Résumé
Conscientes des menaces et des enjeux environnementaux comme des inégalités sociales ou territoriales, les Régions ont un rôle déterminant à jouer dans la promotion du développement durable et sont engagées dans des politiques visant cet objectif depuis de nombreuses années.
Les Régions sont sur une logique de proposer un nouveau modèle de développement, plus soucieux des ressources naturelles et du bien-être humain.
Ce modèle ne peut s’accommoder d’indicateurs de type Produit Intérieur Brut, tant celui-ci, bien qu’étant un indicateur économique pertinent pour juger de l’accroissement de la production d’un pays, présente de nombreuses limites intrinsèques pour juger de l’état de bien-être ou de progrès d’un territoire.
La recherche de nouveaux indicateurs vise ainsi à donner la possibilité aux Régions françaises de se doter de nouveaux repères, de nouvelles boussoles, destinés à éclairer les politiques publiques régionales et à mieux connaître l’environnement dans lequel ces politiques sont menées.
Cette grille de lecture, à partir de nouveaux indicateurs de richesse et de développement, permet aussi aux Régions de porter un autre regard sur les richesses et de définir une vision partagée du développement durable des territoires.
Auteur·e
Docteur en sciences économiques, Grégory Marlier est chargé de mission statistiques depuis 2007 au Conseil Régional Nord – Pas de Calais au sein du service Observation et Prospective Régionale.
Il suit notamment le programme « Indicateurs 21 » qui vise à doter la Région Nord – Pas de Calais de nouveaux indicateurs de développement durable.
Chargé de mission au Conseil Régional Nord-Pas-de-Calais, Direction D2DPE (Direction du Développement Durable, de la Prospective et de l’Evaluation)
- 3 indicateurs alternatifs, complémentaires au PIB
- Un indicateur de développement humain pour les régions françaises
- Un indicateur de santé sociale pour les régions françaises
- 22 indicateurs de contexte de développement durable, choisis par les Régions, pour mieux (…)
- Des perspectives de travaux innovants et complémentaires dans les mois à venir
Lors de la précédente mandature, l’Association des Régions de France et sa commission Développement Durable ont retenu 3 nouveaux indicateurs de richesse comme indicateurs alternatifs au PIB : l’Empreinte Ecologique qui mesure la pression exercée par l’Homme sur la nature, l’Indicateur de Développement Humain (IDH-2) qui croise les dimensions santé, éducation et niveau de vie du développement humain défini par le PNUD et l’Indicateur de Santé Sociale, qui résume en quelques variables l’aspect multidimensionnel de la santé sociale des régions.
L’ARF avait notamment proposé ces indicateurs à l’Union Européenne lors de la consultation sur le Livre Vert de la Cohésion pour remplacer le PIB dans ses usages visant à répartir les Fonds Européens destinés à la cohésion sociale et territoriale après 2013.
Depuis, suite aux dernières élections régionales, la Commission Développement Durable est présidée par Jean-Jack Queyranne, Président de la Région Rhône-Alpes. Celui-ci a confié à Myriam Cau, Vice Présidente de la Région Nord - Pas de Calais au développement durable, à l’évaluation et à la démocratie participative, le soin de piloter, avec l’appui de la Direction du Développement Durable, de la Prospective et de l’Evaluation, un groupe de travail sur la question des indicateurs de développement humain et durable, sur la base des acquis de la précédente mandature.
Ce travail se résume en 3 points :
● la promotion de 3 nouveaux indicateurs de richesse choisis par les Régions, portant un éclairage sur le développement durable des régions françaises : l’Empreinte Ecologique qui mesure la pression exercée par l’Homme sur la nature, l’Indicateur de Développement Humain (IDH-2) qui croise les dimensions santé, éducation et niveau de vie du développement humain défini par le PNUD et l’Indicateur de Santé Sociale (ISS), qui résume en quelques variables l’aspect multidimensionnel de la santé sociale des régions.
Les auteurs et porteurs de ces indicateurs rassemblés au sein de FAIR (Forum pour d’Autres Indicateurs de Richesse) sont associés et régulièrement consultés sur cette démarche (Aurélien Boutaud, Jean Gadrey, Florence Jany-Catrice).
L’ARF avait notamment proposé ces indicateurs à l’Union Européenne lors de la consultation sur le Livre Vert de la Cohésion pour remplacer le PIB dans ses usages visant à répartir les Fonds Européens destinés à la cohésion sociale et territoriale après 2013.
