Le devenir des forêts françaises face au changement climatique
Quelle forêt demain ? - Quelles essences ? - Comment lutter contre le risque incendie ? - La forêt française puits de carbone ?
Résumé
L’article traite du devenir des forêts françaises face au changement climatique en abordant, après un bref historique, les impacts de ce changement en s’interrogeant sur la nature des essences à privilégier ou à changer, sur leur sylviculture, sur les actions à mener pour limiter les incendies de forêt et leurs impacts, il donne des éléments sur les conséquences de cette situation sur le rôle de la forêt comme puits de carbone.
Il se termine par un aperçu rapide sur la forêt mondiale et sur la déforestation.
Auteur·e
Membre de l’AIGPEF.
Après avoir géré à l’ONF les forêts domaniales et communales du département des Vosges pendant 10 ans, puis avoir été le directeur de cabinet du Directeur Général de l’ONF, a été le Directeur Général de l’Institut technologique FCBA (Forêt, Cellulose, Bois-construction, Ameublement).
Membre de l’Académie Agriculture de France, Chevalier du Mérite Agricole, Officier de la Légion d’Honneur.
La forêt française métropolitaine occupe aujourd’hui pratiquement 31% du territoire [1] , avec des variations importantes selon les régions. A la fin du XVIIIème, c’est-à-dire au début de l’ère industrielle, elle ne totalisait guère plus de 8 millions d’hectares soit 16% du territoire, et n’avait plus rien à voir avec les forêts profondes du temps des Gaulois.
Les forêts étaient alors et depuis longtemps, surexploitées de toutes parts : défrichements pour des terres agricoles, défrichements loin de la mer pour la mise en eau d’étangs permettant la fourniture de poissons pour respecter les pratiques religieuses, exploitations du bois pour le chauffage des habitants sous forme de bûches ou de charbon de bois, et pour la construction, mais aussi et surtout pour fournir l’énergie nécessaire aux nombreuses briqueteries, verreries, fonderies, ferronneries, taillanderies, etc….
Pourtant, dès 1349 Philippe VI de Valois, par l’ « Ordonnance de Brunoy », confie aux forestiers une mission de protection afin que ces forêts « se puissent perpétuellement soustenir en bon estat », puis en 1669 l’ordonnance de Colbert « sur le fait des Eaux et Forêts », vise à protéger les forêts, mais insuffisamment et il faut attendre 1827 et « le Code Forestier », complété depuis, pour assurer la protection des forêts domaniales et communales, et plus récemment pour imposer des servitudes, y compris en forêts privées, notamment dans le cadre de défrichement et de la défense contre l’incendie.
Au-delà de ces règlements, c’est l’arrivée de l’utilisation d’une nouvelle source d’énergie, le charbon, et le développement industriel qui va s’en suivre, qui vont faire diminuer progressivement et fortement la pression sur l’exploitation du bois et faire que peu à peu, la forêt va s’étendre, aidée grâce :
- à la création, après la guerre, dès 1946 du Fonds Forestier National (FFN), financé par les exploitants forestiers et les scieurs puis par toute la profession industrielle. Il était destiné à aider au financement du reboisement par plantations notamment par les propriétaires privés et les collectivités territoriales. De 1946 à 2000, date de la fin du FFN, 2 millions d’hectares ont ainsi été reboisés ;
- aussi à la transformation, en 1965-66, de l’Administration Forestière en l’ONF, Office National des Forêts, pour une gestion plus dynamique des forêts de l’Etat et des Communes.
Aujourd’hui la forêt française couvre 31 % du territoire national (hors Outre-mer) soit 16,8 millions d’hectares (Mha), répartis en 4,2 Mha de forêts domaniales et communales et 12,6 Mha de forêts privées détenues par 3,5 millions de propriétaires. C’est une forêt composée d’essences feuillues pour les deux tiers, essentiellement du Chêne et du Hêtre, et résineuses pour le reste avec comme essences principales le sapin, l’épicéa, les pins, et le douglas plus récemment introduit.
Les deux cartes ci-dessous montrent par département l’importance de l’évolution entre 1908 et 2020.
Cette forêt assure trois grandes fonctions :
- La production de bois : environ 60 millions de mètres cube de bois sont récoltés chaque année, par le secteur de la transformation qui emploie 400 000 personnes soit le double du secteur de l’automobile. Ce prélèvement reste toutefois inférieur à l’accroissement annuel de la forêt alors qu’il est nécessaire d’importer, essentiellement des bois résineux pour répondre à la demande du marché, notamment celui de la construction. Les raisons principales de ces importations sont liées au fait que la forêt française est essentiellement composée de feuillus, qu’elle est très morcelée, qu’elle prospère sur des reliefs plus marqués que dans les pays nordiques et le Canada, rendant ses coûts d’exploitation pas toujours compétitifs.
