durable, de n’être qu’une pure démarche commerciale, du « greenwashing » en quelque sorte… Il est certain que la souplesse du PEFC prête davantage le flanc à la critique que l’« intégrisme » du FSC ; de là à jeter le bébé avec l’eau du bain…
La pêche responsable
La surexploitation des ressources marines est préoccupante. Selon la FAO (rapport 2008 sur la pêche et l’aquaculture), 28 % des stocks sont en danger : 19 % sont surexploités, 8% carrément épuisés et 1 % en cours de reconstitution. Si l’on y ajoute les 52 % qui sont pleinement exploités, on constate que seuls 20 % peuvent encore fournir davantage. Déjà, de nombreuses espèces, parmi les plus prisées des consommateurs, sont en voie de disparition.
C’est pour faire face à cette situation que le Marine Stewardship Council (MSC) a été créé en 1999 conjointement par Unilever et le WWF [2]. Il s’agissait de mettre en place un organisme indépendant chargé de veiller à une gestion durable des pêcheries : éviter la surpêche, maintenir un état satisfaisant des stocks et sauvegarder l’environnement marin.
Le MSC, conçu sur le modèle du FSC, inclut un contrôle de la pêcherie
elle-même (état des stocks de poissons concernés, impact sur l’écosystème marin, système de gestion) et une certification de la filière, qui permet de garantir la traçabilité du produit de la pêcherie jusqu’au distributeur. A ce jour, quelques centaines seulement de produits sont autorisés à porter le logo MSC : c’est peu, mais le coût de la certification est élevé pour les petits commerçants (détaillants, mais aussi restaurants…), sauf lorsqu’il s’agit de produits préemballés. On les trouve donc essentiellement – pour l’instant - dans les grandes surfaces et les surgelés.
Emboitant le pas au MSC, l’Union européenne, puis la France, envisagent chacune de mettre en place un écolabel pêche responsable, mais la tâche est ardue et l’expansion du MSC, qui s’est fortement accélérée ces derniers mois, pose la question de l’utilité de tels labels régionaux ou nationaux.
Le commerce équitable
Le commerce équitable consiste à promouvoir des relations équilibrées entre producteurs défavorisés, des pays du « Sud » essentiellement, et les pays riches consommateurs de leurs produits.
Comme le monde de l’écologie, le commerce équitable connait une multitude d’acteurs, les « organisations de commerce équitable », divisés en deux clans irréconciliables. D’un côté, l’on trouve ceux qui estiment que le commerce équitable doit viser à aider les producteurs du « Sud » à mieux se positionner sur le marché : c’est dans ce camp que l’on retrouve les grands « labellisateurs » comme Max Havelaar. Leur font face des ONG de tailles très diverses, mais qui s’accordent à penser que le problème du sous-développement ne peut être résolu que par une remise en cause globale de l’économie libérale : plus radicale, cette mouvance, parfaitement illustrée par l’association « Minga » prône un commerce équitable aussi bien « Nord-Sud » que « Nord-Nord », les petits producteurs défavorisés se trouvant aussi bien dans les pays industrialisés que dans les pays en développement.
Le commerce équitable participe du développement durable, essentiellement à travers ses deux piliers social et économique : il s’agit d’aider les petits producteurs défavorisés à gagner leur vie (pilier économique) tout en améliorant leurs conditions de vie, par la mise en place de structures sociales, éducatives et coopératives (pilier social). Mais, de plus en plus, les acteurs du commerce équitable introduisent dans leurs référentiels des exigences environnementales. C’est même la spécialité de « Bioéquitable », association dont le label garantit que les produits concernés sont à la fois issus du commerce équitable et de l’agriculture biologique.
Le plus gros acteur du marché demeure l’association FLO International, propriétaire du label « Fairtrade », et sa déclinaison française « Max Havelaar ».