● L’élaboration partagée d’un tableau de bord d’indicateurs de contexte de développement durable des régions françaises, à partir des indicateurs territoriaux de développement durable proposés par l’INSEE et le MEEDDM et des travaux régionaux pionniers menés en Midi-Pyrénées, Picardie et Nord – Pas de Calais par les Conseils Régionaux respectifs et les Directions régionales de l’INSEE concernées.
● La réalisation prochaine d’une liste d’indicateurs de suivi de l’action régionale en matière de développement durable, en lien notamment avec les Rapports de Développement Durable des Régions.
L’ empreinte écologique, créée par Mathis Wackernagel et William Rees, vise à mesurer la pression qu’exerce l’homme sur la nature. Elle est un outil qui cherche à quantifier la soutenabilité de nos modes de vie et part du principe que la plupart des consommations peuvent être évaluées sous la forme d’une surface (de terre ou de mer) biologiquement productive qu’il convient de mobiliser pour produire ce bien ou ce service.
Compte-tenu des éléments présentés dans le rapport de faisabilité de calcul de l’empreinte écologique à l’échelle régionale, réalisé par Aurélien Boutaud et Natacha Gondran pour le compte de l’ARF et de la Région Nord-Pas de Calais, deux temps sont retenus pour calculer une empreinte écologique à une échelle infranationale.
Le premier temps consiste à calculer l’empreinte écologique à partir des données du Global Footprint Network à l’échelle des ZEAT (Zones d’Etudes et d’Aménagement du Territoire). Ce travail sera abouti au second semestre 2012. Il permettra notamment de montrer l’intérêt d’un calcul à une échelle infranationale.
Le second temps consiste à calculer l’empreinte écologique à partir des tableaux d’entrées-sorties à l’échelle des régions. Ce travail permettrait à la fois de disposer d’une méthode plus maîtrisée et à l’échelle de compétence des Régions mais nécessite un temps d’investigation et de travail un peu plus long.
L’ Indicateur de Développement Humain (IDH-2) reprend les trois grandes dimensions du développement humain définies par le PNUD : la santé, l’éducation et le niveau de vie, à savoir la capacité à bénéficier d’une vie longue et saine, la capacité d’accès à l’éducation et aux connaissances et enfin la possibilité d’accéder aux ressources matérielles indispensables pour atteindre un niveau de vie décent.
La différence entre l’IDH-2 et sa version traditionnelle repose sur un choix des variables permettant de refléter ces dimensions davantage adaptées aux problématiques territoriales : le pourcentage de la population adulte diplômée, le revenu fiscal médian par unité de consommation, l’espérance de vie à la naissance (Hommes - Femmes).
L’ Indicateur de Santé Sociale (ISS) , créé par Florence Jany-Catrice et Rabih Zotti en 2009 à partir d’une démarche participative, est un indicateur composite reprenant huit grandes dimensions qui résument les grands enjeux sociaux contemporains et la santé sociale d’un territoire : l’éducation, la justice, le logement, la santé, le lien social, le lien interindividuel, les revenus, le travail et l’emploi. Ces deux dernières dimensions sont décomposées en sous dimensions : consommation, inégalités et fiscalité, pauvreté, salaires pour la dimension revenus ; chômage, conditions de travail, précarité, relations professionnelles pour la dimension travail et emploi.
Chaque dimension de l’ISS est composée d’une, ou plus rarement deux, variables combinées entre elles.
Les variables étant d’unités disparates, une normalisation comparative du type de celle retenue pour la construction de l’indicateur de développement humain du Programme des nations unies pour le développement est retenue : cette méthode consiste à attribuer pour chacune des variables la valeur « 0 » à la région qui possède la situation la plus dégradée et la valeur « 100 » à celle qui dispose de la meilleure situation. Les autres régions sont placées entre ces deux valeurs, selon une interpolation linéaire simple. En affectant une pondération égale à toutes les dimensions, on obtient un indicateur synthétique multidimensionnel qui résume les 8 dimensions, ou 14 sous-dimensions.
Plus l’ISS a une valeur élevée, plus la santé sociale du territoire est bonne, comparée à celles des autres régions métropolitaines.
Le calcul de l’IDH et de l’ISS montre notamment que richesse économique et santé sociale ne vont pas de pair.