- L’accueil du public qui est de plus en plus amateur de randonnées en forêt et qui veille sur celle-ci sans toujours en connaître sa biologie et tous ses apports,
- La protection de l’environnement dont il faut souligner les principaux aspects. La forêt :
- atténue le changement climatique en stockant le carbone dans le bois (« puits de carbone ») : la forêt française a séquestré 63 millions de tonnes de CO2 chaque année sur la période 2010-2015, ce qui a permis de compenser de l’ordre de 25% des émissions de CO2 (1m3 de bois stocke 1 tonne de CO2) ;
- fournit une ressource durable et une énergie renouvelable : le bois permet des constructions bas carbone et des produits écologiques et peut être utilisé comme une énergie renouvelable, mais rejetant alors le carbone dans l’atmosphère ;
- préserve la biodiversité en accueillant un grand nombre d’espèces d’arbres différentes et de nombreuses espèces animales et végétales. Des trois espaces, urbain, agricole, forestier, c’est le plus riche en matière de biodiversité ;
- joue un rôle important dans le cycle de l’eau : évapotranspiration des arbres d’où le rafraîchissement de l’air, filtrage de l’eau pour le captage d’eau potable ;
- protège la qualité et la rétention de l’eau dans les sols contre les inondations, reconstitue les sols notamment en montagne et prévient ou atténue les avalanches, chutes de blocs et glissements de terrain ;
- joue le rôle de porte-vent, diminuant leur violence pour les cultures.
Cela étant depuis une quarantaine d’années les forestiers ont observé de nombreux phénomènes aboutissant à une souffrance de la forêt face au phénomène des pluies acides dans l’Est dans les années 80, puis au changement climatique. Ils se sont préoccupés d’en chercher et découvrir les mécanismes afin d’imaginer les possibles évolutions. Les deux principaux constats, visibles par tout un chacun, sont :
- l’apparition de plus en plus fréquente d’arbres morts sur pied : soit individuellement, soit par pans entiers de versants, notamment dans l’Est de la France. On estime aujourd’hui que plus de 300 000 ha sont touchés.
- la très forte augmentation en 2022 des incendies de forêt, 62 000 ha de superficie brulée contre 9 000 en moyenne de 2006 à 2021. Même si la majorité des incendies résulte, hélas, d’actions humaines, la facilité avec laquelle le feu se répand traduit bien l’état de sécheresse du matériel forestier.
Cette situation conduit inévitablement à se poser trois grandes questions :
- quelle forêt demain ? et notamment quelles essences ?
- comment lutter contre le risque incendie ?
- comment va évoluer le rôle de puits de carbone joué par la forêt ? mais aussi celui des produits bois ?
1.1. Quelle forêt demain
Le changement climatique actuel, d’origine humaine essentiellement, largement constaté et étudié par le GIEC [2]. est d’une brutalité sans commune mesure avec les changements historiques et géologiques que les scientifiques ont pu analyser. La rapidité actuelle de l’évolution n’est pas en phase avec l’évolution de la forêt dont l’âge minimum des arbres pour atteindre la maturité est, hormis pour les peupliers, et dans les meilleurs des cas : d’environ 40 ans pour une sylviculture active du pin maritime, de 60 ans pour le douglas, de 80 ou 120 ans pour les résineux et le hêtre, enfin de 160 à 200 ans minimum pour le Chêne. Pour ce dernier nombre de nos forêts portent des arbres de bien plus de 200 ans voire plus de 350 ans.
Ce changement agit essentiellement par élévation de la température et par manque d’eau, mais aussi par une fréquence accrue des épisodes de tempêtes extrêmes. Si la forêt résiste assez bien à un épisode ponctuel de sécheresse, il n’en est pas de même avec l’évolution actuelle de périodes successives de plus en plus marquées.
L’élévation des températures conduit dans un premier temps à un débourrement plus précoce et une chute des feuilles plus tardive, allongeant ainsi la période de végétation de l’arbre et augmentant sa capacité de capture du CO2 et de ce fait sa croissance. Mais dans un deuxième temps, la persistance de la sécheresse, qui assèche aussi les réserves en eau du sol, va conduire pour l’arbre à une perte des feuilles plus rapide, à une réduction de sa capacité de croissance, et à une mise en détresse physiologique, réduisant sa capacité de lutte contre les champignons et insectes ravageurs, et le conduisant vers la mort.
En outre, cette élévation des températures est favorable au développement des insectes xylophages. Par exemple, le Bostryche typographe de l’épicéa est passé de 1 à 3 générations par an et le Sténographe du pin maritime compte maintenant une génération de plus. Ainsi les dégâts causés aux forêts par les insectes ravageurs ont clairement augmenté au cours des années : on estime que ces derniers sont 10 fois plus importants que les dégâts dus aux tempêtes et 50 fois plus importants que ceux dus aux feux de forêts (hors 2023).
Cette mise en détresse physiologique de l’arbre impacte aussi sa fructification dans son importance et sa fréquence, même si cet aspect n’est pas encore suffisamment évalué.
L’importance de ces dépérissements a conduit la communauté scientifique à rassembler les données connues d’évolutions des peuplements, à essayer de prévoir les évolutions possibles et bien sûr d’imaginer comment faire face.
Parmi les travaux lancés dès 2010, les cartes ci-dessous [3] donnent une idée des scénarios possibles aux horizons 2050 et 2100
Les bioclimats actuels et leur projection à 2050 et 2100
Apparaissent bien dans cette approche l’importance des bouleversements possibles, sachant que d’autres scénarios, bien qu’allant dans le même sens, sont plus prudents.