Max Havelaar, très présent en grandes surfaces, représente la plus grosse partie des ventes « commerce équitable » en France, notamment en café, thé et coton. Il est parfois contesté pour ses méthodes – qui consistent à n’aider que des producteurs déjà organisés, laissant ainsi de côté les véritables exclus du système – et ses sanctions parfois brutales contre les producteurs pris en faute. Il est vrai que FLO et Max Havelaar – suivant en cela leurs propres principes - sont désormais des entreprises soumises aux impératifs du marché…
Loin derrière viennent les certifications « Bioéquitable », déjà citée supra, qui regroupe des PME engagées dans une démarche de commerce équitable, et l’organisme certificateur Ecocert, avec son référentiel « ESR – Echanges solidaires et responsables ».
En dehors de ces marques existe une multitude de signes qui témoignent
de l’appartenance à une démarche de commerce équitable. Parmi les organisations les plus connues figurent « Artisans du Monde », « Ethiquable », Minga (précitée), etc.
La plupart de ces entités sont réunies dans la « Plate-forme du commerce équitable - PFCE », qui dispose d’un site fort bien fait : www.commercequitable.org.
A noter que, en France, une « Commission nationale du commerce équitable » a été instituée par l’article 60 de la loi du 2 août 2005, relative aux petites et moyennes entreprises, et son décret d’application no 2007-986 du 15 mai 2007. Cette Commission a pour tâche de « reconnaître » les « personnes veillant au respect des conditions du commerce équitable ». Elle n’a été mise en place que le 22 avril 2010, soit trois ans plus tard. Mieux vaut tard que jamais…
Plus bio que bio…
Certaines associations, estimant insuffisant le niveau d’exigences du référentiel de l’agriculture biologique, ont créé leurs propres référentiels, qui vont plus loin encore, et leurs propres logos.
On peut citer ainsi Nature et Progrès, le pionnier de l’agriculture biologique, ou
Déméter, qui promeut l’agriculture biodynamique, c’est-à-dire biologique, mais
aussi, suivant les propres termes de l’association, fondée sur « une profonde compréhension des lois du « vivant » acquise par une vision qualitative/globale de la nature ». Même si certains de ses thèmes peuvent paraître quelque peu ésotériques, la base des pratiques est saine et ne saurait faire de mal à la planète, bien au contraire.
Le problème de ces petites marques biologiques privées (il y en a beaucoup d’autres) réside, non dans leurs référentiels, mais dans les procédures de contrôle, qui, faute de moyens, laissent parfois à désirer et risquent de laisser passer quelques anomalies entre les mailles du filet .
Les auto-déclarations environnementales
Ce sont les mentions, logos et autres allégations vantant les avantages environnementaux de tel ou tel produit, publiées sous la seule responsabilité des entreprises. Elles sont bien définies par la norme ISO 14021, malheureusement facultative.
On trouve ici le meilleur comme le pire : des déclarations sérieuses, des proclamations purement marketing, des affirmations farfelues qui prêtent à sourire : l’imagination est au pouvoir et la créativité des services commerciaux sans bornes…
Les auto-déclarations fondées sur des certifications
Il s’agit d’allégations émises par les entreprises sous leur propre timbre, mais garanties en amont par des certifications, c’est-à-dire des contrôles par tierce parties indépendantes, compétentes et impartiales. Nombreuses en matière agricole et alimentaire, elles sont souvent le fait de la grande distribution (Terre et Saveur chez Casino, Filière qualité Carrefour…) qui préfère valoriser ainsi ses propres marques ou logos que d’évoquer d’ésotériques certifications « Globalgap » ou « IFS »…
Certaines s’apparentent à de véritables labels « maison », telle la certification pêche responsable des filiales du groupe Intermarché Scapêche (armement) et Scamer (commercialisation).