Tableau de comparaison des régions en 2008 |
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Région | PIB/tête en € | Rang Pib/ tête | ISS en € | Rang ISS | IDH-2 en € | Rang IDH-2 |
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Île-de-France | 47 696 | 1 | 48,2 | 17 | 0,788 | 1 |
Rhône-Alpes | 30 513 | 2 | 61,8 | 7 | 0,763 | 3 |
Provence-Alpes-Côte d’Azur | 28 500 | 3 | 43,9 | 19 | 0,735 | 10 |
Alsace | 28 285 | 4 | 65,6 | 5 | 0,742 | 7 |
Champagne-Ardenne | 27 917 | 5 | 51,1 | 16 | 0,687 | 20 |
Haute-Normandie | 27 584 | 6 | 46,6 | 18 | 0,693 | 18 |
Pays de la Loire | 27 357 | 7 | 66,3 | 3 | 0,746 | 6 |
Aquitaine | 27 322 | 8 | 60,9 | 8 | 0,755 | 4 |
Midi-Pyrénées | 27 254 | 9 | 62,1 | 6 | 0,765 | 2 |
Bretagne | 26 530 | 10 | 67,6 | 2 | 0,755 | 5 |
Bourgogne | 26 459 | 11 | 57,7 | 13 | 0,721 | 14 |
Centre | 26 449 | 12 | 59,1 | 11 | 0,736 | 9 |
Auvergne | 25 260 | 13 | 65,9 | 4 | 0,735 | 11 |
Poitou-Charentes | 25 010 | 14 | 59,5 | 10 | 0,733 | 13 |
Franche-Comté | 24 908 | 15 | 60,5 | 9 | 0,733 | 12 |
Nord - Pas-de-Calais | 24 683 | 16 | 33,3 | 22 | 0,651 | 22 |
Basse-Normandie | 24 536 | 17 | 58,0 | 12 | 0,703 | 16 |
Lorraine | 24 497 | 18 | 53,7 | 15 | 0,696 | 17 |
Limousin | 24 296 | 19 | 71,3 | 1 | 0,742 | 8 |
Picardie | 23 872 | 20 | 38,4 | 21 | 0,664 | 21 |
Corse | 23 803 | 21 | 54,8 | 14 | 0,689 | 19 |
Languedoc-Roussillon | 23 741 | 22 | 42,5 | 20 | 0,711 | 15 |
France métropolitaine | 30 700 € | 53,8 € | 0,737 € | |||
* les valeurs indiquées sont en €
Source : « Développement Durable : la révolution des nouveaux indicateurs », Rapport de l’ARF, Janvier 2012
L’Ile-de-France bien qu’en excellente posture économique (1ère en classement de PIB par tête), perd 16 places au regard de la santé sociale mesurée par l’ISS, et se retrouve située entre la Champagne-Ardenne et la Haute Normandie. La région Provence-Alpes-Côte d’Azur est sur une trajectoire comparable : elle perd 16 places selon le critère de classement retenu : 3ème en termes de PIB/tête, elle glisse à la 19ème position en termes de santé sociale.
Le Nord – Pas de Calais, 16ème région française en termes de richesse économique mesurée par le PIB par habitant, est celle ayant l’ISS le plus faible des 22 régions métropolitaines.
A l’autre extrême, la Bretagne et l’Auvergne, et dans une moindre mesure, Midi-Pyrénées et Corse sont nettement plus performantes en termes d’ISS qu’en termes de PIB/tête. Le Limousin est dans une situation exceptionnelle puisque selon l’ISS, il est largement en tête de la santé sociale des régions françaises. En revanche, il est à la 19ème position du classement relativement à son PIB par tête.
En bas des classements en termes économiques, le Languedoc Roussillon et la Picardie ne réussissent pas à ajuster leur richesse économique par une meilleure santé sociale.
Ces résultats suggèrent la faible corrélation entre l’ISS et le PIB par tête. Même si on supprime l’Ile-de-France qui peut apparaitre comme dans une situation très particulière et très atypique, la corrélation reste très faible. Ceci signifie que dans les régions françaises en tout cas, un PIB plus élevé n’est pas un synonyme de meilleure santé sociale.
La régionalisation de l’Indicateur de Développement Humain (IDH-2) démontre également que des régions peuvent avoir un indicateur de développement relativement élevé sans pour autant faire parti des régions les plus riches sur le plan économique : c’est notamment le cas de la Bretagne et de Midi-Pyrénées.
Bien qu’ayant respectivement les 5 et 6ème PIB par habitant en France métropolitaine, la Champagne – Ardenne et la Haute-Normandie combinent un IDH-2 et un ISS inférieurs à la moyenne métropolitaine.
Par contre, en plus d’un développement économique et humain en retrait, le Languedoc Roussillon, la Corse, la Picardie, la Lorraine et le Nord – Pas de Calais sont également marqués par une santé sociale difficile.
L’objectif de cet axe de travail était de sélectionner une vingtaine d’indicateurs de contexte communs aux régions dans une liste regroupant notamment :
- les 48 indicateurs de développement durable territoriaux INSEE MEEDDM.