Le chêne (Chêne sessile et chêne pédonculé), première essence forestière en France serait touchée sur 30 à 40% de son aire actuelle. Son dépérissement est déjà bien visible dans certaines parties de la forêt de Fontainebleau.
Le hêtre deuxième essence serait touché sur 60 à 70% de son aire, et se réfugierait dans les zones montagneuses et le nord-est.
Le sapin, espèce à l’origine venue du sud, serait mieux adapté que l’épicéa venu du nord, et concerné pour 60% de son aire
L’épicéa, très largement utilisé en plantation depuis les années cinquante, notamment en plaine, verrait 90% de son étendue actuelle touchée…
Les pins sont des espèces importantes mais leurs réponses aux variations climatiques sont complexes. Peu exigeant ils sont recherchés pour coloniser les sols pauvres. Le pin maritime issu de régions chaudes s’est bien adapté historiquement au boisement des landes du sud-ouest et progresse vers le nord, notamment en Bretagne. Les espoirs sur cette essence doivent malgré tout être tempérés par les risques d’arrivée en France du nématode du Pin, (ver d’un coléoptère qui dépose ses œufs dans les interstices de l’écorce) qui sévit au Portugal.
Le pin sylvestre, dont les atteintes sont déjà visibles dans les limites méridionales de son aire, Alpes maritimes, n’augure pas d’une adaptation facile possible.
Le chêne vert, espèce méditerranéenne, devrait voir son aire climatique s’étendre comme le montre son développement naturel constaté dans plusieurs forêts de la côte vendéenne. Il s’agit cependant d’une colonisation naturelle, lente, puisque ces observations portent pratiquement sur un siècle (de 1900 à 2020), et ne sont absolument pas à l’échelle de l’évolution actuelle du climat, sauf intervention humaine volontaire.
Globalement on voit bien que les essences méditerranéennes et celles du sud-ouest remonteront vers le nord, à des rythmes variables, conduisant à des changements importants des écosystèmes, des paysages et de la nature des produits, notamment des produits bois, qui seront issus des forêts. En effet, les qualités du pin maritime ou du chêne vert, n’ont rien à voir avec celle du chêne, par exemple.
Il faut bien évidemment prendre ces approches avec prudence, tant les données des scénarios sont nombreuses. Elles donnent cependant l’orientation générale et permettent de travailler pour définir des pistes d’adaptation.
1.2. Quelles adaptations possibles
L’analyse des résultats des évolutions climatiques du quaternaire, dont les amplitudes ont été plus vastes que celle prévue dans le contexte du changement actuel de cause anthropique, et surtout longues dans la durée, montre essentiellement que la migration des espèces a été plus rapide que celle prévisible issue des vecteurs biotiques (insectes, oiseaux) ou abiotiques (vent). Ceci signifie que le potentiel génétique des peuplements est un facteur important de l’adaptation. Il faut bien évidemment en tenir compte tout en sachant que ces évolutions naturelles ne se font qu’au rythme du renouvellement de la forêt. Or, comme déjà souligné l’effet du réchauffement climatique est d’une rapidité bien plus grande que ces évolutions passées.
Les stratégies d’adaptation doivent donc combiner des objectifs à court, moyen et plus long terme. A court et moyen terme on va privilégier l’adaptation locale en essayant de limiter les impacts du changement climatique. A moyen long terme on va s’intéresser au renouvellement du peuplement, naturel ou artificiel, là où l’on peut jouer sur l’adaptation génétique et le changement d’essence.
A court et moyen terme : la diminution de la densité des arbres en phase de jeunesse (dépressage) et/ou au long de la vie du peuplement (éclaircies) peut être pilotée pour atténuer le stress hydrique : moins d’arbres à l’hectare utilisant les ressources en eau du sol. L’abaissement de la durée du cycle de production peut aussi réduire le temps d’exposition aux risques dans l’attente du renouvellement du peuplement. Une gestion par peuplements mélangés doit permettre à moyen terme de mieux gérer les incertitudes sur l’adaptation de certaines essences.
Au terme du renouvellement du peuplement : le choix entre un renouvellement par régénération naturelle ou par plantation offre une vraie possibilité.
En régénération naturelle, dans des peuplements mélangés, la diversité sera recherchée pour conserver un potentiel d’adaptation et le choix des arbres porte-graine devra privilégier un niveau élevé de diversité pour espérer obtenir une plus grande diversité génétique. Le changement d’essence dominante sera recherché, si l’une d’elle est mieux adaptée au changement climatique.
En plantation le choix devra être éclairé par les dernières données scientifiques, et les expérimentations en cours. Les choix des origines et de la sélection des plants seront fondamentaux. L’introduction en France depuis un siècle du douglas, ce résineux de l’ouest des Etats Unis qui se développe du Canada jusqu’en Californie sur 3 000 km avec des climats bien différents et de ce fait avec des adaptations génétiques spécifiques, montre l’importance du choix des provenances et de la sélections des plants dans l’évolution du climat.