On leur accordera le crédit que l’on attribue aux enseignes elles-mêmes, sachant que les référentiels qui se cachent derrière contiennent souvent beaucoup plus d’exigences destinées à favoriser la commercialisation du produit (qualité-sécurité, présentation, etc.) qu’à protéger l’environnement. On pourra donc, si on le souhaite, leur pardonner un certain optimisme…
Les auto-déclarations documentées
Ce sont les allégations qui reposent sur des auto-évaluations de l’entreprise. Ces auto-évaluations reposent sur des données techniques (composition, essais de laboratoires…) qui doivent être présentées, en cas de contrôle, aux limiers de la DGCCRF. Mais, comme le public n’a pas accès à ces justificatifs, il lui incombe d’évaluer le niveau de confiance qu’il accorde à l’entreprise… et surtout de ne pas le surévaluer !
La fantaisie
Parfois purement mensongères, et difficiles à distinguer des précédentes, elles peuvent prendre des formes singulièrement comiques. On a vu ainsi un fabricant d’éponges synthétiques se vanter de protéger l’environnement marin en évitant de détruire les éponges naturelles qui vivent au fond des océans. Un autre avait inventé un dispositif anti-torsion destiné aux flexibles de douche, augmentant ainsi leur longévité, d’où économies de matières premières, énergie, etc.
On se méfiera particulièrement des termes comme « naturel », « écologique » qui, une fois sur deux, ne veulent rien dire. Les pyréthrines, pesticide violent pour les insectes ravageurs, sont un produit parfaitement naturel. Ce qui ne les empêche pas d’empoisonner les cours d’eau près desquels ils sont utilisés : ce n’est pas parce qu’un produit est naturel qu’il est bon pour l’environnement. Et encore faut-il s’entendre sur ce qu’est un produit naturel : non transformé ? Composé d’éléments tels qu’on les trouve dans la nature ? N’ayant subi qu’une transformation mécanique ou thermique ? Transformé à l’aide de produits chimiques « naturels » ? Les définitions varient selon que l’on se réfère à la doctrine de la DGCCRF, à celle de l’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité (ARPP, ex-BVP) ou… de la Cour de justice européenne !
Il en est de même pour les produits dits écologiques : hormis pour ceux qui ont fait l’objet d’une analyse de cycle de vie, comme les produits écolabellisés, rien ne prouve que leur caractère bénéfique pour l’environnement n’est pas contrebalancé par des caractéristiques bien pires, ne serait-ce qu’au niveau de leur fabrication !
Les espoirs du Grenelle de l’environnement
La loi « Grenelle 2 » (loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement) qui met en application de nombreuses mesures prévues par le Grenelle de l’environnement, tenu fin 2007, devrait modifier le paysage des allégations environnementales.
L’agriculture raisonnée, maintenue provisoirement, laissera place à la « Haute valeur environnementale (HVE) » des exploitations agricoles (article L.611-6 nouveau du code rural), système de certification à plusieurs niveaux. Seul le niveau supérieur, répondant à des indicateurs stricts de performance environnementale, ouvrira droit à la mention « exploitation de haute valeur environnementale » ; les produits issus de ces exploitations bénéficieront d’une mention valorisante prévue à l’article L.641-19-1 nouveau du code rural (« issu d’une exploitation à haute valeur environnementale »).
La « pêche durable » bénéficiera d’un label (article L.644-15 nouveau du code rural). Comme la Commission européenne prévoit, elle aussi, un label européen du même type, c’est la course contre la montre, avec une bonne longueur d’avance au label privé « MSC »…
L’écocertification des forêts gérées durablement, ainsi que du bois et produits en bois en provenant, est consacrée par la modification de l’article L.13 du code forestier.