- les indicateurs des tableaux de bord du développement durable réalisés par les directions régionales de l’INSEE du Nord – Pas de Calais et de Midi-Pyrénées.
- la typologie des 15 indicateurs communs aux régions françaises établie par la direction régionale de l’INSEE - Nord-Pas de Calais.
Sur le plan méthodologique, chaque région disposait de 30 points, qu’elle a alloués aux indicateurs jugés les plus importants, selon la règle choisie.
La synthèse des sélections dégage 22 indicateurs, respectant un équilibre entre les différentes thématiques et les 3 piliers du développement durable.
Société de la connaissance et développement économique et social | ||
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Taux de création d’entreprises | Nombre d’emplois ESS pour 1000 emplois | |
Effort de recherche et développement en % du PIB | Taux d’accès des salariés à la formation continue | |
Consommation et production durables | ||
Part de la SAU en agriculture biologique | Quantité de déchets ménagers et assimilés collectés en kilogrammes par habitant | |
Changement climatique et maîtrise de l’énergie | ||
Part de l’électricité renouvelable dans la consommation électrique | Consommation d’énergie finale rapportée au PIB régional | |
(évolution de la consommation d’énergie finale entre 1990 et 2008 rapportée au PIB) | ||
Emissions de gaz à effet de serre par habitant en tonnes équivalent CO2 | Part du rail et du fluvial dans le transport intérieur de marchandises, hors transit | |
Transports et modalités durables | ||
Evolution des parts modales de déplacement domicile travail | ||
Conservation et gestion des ressources naturelles | ||
Part des espaces artificialisés | Evolution de l’indice d’abondance des populations d’oiseaux communs | |
Santé publique, prévention et gestion des risques | ||
Espérance de vie de la population | Qualité de l’air : Nombre de jours où l’indice Atmo est médiocre, mauvais ou très mauvais | |
Cohésion sociale et territoriale | ||
Taux de chômage localisés | Rapport revenus salariaux des femmes / revenus salariaux des hommes | |
Taux de pauvreté monétaire | Taux de sortie sans qualification | |
Rapport interdécile du niveau de vie par unité de consommation | ||
Bonne gouvernance et lien social | ||
Nombre d’Agendas 21 reconnus et répertoriés par région | Taux d’adhésion à au moins une association | |
- Un calcul de l’empreinte écologique à l’échelle des régions françaises à partir des comptes nationaux d’empreinte écologique réalisés par le Global Footprint Network présidé par l’un des pères de l’empreinte écologique, Mathis Wackernagel ;
- Un calcul expérimental de l’empreinte écologique basée sur des données de comptabilité nationale à l’instar de ce qui a été réalisé de manière innovante en Grande-Bretagne par le Stockholm Environment Institute ;
- Une meilleure mesure du lien social dans les régions françaises ;
- Des indicateurs de suivi des politiques régionales en matière de développement durable qui illustrent les rapports Développement Durable que les Régions et les collectivités locales de plus de 50 000 habitants devront réaliser (lois Grenelle) ;
- La promotion de nouveaux usages de ces indicateurs alternatifs, notamment dans les débats européens à propos des politiques de cohésion, voire dans les débats nationaux autour des priorités de l’Etat en matière d’allocation de ressources financières aux collectivités territoriales.
Les travaux de l’ARF, sous la conduite de Myriam Cau, Vice-Présidente de la Région Nord-Pas de Calais en charge du développement durable, de la démocratie participative et de l’évaluation, ont donc permis de créer des déclinaisons régionales d’indicateurs synthétiques comme l’Indicateur de Développement Humain ou l’Indicateur de Santé Sociale. S’ajoutent à ces indicateurs alternatifs au PIB, vingt deux indicateurs de contexte allant du taux de création d’entreprises à la qualité de l’air, en passant par la part de la population adhérant à une association.
Cette batterie de nouveaux indicateurs va permettre d’affiner le pilotage des politiques publiques conduites par les Régions et définit une vision partagée d’un développement humain et durable.
L’ARF a maintenant l’ambition de les populariser sur le plan international, en particulier au niveau européen où ils pourraient aider à une meilleure péréquation des fonds de cohésion.
Contacts : Région Nord – Pas de Calais, Direction du Développement Durable, de la Prospective et de l’Evaluation
- Pierre-Jean Lorens, Directeur pierre-jean.lorens@nordpasdecalais.fr
- Grégory Marlier, Chargé de mission gregory.marlier@nordpasdecalais.fr
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