Face au manque de connaissances et aux diverses actions entreprises pour faire face ou mieux comprendre et agir face à cette situation climatique nouvelle, il convient de citer, parmi les initiatives lancées :
- les actions et expérimentations de l’ONF, menées depuis au moins 10 ans, consistant à recueillir des graines d’essences forestières aux qualités renommées du centre ou du sud de la France, à les élever en pépinière et à les planter dans les régions nord de la France. C’est le cas du Chêne de la forêt de Tronçais dans l’Allier planté dans la Meuse, espérant deux choses, retrouver ainsi localement des conditions similaires à celle du passé de la graine, et une adaptation génétique intégrée sous l’effet de la pression climatique actuelle sur Tronçais ;
- les actions de RMT AFORCE, le Réseau Mixte Technologique sur l’Adaptation des Forêts au Changement climatique qui depuis 2011 regroupe 16 organismes de recherche, et 50 experts nationaux
- des expérimentations de nouvelles essences sont également lancées par les scientifiques et techniciens. Parmi ces projets il parait intéressant de citer le cas de « FuturForEst » le grand programme pour le nord-est de la France, région aujourd’hui particulièrement touchée. Ce programme qui vient de se lancer, va jusqu’à explorer la possibilité de trouver de nouvelles espèces utilisables en reboisement. Ainsi 8 ensembles biogéographiques du Grand Est ont été sélectionnés, sur lesquels ont été implantés de 2020 à 2023, 70 dispositifs tant en forêts publiques que privées et communales, sur la base de 2 000 plants par hectare protégés par une clôture contre le gibier. Les essences ont été retenues selon les critères suivants : tolérance au climat actuel (résistance aux gelées tardives et aux très basses températures), adaptations au changement climatique (adaptation à la sécheresse et aux fortes chaleurs), production de bois d’œuvre de qualité. Dix essences, cinq feuillues et cinq résineuses ont été sélectionnées :
- espèces feuillues : le Chêne de Hongrie, le Chêne pubescent, le Chêne des marais, le Noisetier de Byzance, le Copalme d’Amérique appelé aussi le Liquidambar déjà largement présent en arbre d’ornement dans nombre de lieux,
- espèces résineuses : le Sapin de Cilicie, le Pin de Macédoine, le Calocèdre, le Cyprès de l’Arizona, le Sequoia toujours vert.
Au-delà de ces quelques exemples très concrets de nombreuses actions ont été lancées avec notamment un véritable plan et un engagement de tous les partenaires de la filière forêt bois signé en décembre 2020, avec une enveloppe financière de 200 millions d’euros. Les grands axes en sont :
- aide au renouvellement et à la diversification des forêts,
- accélération des équipements de la filière graines et plants, avec renouvellement des vergers à graines,
- modernisation des entreprises de transformation du matériau bois,
- amélioration de la connaissance de l’état des lieux au niveau de la parcelle forestière grâce au Lidar.
Qui dit renouvellement de peuplement, signifie aussi pour beaucoup de personnes « coupe rase » de grandes surfaces et plantation mono-spécifique. En surface, ce type de coupe, toujours nécessaire dans certains cas, est aujourd’hui largement limité dans les règles techniques de l’Office National des Forêts pour les forêts soumises au Régime Forestier (forêts domaniales et Communales) et l’évolution du climat va bien vers des peuplements mélangés pour limiter les risques. L’orientation est donnée dans le même sens par les instances de la Forêt Privée, mais tous les propriétaires privés n’adhèrent pas à ces organisations, loin de là pour les petites surfaces.
Si le climat plus sec rend la forêt en général, et la forêt métropolitaine pour ce qui nous concerne, plus sensible au risque d’incendie, il n’en reste pas moins qu’elle a déjà, par le passé été très touchée.
La mémoire collective garde en mémoire la terrible année 1949 où le massif landais, qui s’étend sur environ 1,4 millions d’hectares, a vu sur l’année 131 000 ha partir en fumée, avec des journées noires, celles du 19 au 25 août où 52 000 ha ont été brûlés dont 25 000 de forêt, avec un bilan humain se montant à 82 morts. Le peu d’entretien des forêts pendant la guerre allié à 3 années de sécheresse avaient favorisé ce triste bilan et fait prendre conscience de la nécessité de mettre en place des mesures préventives.
Ainsi ont été mis en place progressivement des moyens nommés DFCI (Défense des Forêts Contre les Incendies) qui ont permis de limiter l’importance des feux.
Cela étant l’année 2022 avec ses 65 000 ha de forêts brulés relance la question des moyens de lutte…
2.1. Etat des lieux
Quelques chiffres : en 1976, 80 000 ha ont été touchés par le feu, dont la forêt de La Palmyre au nord de Royan ; en 1990, 20 000 ha rien que dans le sud-est ; en 2003, près de 60 000 ha notamment dans le sud-est et la Corse… depuis cette dernière date et jusqu’à 2022, les surfaces brûlées ont été significativement limitées avec de 2006 à 2021 moins de 10 000 ha par an en moyenne, ceci grâce aux interventions précoces, aux mesures de prévention, aux outils de surveillance des services de lutte et de secours, à la gestion forestière. Mais ces moyens restent insuffisants comme le rappelle l’année 2022 avec de surcroît notamment l’accélération de l’évolution du climat.
