Lettre n°04 ----- Automne 2017
Plusieurs actualités récentes ont mis l’agriculture et l’alimentation au centre du débat public en France : l’affaire du glyphosate et les négociations sur son interdiction au niveau européen, les oppositions au CETA et ses conséquences possibles sur l’agriculture et les produits mis sur le marché en Europe, les controverses sur les droits des animaux et la consommation future de viande et enfin le lancement d’Etats Généraux sur l’agriculture et l’alimentation. Cette conjonction n’est pas un effet du hasard. De fait, ces deux thèmes sont désormais directement ou indirectement présents dans la plupart des dimensions de notre vie sociale ou politique, depuis la géopolitique et les migrations internationales jusqu’aux modes de vie quotidiens en passant par l’emploi, le développement territorial, l’environnement ou le changement climatique.
Se nourrir sainement y compris boire sainement est fondamental. C’est pour beaucoup un besoin non satisfait : 1 personne sur 9 souffre de la faim dans le monde, près de 800 millions de personnes restent privées d’eau potable pendant que l’obésité touche près de 650 millions d’adultes soit 13 % de la population mondiale. Faire face à la démographie grandissante devrait, selon beaucoup d’experts, conduire à doubler les productions alimentaires. Mais, cela a été, trop souvent le prétexte à une agriculture de plus en plus intensive, à la recherche du moindre coût pour le consommateur et de chiffres d’affaires croissants pour l’industrie et le commerce. Beaucoup moins pris en compte la santé des hommes et les effets sur les écosystèmes et les ressources (eau, sol, énergie) tous essentiels aux générations à venir.
Répondre à ces défis oblige à une transformation profonde des modes de faire des nombreux acteurs en présence : des agriculteurs aux consommateurs, en passant par ceux de l’industrie, la recherche, la médecine, le commerce, la restauration. « L’agroalimentaire » regroupe une multitude d’acteurs et de métiers aux objectifs et contraintes différents.
L’encyclopédie du développement durable aborde ces questions dans de nombreux articles, et aujourd’hui dans deux nouveaux articles, à la recherche comme Marc Dufumier de « systèmes de production agricole inspirés de l’agro-écologie aptes à constituer une alternative aux conceptions strictement “productivistes”, tout en permettant de satisfaire durablement les besoins chaque jour plus diversifiés. »
Les modes alimentaires changent : se nourrir est aussi culturel. Les agricultures dans le monde font face au changement du climat (3) . L’offre alimentaire doit satisfaire une demande de produits bio (19), sans OGM (1,11), issue d’un commerce équitable (6,20) et garantir la juste rémunération des producteurs tout en rapprochant production et consommation locale comme mondiale (5,17,18,21). Cette transformation doit prendre en compte la révolution numérique qui affecte aussi bien les techniques agricoles et la commercialisation, penser économie circulaire (9) dans la transformation des produits, faire appel à la vigilance citoyenne par une transparence de la chaîne de production et de consommation (15) en prévenant les gaspillages (4) et en évitant les souffrances animales inutiles.
Le métier d’agriculteur doit, dès lors, s’exercer différemment : il devra respecter l’écosystème sol (4,13,22), remettre en cause les habitudes de monoculture qui fragilisent les milieux et exigent un recours massif aux produits phytosanitaires préjudiciables à la santé humaine comme à la biodiversité, réduire drastiquement l’utilisation des engrais chimiques qui polluent les eaux (8). La recherche, en se gardant des conflits d’intérêt, devra se réorienter pour répondre à ces nouvelles donnes, qu’il s’agisse des biotechnologies (2), de la formulation des nouveaux produits mis sur le marché, de la mise au point de nouvelles techniques ou procédures de travail ou encore de l’invention de machines adaptées. L’échange et la transmission des connaissances et des savoir-faire sont essentiels pour prendre ce virage. L’enseignement, notamment l’enseignement agricole, mais pas que, est LE maillon pour dispenser les bases de ce nouveau paradigme qui nécessite un changement systémique et une vision dynamique de long terme.