Surtout, un étiquetage écologique des produits est prévu par le nouvel article L.112-10 du code de la consommation, qui met en place, à partir du 1er juillet 2011 et pour une durée minimale d’un an, une expérimentation « afin d’informer progressivement le consommateur par tout procédé approprié du contenu en équivalent carbone des produits et de leur emballage, ainsi que de la consommation de ressources naturelles ou de l’impact sur les milieux naturels qui sont imputables à ces produits au cours de leur cycle de vie ». Ce n’est qu’après cette expérimentation qu’un bilan transmis au Parlement évaluera l’opportunité d’une généralisation du dispositif et qu’un décret en Conseil d’Etat pourra en fixer les modalités.
Certes, cette disposition est en retrait par rapport au projet originel qui prévoyait de rendre cet étiquetage obligatoire à partir du 1er janvier 2011. Mais il s’agit d’un repli stratégique face à la complexité des travaux menés par les experts de l’ADEME et de l’AFNOR, et, surtout, aux risques d’opposition de la Commission européenne qui n’aurait pas manqué de considérer une mesure obligatoire comme un obstacle au bon fonctionnement du marché intérieur.
Le terme d’« expérimentation » lève ce risque et, au contraire, permet aux services de la Commission de suivre le processus avec intérêt…
Enfin, l’article L. 214-1 du code de la consommation est complété par un 10° qui permettra de fixer les « exigences de précision, de vérification et de prise en compte des éléments significatifs du cycle de vie des produits dans l’élaboration des allégations à caractère environnemental ou utilisant les termes de développement durable ou ses synonymes » concernant les produits de consommation.
Enfin, la communication et la publicité pour les produits phytosanitaires sont strictement encadrées. Ils ne pourront plus se targuer d’être « non dangereux ”, » non toxique ”, « biodégradable ”, » respectueux de l’environnement ”, " produit à faible risque ”, etc. La publicité commerciale télévisée grand public, radiodiffusée et par voie d’affichage extérieur en dehors des points de distribution est désormais interdite pour ces produits.
En outre, un label « auto-partage », prévu par la loi « Grenelle 1 » viendra consacrer les systèmes du type « Vélib’ », mais cette fois pour les véhicules à moteur (électrique, de préférence…). A noter que ce système existe déjà, par exemple en Belgique, sans qu’il ait été nécessaire, pour autant, de créer un label ad hoc.
Le projet de loi « Grenelle 1 » prévoyait au surplus de développer l’affichage des conditions sociales de production des biens et services. Voilà qui ne sera pas facile, aussi bien techniquement, au regard du grand nombre d’intervenants dans chaque filière, que juridiquement, car il ne peut être question de se contenter de reporter les dires de ses fournisseurs sans en vérifier la sincérité. L’idée est cependant intéressante et, même si les grosses organisations professionnelles la boudent, des entreprises sincèrement engagées dans des démarches de développement durable semblent s’y intéresser et prêtes à jouer un rôle de pionniers.
Les travaux européens
De son côté, la Commission européenne prépare de nouveaux moyens d’information du consommateur sur les performances environnementales des produits.
La voie législative
Le nouveau règlement de l’écolabel européen (Règlement ° 66/2010 du 25 novembre 2009, publié le 30 janvier 2010) étend son champ d’application à de nouvelles catégories, dont les boissons, les aliments transformés et les produits de la pêche et de l’aquaculture, en simplifie les procédures d’obtention et en réduit les coûts pour les petites entreprises. L’extension aux produits alimentaires devra cependant faire l’objet d’études plus avancées : l’adaptation du système de l’analyse du cycle de vie est délicate pour ce type de produit.
La nouvelle directive 2010/30 du 19 mai 2010 sur l’étiquetage énergétique étend son champ d’application étendu aux produits liés à l’énergie, et non plus seulement consommateurs d’énergie. Cette modification pourra concerner des produits tels que les fenêtres isolantes, les matériaux de construction, etc.
En revanche, les modalités prévues pour clarifier les modalités d’étiquetage peuvent paraître plus discutables.