La sensibilité des forêts : la carte ci-dessous présente la moyenne annuelle du nombre d’incendies de forêts par département et souligne la forte sensibilité du sud-ouest avec les forêts de pin maritime et du sud-est aux essences mélangées, résineuses et feuillues, sachant que les espèces résineuses, de par leur constitution sont plus sensibles au feu.
L’origine humaine des feux : dans une nature sans l’homme, seule la foudre est susceptible de mettre le feu à la forêt. Les statistiques montrent, en France métropolitaine, que 9 feux sur 10 sont d’origine humaine : chantiers, activités agricoles, câbles électriques, mégots, barbecues, véhicules, incendies volontaires…et que 7 sur 10 sont dus à l’imprudence humaine.
Les impacts des feux de forêts : sans parler malheureusement parfois des morts d’hommes, les impacts sont nombreux et variés, parfois difficiles à évaluer tant les effets se produisent longtemps après le feu :
- impacts économiques : ce sont les dommages forestiers (produits ligneux et non-ligneux), pertes futures de production ou de produits de la chasse, coûts de la prévention et de la lutte contre les feux, coûts des assurances, dépenses de réhabilitation des forêts après incendie. Les pertes économiques consécutives aux incendies sont souvent sous-évaluées, car seules les pertes des forêts sont prises en compte, et non la valeur des biens et des services non marchands.
- impacts environnementaux : ce sont les conséquences sur la biodiversité, sur les paysages, l’apparition de nouveaux risques comme les glissements de terrains, l’érosion, les crues torrentielles, les avalanches en montagne, sans oublier les conséquences sur le régime hydrique, la qualité de l’eau, l’épuration de l’air, le stockage du carbone.
- impacts sociétaux : ce sont les menaces sur les personnes, les destructions de biens comme les maisons et/ou les infrastructures, l’évacuation des populations, les impacts sur la santé humaine, les transports, les activités agricoles, la destruction de sites archéologiques, culturels et touristiques…
Les dispositions actuelles de lutte : la lutte directe, et la prévention :milieu
Pour la lutte directe contre le feu des moyens importants de Défense de la Forêt Contre les Incendies ont été mis en place depuis de nombreuses années sous l’action du Ministère de l’Agriculture, du Ministère de l’Intérieur, des Conseils Généraux des départements les plus directement concernés, des Associations Syndicales Autorisées dans les Landes (SAS), des Sapeurs-pompiers forestiers dans les départements méditerranéens.
Parmi ces moyens il faut citer, la constitution de points d’eau, les tours de guet et vigie, les coupures de combustible (pare feux), les pistes de DFCI spécialement crées pour faciliter les accès des moyens de lutte, la mobilisation de près d’un millier de forestiers spécialisés des services déconcentrés de l’Etat (DDT(M)) [4] , de l’Office national des forêts (ONF) et les forestiers sapeurs de certains départements et leurs moyens de lutte terrestre, auxquels s’ajoutent les dispositifs aériens de la Sécurité Civile tant avec ses aéronefs de reconnaissance qu’avec ses canadairs et hélicoptères. Tout cela sans oublier les 10 000 personnes des membres des Comités Communaux Feux de Forêts (CCFF), ces bénévoles qui donnent de leur temps pour assurer des missions de surveillance et de guidage des services en charge de la lutte. Tout l’été, ils sont également chargés de l’information du public sur les risques et les éventuelles limitations de l’accès en forêt. Ils assurent parfois la logistique du dispositif de secours.
En matière de prévention il faut aussi citer :
- les mesures législatives du Code Forestier concernant l’Obligation Légale de Débroussaillement (OLD) dont le périmètre est précisé par arrêté préfectoral dans les zones sensibles et dont le respect doit être contrôlé par les Maires.
- la mise en place depuis 1987, de la DPFM Délégation à la Protection de la Forêt Méditerranéenne qui a pour mission de proposer et de mettre en œuvre la politique zonale de l’État en matière de prévention des incendies de forêts et d’assurer l’harmonisation de l’application départementale de cette politique interministérielle.
Pour être complet il faut aussi ajouter les forces de la Police et de la Gendarmerie mobilisées dans cette lutte tant pour aider au déplacement des populations quand cela est nécessaire, que pour rechercher les origines des feux et les délinquants.
2.2. Les constats
En matière de lutte contre les incendies, malgré tous les dispositifs existant, les moyens de lutte restent encore insuffisants, l’année 2022 vient de le montrer.
Les régions du sud-ouest et surtout du sud-est sont les plus touchées aujourd’hui. Mais des régions jusqu’ici épargnées, ont été impactées en 2022 : ce fut le cas de la Normandie, de la Bretagne, tout comme le département du Jura qui n’avait jamais connu encore l’importance d’un feu. Ça pourrait devenir le cas de la Sologne fortement enrésinée, les peuplements feuillus étant moins sensibles au développement des feux.
Dans le sud-est, notamment mais pas seulement, la densité de la population et le mitage du paysage amplifient les risques.
Le dépérissement des forêts, augmente l’inflammabilité des peuplements notamment par les arbres morts, avec comme exemple les peuplements résineux atteints par les bostryches et les scolytes.
Il faut aussi constater un nombre important de structures en charge de la prévention ou de la lutte contre les incendies de forêts, ce qui peut conduire à s’interroger sur l’optimisation de leur coordination.