A lire : les derniers articles mis en ligne
( 1) - Mathilde Soret : OGM : quel bilan ?, (2017)
Un OGM est communément défini comme un micro-organisme ou un organisme vivant (animal ou végétal) dont le patrimoine génétique a été modifié par intervention humaine, Les OGM recouvrent principalement les plantes génétiquement modifiées (PGM) utilisées en vue de produire ou de tolérer des pesticides, de s’adapter à d’autres milieux naturels ou d’améliorer la qualité nutritive d’un aliment. Ces variétés ont le plus souvent pour objectif d’accroître les rendements agricoles, mais soulèvent également de nombreuses questions et inquiétudes en matière de risques sanitaires et environnementaux. Les données les plus récentes mettent en doute la rentabilité économique de ces organismes, et ainsi questionnent leur intérêt réel.
( 2) - Dominique Planchenault : Evolution des biotechnologies végétales, (2017)
Point sur les techniques actuelles sur les biotechnologies végétales, balayant largement les techniques utilisées depuis l’antiquité par les agriculteurs visant à sélectionner les graines issues d’espèces végétales comestibles jusqu’aux techniques les plus modernes nous permettant d’agir sur le génome. Ces nouveaux outils biotechnologiques sont l’objet de multiples contestations et de doutes qui concernent des aspects variés de l’agriculture, de l’environnement, de la sociologie, de l’éthique et même parfois de la morale.
A relire dans l’EDD :
( 3) - Les agricultures du monde face au dérèglement du climat, (2016), François Papy
( 4) - Les terres éléments clés pour l’avenir du climat et de l’alimentation humaine, (2016), André-Jean Guérin
( 5) - Rennes, Ville Vivrière ?, (2015), Prospective proposée par Catherine Darrot et les étudiants d’Agrocampus Ouest (option « Agriculture Durable et Développement Territorial »)
( 6) - Le commerce équitable. Un mouvement citoyen mondial, (2014), Marc Dufumier
( 7) - Agriculture et alimentation : comment produire plus et mieux avec moins de ressources biologiques ?, (2013), Marie Chéron et Fanny Deleris
( 8) - Développement Durable Bretagne : un grand enjeu la qualité de l’eau, (2012), Françoise Gourio-Mousel et Catherine Lapierre
( 9) - L’écologie industrielle ; déchets, (2012), Paul Schalchli
(10) - Les collectivités locales, actrices du développement de l’agriculture biologique sur leur territoire, (2011), Anne Haegelin et Julien Labriet
(11) - Quelles politiques publiques pour les Plantes Génétiquement Modifiées ?, (2011), Christian Bourdel
(12) - Pour une agriculture efficace sur les plans économique, social, environnemental, avec des produits de qualité, (2011), André Pochon
(13) - La seule agriculture durable est celle qui respecte les lois de la biologie du sol., (2011), Lydia & Claude Bourguignon
(14) - Quelles agricultures “durables” pour nourrir correctement l’humanité ?, (2010), Marc Dufumier
(15) - Les signes de qualité concernant l’environnement et le développement durable en France et en Europe, (2010), Patrice Gruszkowski
(16) - La proximité entre l’espace rural et la métropole francilienne invite à tisser de nouveaux équilibres autour d’une agriculture citoyenne et territoriale, (2010) , Baptiste Sanson
(17) - IAASTD Une expertise collective internationale sur le rôle des connaissances, des sciences et technologies agricoles pour le développement, (2010), Jacques Loyat
(18) - Agrimonde1- Un scénario pour des agricultures et des alimentations durables dans le monde à l’horizon 2050, (2010), Sandrine Paillard et Ronzon Tevezia
(19) - L’agriculture Biologique, (2009), Matthieu Calame
(20) - Le commerce équitable : une démarche exemplaire ?, (2008), Jean-Paul Van Hoove
(21) - Pour une agriculture et une alimentation réellement durables. Quelles politiques Européennes ?, (2008), Aurélie Trouvé
(22) - Sols et développement durable., (2006), Alain Ruellan
(23) - La biopiraterie., (2006), Catherine Aubertin