Un projet de labellisation de la pêche durable, en gestation depuis déjà 2005, est relancé depuis 2009. Mais les propositions concrètes se font attendre…
Citons aussi les lignes directrices pour l’application de la Directive sur les pratiques commerciales déloyales publiées en décembre 2009, et dont un chapitre entier est consacré aux allégations environnementales trompeuses. Même si ces lignes directrices n’ont pas valeur réglementaire, elles peuvent servir de référence aussi bien aux professionnels soucieux de bien faire qu’aux magistrats confrontés à des allégations douteuses.
L’autorégulation
Partant du principe que la réglementation ne peut pas tout régler et que l’implication des professionnels en leur qualité de « parties prenantes » fait plus pour moraliser les pratiques commerciales que la contrainte, la Commission a multiplié les initiatives visant à l’autorégulation du marché.
Ainsi, elle a lancé en 2009 un « Forum des distributeurs » (Retail Forum) afin d’améliorer les performances environnementales de la distribution. Ce forum rassemble les plus grands distributeurs d’Europe, voire mondiaux. Ses travaux se déroulent dans la transparence et font appel à de nombreuses parties prenantes, dont des ONG consuméristes et environnementalistes.
Au nombre des thèmes de réflexion figure la communication sur les qualités environnementales des produits : loyauté des allégations, méthodes d’évaluation des caractéristiques environnementales. Plusieurs documents ont été élaborés, portant notamment sur le marketing et l’information du consommateur sur les caractéristiques environnementales des produits. Un « Code de conduite », encore modeste mais qui ouvre la voie à des améliorations futures, a été mis en place officiellement le 20 juin 2010 : il prévoir notamment l’amélioration continue de l’information délivrée au consommateur..
Enfin, les professionnels de la filière agroalimentaire ont sollicité – et obtenu – la participation de la Commission à une « Table ronde sur l’alimentation » (European Sustainable Consumption and Production Food Round Table) en vue d’améliorer la performance environnementale des produits toute au long de la filière agroalimentaire. Et parmi les principaux thèmes de travail figure l’établissement de lignes directrices pour l’évaluation environnementale des produits et la communication jusqu’au consommateur.
Démêler le bon grain de l’ivraie
Les dérives marketing
Les tentations de dérives marketing sont fortes, et le consommateur a intérêt à privilégier les démarches soutenues par les pouvoirs publics, ou initiées par des ONG reconnues : les associations environnementales sont de fort bons gardiens du temple.
Les effets pervers de la certification
Mais d’autres inconvénients viennent encore brouiller le tableau. La certification n’est pas la panacée. Les organismes certificateurs, aussi compétents qu’ils soient, et même accrédités, sont avant tout des entreprises, même s’ils prennent souvent la forme d’associations sans but lucratif. Même si leur activité est louable et leur but honnête, il n’est pas désintéressé. La tentation est forte d’accepter de mettre en place des certifications privées sans intérêt, mais rentables pour l’organisme. Même les plus célèbres organismes certificateurs tombent parfois dans ce travers.
Au surplus, la certification coûte cher. Elle renchérit donc le prix des produits. Son coût peut être aussi dissuasif pour les PME : ainsi, peu d’entre elles se sont engagées dans l’aventure de l’écolabel, certaines mêmes s’en sont désengagées… Les autorités, aussi bien nationales qu’européennes, ont pris conscience du problème et les derniers développements en matière de certification et d’écolabellisation s’attachent à le prendre en compte.
D’une manière générale aussi, les outils de validation du développement durable – analyse du cycle de vie, calcul de l’empreinte carbone, par exemple – sont trop complexes ou trop coûteux pour les petites entreprises. Le risque est donc grand de voir les grandes entreprises – producteurs ou distributeurs – s’arroger le monopole des allégations certifiées ou validées… Là encore, les travaux en cours essaient de trouver des solutions pour des indicateurs simplifiés – et cependant fiables - applicables aux PME.