Le coût de ces dispositions de lutte contre les incendies coûterait de l’ordre de 2 milliards d’euros par an actuellement.
Le rapport interministériel de 2010 sur les feux de forêts estimait à cette date que 30% des surfaces de la forêt française étaient exposées à un risque important d’incendies, et que ce risque atteindrait 50% à l’horizon 2050.
A la suite de cette année 2022 catastrophique, le gouvernement a présenté le 11 avril 2023 un dispositif spécifique pour les feux de forêt, avec d’une part une coordination nationale des moyens de lutte aériens, et d’autre part la mobilisation possible de 10 000 sapeurs-pompiers et sapeurs-sauveteurs tout au long de la période estivale et au-delà si les conditions météorologiques le nécessitent, avec leurs équipements matériels de commandement et de soutien accrus.
2.3. Comment lutter ?
A l’évidence, l’importance du facteur humain dans l’origine des feux est telle, qu’il n’est pas possible d’imaginer de la réduire totalement. La seule stratégie réaliste est d’accepter de « vivre avec les incendies de forêt » en les maintenant à un niveau acceptable pour la société, l’environnement et l’économie [5].
L’objectif, malgré les risques accrus dus au réchauffement climatique, consiste à limiter ces feux au maximum, avec des objectifs inférieurs à ceux de la période 2006 – 2021 sus citée, tout en évitant d’oublier, même si les résultats sont positifs qu’un cas comme 2003 ou 2022 est toujours possible.
Cette stratégie devrait s’appuyer sur l’anticipation et le contrôle des feux.
2.3.1. L’anticipation comprend plusieurs facettes :
L’évaluation des risques
C’est la conjonction entre les données climatiques conduisant à une période de sécheresse générant les risques d’incendies et l’état de la forêt, sa vulnérabilité liée à sa composition (type d’essences, état des sous étages, de sa desserte, de ses points d’eau, etc), pour en déduire en cas de naissance d’un feu ce qui dans la lutte relèvera, des forestiers ou de la sécurité civile. Cette évaluation doit tenir compte de plusieurs facteurs : d’une part de la probabilité d’une mise à feu d’origine humaine involontaire liée par exemple à l’imbrication des activités humaines en forêt (photo ci-contre), et d’autre part de la résilience au feu des formations forestières. Les cas dépendent des essences (feuillues ou résineuses), de la nature du sous-bois, forêt dense ou bien forêt claire où le feu peut passer vite, etc.
La prévention et l’anticipation des risques
La réflexion sur l’anticipation des risques doit aller jusqu’à envisager de modifier la forêt, puisque les arbres et le sous-bois en constitue le combustible. Agir sur ce combustible modifiera le comportement du feu et permettra ainsi de mieux le contrôler. Les actions possibles, à la disposition des forestiers gestionnaires peuvent être :
- la réduction de la biomasse en forêt grâce à la sylviculture et/ou au sylvo-pastoralisme qui réduit la végétation au sol et ralentit la propagation du feu ;
- le compartimentage du combustible par des coupures sans végétation, entre massifs (figure ci-contre et ci-dessous) ;
- la conversion du combustible en remplaçant une végétation par une autre, par exemple par des essences moins sensibles au feu, ou par des mélanges notamment résineux-feuillus, les feuillus étant plus lents à s’enflammer et à se consumer,
- l’adoption de pratiques permettant de limiter l’extension du feu aux cimes des arbres.
Pour ce faire, le combustible peut être traité en combinant plusieurs techniques : le brûlage dirigé, efficace et bon marché, qui réduit la végétation au sol. Il réduit aussi la hauteur des flammes limitant l’attaque des cimes par le feu ; ce peuvent être aussi le débroussaillement mécanique ou le pâturage contrôlé. La disposition spatiale de ces traitements à l’échelle du massif et du paysage doit être soigneusement planifiée.
Si certaines de ces actions peuvent demander du temps pour être mise en place si la forêt est déjà établie, elles devraient par contre être systématiquement mises en place lors des opérations de renouvellement de la forêt.
Formation, sensibilisation et éducation du public
C’est un point majeur notamment dans les zones à risque sur lequel il y a un gros effort à réaliser.
Simulation de la propagation des feux
Des travaux récents de recherche ont permis d’analyser les mécanismes de propagation du feu et d’évaluer l’influence des différents facteurs : vent, topographie et végétation. Des modèles de plus en plus précis sont élaborés pour comprendre et prédire le comportement des feux de forêt. Ils devraient permettre de mieux évaluer l’efficacité d’interventions sur la végétation destinées à réduire le risque d’incendie et de simuler la propagation d’un feu pour aider les forces en place à contenir ce dernier.
2.3.2. Lutte et contrôle des feux
Nombre de feux (A) et surface totale incendiée (B) en France entre 1973 et 2019 (Sources Prométhée et AAF)
Les graphiques ci-dessus montrent l’efficacité certaine des moyens mis en œuvre évoqués plus haut, pour les feux naissants comme pour la lutte avec une diminution des surfaces incendiées au cours des années.
Il faut aussi noter que la mise en alerte des moyens a aussi beaucoup progressée, grâce aux avancées de la science météorologique et à ses prédictions, bénéficiant d’une meilleure connaissance de l’état hydrique de la végétation, et des risques.