Fiabilité des informations et contingences scientifiques
Enfin, les études sur le développement durable, le contenu même du concept, sont encore trop récents pour ne pas être marqués du coin de l’incertitude.
Qui aurait pensé, il y a quelques années, que bovins et ovins étaient à l’origine des plus importants rejets de gaz à effet de serre ? Qui avait prévu que les « agrocarburants » aggraveraient les difficultés des pays en développement en prenant la place des cultures vivrières ? L’amiante a été longtemps considéré comme un matériau miracle avant que l’on réalise ses effets désastreux sur l’environnement et la santé. Idem pour le plomb. Les nanotechnologies inquiètent, à juste titre, mais des nanoparticules – le noir de carbone par exemple - sont utilisées depuis des siècles sans dommage apparent.
Quant’ aux analyses de cycle de vie des produits, elles prennent en compte tellement de paramètres qu’elles multiplient les risques d’erreurs potentielles. Leurs conclusions, basées sur des analyses très sérieuses, mais peut-être trop théoriques, peuvent être mises à mal par l’observation de la réalité sur le terrain : le numéro de novembre 2006 de 60 millions de consommateurs révélait, après un test de 35 lessives en collaboration avec des agences de l’eau, que toutes les lessives, y compris les écolabellisées, avaient un effet destructeur ou perturbateur sur la nature quand elles sortaient des stations d’épuration et se jetaient dans les rivières et la mer. Ce qui avait provoqué une certaine émotion dans le petit monde de l’écolabellisation…
Est-ce à dire qu’il faut tout rejeter en bloc ? Certes non, mais la prudence s’impose avant d’émettre ou d’accepter des affirmations péremptoires dans un domaine neuf et en constante évolution. Et les connaissances doivent être constamment vérifiées, comme d’ailleurs dans toute science, mais plus particulièrement dans une matière qui touche à la survie de notre planète…
Les garde-fou
Le consommateur est cependant de mieux en mieux outillé.
L’intérêt porté par le grand public aux caractéristiques des produits au regard du développement durable est grandissant et les parts de marché des produits bio ou du commerce équitable sont en augmentation.
Les développements réglementaires – récents et à venir – sont nombreux qui visent à garantir une meilleure qualité des informations environnementales figurant sur les produits. Il faut aussi mentionner les efforts déployés au niveau européen par le Centre commun de recherches (Joint Research Center) de la Commission européenne, ou au niveau national par l’ADEME, pour fiabiliser tout en les simplifiant les méthodes d’évaluation environnementales.
Parallèlement, les professionnels et leurs organisations, confrontés à la pression d’une prise de conscience croissante, prennent maintenant l’information environnementale très au sérieux. Le « greenwashing » ne fait plus rire…
Enfin on peut compter sur la vigilance des organisations de consommateurs et des ONG environnementales. Ces dernières, en particulier, ont acquis une réputation de sérieux qui en fait des partenaires incontournables et respectés des professionnels.
Notes
(pour revenir au texte, cliquer sur le numéro de la note)[1] Ce qui signifie que ce produit peut aussi bien contenir 100% de bois certifié que 0% !
[2] On reconnaîtra ici le pragmatisme des ONG anglo-saxonnes, pour lesquelles l’alliance avec des professionnels dans le but de poursuivre un objectif commun n’est pas un gros mot…
dans l’Encyclopédie :
* Jean- Philippe Fouquet, L’ impact de la grande distribution sur l’environnement, N° (19) , Décembre 2006
* Jean-Paul Van Hoove, Le commerce équitable : une démarche exemplaire ?, N° (70) , Septembre 2008.
* Matthieu Calame, L’agriculture Biologique, N° (83) , Mars 2009.
- Pour connaître la liste des produits actualisée, on peut consulter :
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- www.eco-label.com (écolabel européen) ou
- www.ecolabel.fr.
- Plate-forme du commerce équitable-PFCE :www.commercequitable.org.
- info document (PDF – 829.4 kio)