Il n’en reste pas moins que pour les régions les plus à risque, où « le grand feu » est toujours possible, il faudra d’une part rechercher à optimiser l’ensemble des procédures et moyens existant de prévention et d’autre part augmenter les moyens de lutte comme le cas de 2022 en a montré la nécessité, d’autant que l’évolution du climat ne fera qu’augmenter l’importance de ces risques, et ce sur une plus grande partie du territoire.
3.1. La situation actuelle
L’accroissement de la forêt métropolitaine française, déjà souligné, fait qu’au cours des 35 dernières années, le volume de bois s’est accru de près de 60% pour atteindre aujourd’hui 2,8 milliards de mètre cube (m3). Cet accroissement est lié à l’augmentation des surfaces mais aussi à une capitalisation du bois sur pied, puisque l’exploitation du bois est restée, en volume, inférieure à la production biologique. Ainsi le volume de bois à l’hectare est passé de 129 m3/ha en 1980 à 171 m3/ha aujourd’hui [6]. La hausse est plus marquée en feuillus qu’en résineux, ce qui s’explique par une plus grande demande de bois résineux, notamment dans la construction, et par les effets désastreux des tempêtes de 1999 et 2009 qui ont touché plus particulièrement les forêts résineuses (Grand-Est et Aquitaine).
Ce réservoir de carbone que constitue la forêt est alimenté, en plus ou en moins selon les cas, par les flux annuels liés à la croissance des arbres, leur respiration, la mortalité d’une partie d’entre eux, les chablis [7] et les prélèvements dus à l’exploitation. Et il faut en outre tenir compte de la part de CO2 stockée dans le sol par la forêt.
Cela conduit à la notion de volume séquestré en forêt. En outre, les produits bois récoltés et transformés par l’industrie du bois permettent dans un certain nombre de cas de remplacer des matériaux dont les processus de fabrication ou d’extraction sont plus énergivores que le bois, ce qui conduit à la notion de substitution, conduisant en fait à des émissions de CO2 évitées.
Ainsi, et avec les précautions d’usage compte tenu de la complexité des évaluations, il est possible de retenir les chiffes suivant pour la période 2010-2015 :
- séquestration annuelle du CO2 : 63 millions de tonnes dans la biomasse, et 20 millions de tonnes dans les sols, soit 83 millions de tonnes
- substitution annuelle de CO2 : 32 million de tonnes, sous forme de bois énergie se substituant aux énergies fossiles, et sous forme de bois matériau notamment de plus en plus présent dans la construction.
Pour la période 2015-2019, diverses sources donnent des résultats pour la séquestration dans la biomasse, tous à la baisse mais non convergents sur une même grandeur, la plus pessimiste annonçant une séquestration de 40 millions de tonnes par an pour la période, soit une baisse de l’ordre de 30%.
Effectivement pour cette période 2015-2019 trois principaux éléments ont provoqué cette baise :
- le ralentissement de la croissance des arbres de l’ordre de 10% à 15% selon les cas du fait des conditions climatiques difficiles (successions de sécheresse),
- une augmentation forte du développement des bio-agresseurs : soit des insectes xylophages comme entre autres les bostryches et scolytes sur les résineux ou des chenilles ou vers sur certains feuillus, soit des champignons qui profitent de cette faiblesse physiologique conduisant ainsi à une plus grande mortalité des arbres.
- en même temps les prélèvements ont également progressé, par une plus importante utilisation du bois dans la construction et par les récoltes rendues nécessaires dans les peuplements dépérissant.
3.2. La forêt française sera-t-elle toujours un puits de carbone ?
Le constat de ces dernières années montre un ralentissement du volume annuel de séquestration du carbone par la forêt bien que celui-ci reste très positif, et soit le principal puits de carbone naturel en France.
Il faut noter qu’il est partiellement compensé au travers de la récolte par le stockage du carbone dans les bâtiments notamment, et par la substitution aux autres matériaux non renouvelables et très énergivores.
La question est de savoir jusqu’où pourrait aller ce ralentissement, en d’autres termes comment ou jusqu’où pourra-t-on dans l’avenir compter sur la forêt française dans la lutte nationale pour réduite notre production de carbone ?
De là à s’interroger, comme lu dans Le Monde « Et si la forêt française n’absorbait plus de CO₂ ? Et si, au lieu de constituer un précieux puits de carbone, elle contribuait elle aussi à réchauffer le climat ? », c’est ne pas tenir compte de la réaction de la forêt face au changement climatique qui, comme nous l’avons vu plus haut, va voir les espèces du sud et du sud-ouest migrer vers le nord ou y être installées par les forestiers. La forêt sera donc toujours présente et captatrice de CO2.
C’est aussi ne pas prendre en compte l’effet de stockage du CO2 dans les produits forestiers (plusieurs centaines d’années pour les charpentes) et de l’effet substitution à des matériaux beaucoup plus émetteurs de carbone.
Cela étant, il faut effectivement souligner que ce fléchissement va continuer mais que plusieurs facteurs vont atténuer cette évolution à moyen terme, et peut être même la contrecarrer à plus long terme.
Il s’agit :
- des actions lancées, certaines depuis plus de 10 ans déjà, pour l’adaptation de la forêt au changement climatique comme cela est abordée dans la première partie de ce document : adaptation des sylvicultures d’une part, et d’autre part introduction d’espèces plus adaptées au climat, ou déplacement actif par plantations d’espèces du sud de la France vers le nord,
- de l’utilisation plus importante et déjà bien engagée du matériau bois, comme source d’énergie et comme matériau de construction, par effet de substitution,
- d’une meilleure maitrise de la lutte contre le feu en évitant ainsi une perte de séquestration,
- d’une continuation de l’augmentation des surfaces de la forêt, notamment suite aux déprises agricoles, ce qui ne semble pas se tarir actuellement.
Par ailleurs, la sensibilisation grandissante du public pour l’environnement ne pourra que jouer un rôle favorable pour la protection et l’expansion des surfaces forestières.
Il y a certes une baisse du rôle de la forêt dans sa participation à la réduction de l’effet de serre à court et moyen terme mais il ne peut pas s’agir d’une disparition de ce rôle, d’autant que la protection des forêts, voire leur augmentation de surface, est une valeur grandissante dans l’esprit du public et que la part de l’utilisation du bois, sous forme énergie ou matériau, est grandissante.
Aperçu au niveau mondial
La forêt occupe 31% des terres, soit 4 milliards d’hectares. Les forêts de cinq pays représentent 54% de cette surface, avec dans l’ordre décroissant : les pays de l’ancienne Fédération de Russie, le Brésil, le Canada, les Etats-Unis d’Amérique et la Chine.
On peut donc aussi s’interroger, à ce niveau, sur l’importance du puits de carbone et son évolution, quand on sait que la déforestation des régions tropicales, essentiellement pour l’agriculture, atteint depuis de nombreuses années la surface moyenne d’environ 10 millions d’ha par an et que depuis 2022 d’importants feux, non liés à la déforestation pour acculturation, ont détruit de vastes surfaces tant en Amérique du nord, qu’en Australie, et en Sibérie où ces feux couvent toujours sous la tourbe.
Concernant ces derniers feux la situation est préoccupante, car même si naturellement la forêt a une forte capacité à se régénérer, elle mettra du temps, même accompagnée par l’homme, pour retrouver sa capacité antérieure de captation du carbone.
Concernant les déforestations volontaires de forêts tropicales, si celles-ci se sont assez nettement tassées en Asie après, en partie, leur remplacement par les palmiers à huile, les déforestations actuelles proviennent essentiellement de l’Afrique et du Brésil.
Or, le Président actuel de ce dernier pays a pris lors de la COP28, l’engagement, en tant qu’organisateur de la COP30 au Brésil, de faire prendre d’ici 2030 un engagement de « zéro déforestation »….. Puisse cette promesse se réaliser….
Enfin, concernant les forêts tropicales non gérées, et sur le seul aspect carbone, il faut savoir qu’une forêt à son climat, ne stocke plus de carbone, puisque la quantité de carbone captée est en gros égale à la quantité de carbone relargué par la décomposition naturelle des bois morts. Elle ne joue donc plus, à ce stade, le rôle de puits de carbone. Par contre au moment d’un incendie éventuel il y a un large dégagement de carbone [8].
Il y a donc un déséquilibre qui continue à progresser, même si l’on peut espérer un ralentissement des déforestations.
Reste cependant une note plus optimiste, plusieurs pays, plutôt de l’hémisphère nord, voient leur surface forestière s’accroitre, soit par évolution naturelle, soit par plantations nouvelles. Ainsi la forêt européenne s’est accrue de 0,7 millions d’ha [9] par an au cours de ces 30 dernières années. Le Gouvernement français vient d’annoncer d’importants projets dans ce sens, et la Chine a lancé un vaste programme de plantations sur la base de 2 millions d’ha par an, sans que nous sachions cependant jusqu’à quel horizon.
Sans intégrer ce dernier regard rapide sur la forêt mondiale puits de carbone, le changement climatique bouleverse et bouleversera beaucoup de choses dans notre vie et celle de nos enfants. La forêt française a toujours montré, à travers les âges, ses possibilités d’adaptations naturelles ou provoquées, certes sur des périodes plus longues que ce que provoque le changement climatique actuel. Gageons que, grâce aux actions d’adaptation citées déjà en cours et qui vont se multiplier, nous saurons la mieux protéger contre le feu, et comme le disait un de mes professeurs à l’Ecole Forestière de Nancy nous saurons « hâter son œuvre » pour son adaptation à ce changement.
Notes
(pour revenir au texte, cliquer sur le numéro de la note)[1] L’Agriculture occupe 46% du territoire
[2] Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat
[3] Ref Badeau Loustau ed Quae 2010
[4] Direction départementale des territoires (et de la Mer, pour les départements côtiers), regroupant les anciennes DDA, DDE et DDAM .
[5] AAF la forêt et le bois en100 questions
[6] 200 m3/ha en forêts publiques ; 165 m3/ha en forêt privée
[7] Arbres renversés ou étêtés par le vent
[8] Ceci sans prendre en compte tous les bienfaits apportés par ces forêts tropicales non gérées.
[9] FAO .